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Dans la série trading gagnant avec ichimoku, la suite ...

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Comment faire du scalping avec Ichimoku

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124 - Le lardon des offenses

March 19th 2022 at 16:07

(Pour ThaĂŻs)

Les campagnes d'affichage publicitaire successives de Coinhouse et de Paymium auront sans doute moins suscité de commentaires parmi les fans de Bitcoin et autres actifs cryptographiques  comme disent pompeusement les législateurs et régulateurs, que celle, totalement imprévue, des lardons végétaux.

Parmi les commentaires les plus fins que j'ai glanés de-ci de-là, il y a le rieur :  l'agence de pub a sûrement eu cette idée en sortant de boßte à 4h du mat'  ou le critique  leur produit est vraiment naze ; des végétariens qui veulent des lardons, c'est quoi ce délire ? Mais bon comme on dit, tant que y'a des cons pour acheter  mais aussi le fataliste  la FNSEA est déjà en train de cuisiner le projet de loi sur le mot lardon  ou le politique  trop bizarre la nouvelle campagne de Fabien Roussel .

Pour ĂȘtre franc, je ne me suis mis Ă  y rĂ©flĂ©chir moi-mĂȘme sĂ©rieusement qu'en dĂ©couvrant, cabas en main, une autre affiche, devant mon marchĂ©.

Et lĂ , Δ᜕ρηÎșα... j'ai tout compris.

Ce sont moins ArchimĂšde et son levier, en rĂ©alitĂ©, que Copernic et son renversement de perspective qui sont venus Ă  mon secours. Il ne s'agit pas du lardon, dont le budget pub nous aura seulement offert une redoutable campagne subliminale. Il s'agit bien de Bitcoin. Souvent viandards (mĂȘme si j'ai toujours un ou deux vegans aux Repas du Coin) mes amis bitcoineurs n'ont pas bien perçu la chose. Ils ont Ă©tĂ© victimes du lardon, dans le 3Ăšme sens (raillerie, sarcasme) que le dictionnaire attribue au mot et dont Sainte-Beuve ou MĂ©rimĂ©e usaient encore il y a 150 ans.

Le sarcasme cible ici trÚs clairement, et pas seulement sur l'uniqueaffiche qui en cite le nom, la situation de Bitcoin en France, ce pays qui passe à cÎté de son futur.

Renseignons-nous d'abord sur le client.

 Avec son univers décalé, La Vieℱ souhaite accompagner en douceur les consommateurs vers les substituts végétaux, plus respectueux de l’environnement et plus sains . Pas de quoi les accuser de vouloir faire interdire la PoW au nom de l'environnement, comme certains Ă©colos mal informĂ©s. Le plus probable est qu'ils s'en tamponnent paisiblement. Je n'ai que 13 relations en commun sur LinkedIn avec l'un des deux crĂ©ateurs de la boite et une seule avec le second. Notons quand mĂȘme qu'ils sont dĂ©calĂ©s et que l'inclinaison des lardons sur les affiches est sensiblement comparable celle du logo de Bitcoin.

Quid de l'agence maintenant ?

L'Agence Buzzman, dĂ©jĂ  Best International Small Agency of The Year 2011 puis Agence de l’annĂ©e au Cristal Festival en 2013 et 2016 et pareillement aux Effie France de 2016 et 2021, rĂ©guliĂšrement distinguĂ©e jusqu'Ă  ĂȘtre reconnue Agence Française la plus CrĂ©ative en 2019 et Agence de PublicitĂ© de la DĂ©cennie en 2020 n'est pas un repĂšre de dingues fonctionnant au gag vaseux ou Ă©culĂ©. Surprise ? J'ai 31 relations en commun avec son prĂ©sident...

Que nous dit, en réalité, leur campagne ?

Ce lardon végétal ambitionne littéralement de changer le monde et de réajuster les relations sociales. Il est donc juste et bon de le comparer à Bitcoin.

Les critiques des viandards sont d'ailleurs (mĂȘme si je ne crois pas qu'ils s'en soient rendu compte) exactement parallĂšles Ă  celles des financiers enragĂ©s parce qu'il manquerait quelque chose Ă  Bitcoin pour en faire une vraie monnaie.

Le lardon vĂ©gĂ©tal introduit une critique radicale du lardon, non en en promouvant un qui serait  sans nitrite  ou ornĂ© de ces labels complaisants que l'on retrouve dans la finance comme dans l'alimentation (responsable, solidaire, circuit court et vous m'en direz tant) mais en faisant un lardon sans porc, comme Bitcoin est une monnaie sans la garantie de État, ou une eau sans Ă©lectrolytes.

À l'unique diffĂ©rence, qu'il ne faut pas perdre de vue en temps de guerre, que l'on tue le cochon mais que ce sont les États qui tuent.

Et si ce lardon peut ĂȘtre vendu en France avec ce type d'affiche, c'est parce le pays de Pasteur a, seul parmi les membres permanents du Conseil de SĂ©curitĂ©, Ă©chouĂ© Ă  dĂ©velopper un vaccin contre le Covid. La critique, peut-ĂȘtre nĂ©e Ă  l'extrĂȘme-droite, n'en est pas moins pertinente et a suscitĂ© un dĂ©bat mal Ă©touffĂ©). C'est parce que le pays de Louis Renault et des Peugeot a perdu bien du terrain dans l'automobile, ce qu'illustre le destin de l'Ăźle Seguin passĂ©e comme le dit sans fard ni honte son promoteur de l'Ăźle industrielle Ă  l'Ăźle crĂ©ative, numĂ©rique et durable. Et c'est parce que notre seul futur possible consiste aujourd'hui Ă  tenter de conserver notre faible avantage dans l'art de bien vivre et de bien manger, devenu de façon pathĂ©tique un argument pour politiciens Ă  court d'idĂ©es.

L'apostrophe  vous ĂȘtes dĂ©jĂ  passĂ© Ă  cĂŽtĂ© du Bitcoin semble ne s'adresser, grammaticalement, qu'au seul passant, c'est Ă  dire Ă  un individu lambda, salariĂ© extĂ©nuĂ©, Ă©pargnant flouĂ©. C'est la vielle antienne journalistique :  celui qui a mis ses Ă©conomies en Bitcoin en 2009 est aujourd'hui multimilliardaire  transformĂ©e en argument de vente.

Mais selon moi elle s'adresse rĂ©ellement, et je ne sais pas si ça les fait sourire, au fonctionnaire bornĂ©, au rĂ©gulateur maniaque, Ă  l'Ă©conomiste verbeux, au banquier rentier. Peut-ĂȘtre, quand mĂȘme, Ă  se moquer ainsi publiquement d'eux, leur fait-elle un peu honte et doit-elle faire honte au pays qu'ils dirigent.

DerriĂšre le lard sans cochon que cette affiche vend, il faut voir le cochon sans lard, sans liard et sans armes que notre pays est devenu.

123 - Ponzi et Pince-moi sont sur un yacht...

February 13th 2022 at 19:27

Comme bien des gens, j'ai découvert récemment l'histoire de l'Arnaqueur de Tinder (Tinder Swindler) que l'on pourrait malicieusement résumer en disant qu'il s'agit d'une affaires  d'échanges sur Internet .

Je ne vais analyser ici, de cette affaire qui à de trÚs nombreux égards est emblématique de notre époque, que ce qui me parait intéresser directement ceux qui veulent réfléchir autour de Bitcoin.

Parce qu'au cƓur d'une arnaque, au-delĂ  de l'indĂ©licatesse sentimentale, du mĂ©pris de l'ĂȘtre humain, de l'appĂąt d'un gain indĂ» et de la soif de jouissances tape-Ă -l'oeil, il y a essentiellement l'identitĂ© (le renard sous la peau de l'agneau) et... les gros sous. Deux sujets adressĂ©s par  la technologie blockchain  comme on dit.

D'abord il y a la double (au moins) identité du héros.

On ne peut qu'ĂȘtre frappĂ© par l'aisance avec laquelle cet homme, nĂ© Shimon Yehuda Hayut, documente une identitĂ© qui n'est pas seulement fausse mais usurpĂ©e, celle du fils supposĂ© du couple Lev and Olga Leviev, dont aucun des neuf enfants ne portent le prĂ©nom de Simon. Exactement comme sur sa photo de famille, il s'incruste par copier-coller sur la rĂ©alitĂ©.

Le coĂ»t de cette opĂ©ration est, comme celui de pratiquement toutes les fraudes numĂ©riques, infime ou nul. Mon lecteur et moi pouvons, en quelques minutes et sans quitter notre clavier, poster une photo de nous incrustĂ©s comme le personnage du Zelig de Woody Allen au milieu de la famille X ou Y, siĂ©geant au Conseil de la Banque Truc ou de l'AutoritĂ© de RĂ©gulation Machin. En faire usage ensuite sur les rĂ©seaux sociaux ne doit guĂšre ĂȘtre puni bien sĂ©vĂšrement.

Plus l'identification d'un ĂȘtre humain repose sur des rĂ©alitĂ©s numĂ©riques (ou numĂ©risĂ©es) plus grandit l'espace par oĂč s'infiltrer. Ainsi il n'est pas non plus bien difficile de se procurer une facture EDF, cette dĂ©risoire clĂ© de voĂ»te du KYC bancaire : on trouve tout ce qui est nĂ©cessaire en ligne pour cela (exemple ancien, par prudence) et le fait que le technicien ne se dĂ©range plus (merci Linky) doit arranger encore la tĂąche.

Or dans l'affaire de l'Arnaqueur de Tinder, mis à part l'acte sexuel, toutes les interactions des malheureuses se sont déroulées avec un avatar.

Dans un bal masqué cela ne manquerait pas de pimenter la chose, à la maniÚre d'un gracieux marivaudage. Il faut juste laisser sa carte de paiement bien loin des pattes de son cavalier.

J'en reste là, incitant mes lecteurs à faire l'acquisition du pertinent ouvrage de mon ami Alexis Roussel et de Grégoire Barbey, Notre si précieuse intégrité numérique, préface de Jacques Favier, sans pseudonyme.

L'arnaque mĂ©rite-t-elle d'ĂȘtre dĂ©crite comme un Ponzi ?

C'est ce que fait la presse grand public (ici Marie-Claire) :  l'enquĂȘte du journal VG - ainsi que le documentaire - rĂ©vĂšlent une arnaque basĂ©e sur un modĂšle de pyramide de Ponzi : Cecilie payait pour Pernilla, Pernilla payait pour la suivante, ect
  .

Or il saute aux yeux qu'il n'en est rien : Cecilie a, si l'on veut, payĂ© le repas de Pernilla, mais elle ne l'a pas remboursĂ©e. On pourrait dire qu'elle a payĂ© le Dom Perignon d'un soir, Pernilla la suite royale d'une nuit et Ayleen la Lambo. Aucune d'entre elle n'a jamais Ă©tĂ© remboursĂ©e avec de gros intĂ©rĂȘts comme les clients chanceux d'un Ponzi qui se sauvent avant l'effondrement de la pyramide.

Dans un monde d'inculture financiĂšre, cet emploi inexact du nom de Charles Ponzi a cependant de quoi consoler celui qui lit du soir au matin des boutades de banquiers ou des approximations de journalistes faisant de Bitcoin un Ponzi.

Le Cercle du Coin avait organisé une rencontre avec Marc Artzrouni, mathématicien spécialiste reconnu du Ponzi (et à titre personnel peu favorable à Bitcoin) : il avait fait justice de cette assimilation inculte. Ceux qui ont un peu de temps et de curiosité peuvent revoir sa conférence ici.

Oublions Ponzi, non sans rappeler (par méchanceté) que la plupart des banquiers qui nous en parlent ont vendu du fonds Madoff, authentique pyramide, pour le coup.

Parlons donc de l'essentiel : des banques.

Les trois malheureuses héroïnes seraient toujours en train de rembourser, chaque mois, et certainement au taux d'usure, une somme totale de 600.000 dollars en principal.

Comme on le voit dans le documentaire, chacune a pu, en quelques heures et sur la base de bulletins de salaires contrefaits obtenir des prĂȘts Ă  5 chiffres. Non pas une fois, mais trois, quatre voire cinq fois.

Aucune enquĂȘte ? Aucune centralisation par la Banque centrale, ou aucune consultation du fichier des emprunteurs s'il existe ? Aucune inquiĂ©tude d'Amex et autres quand l'encours de la carte de paiement est rechargĂ© 3 fois en 3 semaines par 3 crĂ©dits personnels ?

Curieusement les documents que l'on aperçoit Ă  la dĂ©robĂ©e dans le documentaire semblent presque absents d'Internet oĂč ne demeurent que les photos du BG Ă  tĂȘte de pervers et de ses noubas de petit mec sorti des bas-fonds.

Ah la belle chose que l'audace des banques, si promptes soudain, alors qu'on les connaßt si prudentes en général !

Je ne sais si l'on finira par incriminer le je-m'en-foutisme des banques, si soupçonneuses quand un client dépose 500 euros en cash ou 5.000 en liquide, mais si peu responsables en réalité dÚs qu'elles sont protégées par la violence des contrats et des lois.

Il y aurait encore une chose Ă  leur reprocher : l'arnaqueur, parmi les mensonges qui ont pu le rendre crĂ©dible mĂȘme aux moments de crise, invoquait systĂ©matiquement la lenteur des transferts bancaires. Car la terre entiĂšre sait que l'argent promis arrive toujours le lendemain (au mieux) du jour prĂ©vu, que le SEPA n'est ni gratuit ni instantanĂ©, pour dix mille raisons et notamment  pour votre sĂ©curitĂ©. Un paiement en Bitcoin ne se fait pas attendre, et cette diffĂ©rence est considĂ©rable.

Pourtant, si l'une des banques de Cecilie aurait passĂ© l'Ă©ponge, apparemment aux frais de son assureur, toutes les autres institutions bancaires impliquĂ©es semblent poursuivre en justice et par tous les moyens le recouvrement de leurs crĂ©ances, avec une ardeur qui serait sans objet si elles avaient prĂȘtĂ© cela aprĂšs de longues analyses de risque Ă  des sociĂ©tĂ©s capables de se placer sous la protection des lois sur les faillites.

Que conclure de tout cela ?

Mais... ce qu'il vous plaira.

122 - Sur la sĂ©paration de la monnaie et de l'État

January 23rd 2022 at 17:40

 Je ne crois pas que nous n'aurons jamais plus une bonne monnaie avant que nous ne soyons en mesure de retirer la chose des mains du gouvernement ; cependant comme nous ne pouvons pas retirer violemment la chose des mains du gouvernement, tout ce que nous pouvons faire, c'est d'introduire par un moyen dĂ©tournĂ©, sournois, quelque chose qu'ils ne pourront pas arrĂȘter .

C'est cette citation de Friedrich Hayek qu'Allen Farrington a mis en exergue de son article publié en novembre dernier dans la quatriÚme livraison du Bitcoin Times et intitulé  The Separation of Money and State, Changing the course of history .

Alain Farrington, dont je ne partage pas forcĂ©ment toutes les idĂ©es, est un penseur intĂ©ressant et qui (comme j'essaye de le faire moi-mĂȘme) fait son miel de toutes fleurs. Il s'Ă©tait dĂ©jĂ  fait remarquer par un article Bitcoin is Venice en fĂ©vrier 2021.

Il m'a semblĂ© utile de donner ici une traduction qui attĂ©nuera peut-ĂȘtre, pour le public francophone, l'effet pudiquement Ă©voquĂ© comme TLTR !

Voici donc la traduction de cet article assez abstrait et conceptuel, pour laquelle j'espÚre une bienveillance spéciale de mes lecteurs :

L'Ă©conomie politique de la monnaie fiduciaire est une Ă©conomie toxique.

Étant donnĂ© que la monnaie fiduciaire n'existe qu'en tant que passif des banques agrĂ©Ă©es par l'État et bĂ©nĂ©ficiant d'un accĂšs politiquement prĂ©fĂ©rentiel au crĂ©dit artificiel, la taille est, dans le secteur bancaire, rĂ©compensĂ©e par dĂ©faut tandis que la taille dans le business commercial est rĂ©compensĂ©e par la proximitĂ© avec les plus grosses institutions du secteur bancaire. Les pertes de l'un comme de l'autre secteur sont socialisĂ©es sous prĂ©texte d'Ă©viter une catastrophe financiĂšre ; mais en rĂ©alitĂ© la vĂ©ritable catastrophe provient de ce qu'il y a toujours un gros pouce qui appuie sur la balance en dĂ©faveur des petits et des personnes politiquement mal connectĂ©es. Les marchĂ©s de capitaux ont Ă©chouĂ© lamentablement dans leur objectif initial de crĂ©er un marchĂ© pour le capital. Ils sont devenus, au contraire, des outils politiques dont la politique est tout sauf locale.

Les retombĂ©es de l'opĂ©ration Choke Point (bien nommĂ©e Ă©tant donnĂ© le principe de base de la  capture de l'action publique ) le montrent clairement, mais le raisonnement s'applique Ă©galement Ă  l'analyse de l'architecture de l'internet. Compte tenu de l'absence de monnaie numĂ©rique native avant l'avĂšnement de Bitcoin, la monĂ©tisation en ligne s'est principalement articulĂ©e autour de la publicitĂ©, ce qui implique Ă©videmment la surveillance. Chaque action que l'on fait en consommant du contenu en ligne est sans cesse espionnĂ©e parce qu'elle est prĂ©cieuse pour certains, parce que sa capture et son traitement Ă  grande Ă©chelle font apparaĂźtre d'Ă©normes rendements : alors que de telles donnĂ©es ponctuelles ne vous diraient rien, des trillions d'entre elles peuvent ĂȘtre exploitĂ©es pour trouver des modĂšles qu'aucun humain ne pourrait identifier. Vous ne pouvez pas gĂ©rer une entreprise en ligne sans payer le tribut Ă  ceux qui ont maĂźtrisĂ© ce jeu et qui, surprise, surprise, ont Ă©galement Ă©tĂ© capturĂ©s politiquement. Leur taille fait d'eux des cibles pour ce jeu de capture politique, et c'est la capture politique qui les maintient en grande forme et les rend plus grands.

On comprend de mieux en mieux comment Bitcoin corrige cette situation et, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, encourage la rĂ©flexion Ă©conomique sur des bases plus locales tout en mettant en garde de maniĂšre heuristique contre ce qui se rĂ©vĂšle trop interdĂ©pendant et trop fragile. Les marchĂ©s de l'Ă©nergie en sont peut-ĂȘtre l'exemple le plus Ă©vident : 'Toxiquement gros est peut-ĂȘtre une critique Ă©trange du rĂ©seau, Ă©tant donnĂ© qu'il s'agit plutĂŽt d'un miracle Ă©conomique crĂ©ant un prix de compensation pour l'Ă©lectricitĂ© - qui, contrairement Ă  l'inflation, est un phĂ©nomĂšne Ă©conomique nĂ©cessairement transitoire. Pourtant, Bitcoin permet de se dĂ©tacher de cette infrastructure vaste, coĂ»teuse et fragile sur le plan systĂ©mique, en permettant la crĂ©ation d'un prix de compensation achetĂ© et vendu uniquement sur Internet.

Sur un horizon temporel suffisamment long, on peut raisonnablement espérer que Bitcoin fera disparaßtre le pouce qui pÚse sur la balance économique. Les petits et les locaux ne seront plus politiquement désavantagés en termes économiques, et les grands devront se battre à armes égales.

Mais qu'en est-il de la politique elle-mĂȘme ? Pouvons-nous craindre qu'un retour au localisme dans la formation du capital et le comportement des consommateurs ne soit pas d'une grande utilitĂ© face Ă  un État autoritaire, Ă  une classe d'institutions non Ă©conomiques et Ă  leurs composants parasites qui ont un goĂ»t persistant pour le supranational ?

Je ne le pense pas. C'est trÚs bien de défendre le localisme comme étant manifestement bon, le supranationalisme comme étant manifestement mauvais, Bitcoin comme étant manifestement bon et contraire au supranationalisme, et donc Bitcoin comme étant un complément naturel au localisme. Mais corrélation n'est pas causalité. Mon argument est plus fort que cela : Bitcoin provoquera le localisme, tant politiquement qu'économiquement. Il n'y aura pas d'autre choix. L'hypertrophie toxique des gouvernements deviendra tout aussi insoutenable que celle des entreprises.

Cela ne veut pas dire que Bitcoin nous mÚnera à une utopie pacifiste dans laquelle toute tentative de violence subira une intervention métaphysique de l'esprit de Satoshi. Le fait que l'argent puisse conférer du pouvoir est assez clair puisqu'il y aura toujours un prix de compensation pour les actes de violence. Mais ce qui distinguera l'étalon Bitcoin, c'est que le pouvoir n'y donnera pas l'argent.

Il y a deux raisons de le croire.

La premiĂšre est que le bitcoin ne peut tout simplement pas ĂȘtre saisi par sans faire usage d'une force au moins aussi sĂ©vĂšre que la torture, et mĂȘme dans ce cas, il est possible - et cela se gĂ©nĂ©ralisera sĂ»rement pour toute valeur digne d'ĂȘtre protĂ©gĂ©e - de rendre la torture obsolĂšte. Si vous voulez le bitcoin, vous devrez fournir quelque chose de plus prĂ©cieux Ă  son dĂ©tenteur.

La seconde est plus subtile, et je crois qu'elle n'est pas largement comprise, sauf peut-ĂȘtre par le sous-ensemble des bitcoiners qui s'intĂ©ressent de prĂšs Ă  l'histoire politique. L'une des caractĂ©ristiques de Bitcoin est qu'il s'agit de la premiĂšre monnaie vĂ©ritablement apatride. Contrairement Ă  certains points de vue naĂŻfs de bitcoiners et mĂȘme de gold-bugs, l'or a constituĂ© la base de la monnaie au cours de l'histoire, mais n'a jamais agi pleinement et entiĂšrement en tant que monnaie. Cette observation historique fournit une rĂ©flexion amusante sur ce que j'ai prĂ©cĂ©demment dĂ©crit comme la thĂ©orie sĂ©mantique de l'argent selon laquelle l'argent peut ĂȘtre dĂ©fini, et se trouve entiĂšrement dĂ©fini par une liste de critĂšres acadĂ©miques et pas du tout par rĂ©fĂ©rence Ă  la rĂ©alitĂ©. Quelque chose est de la monnaie si et seulement si elle remplit les trois fonctions de la monnaie ; c'est-Ă -dire, rĂ©serve de valeur, moyen d'Ă©change et unitĂ© de compte. Pour les Ă©conomistes Ă©pris de cette vacuitĂ© taxonomique, la façon dont une chose est utilisĂ©e dans le monde rĂ©el n'a pas la moindre importance. La monnaie est une catĂ©gorie sĂ©mantique, pas une catĂ©gorie explicative.

Il est donc curieux que, dans la Venise ou la Florence médiévales et renaissantes, ces prétendus "trois rÎles de l'argent" aient été remplis par des objets ou des concepts différents : l'or physique était la réserve de valeur (parfois l'argent ou le billon), le transfert bancaire par le biais d'une altération attestée du registre (appelé de maniÚre révélatrice "argent fantÎme" à Florence) était de loin le moyen d'échange le plus courant, et les dénominations de la monnaie prescrites par la polarité (c'est-à-dire le gouvernement) par le biais de l'hÎtel des monnaies étaient les unités de compte.

Le lecteur pourrait objecter qu'il s'agit ici d'une sĂ©mantique hors de propos qui nous permet d'Ă©chapper Ă  la primautĂ© et Ă  l'importance de l'or et de l'Ă©talon-or. C'est tout le contraire. L'or physique a un coĂ»t - et en fait, un coĂ»t trĂšs Ă©levĂ©. Presque toute la civilisation humaine Ă  travers le monde et l'histoire est arrivĂ©e indĂ©pendamment Ă  l'utilitĂ© de l'or physique comme rĂ©serve de valeur parce que, parmi les options, c'est celle qui a le coĂ»t le plus Ă©levĂ© et la plus grande raretĂ©, d'oĂč la plus faible rĂ©ponse du marchĂ© de l'augmentation de l'offre Ă  sa prime comme rĂ©serve de valeur, d'oĂč l'inflation la plus faible et, enfin, la plus grande utilitĂ© monĂ©taire.

L'or physique se rapproche de ce que Nick Szabo appelait unforgeable costliness la dĂ©pense infalsifiable. Anticipant brillamment les rĂ©actions actuelles contre le "gaspillage" de l'exploitation miniĂšre du bitcoin, Szabo cela explique dans Shelling Out :  au premier abord, la production d'une marchandise simplement parce qu'elle est coĂ»teuse semble tout Ă  fait un gaspillage. Cependant, la marchandise dont le coĂ»t d'acquisition ne peut ĂȘtre falsifier ajoute constamment de la valeur en permettant des transferts de richesse bĂ©nĂ©fiques. Une plus grande partie du coĂ»t est rĂ©cupĂ©rĂ©e chaque fois qu'une transaction est rendue possible ou moins coĂ»teuse. Le coĂ»t, initialement un gaspillage total, est amorti sur de nombreuses transactions. La valeur monĂ©taire des mĂ©taux prĂ©cieux est basĂ©e sur ce principe .

MĂȘme si le monopole gouvernemental typique sur la violence a, au fil des ans, inclus un monopole sur le droit de frapper des piĂšces (ou, tout au plus, un droit privĂ© accordĂ© par le gouvernement, susceptible d'ĂȘtre rĂ©voquĂ© Ă  tout moment), il ne s'est jamais Ă©tendu Ă  un droit d'Ă©chapper Ă  la rĂ©alitĂ© Ă©conomique. Les piĂšces dĂ©prĂ©ciĂ©es seraient Ă©valuĂ©es Ă  l'Ă©tranger en fonction de leur dĂ©prĂ©ciation, c'est-Ă -dire non pas en fonction de la fausse unitĂ© de compte imposĂ©e par le gouvernement, mais en fonction de la vĂ©ritable rĂ©serve de valeur que constituent les mĂ©taux prĂ©cieux coĂ»teux qu'elles contiennent. Les marchĂ©s des changes ont permis aux monnaies d'État d'ĂȘtre (relativement) honnĂȘtes, Ă©tant donnĂ© que la rĂ©troaction Ă©conomique du seigneuriage ne permettait que les plus petites fenĂȘtres d'avantages temporaires avant des dommages Ă  plus long terme et plus extrĂȘmes3.

MĂȘme lorsqu'ils Ă©taient soutenus par une puissance militaire telle que celle des empires romain, espagnol ou britannique, par exemple, que l'on pourrait penser capable de neutraliser les rĂ©actions Ă©conomiques Ă©manant essentiellement de rĂ©seaux commerciaux dĂ©centralisĂ©s qui pouvaient simplement ĂȘtre cooptĂ©s, le coĂ»t essentiel de l'or Ă©lĂ©mentaire se faisait toujours sentir. La violence organisĂ©e Ă  une telle Ă©chelle a un coĂ»t. Plus l'Ă©chelle est grande, plus le coĂ»t est Ă©levĂ©, et en fait, plus l'incitation Ă  maintenir efficacement un Ă©talon-or est grande, plutĂŽt que de tenter de le subvertir. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un facteur de causalitĂ© unique, ce n'est certainement pas une coĂŻncidence si les trois grands empires que nous venons de citer se sont tous effondrĂ©s plus ou moins en fonction du taux de dĂ©prĂ©ciation de leurs monnaies dans la poursuite de fins militaristes Ă©conomiquement destructives.

Mais l'Ăšre de la monnaie fiduciaire a crĂ©Ă© une anomalie historique spectaculaire. Pour la premiĂšre fois dans l'histoire, le coĂ»t de crĂ©ation d'une nouvelle monnaie Ă©tait littĂ©ralement nul. Cela a eu des effets profonds sur l'Ă©conomie politique. Alors que l'argent peut toujours acheter le pouvoir, le pouvoir pouvait dĂ©sormais acheter de l'argent, et ce sans calcul Ă©conomique. Il n'y a pas de coĂ»t trop Ă©levĂ© pour s'emparer du pouvoir, et il n'y a pratiquement aucune raison de ne pas tenter sa chance, car tous les coĂ»ts peuvent ĂȘtre remboursĂ©s plus tard, et mĂȘme plus. Nous pensons qu'il s'agit lĂ  de la cause fondamentale du culte de la grandeur toxique, dĂ©sormais endĂ©mique dans le monde dĂ©veloppĂ©,

PlutĂŽt qu'un processus naturellement homĂ©ostatique d'augmentation de la taille tendant Ă  conduire Ă  l'inefficacitĂ©, Ă  l'Ăšre de la monnaie fiduciaire, plus vous ĂȘtes grand - que ce soit en tant qu'entreprise ou en tant que gouvernement - plus vous devenez puissant, et donc, de maniĂšre totalement perverse, plus vous devenez efficace. Bien sĂ»r, moins les autres deviennent efficaces, car ils sont volĂ©s de maniĂšre transparente. Plus le capital communautaire est consommĂ©, plus le consommateur de capital peut diriger son Ă©nergie vers la prise de pouvoir et se rembourser lui-mĂȘme, mais probablement personne d'autre.

Bitcoin rĂ©sout ce problĂšme. Et d'une maniĂšre remarquablement simple, il dĂ©fait tout ce qui vient d'ĂȘtre dĂ©crit. Il redonne un coĂ»t Ă  l'argent - plus Ă©levĂ© mĂȘme que celui de l'or - et rend l'abondance toxique insoutenable. Par consĂ©quent, le bitcoin n'est pas tant explicitement un outil pro-localiste. En fait, la rĂ©alitĂ© est encore plus profonde : le localisme lui-mĂȘme est naturel, sain, durable et juste. Le bitcoin dĂ©truit la force compensatrice historiquement anormale et, ce faisant, permet au localisme de se dĂ©velopper sans avoir de parti pris particulier au-delĂ  des prĂ©occupations beaucoup plus abstraites de durabilitĂ©, d'efficacitĂ©, de responsabilitĂ©, d'humilitĂ© et de vĂ©ritĂ©, qui sont toutes des compagnons naturels du localisme.

Et si le localisme dĂ©coule de l'humilitĂ©, alors le supranationalisme est sĂ»rement liĂ© au narcissisme. Une façon de concevoir la tragĂ©die de la modernitĂ© et son impact sur l'exploitation miniĂšre du capital Ă©conomique, social et culturel est peut-ĂȘtre de se rendre compte que le narcissisme est artificiellement subventionnĂ©. Par le biais de subventions, il est normalisĂ©, et par normalitĂ©, il devient une partie de la culture elle-mĂȘme, encourage sa propre dĂ©fense et sa reproduction. À partir d'un dĂ©but artificiel, il prend racine et se maintient tout en entraĂźnant la culture dans sa chute. Dans La culture du narcissisme, Christorpher Lasch indiquait une voie pour sortir de ce labyrinthe cauchemardesque :

Dans une culture moribonde, le narcissisme semble incarner - sous l'apparence de la "croissance" et de la "conscience" personnelles - la plus haute réalisation de l'illumination spirituelle. Les gardiens de la culture espÚrent, au fond, simplement survivre à son effondrement. La volonté de construire une société meilleure, cependant, survit, ainsi que les traditions de localisme, d'auto-assistance et d'action communautaire lesquelles n'ont besoin que de la vision d'une nouvelle société, d'une société décente, pour leur redonner de la vigueur. La discipline morale autrefois associée à l'éthique du travail conserve une valeur indépendante du rÎle qu'elle a joué dans la défense des droits de propriété. Cette discipline - indispensable à la tùche de construire un nouvel ordre - perdure surtout chez ceux qui n'ont connu l'ancien ordre que comme une promesse non tenue, mais qui ont pris cette promesse plus au sérieux que ceux qui l'ont simplement considérée comme acquise .

Insuffisant mais nécessaire, Bitcoin fournit une telle vision. Construisons-la.

121 - « La fantaisie obstinée de trois ou quatre faquins »

January 22nd 2022 at 12:51

J'ai Ă©voquĂ© dans mon billet prĂ©cĂ©dent consacrĂ© Ă  l'exode des trĂ©sors et des compĂ©tences cryptos le rapport ThĂ©ry de 1994. C'est une croix que porte, au-delĂ  du dĂ©cĂšs en juillet 2021 de son brillant auteur, tout haut-fonctionnaire qui prophĂ©tise le futur en ne comprenant dĂ©jĂ  plus le prĂ©sent. Classiquement, les mĂȘmes erreurs sont renouvelĂ©es depuis des annĂ©es maintenant au sujet de Bitcoin.

Mais c'est avec une certaine joie que, m'intĂ©ressant (dans mon autre vie) Ă  la constitution des collections Ă©gyptiennes des musĂ©es europĂ©ens, j'ai retrouvĂ© une  perle  ancienne et... qui est soudain entrĂ© en rĂ©sonance. Ce qui suit n'est donc pas un  ancĂȘtre du rapport ThĂ©ry  mais une preuve que la lĂ©gĂšretĂ© et l'arrogance dans le jugement sont un risque inhĂ©rent au gouvernement des  experts .

Une erreur de jugement, non moins péremptoire que celles de Gérard Théry, et qui explique comment l'une des plus belles collections égyptiennes constituée au 19Úme siÚcle a échappé au pays de Champollion.

Bernardino Drovetti (1776-1852) Ă©tait un piĂ©montais Ă©tonnant, soldat de la RĂ©publique française, nommĂ© consul de France Ă  Alexandrie par Bonaparte, mis sur la touche quand le rĂ©gime tomba et demeurĂ© sur place comme marchand de tout, aventurier, dĂ©couvreur d'antiquitĂ©s et trafiquant de celles-ci, en un temps oĂč elles Ă©taient Ă  celui qui se baissait pour les ramasser.

En 1818, Drovetti rencontre à Alexandrie le comte de Forbin, directeur général des Musées royaux. Celui-ci est émerveillé par la collection du consul. Dans son Voyage dans le Levant publié l'année suivante il écrit que, dÚs cette époque, le voeu de Drovetti (qui pour cela refusait des offres importantes) était bien que sa collection aille embellir le Musée du Louvre.

Le comte de Jomart, ancien de l'expĂ©dition de Bonaparte et secrĂ©taire de la commission chargĂ©e de la publication de la monumentale Description de l'Égypte est lui aussi tout Ă  fait conscient de l'intĂ©rĂȘt de la collection accumulĂ©e par Drovetti et l'Ă©crit au Ministre de l'IntĂ©rieur en aoĂ»t 1818.

Au fond, toutes les personnes instruites de la chose en comprennent l'intĂ©rĂȘt.

Le Louvre, ancien « MusĂ©e NapolĂ©on », vient seulement en 1818 d’ouvrir sa premiĂšre salle Ă©gyptienne, intitulĂ©e « Salle de l’Isis ou des Monuments Ă©gyptiens ».

Vingt-trois objets s’y dĂ©ploient en tout et pour tout, autour d’une statue romaine d’époque impĂ©riale donnant son nom Ă  la salle, et cette « Isis » est en rĂ©alitĂ© une statue de divinitĂ© anthropomorphe Ă  tĂȘte de lionne, reprĂ©sentant la dĂ©esse Sekhmet. Les objets qui l’environnent sont principalement des objets Ă©gyptianisants de l’AntiquitĂ© romaine, mĂȘlĂ©s de quelques originaux Ă©gyptiens, collectĂ©s Ă  Rome.

Le musĂ©e français apparait donc alors trĂšs en retrait sur le plan de la prĂ©sentation de productions issues de l’Égypte ancienne, en comparaison des salles Ă©gyptiennes mises en place outre-Manche. L'acquisition de la collection proposĂ©e par Drovetti devrait ĂȘtre une prioritĂ© !

Quand entrent en scÚne les incompétents

Le roi Louis XVIII n’aime pas l’art de l’ancienne Égypte, et une partie de son entourage rĂ©actionnaire et bigot fulmine en songeant que ces orientalistes, avec leurs recherches inutiles, veulent mettre en doute la chronologie biblique. Un peu d’Isis romaine, passe encore, mais fouiller pour retrouver des objets prĂ©tendument vieux de cinq millĂ©naires, quand des calculs prĂ©cis aboutissent Ă  assigner au premier jour de la CrĂ©ation la date du 23 octobre 4004 av. J.-C. (Ă  midi) et au 5 mai 1491 av. J.-C l'Ă©chouage de l'arche sur le mont Ararat ... il n’en saurait ĂȘtre question : c'est trop contraire Ă   nos valeurs  comme on ne dit pas encore ! L'affaire traine donc.

En 1822 le roi estime qu'il s'est fait dépouiller pour acquérir le zodiaque de Denderah, et qu'il en fait bien assez. Let's be serious comme on ne disait pas encore non plus.

L'affaire va donc ĂȘtre enterrĂ©e illico et avec une superbe tout Ă  fait Ă©tonnante par un ministre qui n’est autre que le gĂ©nĂ©ral de Lauriston. Ce grand et courageux soldat de NapolĂ©on, outre sa carriĂšre militaire, a une rĂ©elle expĂ©rience diplomatique. Mais ni comme soldat ni comme diplomate, il n'a jamais mis les pieds en Égypte. Et Ă©videmment il n'est point historien de l'art, ni collectionneur. RalliĂ© comme presque tous les autres au nouveau pouvoir, il est devenu  Ministre de la Maison du Roi . On se demande un peu ce qu'il vient faire lĂ . Disons que comme tout bon membre d'un cabinet ou d'une cour, il parle au nom de son patron. Notons quand mĂȘme qu'il n'a pas lĂąchĂ© un demi million Ă  McKinsey pour se faire une opinion, ce qui lui aurait Ă©vitĂ© de porter le bicorne. Ce militaire (qui a tout du boomer diraient mes jeunes amis) va donc laisser Ă  la postĂ©ritĂ© ses propres idĂ©es courtes sur l'art antique. FĂącheux, mais savoureux :

L’art chez les Égyptiens n’a jamais approchĂ© le degrĂ© de perfection oĂč il s’est Ă©levĂ© chez les Grecs et dans nos temps modernes ; les statues Ă©gyptiennes, dĂ©nuĂ©es de toute expression, avec leurs formes sĂšches, Ă©troites et ramassĂ©es, leurs poses immobiles et uniformes, ne sont point propres Ă  fournir Ă  nos artistes des modĂšles d’études et des sujets d’inspiration .

lauriston et son roi.jpg, janv. 2022

Bref, ni le ministre ni le roi n'y connaissent grand chose, mais à eux-deux ils ont décidé que Drovetti n'a qu'à aller vendre sa collection ailleurs. Ce qu'il fait en 1824 et pour une bouchée de pain, auprÚs du roi de Piémont-Sardaigne.

Le commentaire de Champollion (qui se rend Ă  Turin et tombe en pĂąmoison) mĂ©rite aussi d'ĂȘtre citĂ© et pourrait parfois nous servir aujourd'hui :

Les monuments Ă©gyptiens abonderont partout, exceptĂ© en France, et ceci par la fantaisie obstinĂ©e de trois ou quatre faquins dont la nouvelle Ă©tude dĂ©range les idĂ©es et les intĂ©rĂȘts, ce qui est tout un pour eux
 Vous verrez qu’il y aura bientĂŽt un musĂ©e Ă©gyptien dans la capitale de la rĂ©publique de St-Marin tandis que nous n’aurons Ă  Paris que des morceaux isolĂ©s et dispersĂ©s .

La chose comique, si l'on y songe, c'est que le grand soldat qui joua ici le rÎle du faquin s'appelait Law de Lauriston et qu'il était... le neveu du célÚbre financier. Comme quoi, savoir reconnaßtre la vraie valeur des choses n'était point le fort de cette famille...

Au moins peut-on se consoler en songeant qu'en 1827, sous l'influence de Champollion désormais protégé par le roi Charles X, le Louvre acquérait la seconde collection proposée par Drovetti.

Comme quoi, parfois, l'État parvient à apprendre de ses erreurs...

120 - Pourquoi ils s'en vont

January 20th 2022 at 14:08

(Cette tribune d'abord publiée dans la Lettre 21millions du mercredi 19 janvier 2022 est présentée ici avec une illustration digne de la revue Banque et quelques ajouts en notes)

Quatre ans aprĂšs les consultations parlementaires qui devaient ouvrir la voie Ă  un Ă©tat de droit des cryptomonnaies en France, l’état de fait est navrant : exode continu des dĂ©tenteurs et des entrepreneurs, fermeture de projets, agitation mĂ©diatique d’un haut-fonctionnaire qui s’est crĂ©Ă© un fonds de commerce en dĂ©nonçant les crimes de Bitcoin, ce qui semble plus aisĂ© que de vendre ses idĂ©es sur la transformation de l’euro en monnaie Ă©cologique.

(L’autoritĂ© de l’État et la morale bourgeoise poursuivant Bitcoin)

Tout cela n’empĂȘche pas, classiquement et toute honte bue, l’accueil sur tapis rouge d’acteurs Ă©trangers pas mĂȘme en rĂšgle avec nos sacrosaintes rĂšgles.

Je suis loin d’avoir Ă©tĂ© le seul Ă  annoncer ce dĂ©sastre. Il y a un an, le mathĂ©maticien Cyril Grunspan annonçait un dĂ©sastre français. DĂšs juin 2018, le Cercle du Coin publiait une tribune de ses deux administrateurs belge et suisse, annonçant Ă  regret l’inĂ©luctable fiasco fiscal français.

Dans un texte fondamental Philippe Silberzahn avait distinguĂ© les trois erreurs fondamentales du fatal rapport ThĂ©ry : l’extrapolation, l’analyse toutes choses Ă©gales par ailleurs et le biais identitaire. Quoique ne citant aucunement Bitcoin, son texte de 2013 offre le trousseau de clĂ©s le plus pertinent sur le sujet. En mars 2018, analysant la tribune anti-bitcoin d’un brillant haut-fonctionnaire X-ENA, je retrouvais tout cela Ă  l’état pur et me voyais conduit Ă  intituler mon texte Comment n’avoir aucune stratĂ©gie.

Nul n’osera dire qu’il n’y a aucun esprit Ă©clairĂ© dans l’appareil de l’État, ni aucune bonne volontĂ©. On y rencontre des gens charmants. Mais ils sont hĂ©las plutĂŽt dans ce Parlement dont la faiblesse fait partie des spĂ©cificitĂ©s françaises et ce n’est pas anecdotique. À plusieurs reprises on a vu Pierre Person et quelques autres sortir de la tranchĂ©e pour n’obtenir finalement que fort peu de choses, celles que Bercy et l’oligarchie financiĂšre acceptaient de lĂącher. Il est revenu dans une interview rĂ©cente sur cette frustration. Il se montre trĂšs pertinent sur les limites de la lĂ©gistique par rapport Ă  la colontĂ© politique de l'administration et des banques.

Mais la palinodie qui a vu en octobre 2018 la Caisse des DĂ©pĂŽts refuser (par la voix d’une dĂ©putĂ©e de la majoritĂ©) la lĂ©gĂšre charge de gĂ©rer quelques comptes d’entreprises bĂ©nĂ©ficiaires du visa AMF a montrĂ© crument la vĂ©ritĂ©.

On peut vouloir l’oublier, en allant aux spectacles proprement incroyables de la « France digitale » : des Ă©vĂ©nements dont le clou est toujours la parole d’un ministre, une rhĂ©torique tapageuse sur la disruption, une apologie de la Startup-Nation par des orateurs issus des grands corps devant des entrepreneurs bien sous tous rapports, un dĂ©filĂ© de « licornes » dont plusieurs se sont construites sur l’inefficience des services publics ou bancaires, des applaudissements plus ou moins sincĂšres pour des blockchains privĂ©es qui renouvellent l’exploit des intranets de jadis et bien sĂ»r une attention rĂ©vĂ©rencieuse pour les sages expĂ©rimentations des banques centrales.

Il s’agit hĂ©las d’un village Potemkine. DerriĂšre les façades, restent une faiblesse persistante de la culture et surtout de la pratique du numĂ©rique, une croyance inĂ©branlable dans le primat de la rĂ©gulation sur l’expĂ©rience, une impasse totale sur le moindre rĂ©alisme dans les deux domaines clĂ©s de la fiscalitĂ© et de la bancarisation, comme si ces deux aspects concrets n’étaient pas en amont de tout le reste, et comme si une rĂ©gulation dont on s’exagĂšre largement les attraits pouvaient justifier la lourdeur fiscale et compenser la guerre froide bancaire.

L’écosystĂšme crypto a prĂ©tendu se structurer, comme on le lui demandait Ă  Bercy. Mais il l’a fait dans le mĂȘme bain, en adoptant toutes les prudences et surtout en ne parlant jamais de Bitcoin. Comme le notait il y a trois ans GĂ©rard DrĂ©an les dĂ©bats byzantins pour savoir si les tokens sont des monnaies ou des actifs n’ont jamais eu « d’autre utilitĂ© que de choisir parmi les appareils rĂ©glementaires existants lequel leur appliquer ». Mais cela a nourri les juristes qui « reprĂ©sentent l’écosystĂšme » et permis aux brillants rĂ©gulateurs de prĂ©parer leur pantouflage dans telle ou telle entreprise qui a, directement ou non, participĂ© Ă  la « rĂ©flexion sur les normes ». On se comprend, on Ă©tait Ă  la fac ensemble.

Puisqu’on a produit de la norme on rĂ©pute qu’on a produit de l’attractivitĂ©, comme ces maires ruraux qui construisent d’illusoires zones d’activitĂ© que l’inactivitĂ© transforme vite en friches.

J’avais en 2018 proposĂ© d’aligner la fiscalitĂ© du Bitcoin sur celle de l’or. Les reprĂ©sentants de l’écosystĂšme ont refusĂ© d’en discuter, car ce n’était pas « sĂ©rieux »(1). Changer trois mots dans un code, ce n’était pas Ă  la mesure de leurs ambitions. Ils ont obtenu un taux Ă  30% mais avec un rĂ©gime diffĂ©rent du PFU, oĂč les moins-values ne s’appliquent que dans l’annĂ©e et sur la mĂȘme classe d’actif, et oĂč les obligations de dĂ©clarations sont kafkaĂŻennes, intrusives et rĂ©pĂ©titives. Une colonne de calcul acrobatique sur la Cerfa 2086 par transaction ? Qu’importe, ils vendent justement leurs services pour cela.

Je n’ai pas grand-chose Ă  changer Ă  mes propositions de 2018 : je maintiens qu’un alignement sur l’or, la mise en place d’un systĂšme de dĂ©grisement puis l’alignement du Bitcoin sur le statut de devise (il est bien, dĂ©jĂ , celle du Salvador) auraient eu un impact bien plus grand que l’adoption de la loi PACTE, de normes nouvelles, de visas spĂ©cifiques dĂ©livrĂ©s par l’AMF pour des ICO qui n’existent plus (3 opĂ©rations recensĂ©es en octobre 2020 sur une page du site de l’AMF non mise Ă  jour depuis lors) ou d’un statut de PSAN dont l’ACPR ne fait qu’un pur systĂšme de traçage et qui n’assure mĂȘme pas Ă  son bĂ©nĂ©ficiaire la simple existence d’un compte en banque. De toute façon la FBF saborde le dispositif et de ce fait la messe est dite.

Je serais bien curieux de savoir ce que cette usine Ă  gaz juridique a rapportĂ© au fisc. Le rĂ©sultat concret est du mĂȘme ordre que celui de la RĂ©vocation de l’Édit de Nantes : chasser de France avec la mĂȘme arrogance irresponsable les mal-pensants, leur argent et leur esprit d’entreprise. La bruyante croisade de Monsieur DufrĂȘne et sa pĂ©tition oĂč il ne craint mĂȘme pas d’invoquer l’exemple chinois n’auront pratiquement plus d’effets en France.

(La prérogative régalienne restaurant l'indépendance de la Banque centrale, la confiance dans la monnaie et la transparence financiÚre)

On nous rĂ©pond hautainement que ce n’est pas mieux ailleurs. Mais il faut croire qu’entrepreneurs, traders ou simples hodleurs français ont trouvĂ© des ailleurs oĂč les rĂ©flexes liberticides des hauts-fonctionnaires français n’ont pas cours. J’admets qu’il existe des politiciens bornĂ©s mĂȘme en Suisse, oĂč l’on a vu des propositions invraisemblables du dĂ©putĂ© Normann, mais les entreprises cryptos suisses ne mettent pas la clĂ© sous le paillasson et obtiennent des comptes en banque. Et ce n’est pas un hasard.

Il y a bien une surcouche française de rĂ©sistance. Et mieux qu’en 2018, la pĂ©riode actuelle permet de cerner ce qui ne va pas, car la crise du Covid a mis en relief bien des choses.

StopCovid, gadget dĂ©crit comme une technologie pleine de « panache » ne fut « pas un Ă©chec mais ça n’a pas marchĂ© » et la seule raison en fut attribuĂ© Ă  la mauvaise volontĂ© des gaulois rĂ©fractaires. Rappelons que personne en 2020 (mĂȘme Ă  l’Inria !) n’a semblĂ© vouloir imaginer une blockchain fĂ»t-elle gouvernementale, alors mĂȘme que depuis des annĂ©es tout le monde expliquait que « la blockchain » allait changer le monde (2). Et constatons qu’aujourd’hui les faux QR code semblent aussi faciles Ă  imiter ou Ă  produire que jadis les tickets de pain.

L’État a trainĂ© une constante insuffisance logistique et l’a emballĂ©e sous des mensonges, des changements de stratĂ©gie ou de normes, dans une totale dĂ©connexion entre les protocoles imaginĂ©s et la vie « hors bureau du ministre ». Des attestations de deux pages retirĂ©es le lendemain, des contrats d’achats de vaccins fixant le prix en « dose » et non en flacon, sans mĂȘme prĂ©ciser les dĂ©lais
 On ne peut s’empĂȘcher de penser qu’un certain nombre de brillants jeunes fonctionnaires qui prĂ©tendent organiser la vie des gens sortent trop tard du ministĂšre pour faire les courses et rentrent ensuite dĂźner chez Maman. Ce sont eux qui trouvent la centralisation rassurante et Bitcoin trop compliquĂ©.

La pĂ©riode Ă©lectorale qui s’ouvre maintenant va permettre (derriĂšre le brouillard des dĂ©bats et des promesses) de vĂ©rifier encore Ă  quel point la France reste Ă©loignĂ©e de toute culture moderne en termes de consensus et de gouvernance. La place solaire du chef n’a d’équivalent dans aucun pays europĂ©en mais reste un article de dogme qui structure l’imaginaire de tous les politiques, des fonctionnaires et hĂ©las de presque tous les journalistes. Il n’est pas besoin d’insister sur l’altĂ©ritĂ© radicale entre ce modĂšle archaĂŻque (fut-il incarnĂ© par un homme jeune) et la proposition de Bitcoin.

Mais le plus Ă©tonnant reste que la dĂ©signation de ce chef se fait par un processus lui aussi unique au monde et qui n’est plus qu’une machine Ă  fabriquer du clivage et du dissensus, ce dont on s’aperçoit presque immĂ©diatement. Le score du « vainqueur » pourrait justifier le fait de jouer un rĂŽle de pivot dans la formation d’une majoritĂ©, pas davantage. Dans un systĂšme oĂč l’État est le garant ultime de la « foi publique », la consĂ©quence visible de ce vice de fabrication est une dĂ©fiance croissante envers « nos institutions » et un maintien de l’ordre brutal assurĂ© avec des armes interdites chez nos voisins. Les idĂ©es de dĂ©centralisation (3), d’horizontalitĂ© ou de rĂ©ticularitĂ© sont aussi Ă©trangĂšres dans ce monde que la foi, l’espĂ©rance et la charitĂ© Ă  la cour des julio-claudiens.

La culture politique française est incompatible avec la libertĂ© qu’offre Bitcoin, l’inceste permanent entre les grands corps et les grandes entreprises nourrit une aristocratie d’État incompatible avec les espoirs que suscite Bitcoin, la collusion entre la haute-fonction publique et l’oligarchie bancaire est incompatible avec l’indĂ©pendance que permet Bitcoin, la morale de la bourgeoisie d’État est incompatible avec la capacitĂ© que Bitcoin a offerte aux plus audacieux de s’enrichir en une seule gĂ©nĂ©ration sans prĂȘter allĂ©geance, l’infantilisation systĂ©matique des citoyens est incompatible avec l’esprit de responsabilitĂ© qu’impose Bitcoin.

C’est pour cela que mes amis « cryptos » s’en vont.

(Le départ vers AILLEURS)

NOTES

(1) L'Ă©pisode de novembre 2018 a suscitĂ© incomprĂ©hensions et rancƓurs au sein mĂȘme de notre communautĂ©.

En réalité, dÚs le début du mois, les jeux étaient faits, comme le rapportait le journal Capital le 6 novembre. Ma proposition d'alignement sur l'or était déjà mise à la corbeille.

On retrouvera ici le cĂ©lĂšbre thread d'Alexandre Stachtchenko en date du 6 novembre . L'Union sacrĂ©e des Associations n'a pas Ă©tĂ© empĂȘchĂ©e par des guerres d'Ă©go (explication toujours commode) mais d'abord par de vraies diffĂ©rences de mode de fonctionnement car le Cercle du Coin comptait plus de 100 membres, ni tous d'accord entre eux ni tous français, tandis que d'autres associations, reprĂ©sentant deux ou trois entreprises et confiĂ©es directement Ă  des avocats, avaient Ă©videmment un fonctionnement plus rĂ©actif. Ensuite il existait de profondes divergences de vues.

On relira ici une interview du 20 novembre oĂč en tant que prĂ©sident de la Chaintech (association disparue depuis lors) Alexandre Stachtchenko thĂ©orisait d'ailleurs ces diffĂ©rences :  Certains pensent qu’en criant trĂšs fort des positions radicales, ils permettront Ă  l’écosystĂšme d’obtenir ce qu’il souhaite. Je n’y crois pas. Cette mĂ©thode a Ă©tĂ© maintes fois utilisĂ©es et elle n’a pas fait Ă©voluer la situation, malgrĂ© les opportunitĂ©s mĂ©diatiques lors des prĂ©cĂ©dentes bulles par exemple. Je crois dans une dĂ©marche plus consensuelle, moins radicale. Une dĂ©marche de petits pas .

Quant à ma position radicale, on pourra en retrouver la trace dans un article publié dÚs le 3 novembre Much Ado about No Coin.

On retrouvera pour conclure l'historique des Ă©changes sur ledit projet de texte conjoint. C'est Ă  lire, classiquement, en partant de la fin. Le Cercle n'a pas refusĂ© de signer le texte mentionnĂ©, il a proposĂ© de le faire le 13 novembre (page 2) avec une mention du genre « ce texte a Ă©tĂ© communiquĂ© au Cercle du Coin, premiĂšre association francophone sur Bitcoin et les cryptomonnaies, et a recueilli l’assentiment des membres de son bureau ». Mais le texte n'a finalement jamais Ă©tĂ© produit, ce qui m'a Ă©tĂ© confirmĂ© par Ă©crit par MaĂźtre Benoit Couty le 23 novembre. Tout s'est donc passĂ© en  cabinet  et Ă   petits pas  avec le rĂ©sultat que l'on a vu.

(2) Lire mes remarques du 25 mai 2020 StopCovid, l'infrastructure manquante.

(3) La dĂ©centralisation Ă  la française est une farce. Des rĂ©gions dessinĂ©es (bĂąclĂ©es) Ă  l'ÉlysĂ©e et deux  patrons de rĂ©gion  qui, en 2021, n'avaient pas d'autre idĂ©e en tĂȘte que l'ÉlysĂ©e. Pour l'horizontalitĂ© on n'en parle un peu durant les campagnes Ă©lectorales (parce que c'est notre projet) mais on thĂ©orise la verticalitĂ© dĂšs le lendemain de l'Ă©lection. Quant Ă  la rĂ©ticularitĂ©, on l'a en horreur, et rien n'Ă©gale la mĂ©fiance qu'ont les politiques des rĂ©seaux sociaux si ce n'est la haine jalouse que leur portent la plupart des journalistes. Quant aux rĂ©seaux d'influence, occultes, c'est une autre afffaire, et les mentionner vous conduit au bĂ»cher pour complotisme.

vignette de l'article dans bitcoinfr.jpeg, janv. 2022

119 - Enfumage

January 13th 2022 at 20:09

Sur un plateau de télévision, pour tout bitcoineur qui pourrait expliquer, il y a face à lui quelqu'un qui est là pour critiquer. Il y a des champions de l'exercice. L'un des plus actifs ces temps-ci se présente comme économiste et comme tout économiste, quand il est à court d'argument, il raconte des histoires, partant comme tous les siens de l'idée que les expériences historiques peuvent servir à tout et hors de tout contexte.

Pour démontrer que Bitcoin n'est pas une monnaie, ce qui comme on le lui a répondu est largement une conversation de salon, il a des flÚches de toutes sortes dans son carquois. Une monnaie, nous a-t-il expliqué chez François Taddeï,  ça met généralement trÚs peu de temps à s'installer . Généralisation dont je vois bien mal le fondement et sur laquelle il embraye  par exemple si vous prenez la situation de Berlin aprÚs guerre, dans une ville ruinée, bon il fallait un moyen d'échange ...c'est la cigarette qui avait été élue par la population comme moyen d'échange, élue pas au sens strict, au sens de l'utilisation, et ça avait mis deux semaines à s'installer. .

Cet argument fumeux n'a pas été improvisé en panique sur le plateau, il a déjà été présenté dans une tribune du Monde :  En 1945, dans le Berlin ruiné d'aprÚs guerre, la cigarette n'avait pas mis deux semaines à s'étendre à quasiment toutes les transactions possibles .

L'exemple cité est tellement farfelu (la courbe d'adoption de Bitcoin suit assez fidÚlement celle d'Internet, lointain descendant d'Arpanet) qu'il peut sembler oiseux de le regarder de prÚs, mais l'exercice s'avÚre instructif.

Loin de nous infliger, comme on le fait pour tuer Bitcoin, l'argument des trois fonctions d'Aristote, il n'est plus question ici que d'instrument de transaction. On veut bien croire que ce soit cette fonction qui soit la plus urgente Ă  satisfaire et que l'adoption de la cigarette dans ces conditions ait pu ĂȘtre plus rapide que celle de Bitcoin. Nous voilĂ  plus Ă©rudits et dotĂ© d'un utile savoir. Sauf sur un point : les Allemands ne fabricant plus rien et surtout pas des cigarettes, cette Ă©trange monnaie n'a pas Ă©tĂ© Ă©lue par la population (genre monnaie locale) mais importĂ©e par l'occupant.

Faisons un peu d'histoire, et demandons-nous d'abord, oĂč notre Ă©conomiste a pu aller dĂ©nicher ça ? Faisons comme tout le monde : l'appel Ă  un ami savant (Ă  Mountain View, CA).

On lit cela en effet :  A la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la monnaie allemande, le Reichsmark, fut dĂ©considĂ©rĂ©e et ne fut plus utilisĂ©e. C'est une Ă©conomie Ă  base de troc qui vit le jour, et la monnaie d'Ă©change la plus utilisĂ©e fut alors la cigarette amĂ©ricaine. Elle permit une certaine stabilitĂ© des prix avant d'ĂȘtre remplacĂ©e en 1948 par le Deutschmark . Diable, c'est une monnaie qui accompagne du troc? durant trois ans ? Cependant on lit cette fine analyse sur le site secouchermoinsbete.fr qu'on ne rĂ©putera pas forcĂ©ment ĂȘtre de qualitĂ© universitaire. Notons quand mĂȘme que ledit site donne trois rĂ©fĂ©rences, ce qui n'est pas rien. Poursuivons.

  • La premiĂšre rĂ©fĂ©rence est Ă  un site spĂ©cialisĂ© sur l'or qui fait un bref historique sans rĂ©fĂ©rences particuliĂšres. Notons qu'il dit surtout que  peu avant la chute du troisiĂšme Reich, les Ă©changes dans les camps de concentration nazis se basaient sur la cigarette comme valeur de rĂ©fĂ©rence. Le fait que le tabac n'Ă©tait pas rationnĂ© et qu'il pouvait ĂȘtre facilement dissimulĂ© Ă©tait la principale motivation de ce choix . Donc on n'est plus aprĂšs la dĂ©faite mais avant... et on comprend mal pourquoi dans les camps des nazis les cigarettes n'auraient pas Ă©tĂ© rationnĂ©es. On y reviendra.
  • La seconde rĂ©fĂ©rence est Ă  l'article Wikipedia sur l'Allemagne depuis 1945 qui contient cette assertion :  L'Allemagne de l'aprĂšs-guerre connaĂźt une importante inflation, si bien que la cigarette blonde amĂ©ricaine fait figure d'Ă©talon monĂ©taire  avec un renvoi Ă  un livre peu spĂ©cialisĂ© dans les monnaies parallĂšles, Ă  savoir celui de Marc Nouschi, La dĂ©mocratie aux États-Unis et en Europe (1918-1989). Il semble y avoir (en page 244 dudit livre que je n'ai pas) une remarque sur l'apport massif d'amĂ©ricaines par les GIs. Mai alors s'agit-il bien d'un Ă©talon ?
  • La troisiĂšme rĂ©fĂ©rence est au site archive.tabacco.org qui ne semble plus en ligne.

Si l'on regarde maintenant dans la vraie littérature historique, c'est à dire dans des livres écrits par des historiens, on trouve cela principalement chez Anthony Beevor et Frederick Taylor. Le reste de ce que l'on trouve en ligne est littérature d'économistes.

Le premier écrit que  à Berlin, tout se comptait en ZigarettenwÀhrung, c'est-à-dire en monnaie-cigarettes ce qui fait plutÎt référence à l'étalon qu'à l'instrument, mais il ajoute à la phrase suivante  de sorte que quand les soldats américains arrivÚrent avec des réserves inépuisables de cartons ils n'eurent pas besoin de recourir au viol . Tiens donc...

Le second parle des soldats et fonctionnaires alliĂ©s qui, riches de cigarettes, pouvaient s'offrir des femmes allemandes, au tarif en usage de cinq cigarettes qu'il dĂ©crit comme une  monnaie d'Ă©changes officieuse . Mais ensuite, il attribue plutĂŽt Ă  la cigarette une fonction d'Ă©talon en 1948 dans un contexte oĂč les Russes, qui occupent la moitiĂ© de la ville, font tourner la planche Ă  billets de vieux Reichmark qui reste (incroyablement) la monnaie officielle de toute l'Allemagne occupĂ©e.

Bref ce Ă  quoi l'Ă©conomiste renvoie comme exemple presque standard d'Ă©lection d'une monnaie par la population n'est qu'un enchevĂȘtrement de faits divers douloureux : occupation de l'Allemagne, situation obsidionale Ă  Berlin, destruction de l'État, des usines, des immeubles et des familles, famine, trocs, marchĂ©s noirs, viols massifs des femmes par les soviĂ©tiques (deux millions de femmes ?) et mĂȘme par  nos amis amĂ©ricains .

Alors certes, il semble bien que la cigarette, instrument de dĂ©brouille plus que monnaie, ait servi lors de l'effondrement de mai 45, comme lors de la crise qui va mener au dĂ©but du blocus en juin 48. Mais les Russes, mĂȘme en quadrillant le terrain, auraient-ils fait tourner durant trois ans une planche imprimant des billets totalement dĂ©nuĂ©s de cours ?

Revenons Ă  la monnaie

MĂȘme pour en rester Ă  des expĂ©riences douloureuses et Ă©videmment non extrapolables, les cigarettes peuvent effectivement avoir servi de monnaie presque unique, non pas Ă  Berlin aprĂšs guerre mais dans les camps nazis avant. Et lĂ  il existe une intĂ©ressante documentation avec l'article The Economic Organization of a P.O.W. Camp publiĂ© en novembre 1945 par R.A. Radford, jeune anglais nĂ© en 1919 Ă  Nottingham, et capturĂ© en Lybie par les forces de l'Axe. On le lira en anglais ici et les moins courageux en rĂ©sumĂ© français lĂ .

Bien sĂ»r l'article de Radford n'apprendra rien sur le Bitcoin, monnaie intangible, non alimentaire, non fumable et Ă©voluant non e Ă©tat de siĂšge mais dans un monde numĂ©rique trĂšs ouvert. Mais il y a quand mĂȘme des Ă©lĂ©ments de rĂ©flexion sur le stock to flow et mĂȘme sur la  malĂ©diction de l'Ă©talon .

Clope au bec.jpg, janv. 2022J'en profite pour un petit aparté numismatique : à ma connaissance la seule effigie de monarque clopant est celle de Napoléon III accusé aprÚs 1870 d'avoir provoqué le désastre de Sedan, et l'emprisonnement de 80.000 prisonniers.

La cigarette est-elle sur cette monnaie satirique une allusion personnelle (oui, il fumait, mais plutĂŽt le cigare) ou une allusion au seul passe-temps du prisonnier ? Je l'ignore.

Notons pour conclure que si les cigarettes n'Ă©taient pas fabriquĂ©es par les Allemands occupĂ©s en 45 mais bien apportĂ©es par les soldats vainqueurs, elles n'Ă©taient pas davantage Ă©laborĂ©es par les prisonniers eux-mĂȘmes dans les camps nazis mais y Ă©taient envoyĂ©es par les familles dans les paquets et par les États (vaincus) au titre de leur grotesque propagande. État vaincu ou État vainqueur la cigarette finalement est une monnaie rĂ©galienne !

118 - Bitcoin mis en biĂšre

January 4th 2022 at 19:53

(pour Sofiane)

Commençons par un aveu de faiblesse : cet article serait difficile à traduire.

Il y avait jadis, m'a-t-on dit, dans mon village de Picardie un menuisier qui faisait aussi  café  et ne se refusait pas le plaisir d'accueillir à l'occasion le client par une plaisanterie trÚs fine :  vous venez pour une biÚre ? .

Bref, je ne vais pas parler de Bitcoin mis pour une 440Úme fois (à ce jour)  en biÚre  (du vieux bas-francique bëra pour civiÚre) mais d'une certaine chope de biÚre (du moyen-néerlandais bier) qui me semble avoir largement échappé à la fureur du mÚme qui rÚgne dans notre sonnante et trinquante communauté.

Ce 3 janvier, donc, un banquier d'affaires crypto de longue date (il se reconnaitra) poste, comme quelques centaines d'autres j'imagine, l'iconique page du Times de Londres. Quelle élégance, ce Satoshi, on dirait un personnage de Jules Verne. On sent le boomer et ça me ravit à chaque fois.

Comme chacun sait, Satoshi, dans son premier bloc de validation, le 3 janvier 2009, a en effet rajouté ces quelques mots :  Chancellor on brink of second bailout for banks . Et là, le fin banquier d'ajouter :  Certains diront que c'est un message subliminal pour réfléchir sur notre économie monétaire, d'autres qu'il s'agissait simplement d'une preuve de date... le mystÚre subsiste .

Au moment prĂ©cis oĂč j'ai lu le mot subliminal mes yeux se sont ouverts et, pour la premiĂšre fois je le confesse (mais j'ai eu beau interroger autour de moi, je ne semble pas plus borgne qu'un autre) j'ai VU :

pinte.jpg, janv. 2022

Bon dieu... mais c'est bien sûr !  me dis-je comme le célÚbre commissaire : le vrai message subliminal, c'est la pinte. Ce message s'adressait clairement à plusieurs personnes qui ne le savaient pas ce jour-là, il y a 13 ans, mais qui allaient devenir, d'un bout du monde à l'autre, les piliers d'innombrables social-meetups.

Mais ce qui est vraiment magnifique c'est ce que dit le minuscule chapeau : que le prix de l'indispensable pinte allait baisser !!!

Or au cours de ces réunions savantes et conviviales, de pinte en pinte, on allait assister à une baisse vertigineuse du prix de la biÚre... exprimé dans la monnaie de Satoshi.

Mes amitiés aux buveurs de biÚre francophones qui se reconnaßtront eux-aussi aisément et aux bars qui ont eu l'intelligence de vendre la biÚre en bitcoin !

117 - Ligne de partage ou ligne front ?

January 1st 2022 at 10:57

(Bonnes résolutions?)

Certaines personnes ne s'intĂ©resseront jamais Ă  Bitcoin. D'autres ne s'y intĂ©resseront jamais que pour en dĂ©noncer ce qu'il n'est pas ou ce qu'il ne devrait pas ĂȘtre, voire pour en rĂ©clamer l'interdiction. Il y a des cas dĂ©sespĂ©rĂ©s.

Seulement il faut bien avouer que ceux qui s'intĂ©ressent aujourd'hui Ă  Bitcoin ne l'ont fait ni depuis leur propre naissance, ni depuis la sienne, ni mĂȘme en gĂ©nĂ©ral depuis leur premiĂšre rencontre.

Il y a, Ă  un moment donnĂ©, une rencontre dĂ©cisive, parfois gĂȘnante, toujours enthousiasmante. Un moment oĂč l'on choit du haut de ses certitudes et oĂč l'on doit reconstruire sa vision, revenir d'une forme d'aveuglement, comme Paul sur le chemin de Damas, oĂč il se rendait pour combattre ceux qu'ils considĂ©raient comme des hĂ©rĂ©tiques, des dissidents et des dangereux sectaires.

(merci au pape Paul VI pour cette piĂšce originale)

Comment devons-nous, de notre cÎté, comprendre et traiter toutes les déclarations des no-coiners exhibant sans fard leur faible connaissance d'une chose qu'ils prétendent condamner ?

Ce billet incite à prendre quelques bonnes résolutions  : s'indigner, aboyer et troller ne suffit pas à provoquer la chute du païen, et moins encore à lui ouvrir les yeux.

OK Boomer

Clamée comme une sorte de Montjoie, cette interjection témoignait à l'origine (il y a plus de trois ans maintenant) d'une compréhensible fatigue des plus jeunes devant les admonestations grand-paternelles. Elle a fini par devenir un argument en soi, qui ne me semble guÚre ni honorable (notamment au regard d'une morale commune qui ne cesse de dénoncer les stéréotypes) ni pertinent si l'idée n'est pas de dénoncer mais d'expliquer. Pourtant, à chaque fois que j'ai tenté d'en suggérer la portée limitée, je me suis fait renvoyer dans les cordes avec une forme de méchanceté.

Or s'il est incontestable que l'apprĂ©hension de la nouveautĂ© technologique (mais aussi artistique, musicale, etc.) rĂ©vĂšle un biais d'identitĂ© et qu'ĂȘtre sexagĂ©naire, porter une cravate ou avoir fait carriĂšre dans la haute administration ne sont pas des critĂšres qui prĂ©disposent Ă  frĂ©quenter des jeunes geeks, il est non moins Ă©vident qu'il y a des boomers crypto - dont Satoshi lui-mĂȘme selon toute vraisemblance chronologique - des hauts fonctionnaires crypto-adeptes (ou apologistes) et comme toujours des contre-exemples dans tous les sens.

Laisser entendre qu'on peut ou qu'on ne peut pas  comprendre générationnellement Bitcoin, comme on me l'a écrit récemment dans un français douteux, reste une fainéantise intellectuelle. Que le facteur d'ùge soit plus clivant que le type d'études, le positionnement social, la place dans le cocotier ou Dieu sait quoi, c'est ce qui m'apparait incertain. L'argument, quand il n'est pas sérieusement étayé, me semble relever d'une sorte de maoïsme, comme lorsque (dans ma jeunesse !) les  origines petit-bourgeoises  de l'adversaire expliquaient tout et n'importe quoi.

Surtout, cet argument instaure une  ligne de partage des eaux  qui, selon la seule date de naissance, condamnerait l'un à l'ignorance arrogante des boomers et l'autre à la vertueuse hardiesse intellectuelle des millennials. C'est beau comme Jésus au milieu des docteurs.

Albrecht-Durer-.jpeg, déc. 2021

Non seulement cela blesse et bute le boomer mais cela n'incite guĂšre le jeune qu'Ă  la raillerie, voire Ă  l'amertume, sans autre espoir que dans le temps qui passe. Or jouer le cadavre est un jeu usant. La gĂ©nĂ©ration aux commandes peut se maintenir longtemps. Elle a le droit, les institutions, la force et pas mal d'autres choses pour elle. Le jeune sera vieux avant que le vieux ne soit mort. D'autant que le dernier jeune qui m'a titillĂ© avait, Ă  l'examen, des enfants dĂ©jĂ  ĂągĂ©s eux-mĂȘmes de 20 ans, ce qui m'a fait sourire mais que j'ai Ă©lĂ©gamment gardĂ© pour moi.

La vraie ligne de partage

Si elle ne correspond pas Ă  celle que tracerait la seule naissance, voire l'inscription dans les forteresses et les rĂ©seaux de la domination sociale, par oĂč passe donc la ligne sĂ©parant ceux qui vont en rester lĂ  et ceux qui vont faire le pas vers la crypto ?

Selon moi, elle court entre deux qualités essentielles de l'esprit : la liberté et la curiosité.

La libertĂ© n'est pas forcĂ©ment Ă  la portĂ©e de tous. Celui dont la position (professionnelle et donc matĂ©rielle) passe par l'allĂ©geance au systĂšme financier construit depuis le dĂ©basement des monnaies et la libĂ©ralisation des marchĂ©s financiers ne peut pas (sauf paradoxalement Ă  l'Ăąge de la retraite, peut-ĂȘtre !) faire le moindre pas. Mais ne nous y trompons pas : il y a des gens fainĂ©ants (jeunes ou vieux, d'ailleurs) qui rĂ©pĂšteront toute leur vie ce qu'ils ont appris en premiĂšre annĂ©e de facultĂ©, sans mĂȘme que le systĂšme n'ait Ă  exercer de grande contrainte sur eux.

La curiositĂ© est ce qui me semble commun Ă  toutes les personnes, de tous Ăąges, origines et conditions que j'ai rencontrĂ©es dans la crypto. Quelqu'un de curieux (et de cultivĂ©, ce qui va toujours de pair, mĂȘme si des jeunes gens incultes vont certainement me soutenir le contraire) finit toujours par comprendre Bitcoin.

À cet Ă©gard on peut donner l'exemple de ce magnifique boomer qu'est RaphaĂ«l Rossello, Managing Partner d'Invest Securities (et laurĂ©at du Prix Tulipe...). En mars 2021, il avait dĂ©clarĂ© chez Thinkerview que le jeton de Bitcoin ne serait jamais autre chose qu'un billet de monopoly aux usages douteux.

Il faut réécouter attentivement cette premiÚre séquence : on y voit bien que cet homme intelligent traite de l'inconnu non pas de façon sotte, mais au travers de son expérience qui est vaste et de la sagesse qu'il en a retirée. Mais en mars 2021 il n'avait aucune connaissance de Bitcoin et celle (au demeurant approximative) qu'il avait de l'épisode des tulipes ne lui permettait pas alors d'expliquer Bitcoin, mais seulement de suppléer à son ignorance par un mixte de comparaison et d'extrapolation.

En novembre, huit mois plus tard seulement, il a eu le mĂ©rite, le courage et l'honnĂȘtetĂ© d'analyser publiquement son  chemin de Damas .

Phénoménologie de l'expérience Bitcoin ?

RaphaĂ«l Rossello venait, nous dit-il, d'un monde oĂč l'univers crypto n'existe pas. J'ai dĂ©jĂ  dit moi-mĂȘme que c'Ă©tait exactement ce que rĂ©vĂšle l'argument cĂ©lĂšbre  ça ne marche pas dans la vraie vie . Il ne sert donc Ă  rien, fĂ»t-on maximaliste, de montrer Bitcoin seul, au risque de l'exhiber comme la solution Ă  un problĂšme qui n'existe pas dans l'esprit d'autrui.

À le voir sur ces deux sĂ©quences diffĂ©rentes, il est Ă©vident que RaphaĂ«l Rossello n'a pas Ă©tĂ© vaincu par les cris ou les trolls suscitĂ©s par sa premiĂšre intervention. Il a Ă©tĂ© convaincu par des arguments, mais surtout par l'expĂ©rience de cas d'usage.

Or n'importe qui de sérieux ( fût-il un boomer) voit en quelques semaines d'étude que les laborieuses expériences menées par les banques centrales sur leurs blockchains privées sont mille fois moins excitantes que ce qui se passe dans la Defi.

Laissons donc faire.

La violence est contre-productive

N'entretenons pas la violence inutile qui se dĂ©chaĂźne mĂȘme sur des rĂ©seaux professionnels de type LinkedIn, pour ne rien dire de Twiter. Celle des adversaires de Bitcoin est souvent inconsciente, car faite de pas mal de pharisaĂŻsme : ne sont-ils pas les honnĂȘtes gens justement chargĂ©s du bien commun ? Elle est aussi, parfois, pĂ©trie d'arrogance, de mĂ©pris, de mensonges impunĂ©ment rĂ©pĂ©tĂ©s.

chroniqueurs.jpg, dĂ©c. 2021Ainsi un  haut fonctionnaire et Ă©conomiste  que chacun reconnaitra aisĂ©ment multiplie les  Mon bon monsieur  et les  Mon pauvre ami , parle des braves gens  et n'hĂ©site pas devant des arguments comme vous ĂȘtes gentil mais vous ne connaissez strictement rien Ă  la rĂ©gulation des marchĂ©s financiers , cette derniĂšre pique apparemment adressĂ©e Ă  quelqu’un possĂ©dant, justement, la certification AMF 
 AprĂšs quoi le mĂȘme bloque ceux qui osent lui rĂ©pondre. Donc, en fait, lui rĂ©pondre, poliment ou non, me paraĂźt relever du jeton mis dans une machine dont le bruit qui nous casse dĂ©jĂ  les oreilles. Voyez son prĂ©dĂ©cesseur  ancien prĂ©sident de banque  qui au bout de quelques mois semble avoir renoncĂ© Ă  ses polĂ©miques insensĂ©es.

Mais la violence des bitcoineurs ne doit pas ĂȘtre sous-estimĂ©e ou absoute : elle peut ĂȘtre mĂ©chante, assaisonnant en outre ses attaques ad hominem de fautes d'orthographe qui discrĂ©ditent encore davantage le propos aux yeux de ceux qui sont visĂ©s. Au-delĂ  de ces vices de forme, on y passe trop vite du refus de l'archĂš Ă©tatique Ă  celui de l'auctoritas acadĂ©mique et de l'anarchie Ă  la vulgaritĂ©. Dire d'un professeur d'universitĂ© qu'il est  payĂ© par nos impĂŽts  devrait ĂȘtre proscrit : or c'est commun et pour certains c'est mĂȘme l'ultima ratio.

Bref chaque camp s'installe sottement dans la caricature que l'autre en trace.

Une part de dĂ©nonciation m'apparait lĂ©gitime : on peut et on doit souligner les intĂ©rĂȘts objectivement servis, rappeler que tel qui se prĂ©sente comme  professeur  fait l'essentiel de sa carriĂšre dans telle ou telle banque, mettre le projecteur sur les extrapolations imprudentes, les suppositions toujours hasardeuses selon lesquelles le contexte, le marchĂ©, la technique ou les besoins des hommes ne changeront jamais.

La dénonciation des biais identitaires doit en revanche se faire avec tact. Tel qui est responsable de ses jugements erronés ne l'est pas de son ùge et celui auquel on pourra légitimement reprocher une carence de culture technologique ne sera pas exécuté simplement pour avoir fait l'ENA trente ou quarante ans plus tÎt.

vatican-20-lires-1988.jpg, déc. 2021La part d'énergie consacrée à l'invective serait dans tous les cas mieux employée à susciter la curiosité.

 N'y touchez pas  dit la Banque ? PlutÎt que de vous époumoner contre la Banque, rendez donc le fruit Bitcoin appétissant.

(Merci au pape Jean-Paul II. Heureusement que les papes battent monnaie, sinon je serais Ă  court d'illustrations numismatiques)

Je vais maintenant entrer dans une zone Ă  risque.

Au-delĂ  des violences verbales qui brouillent le message et des lĂ©gitimes requĂȘtes pour bĂ©nĂ©ficier d'une fiscalitĂ© honnĂȘte et loyale, quel sens doit-on donner Ă  Bitcoin lorsque nous en parlons ?

R. Rossello nous rappelle au dĂ©tour d'une phrase qu'on peut venir Ă  Bitcoin sans aimer le nĂ©o-libĂ©ralisme. Tout bitcoineur a le droit d'ĂȘtre (ou de ne pas ĂȘtre) nĂ©o-libĂ©ral, ou autrichien. Le problĂšme, selon moi, vient d'une forme de hold-up que certains font sur Bitcoin. Que Hayek ait en 1976 appelĂ© Ă  une mise en concurrence des monnaies en dehors du contrĂŽle de l'Etat n'en fait pas l'inventeur de Bitcoin. Qu'en 1999 Friedman, parlant de la façon dont Internet serait une force importante pour rĂ©duire le rĂŽle du gouvernement ait ajoutĂ© dans un apartĂ© de moins de 60 secondes que  la seule chose qui manque, mais qui sera bientĂŽt dĂ©veloppĂ©e, c'est une monnaie Ă©lectronique fiable, une mĂ©thode par laquelle, sur Internet, on peut transfĂ©rer des fonds de A Ă  B sans qu'ils se connaissent  n'en fait pas l'inventeur de Bitcoin.

Entendons-nous bien : leurs diagnostics prouvent effectivement que Bitcoin n'est pas nĂ© par hasard. Mais il n'est pas nĂ© dans une fac d'Ă©co, ni Ă  Chicago. D'autres qu'eux, dans d'autres courants de pensĂ©e, ont aussi posĂ© des diagnostics prophĂ©tiques. A tout prendre, l'idĂ©e formulĂ©e par Henry Ford en 1921 d'une monnaie Ă©nergĂ©tique (la seule dont j'avais entendu parler avant ma rencontre avec Bitcoin, entre nous soit dit) me paraĂźt susciter un rapprochement tout aussi convainquant. Et comme nous l'avons Ă©crit Philippe Ratte et moi dans un ouvrage qui, poussant avec malice le mĂȘme bouchon encore plus loin, suggĂ©rait que Tintin avait dĂ©couvert Bitcoin avant Satoshi :  tous les angles d'attaque sont bons, et en Ă©clairant un mĂȘme objet obscur, c'est leur rapprochement qui le met en Ă©vidence. Ainsi l’interfĂ©rence entre des ondes lĂ©gĂšrement dĂ©calĂ©es d’un laser frappant un mĂȘme objet permet-elle d’en tirer l’hologramme .

La mass adoption ne viendra pas de la lecture de resucĂ©es d'Ă©conomistes morts par leurs adeptes pour qui Bitcoin a Ă©tĂ©, parfois, une divine mais tardive surprise. L'envol de son cours est, disons-le platement, bien plus convainquant. Les signes d'une Ă©trange normalisation ne manquent pas, que ce soit les anciens Ă©tudiants de Blockchain Partners qui redeviennent bitcoineurs mais sous pavillon KPMG ou bien la sociĂ©tĂ© Coinhouse, spin-off de la dĂ©funte Maison du Bitcoin, qui s’installe dans l’ancien CrĂ©dit Lyonnais. La multiplication du nombre de mĂ©dias, podcasts et chaĂźnes Youtube, l'arrivĂ©e de Satoshi sur Arte avec le documentaire de RĂ©mi Forte Ɠuvre de grande qualitĂ© non exempte d'ailleurs d'une certaine dose d'inquiĂ©tude... tout cela annonce la sortie du ghetto. Raison de plus de ne pas en inventer de nouveaux ni idĂ©ologiques, ni moraux.

Car il n'est pas interdit de craindre que le changement ne s'accompagne aussi, maintenant du cĂŽtĂ© des bitcoineurs, d'une forme de condescendance ou d'arrogance peut-ĂȘtre prĂ©maturĂ©e, surement dĂ©placĂ©e. Certains pronostics d'hyperbitcoinisation ne sont pas utiles. Certaines photographies (de vacances, de fĂȘtes, de festins) sont peu de nature Ă  conforter l'idĂ©e que  Bitcoin n'a pas Ă©tĂ© inventĂ© pour vous rendre riches mais pour vous rendre libres .

On peut rire entre nous de tous les banquiers et économistes old-timers qui viennent avec une sincérité de crocodile nous dire que Bitcoin a trahi les promesses de sa jeunesse. Il n'est pas interdit de nous poser, entre nous, des questions morales.

Il y a en effet une attitude possible (short the world, en gros...) et une autre, souhaitable. Améliorer un peu le monde.

116 - Une piĂšce de 21

December 5th 2021 at 09:59

Le nombre 21 (généralement suivi de millions) joue un rÎle essentiel, tant concrÚtement que symboliquement, pour la  meute sectaire et insultante  qui agace les gentils universitaires et les utiles haut-fonctionnaires avec lesquels certains d'entre nous s'aventurent à polémiquer en pure perte de temps.

Pourquoi 21 ? Vieille question qui marque au fer rouge le prétendu expert débarquant sur un plateau télévisé avec sa supposée candeur. Passons.

Est-ce qu'il a existé une piÚce de 21 quoi que ce soit ? Voilà en revanche une question vraiment utile à débattre durant un week-end pluvieux  à l'heure du thé fumant et des livres fermés .

Parce qu'en apparence, depuis la restauration d'un semblant de finance par Bonaparte et jusqu'à l'effondrement des monnaies au 20Úme siÚcle, la plupart des pays civilisés c'est à dire, let's be serious, francophones ont battu en or des piÚces de 20 francs, pas de 21.

Le chiffre 20 a d'ailleurs une antiquité respectable en matiÚre monétaire. Il y avait 20 sous dans un franc, comme il y avait 20 solidus dans une livre depuis Charlemagne et comme il y eut 20 shillings dans une livre sterling.

AprĂšs leur courte expĂ©rience rĂ©publicaine, les Anglais battirent entre 1663 et 1814 une piĂšce d'or qui contenait environ un quart d'once d'or, et Ă  laquelle on donna de GuinĂ©e, terme qui dĂ©signait toute la cĂŽte mĂ©ridionale de l'Afrique occidentale d'oĂč provenait une grande partie de l'or utilisĂ© pour fabriquer ces piĂšces. À l'origine la guinĂ©e valait une livre sterling (soit 20 shillings d'argent) mais la hausse du prix de l'or par rapport Ă  celui de l'argent finit par entraĂźner une augmentation de la guinĂ©e, qui a parfois atteint 30 shillings.

Alors, de 1717 à 1816, la valeur de la guinée fut officiellement fixée chez nos amis anglais, qui peuvent parfois se singulariser comme par plaisir, à 21 shillings. On trouve des poids monétaires en laiton qui pouvaient servir à réglementer la parité entre banquiers, changeurs et commerçants, ainsi qu'à valider aisément sur une balance, que l'argent sur le plateau valait bien une de ces fameuses guinées !

Mais fixer la paritĂ© entre deux mĂ©taux est une folie de rĂ©gulateur, un fantasme rĂ©galien. La guinĂ©e Ă©tait cependant devenue un terme familier ou spĂ©cialisĂ©, et l'est restĂ©e longtemps mĂȘme sans piĂšce tangible. Bien que la piĂšce de ce nom ne circule plus depuis le 19Ăšme siĂšcle, le terme  guinĂ©e  a survĂ©cu jusqu'au 20Ăšme siĂšcle comme unitĂ© de compte dans certains domaines, au cours de 21 shillings. Parmi les usages notables, les honoraires professionnels (mĂ©dicaux, juridiques, etc.) Ă©taient souvent facturĂ©s en guinĂ©es, ainsi que les paris aux courses de chevaux et de lĂ©vriers, ou la vente de bĂ©liers.

Tant et si bien que la livre égyptienne s'appelle toujours officiellement pound en anglais et guineh en arabe, établissant si l'on peut dire l'équivalence 20=21, digne des mystÚres dont l'histoire de ce pays était déjà si riche.

Il y a tout de mĂȘme eu un exemple de piĂšce avec une valeur faciale de 21 unitĂ©s monĂ©taires

Elle fut Ă©mise par des autoritĂ©s lĂ©gales, lĂ©gitimes, rĂ©galiennes et tout ce qu'on voudra. Et bien sĂ»r ça s'est passĂ© chez mes amis neuchĂątelois, oĂč fut bel et bien frappĂ©e une piĂšce de 21... batzen.

Le batz Ă©tait Ă  l'origine, au 15Ăšme siĂšcle, la monnaie de Berne. La piĂšce montrait alors sur son avers un ours qui est l'emblĂšme de la ville et tirait mĂȘme son nom, comme la ville qui l'avait crĂ©Ă©e, de l'ancien haut-allemand BĂ€tz qui signifiait Ours. Le Batz se divisait en 4 Kreutzer, chose commune Ă  toutes les villes oĂč l'on battit ensuite des batzen. Mais hĂ©las, d'une ville Ă  l'autre, la valeur du batzen local variait sensiblement de Berne Ă  Fribourg, Lausanne et autres villes Ă  atelier monĂ©taire.

Arrivent les Français (en 1798, donc avant Bonaparte, soit dit en passant : il n'a pas tous les torts et toute cette affaire est bien complexe) : le batz devient la valeur d'un dixiĂšme de la  livre suisse , nouvelle monnaie officielle que l'on va bientĂŽt appeler  franc  mĂȘme si en attendant Germinal, il n'a pas exactement la mĂȘme valeur que de l'autre cĂŽtĂ© de la montagne. Il faut harmoniser : 21 batzen de Fribourg sont comptĂ©s pour 20 batzen suisses.

Et Neuchùtel dans tout cela ? Depuis 1709, la principauté qui était jadis à la famille de Fribourg, puis aux Orléans-Longueville, s'est choisie comme souverain le roi de Prusse, parce qu'il est loin, qu'il est protestant et qu'il semble pouvoir la protéger des appétits français. La principauté use à l'occasion de son indépendance pour fabriquer un peu de fausse monnaie (française) mais elle a sa propre monnaie, à l'effigie du roi de Prusse. Son batz, comme celui de Fribourg, est un peu plus faible que celui dit suisse. Un bon moyen de rester fidÚle à sa vieille unité de compte tout en commerçant avec les Suisses est donc... d'émettre des piÚces de 21 batzen, qui seront comptées pour 20 ailleurs.

Comme l'indique la légende : Suum cuique, à chacun le sien !

La légende en latin abrégé se lit Frédéric-Guillaume III roi de Prusse Prince Souverain de Neuchùtel et Valangin

La ville de GenĂšve avait procĂ©dĂ© de mĂȘme, avec sa piĂšce de 21 sous, valeur d'usage depuis 1710 (quoique non inscrite comme valeur faciale) Ă©mise de la mĂȘme façon pour faciliter les Ă©changes avec la Savoie ou la Suisse.

À son retrait lors de la loi monĂ©taire de 1850 la piĂšce de 21 batzen qui avait circulĂ© depuis FrĂ©dĂ©ric III, puis Alexandre Berthier, puis sous rĂ©gime prussien et cantonal aprĂšs 1814, valait 2fr75, et non 2fr10, ce qui laisse penser qu'elle s'Ă©tait apprĂ©ciĂ©e le temps passant.

Notons le pragmatisme de la dĂ©marche : les politiciens français qui voudraient  revenir au franc  n'ont Ă  ma connaissance jamais songĂ© Ă  battre des piĂšces de 6, 55957 francs français, alors mĂȘme que la Monnaie de Paris l'avait fait, non seulement pour des mĂ©dailles (au dessus), mais pour diverses Ă©missions en argent, numismatiques, donc parfaitement lĂ©gales, lĂ©gitimes, rĂ©galiennes etc !

Donc, pour finir sur une note crypto (que l'on n'aille pas me reprocher de perdre la foi et de faire perdre leur temps à mes rares lecteurs) : pourquoi ne pas émettre un stablecoin en franc ? Il me semble qu'il faudrait réunir un groupe de travail, mener des expérimentations, écrire des rapports et naturellement trouver un algorithme de consensus fondé sur l'utilité sociale et le respect de tout ce qui peut venir à l'esprit. Mais la Banque de France a déjà une vieille expérience du minage !

115 - Le vide

November 15th 2021 at 09:29

Mes lecteurs ne regardent pas trop la télévision, et sans doute moins encore sa publicité commerciale que sa réclame politique. Malgré cela je veux parler ici d'un spot qui m'avait amusé jadis et qu'une récente expérience m'a remis en mémoire.

Les publicitĂ©s des banques est un genre Ă  part, avec ses mots pompeux, sa  digitalisation  en toc et ses clients santons, tantĂŽt roublards tantĂŽt Ă©bahis. Pouvoir de dire oui, monde qui change, truc qui bouge. On tourne en rond et mĂȘme en traversant la rue pour gagner la banque d'en face cela reste Kik-kif et Cie. Les pubs du CrĂ©dit Mutuel tablent sur l'originalitĂ© supposĂ©e de leur structure capitalistique mĂȘme s'il est probable que l'usager s'en soucie peu et ne la soupçonne gĂ©nĂ©ralement mĂȘme pas. Dans cet Ă©tablissement, pour 24 euros par an, le client n'a ni chĂ©quier ni carte de paiement. On fait mieux, en gros, et mieux vaut donc parler d'autre chose. Voici le clip en question, datant d'une dizaine d'annĂ©es.

On se fiche tellement de leur structure coopérative (qui n'est pas unique dans le paysage bancaire, loin s'en faut) que clip avait plutÎt été remarqué pour son racisme inconscient ou supposé. Mais moi il m'avait frappé parce que l'agence filmée n'est guÚre éloignée de chez moi. Et que s'il y a souvent foule devant le bistrot (devenu depuis lors un commerce de hamburger) on ne voit guÚre devant la banque que des gens retirant leur argent de l'automate ou laissant leur chien pisser sur la devanture.

Or l'autre jour, pour rendre service Ă  l'un de mes proches, j'ai dĂ» pousser la porte de cette agence...

Un grand vide.

Cela doit bien faire prÚs de 200 mÚtres carrés, avec 20 mÚtres de façade sur rue, autant que le Carrefour voisin, qui presque jour et nuit rend service à une foule nombreuse. Bien davantage que le fruitier berbÚre en face, le petit restaurant chinois japonais, le boucher casher, le couscous halal, le charcutier italien, le serrurier portugais, le réparateur de mac, le pressing et tous ceux qui rendent des services vraiment utiles et autrement que 35:00 heures par semaine sur 4 jours et demi (source Google).

Dans cet espace immense et aseptisĂ©, je ne vois qu'un homme seul, Ă  la borne d'accueil. ExtrĂȘmement courtois je m'empresse de le dire, des fois que son supervisor ou son N+1 comme on dit maintenant ne me lise ici.

Je lui pose ma question, qui concerne donc un particulier. Mais ce monsieur est  responsable entreprises . Il a dû percevoir un peu d'étonnement dans mes yeux. Il me précise donc que tous les  responsables  doivent faire  au moins une journée et demi de guichet . C'est beau la flexibilité. Du coup, toujours obligeant, il se saisit de son téléphone, et appelle la responsable particuliers  qui à cette heure a le droit de travailler dans un (son?) bureau. Voix lointaine, dans le fond du décor vide.

Mais ma question concerne un mĂ©tier spĂ©cifique - celui d'enseignant - pour lequel le CrĂ©dit Mutuel a crĂ©Ă© des Agences dĂ©diĂ©es. Sont-elles, celles-lĂ , pleines de clients-actionnaires-administrateurs bourdonnant et industrieux ? Je l'ignore. L'agence de quartier dans laquelle je me trouve ne dispose mĂȘme pas du flyer ad hoc.

Il faudrait voir sur Internet . Je n'y aurais pas pensé. Mais sur Internet on vous demande juste votre téléphone, pour qu'un responsable spécialisé vous rappelle, au moment qui l'arrangera lui, ou pas.


Bref l'Agence vide occupée par deux responsables ivres de solitude et d'ennui ne sert à rien. Comment et pourquoi la Banque paye-t-elle son injustifiable loyer ? Mais le site Internet non plus ne sert à rien. A quoi sert la Banque, finalement ?


Du cÎté de Bitcoin, on dénonce souvent les Banques pour leur monopole, leur puissance, leur effrayante collusion avec les pouvoirs, leur rÎle dans le traçage et le contrÎle de nos vies. Et tout cela est vrai. Mais je ne crois pas moins vrai de souligner ce vide, ce creux, ce toc.

D'ailleurs, lorsque l'on fréquente amicalement les seigneurs de la Banque, ceux qui sont dispensés de guichet, ce creux finit toujours par ressortir. Heures perdues en parlotte, en formations sur la compliance, en séances de sensibilisation sur le droit de telle ou telle minorité durant lesquelles chacun roupille. Mais aussi réorganisations absurdes (tantÎt par métiers, tantÎt par secteurs, vieux débat stérile et jamais tranché) objectifs absurdes, slogans absurdes.

Les banquiers sentent cela comme vous.

Leur publicitĂ© le trahit, avec sa fausse auto-dĂ©rision, ou la vilĂ©nie de se moquer d'un concurrent, ce qu'un industriel honnĂȘte ne fait pas.

Leur marketing le trahit avec des filiales supposées hipe que les lois si sourcilleuses quant à la transparence de toutes choses dispensent curieusement de la mention groupe banque ceci ou cela mais qui toutes mettent en abyme le creux et le vieux de leur propre monde.

Et comme chacun sait, leur argumentation le trahit, avec son mixte inimitable de bon sens prudhomesque et d'arguments d'autorité.

Et Bitcoin ? Eh bien le CrĂ©dit Mutuel se classe pratiquement en tĂȘte des banques les plus obtuses, dans tous les classements Ă©tablis, que ce soit par Capital ou par les lecteurs de bitcoin.fr. Et son prĂ©sident, Nicolas ThĂ©ry, par ailleurs prĂ©sident de la FFB (et ça, ça change tout a-t-on envie d'ajouter en parodiant la publicitĂ©) ne s'illustre pas par une bienveillance technologique particuliĂšre mais plutĂŽt par sa dĂ©fense du prĂ©-carrĂ© des banques, mutualistes ou pas.

J'ai eu une idée : La Nature a horreur du vide. Avec mes amis du Cercle du Coin, on va tous s'acheter deux ou trois de leurs parts sociales et venir  voter  en faveur de Bitcoin à leur prochaine assemblée croupion de sociétaires potiches.

114 - Avec Snowden

October 10th 2021 at 12:24

Je ne publie ici qu'une traduction, celle d'un article publié le 9 octobre sur son blog par Edward Snowden sous le titre Votre argent ET votre vie, Les monnaies numériques de banques centrales vont rançonner notre avenir.

Nul besoin de souligner qu'il est un homme dont la parole compte.

Compte tenu de la longueur de son texte, bien peu de gens feront rĂ©ellement l'effort de le lire en anglais mĂȘme si chacun jurera le contraire, comme on jure n'avoir aucun problĂšme Ă  tenir une rĂ©union de travail en anglais, en plein Paris, dĂšs qu'on a cru devoir inviter un nĂ©o-irlandais, et avant que chacun ne bredouille lamentablement.

D'autre part comme la Banque de France ne communique pratiquement plus qu'en anglais, autant en prendre lĂ -aussi le contrepied !

C'est tout ce que j'ai à dire ; la suite (que l'on peut aussi entendre en lecture sur Grand Angle Crypto) est la traduction de son article, avec ses illustrations, sans commentaires de ma part. J'en aurais bien faits quelques-uns, mais marginaux, notamment sur des points de chronologie. D'autre part certains liens sont restés pointés vers des sources en langue anglaise. Tout cela parce que mes journées n'ont que 24 heures.

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Les nouvelles, ou nouvelles, de cette semaine concernant la capacité du Trésor américain, ou sa volonté, ou simplement sa tentation d'essayer un troll : frapper une piÚce de monnaie en platine d'un trillion de dollars (1 000 000 000 000 $) afin de repousser la limite de la dette du pays m'ont rappelé d'autres lectures monétaires que j'ai faites cet été sous le dÎme de chaleur, lorsqu'il est devenu évident pour beaucoup que le plus grand obstacle à tout nouveau projet de loi sur les infrastructures américaines ne serait pas le plafond de la dette, mais le plancher du CongrÚs.

Cette lecture, que j'ai effectuĂ©e tout en prĂ©parant le dĂ©jeuner Ă  l'aide de mon infrastructure prĂ©fĂ©rĂ©e, savoir l'Ă©lectricitĂ©, Ă©tait la transcription d'un discours prononcĂ© par un certain Christopher J. Waller, gouverneur fraĂźchement nommĂ© du 51Ăšme et plus puissant État des États-Unis, la RĂ©serve fĂ©dĂ©rale.

Le sujet de ce discours ? Les CBDC - qui ne sont malheureusement pas une nouvelle forme de cannabinoïde qui vous aurait échappé, mais plutÎt l'acronyme de Central Bank Digital Currencies - le tout dernier danger qui se profile à l'horizon public.

Avant d'aller plus loin, permettez-moi de dire qu'il m'a été difficile de déterminer ce qu'est exactement ce discours - s'il s'agit d'un  minority report  ou simplement d'une tentative de plaire à ses hÎtes, l'American Enterprise Institute.

Mais étant donné que Waller, un économiste nommé à la derniÚre minute par Trump à la Fed, exercera son mandat jusqu'en janvier 2030, nous, lecteurs de midi, pourrions y voir une tentative d'influencer la politique future, et plus précisément d'influencer le  document de discussion de la Fed , tant attendu et toujours à venir - un texte rédigé par un groupe - sur le thÚme des coûts et des avantages de la création d'une CBDC.

Précisons : sur les coûts et les avantages de la création d'une CBDC américaine, car la Chine en a déjà annoncée une, tout comme une douzaine d'autres pays, dont récemment le Nigeria, qui lancera début octobre l'eNaira.

À ce stade, le lecteur qui n'est pas encore abonnĂ© Ă  ce Substack peut se demander ce qu'est une monnaie numĂ©rique de banque centrale.

Lecteur, je vais vous le dire ou plutÎt je vais vous dire ce qu'une CBDC n'est PAS. Ce n'est PAS, comme Wikipedia pourrait vous le dire, un dollar numérique. AprÚs tout, la plupart des dollars sont déjà numériques, n'existant pas sous la forme d'un objet plié dans votre portefeuille, mais sous la forme d'une entrée dans la base de données d'une banque, interrogée puis restituée fidÚlement sur l'écran de votre smartphone.

(notez que dans tous ces exemples, l'argent ne peut vivre autrement que sous la surveillance de la Banque centrale.)

Une monnaie numĂ©rique de banque centrale n'est pas davantage une adoption de la cryptomonnaie au niveau de l'État - du moins pas de la cryptomonnaie telle que la comprennent actuellement la plupart des personnes qui l'utilisent dans le monde.

Au lieu de cela, une CBDC est plus proche d'une perversion de la cryptomonnaie, ou du moins des principes et des protocoles fondateurs de la cryptomonnaie : une monnaie cryptofasciste, un jumeau malĂ©fique entrĂ© dans les registres le jour opposĂ©, expressĂ©ment conçu pour refuser Ă  ses utilisateurs la propriĂ©tĂ© fondamentale de leur argent et pour installer l'État au centre d'intermĂ©diation de chaque transaction.

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Pendant les milliers d'annĂ©es qui ont prĂ©cĂ©dĂ© l'avĂšnement des CBDC, l'argent - l'unitĂ© de compte conceptuelle que nous reprĂ©sentons par des objets gĂ©nĂ©ralement physiques et tangibles que nous appelons monnaie - a Ă©tĂ© principalement incarnĂ© sous la forme de piĂšces frappĂ©es dans des mĂ©taux prĂ©cieux. L'adjectif  prĂ©cieux  - qui fait rĂ©fĂ©rence Ă  la limite fondamentale de la disponibilitĂ© Ă©tablie par la difficultĂ© de trouver et d'extraire du sol la marchandise intrinsĂšquement rare - Ă©tait important, car tout le monde peut triche : l'acheteur sur le marchĂ© peut rogner sa piĂšce de mĂ©tal et en remiser les restes, le vendeur sur un marchĂ© peut peser la piĂšce de mĂ©tal sur des balances dĂ©loyales, et le monnayeur de la piĂšce, qui est gĂ©nĂ©ralement le roi, ou l'État, peut abaisser l'aloi du mĂ©tal de la piĂšce en y mĂȘlant des matĂ©riaux de moindre qualitĂ©, sans parler d'autres mĂ©thodes comme le seigneuriage.

(Contemplez la loi dans toute sa gloire !)

L'histoire de la banque est, Ă  bien des Ă©gards, l'histoire de cette dilution. En effet, les gouvernements ont rapidement dĂ©couvert que, par le biais d'une simple lĂ©gislation, ils pouvaient dĂ©clarer que tout le monde sur leur territoire devait accepter que les piĂšces de cette annĂ©e soient Ă©gales Ă  celles de l'annĂ©e prĂ©cĂ©dente, mĂȘme si les nouvelles piĂšces contenaient moins d'argent et plus de plomb. Dans de nombreux pays, les peines encourues pour avoir mis en doute ce systĂšme, voire pour avoir signalĂ© la falsification, Ă©taient au mieux la saisie des biens, au pire la pendaison, la dĂ©capitation ou la mort par le feu.

Dans la Rome impĂ©riale, cette dĂ©gradation de la monnaie, que l'on pourrait dĂ©crire aujourd'hui comme une  innovation financiĂšre , allait servir Ă  financer des politiques auparavant inabordables et des guerres Ă©ternelles, pour aboutir finalement Ă  la crise du IIIĂšme siĂšcle et Ă  l'Édit de DioclĂ©tien sur le maximum, qui a survĂ©cu Ă  l'effondrement de l'Ă©conomie romaine et de l'empire lui-mĂȘme d'une maniĂšre tout Ă  fait mĂ©morable :

FatiguĂ©s de transporter de lourds sacs de dinars et de deniers, les marchands aprĂšs la crise du troisiĂšme siĂšcle, et en particulier les marchands voyageurs, ont imaginĂ© des formes plus symboliques de monnaie, et ont ainsi crĂ©Ă© la banque commerciale - la version plĂ©bĂ©ienne des trĂ©sors royaux - dont les premiers instruments et les plus importants furent les billets Ă  ordre institutionnels, qui n'avaient pas de valeur intrinsĂšque propre mais Ă©taient garantis par une marchandise : il s'agissait de morceaux de parchemin ou de papier qui reprĂ©sentaient le droit d'ĂȘtre Ă©changĂ© contre une certaine quantitĂ© d'une monnaie ayant plus ou moins de valeur intrinsĂšque.

Les rĂ©gimes qui ont Ă©mergĂ© des incendies de Rome ont Ă©tendu ce concept pour Ă©tablir leurs propres monnaies convertibles, et de petits bouts de chiffon ont circulĂ© dans l'Ă©conomie aux cĂŽtĂ©s de leurs Ă©quivalents en piĂšces de monnaie de valeur symbolique identique, mais de valeur intrinsĂšque distincte. En commençant par l'augmentation de l'impression de billets de banque, en continuant par l'annulation du droit de les Ă©changer contre de la monnaie, et en culminant avec la dĂ©prĂ©ciation de la monnaie elle-mĂȘme par le zinc et le cuivre, les villes-États et plus tard les États-nations entreprenants ont finalement obtenu ce que notre vieil ami Waller et ses copains de la Fed dĂ©criraient gĂ©nĂ©reusement comme une monnaie souveraine  : une belle serviette de table.

(La monnaie souveraine, telle qu'on peut la rencontrer dans l'histoire)

Une fois que la monnaie est comprise de cette maniĂšre, il n'y a qu'un pas Ă  franchir entre la serviette de table et le rĂ©seau internet. Le principe est le mĂȘme : le nouveau jeton numĂ©rique circule aux cĂŽtĂ©s de l'ancien jeton physique de plus en plus absent. Au dĂ©but.

Tout comme le vieux certificat d'argent amĂ©ricain en papier pouvait ĂȘtre Ă©changĂ© contre un dollar d'argent brillant d'une once, le solde de dollars numĂ©riques affichĂ© sur l'application bancaire de votre tĂ©lĂ©phone peut encore ĂȘtre Ă©changĂ© dans une banque commerciale contre une serviette verte imprimĂ©e, tant que cette banque reste solvable ou conserve son assurance-dĂ©pĂŽt.

Si cette promesse de rachat vous semble un maigre rĂ©confort, vous feriez bien de vous rappeler que la serviette en papier dans votre portefeuille vaut toujours mieux que ce contre quoi vous l'avez Ă©changĂ©e : une simple crĂ©ance sur une serviette en papier pour votre portefeuille. De plus, une fois que cette serviette en papier est bien rangĂ©e dans votre sac Ă  main ou votre porte-monnaie, la banque n'a plus le droit de dĂ©cider, ni mĂȘme de savoir, comment et oĂč vous l'utilisez. Enfin, la serviette en papier fonctionnera toujours en cas de panne du rĂ©seau Ă©lectrique.

C'est finalement l'accessoire idéal pour le déjeuner de tout lecteur.

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Les partisans des CBDC affirment que ces monnaies strictement centralisĂ©es reprĂ©sentent la rĂ©alisation d'un Ă©talon nouveau et audacieux - pas un Ă©talon d'or, ni un Ă©talon d'argent, ni mĂȘme un Ă©talon fondĂ© sur une blockchain, mais quelque chose comme un Ă©talon de feuille de calcul, oĂč chaque dollar Ă©mis par une banque centrale est dĂ©tenu par un compte gĂ©rĂ© par une banque centrale, enregistrĂ© dans un vaste registre d'État qui peut ĂȘtre continuellement examinĂ© et Ă©ternellement rĂ©visĂ©.

Les partisans de la CBDC affirment que cela rendra les transactions quotidiennes à la fois plus sûres (en éliminant le risque de contrepartie) et plus faciles à taxer (en rendant presque impossible de cacher de l'argent au gouvernement).

Les opposants Ă  la CBDC, cependant, citent ces mĂȘmes prĂ©tendues  sĂ©curité  et  facilité  pour affirmer qu'un e-dollar, par exemple, n'est qu'une extension ou une manifestation financiĂšre de l'État de surveillance qui ne cesse de s'Ă©tendre. Pour ces critiques, la mĂ©thode par laquelle cette proposition Ă©radique tant les risques de la faillite que les fraudeurs fiscaux dessine une ligne rouge vif autour son dĂ©faut mortel : cela ne se fait qu'au prix de l'installation de l'État, dĂ©sormais au courant de l'utilisation et de la dĂ©tention de chaque dollar, au centre de toute interaction monĂ©taire. C'est le modĂšle chinois, s'Ă©crient les chantres de la serviette en papier. Or en Chine, la nouvelle interdiction du bitcoin ainsi que la mise en circulation du yuan numĂ©rique, ont clairement pour but d'accroĂźtre la capacitĂ© de l'État Ă  servir d'intermĂ©diaire - Ă  s'imposer au milieu de la moindre transaction.

L'intermĂ©diation et son contraire, la dĂ©sintermĂ©diation, constituent le cƓur du sujet, et il est remarquable de constater Ă  quel point le discours de Waller s'appuie sur ces termes, dont les origines ne se trouvent pas dans la politique capitaliste mais, ironiquement, dans la critique marxiste. Ce qu'ils signifient, c'est le point de savoir qui ou quoi se tient entre votre argent et vos intentions Ă  son Ă©gard.

Ce que certains Ă©conomistes ont rĂ©cemment pris l'habitude d'appeler, avec une emphase pĂ©jorative suspecte, les  cryptomonnaies dĂ©centralisĂ©es  - c'est-Ă -dire Bitcoin, Ethereum et autres - sont considĂ©rĂ©es par les banques centrales et commerciales comme de dangereux dĂ©sintermĂ©diateurs, prĂ©cisĂ©ment parce qu'elles ont Ă©tĂ© conçues pour assurer une protection Ă©gale Ă  tous les utilisateurs, sans privilĂšges spĂ©ciaux accordĂ©s Ă  l'État.

Cette crypto - dont la technologie mĂȘme a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e principalement pour corriger la centralisation qui la menace aujourd'hui - Ă©tait, est gĂ©nĂ©ralement, et devrait ĂȘtre constitutionnellement indiffĂ©rente Ă  qui la possĂšde et pour quoi faire on l'utilise. Pour les banques traditionnelles, cependant, sans parler des États dotĂ©s de monnaies souveraines, c'est inacceptable : ces concurrents cryptographiques reprĂ©sentent une perturbation historique, promettant la possibilitĂ© de stocker et de dĂ©placer une valeur vĂ©rifiable indĂ©pendamment de l'approbation de l'État, et plaçant ainsi leurs utilisateurs hors de portĂ©e de Rome. L'opposition Ă  un tel libre-Ă©change est trop souvent dissimulĂ©e sous un vernis de prĂ©occupation paternaliste, l'État affirmant qu'en l'absence de sa propre intermĂ©diation affectueuse, le marchĂ© se transformera inĂ©vitablement en tripots illĂ©gaux et en repaires de chair oĂč rĂšgnent la fraude fiscale, le trafic de drogue et le trafic d'armes.

Il est toutefois difficile de soutenir cette affirmation lorsque, selon nul autre que le Bureau du financement du terrorisme et des crimes financiers du Département du Trésor américain,  bien que les monnaies virtuelles soient utilisées pour des transactions illicites, le volume est faible par rapport au volume d'activités illicites réalisées par le biais des services financiers traditionnels .

Les services financiers traditionnels, bien sĂ»r, Ă©tant le visage et la dĂ©finition mĂȘme de l'intermĂ©diation - des services qui cherchent Ă  extraire pour eux-mĂȘmes une partie de chacun de nos Ă©changes.

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Ce qui nous ramÚne à Waller, que l'on pourrait qualifier d'anti-désintermédiateur, de défenseur du systÚme bancaire commercial et de ses services qui stockent et investissent (et souvent perdent) l'argent que le systÚme bancaire central américain, la Fed, décide d'imprimer (souvent au milieu de la nuit).

(Vous seriez surpris de savoir combien de faiseurs d'opinion sont prĂȘts Ă  admettre publiquement qu'ils ne peuvent pas faire la diffĂ©rence entre un tour de passe-passe comptable et l'impression de monnaie.)

Et pourtant, j'admets que je trouve toujours ses remarques fascinantes, principalement parce que je rejette son raisonnement mais que je suis d'accord avec ses conclusions.

L'opinion de Waller, ainsi que la mienne, est que les États-Unis n'ont pas besoin de dĂ©velopper leur propre CBDC. Pourtant, si Waller pense que les États-Unis n'ont pas besoin d'une CBDC parce que leur secteur bancaire commercial est dĂ©jĂ  robuste, je pense que les États-Unis n'ont pas besoin d'une CBDC malgrĂ© les banques, dont les activitĂ©s sont, Ă  mon avis, presque toutes mieux et plus Ă©quitablement accomplies de nos jours par l'Ă©cosystĂšme robuste, diversifiĂ© et durable des crypto-monnaies non Ă©tatiques (traduction : crypto ordinaire).

Je risque de perdre fort peu de lecteurs en affirmant que le secteur bancaire commercial n'est pas, comme l'affirme Waller, la solution, mais en fait le problÚme - une industrie parasite et totalement inefficace qui s'est attaquée à ses clients en toute impunité, soutenue par des renflouements réguliers de la Fed, grùce à la fiction douteuse qu'elle est  trop grosse pour faire faillite .

Mais mĂȘme si le complexe industriel bancaire s'est agrandi, son utilitĂ© a diminuĂ©, surtout par rapport Ă  la cryptomonnaie. Autrefois, les banques commerciales Ă©taient les seules Ă  sĂ©curiser les transactions risquĂ©es, en assurant le dĂ©pĂŽt fiduciaire et la rĂ©versibilitĂ©. De mĂȘme, le crĂ©dit et l'investissement n'Ă©taient pas disponibles, et peut-ĂȘtre mĂȘme inimaginables, sans elle. Aujourd'hui, vous pouvez profiter de tout cela en trois clics.

Pourtant, les banques ont un rÎle plus ancien. Depuis la création de la banque commerciale, ou du moins depuis sa capitalisation par la banque centrale, la fonction la plus importante du secteur a été le mouvement de l'argent, remplissant la promesse de ces anciens billets à ordre en permettant leur remboursement dans différentes villes ou dans différents pays, et en permettant tant aux détenteurs qu'aux payeurs de ces billets d'effectuer des transactions en leur nom et au nom d'autres personnes sur des distances similaires.

Pendant la majeure partie de l'histoire, le déplacement de l'argent de cette maniÚre nécessitait son stockage en grande quantité - ce qui nécessitait la sécurité concrÚte des coffres et des gardes. Mais à mesure que l'argent intrinsÚquement précieux a cédé la place à nos petites serviettes de table, et que les serviettes de table cÚdent la place à leurs équivalents numériques intangibles, cela a changé.

Aujourd'hui, cependant, il n'y a pas grand-chose dans les coffres. Si vous entrez dans une banque, mĂȘme sans masque sur le visage, et que vous tentez un retrait important, on vous dira presque toujours de revenir mercredi prochain, car la monnaie physique que vous demandez doit ĂȘtre commandĂ©e auprĂšs de la rare succursale ou rĂ©serve qui en dispose. Quant au gardien, malgrĂ© la place mythologique qu'il occupe dans vos reprĂ©sentations avec le granit et le marbre qu'il arpente, ce n'est plus qu'un vieil homme aux pieds fatiguĂ©s, trop peu payĂ© pour utiliser l'arme qu'il porte.

Voilà à quoi les banques commerciales ont été réduites : des services intermédiaires de commande d'argent qui profitent des pénalités et des frais, sous la protection de votre grand-pÚre.

En somme, dans une société de plus en plus numérique, il n'y a pratiquement rien qu'une banque puisse faire pour donner accÚs à vos actifs et les protéger qu'un algorithme ne puisse reproduire et améliorer, si ce n'est qu'à l'approche de Noël, les cryptomonnaies ne distribuent pas des petits calendriers de bureau.

Mais revenons à l'agent de sécurité de la banque, qui, aprÚs avoir aidé à fermer la banque pour la journée, va probablement exercer un deuxiÚme emploi, pour joindre les deux bouts - dans une station-service, par exemple.

Une CBDC lui sera-t-elle utile ? Un e-dollar amĂ©liorera-t-il sa vie, plus qu'un dollar en espĂšces, ou qu'un Ă©quivalent en bitcoin, ou en un stablecoin, ou mĂȘme en un stablecoin assurĂ© par la Federal Deposit Insurance Corp ?

Disons que son mĂ©decin lui a dit que la nature sĂ©dentaire de son travail Ă  la banque a eu un impact sur sa santĂ© et a contribuĂ© Ă  une dangereuse prise de poids. Notre gardien doit rĂ©duire sa consommation de sucre, et sa compagnie d'assurance privĂ©e - avec laquelle il a Ă©tĂ© publiquement mandatĂ© pour traiter - commence maintenant Ă  suivre son Ă©tat prĂ©diabĂ©tique et transmet des donnĂ©es sur cet Ă©tat aux systĂšmes qui contrĂŽlent son portefeuille CBDC, de sorte que la prochaine fois qu'il va Ă  l'Ă©picerie et essaie d'acheter des bonbons, il est rejetĂ© - il ne peut pas - son portefeuille refuse tout simplement de payer, mĂȘme si son intention Ă©tait d'acheter ces bonbons pour sa petite-fille.

Ou bien, disons que l'un de ses e-dollars, qu'il a reçu en guise de pourboire Ă  son travail dans une station-service, est ensuite enregistrĂ© par une autoritĂ© centrale comme ayant Ă©tĂ© utilisĂ©, par son prĂ©cĂ©dent dĂ©tenteur, pour effectuer une transaction suspecte, qu'il s'agisse d'un trafic de drogue ou d'un don Ă  une organisation caritative totalement innocente et, en fait, totalement favorable Ă  la vie, opĂ©rant dans un pays Ă©tranger jugĂ© hostile Ă  la politique Ă©trangĂšre des États-Unis, et qu'il est donc gelĂ© et doit mĂȘme ĂȘtre confisquĂ© Ă  titre de  geste citoyen . Comment notre gardien assiĂ©gĂ© pourra-t-il le rĂ©cupĂ©rer ? Sera-t-il un jour en mesure de prouver que cet e-dollar lui appartient lĂ©gitimement et d'en reprendre possession, et combien cette preuve lui coĂ»tera-t-elle en fin de compte ?

Notre gardien gagne sa vie avec son travail, il la gagne avec son corps, et pourtant, lorsque ce corps tombera inĂ©vitablement en panne, aura-t-il amassĂ© suffisamment d'argent pour prendre une retraite confortable ? Et si ce n'est pas le cas, pourra-t-il jamais espĂ©rer compter sur la bienveillance de l'État, ou mĂȘme sur des dispositions adĂ©quates, pour son bien-ĂȘtre, ses soins, sa guĂ©rison ?

C'est la question à laquelle j'aimerais que Waller, que la Fed, le Trésor et le reste du gouvernement américain répondent :

De toutes les choses qui pourraient ĂȘtre centralisĂ©es et nationalisĂ©es dans la vie de ce pauvre homme, est-ce que ce devrait ĂȘtre son argent ?

113 - La rengaine

August 27th 2021 at 09:45

Article de ALL.jpg, aoĂ»t 2021La tribune publiĂ©e par Monsieur AndrĂ© LĂ©vy-Lang dans les Échos le 26 aoĂ»t ne se distingue, hĂ©las, que par l'Ă©minente qualitĂ© de son rĂ©dacteur. Pour le reste, du poncif de Ponzi Ă  la responsabilitĂ© environnementale de Bitcoin, c'est un navrant pot-pourri de ce que n'importe qui de mal informĂ© pourrait Ă©crire.

C'est je crois ce décalage, plus que la réfutation des  arguments  qui devrait nous occuper, aprÚs lecture de ladite tribune.

Commençons par dire que Monsieur Levy-Lang, qui a prĂ©sidĂ© Ă  partir de 1990 la Banque Paribas dans laquelle j'Ă©tais un modeste cadre jusqu'en 1989, est un homme trĂšs respectĂ© et gĂ©nĂ©ralement apprĂ©ciĂ© de ses collaborateurs pour les confidences que j'en ai recueillies. J'ai eu l'honneur d'ĂȘtre assis Ă  sa droite, un jour qu'il dirigeait, comme prĂ©sident du Conseil du Directoire, l'AssemblĂ©e GĂ©nĂ©rale de la Compagnie Bancaire, et oĂč je dĂ©tenais le bulletin de vote de Paribas (48%) parce qu'aucun de nos grands patrons ne dĂ©sirait ce jour-lĂ  participer Ă  une cĂ©rĂ©monie oĂč figurerait notre ancien prĂ©sident, logĂ© alors dans le placard dorĂ© d'une prĂ©sidence de Conseil de Surveillance de ladite Compagnie bancaire avant d'aller exercer ses talents l'annĂ©e suivante au CrĂ©dit Lyonnais avec le succĂšs que l'on sait.

A la différence de ce qui se fait sur les réseaux sociaux, je ne me livrerai donc ici à aucune attaque ad hominem et en resterai au sujet : la publication d'informations creuses par un grand patron.

La pyramide de Ponzi est un schĂ©ma qu'il est toujours assez facile d'invoquer. Dans l'affaire Madoff, qui reste l'exemple rĂ©cent le plus stupĂ©fiant d'une authentique mise Ɠuvre de ce schĂ©ma, des petits comiques n'ont pas manquĂ© de suggĂ©rer que le brillant financier avait dĂ» s'inspirer de la SĂ©curitĂ© Sociale. Ce qui n'est pas entiĂšrement faux.

On peut aussi pousser la clameur de Ponzi dĂšs qu'un actif n'est liquide qu'Ă  la condition de trouver un acheteur pour en dĂ©coller le dĂ©tenteur prĂ©cĂ©dent. Bref conforme Ă  une cĂ©lĂšbre dĂ©finition donnĂ©e par Coluche dans son sketch L'Autostoppeur. A ce niveau, sauf la dĂ©tention de monnaie liquide, tout devient suspect. Tout marchĂ© secondaire peut plus moins ĂȘtre caractĂ©risĂ© comme un Ponzi, et le progrĂšs intellectuel rĂ©alisĂ© est bien mince !

Entre deux tulipes (que Monsieur Lévy-Lang a eu le mérite d'éviter jusque-là) la clameur de Ponzi a donc retenti tellement souvent pour Bitcoin que l'on doit aborder les choses frontalement : Bitcoin est-il, ou non, un schéma de Ponzi ?

En 2018, à l'occasion d'un meet-up du Cercle du Coin, nous avions entrepris de poser la question, non à un imprécateur ou à un polémiste, mais à un mathématicien qui avait justement travaillé sur la question : Monsieur Marc Artzrouni, de l'Université de Pau, référencé sur l'article Ponzi de Wikipediaet auteur d'une étude universitaire publiée en 2009, The mathematics of Ponzi schemes.

Il se trouve que le professeur Artzrouni n'Ă©tait guĂšre un fanatique de Bitcoin. Mais au Cercle du Coin ce genre de dĂ©tail n'a jamais empĂȘchĂ© ni l'Ă©change, ni le moment convivial qui s'ensuit. Sa confĂ©rence n'en fut donc que plus stimulante et instructive Mais sa conclusion Ă©tait nette : Bitcoin a peut-ĂȘtre tous les torts du monde, dont selon lui de permettre la mise en oeuvre de certains schĂ©mas de Ponzi, mais ce n'est pas lui-mĂȘme intrinsĂšquement un schĂ©ma de Ponzi.


Au fait, M. Lévy-Lang le sait fort bien. Il restreint donc la ponzitude de Bitcoin à son absence supposée de toute réalité économique ce qui entre nous soit dit s'appliquerait assez bien au marché de l'art, puis il se lance dans des explications tellement grossiÚrement erronées sur l'explication de la hausse du cours que, chez un homme aussi sérieux, il faut bien admettre qu'il se moque parfaitement d'avoir raison ou non, d'autant que sa position sociale le dispense d'avoir à se justifier.

Ce n'est pas son niveau de compréhension qui est en cause, mais seulement son niveau d'information.

Mais comme son explication semble conduire à l'idée que la chose pourrait perdurer, il lui faut bien trouver un horizon catastrophique. C'est là que le bùt blesse. Les Ponzi ne meurent qu'une fois; Bitcoin meurt tout le temps mais ses plus bas s'établissent, d'année en année, toujours plus haut.

On pourrait dire, aprÚs un apéritif entre adeptes de la cryptomonnaie, que Bitcoin montera jusqu'à la fin du minage, graphique stf à l'appui. Ou jusqu'à son adoption universelle, dans une perspective millénariste. Ou bien encore jusqu'à la colonisation de la Lune. Le choix est vaste. Mais l'auteur a décidé de frapper fort : l'Apocalypse et ses cavaliers...

Ce qui est amusant, ici, c'est le retournement dialectique. Jusqu'à présent on nous a dit que Bitcoin, qui fait bouillir un lac américain et va consommer toute l'électricité produite (en 2020, du moins Newsweek l'avait-il annoncé en 2017), sera responsable de la fin du monde. M. Lévy-Lang retourne le schéma pour trouver sa chute : la fin du monde provoquera la baisse du cours de Bitcoin. Non point parce qu'on aura d'autres soucis (croûter, se planquer etc) mais parce que le temps de validation augmentera ! Derechef, le médiocre niveau d'information de l'auteur est emblématique ; il est en soi l'information contenue dans sa tribune.

Notez que l'ordinateur quantique est lui-aussi rĂ©guliĂšrement annoncĂ© comme devant ĂȘtre fatal Ă  Bitcoin, comme si son avĂšnement ne devait pas mettre bien d'autres choses Ă  genoux. Bref Bitcoin ne rĂ©sistant ni au Covid ni Ă  l'hiver nuclĂ©aire, mieux vaut placer son argent sur un livret bancaire, qui lui, rĂ©siste Ă  tout sauf au ridicule.

merci Alexis !

Alors que le cours du jeton de Bitcoin dĂ©passe celui du lingot d'or, il demeure socialement permis (M. LĂ©vy-Lang Ă©tant par ailleurs prĂ©sident du Conseil de Surveillance du journal dans lequel il s'exprime, la chose doit mĂȘme lui ĂȘtre particuliĂšrement aisĂ©e) de profĂ©rer au sujet de Bitcoin des approximations dĂ©sinvoltes et de livrer au public ce qui ne devrait ĂȘtre que des propos de bistrot.

Quousque tandem ? Je crains qu'il ne soit plus aisé de prévoir l'évolution du cours que celle de l'opinion de nos élites. Sauf à remarquer que le swing a probablement commencé outre Atlantique, et que nous sommes en France, une fois encore, derriÚre une ligne Maginot de petits papiers et de bons mots.

112 - Salvador, « to the moon »?

July 25th 2021 at 10:00

(pour Emmanuel)

Bitcoin est-il un objet religieux ?

Telle Ă©tait la question qui m'Ă©tait posĂ©e dans le rĂ©cent podcast que j'ai enregistrĂ© avec mon ami Emmanuel dans Parlons Bitcoin. On le trouvera en ligne en deux Ă©pisodes (* liens en bas de billet) et je ne vais pas le reprendre intĂ©gralement ici, mais seulement citer une ou deux idĂ©es, aprĂšs avoir rĂ©vĂ©lĂ© ce qui m'est venu Ă  l'esprit depuis. Car oui  l'esprit souffle oĂč il veut (Jean 8, 8) mais chez moi surtout quand il veut c'est Ă  dire souvent... aprĂšs-coup.

Or donc, voici ce que j'ai trouvé en ligne : une image qui m'a paru véritablement prodigieuse.

Pourquoi cette image si simple m'a-t-elle interpelé ?

Parce que le minuscule point orange, dont on ne distingue pas mĂȘme la couleur, mais seulement l'Ă©clat dans la nuit, m'a fait instantanĂ©ment songer Ă  la prophĂ©tie poĂ©tique du 9Ăšme chapitre du livre d'IsaĂŻe :

Le peuple qui marchait dans les tĂ©nĂšbres a vu se lever une grande lumiĂšre ; et sur les habitants du pays de l’ombre, une lumiĂšre a resplendi.

L'ensemble de ce poÚme biblique célÚbre la fin de Babylone, figure de l'oppression, et la naissance d'un prince libérateur. Il ressemble à un chant de couronnement royal, dans la ligne du Psaume 2, mais aussi d'une importante littérature pharaonique, ce qui ne saurait me laisser indifférent. Pour les chrétiens, dont l'iconographie préfÚre d'ailleurs une petite lumiÚre, comme celle de la crÚche, il a clairement été interprété comme l'annonce du Sauveur.

Et c'est Ă  ce point prĂ©cis que l'arc s'est formĂ© dans mon esprit : le Sauveur, Salvador : il est prophĂ©tique que ce petit pays, gĂ©nĂ©ralement peu exposĂ© Ă  l'attention de la foule, soit le premier Ă  tenter (non sans mal) d'adopter Bitcoin. DĂ©cidĂ©ment, oui, on a affaire Ă  quelque chose de religieux, peut-ĂȘtre de mystique.

J'ai repensé alors à certaines choses que j'avais dites lors de cette conversation enregistrée avec cet ami qui, signe du Ciel ou non, s'appelle... Emmanuel !

Nous avions parlé d'abord de ce qui donne à la révélation de Bitcoin un aspect religieux (rites, vocabulaire, mantras, traditions) voire sectaire. Mon ami Yorick de Mombynes s'était déjà exprimé sur cet aspect (**).

Mais il y a au-delĂ , lui disais-je, des choses plus profondes qui font qu'il est effectivement de nature religieuse. Et je distinguais ce qui fait que Bitcoin intĂšgre une dimension affective forte, et ce qui fait de lui un ferment de renaissance, l'annonce d'un monde nouveau.

Bitcoin emmĂšne to the moon, il rend heureux.

Quand bien mĂȘme ce serait une monnaie inutile dans le temps prĂ©sent, comme les officiels tentent pĂ©niblement de nous en convaincre, elle est peut-ĂȘtre utile aprĂšs les royaumes de ce monde, ou sur Mars ?

Or l'expression latine Salvator Mundi dĂ©signe une reprĂ©sentation iconographique prĂ©cise du Christ, celle oĂč il tient dans sa main l'orbe, ce globe surmontĂ© d'une croix qui figure non pas la terre mais la voĂ»te cĂ©leste. La fameuse expression urbi et orbi que l'on traduit par  à la Ville et au Monde  devrait plutĂŽt me semble-t-il ĂȘtre traduite par  à la CitĂ© terrestre et Ă  l'Univers .

L'un des monuments emblématiques de la capitale du Salvador est la statue du Divino Salvador del Mundo dont la photographie les nuits de pleine lune révÚle le sens cosmique. Le Sauveur, pieds en terre pointe alors to the moon, faisant ainsi le lien avec la sphÚre céleste et l'au-delà.

To the moon semble de prime abord un slogan technologique, le cri que l'on peut prĂȘter au professeur Tournesol comme aux Richard Branson, Jeff Bezos et Elon Musk du jour. Mais comme je l'ai dĂ©jĂ  notĂ© dans un billet consacrĂ© Ă  l'Immortel, l'irruption de la cryptographie, de ses monnaies et de ses Ă©changes dĂ©centralisĂ©s s'inscrit autant dans cet impetus technologique un peu promĂ©thĂ©en que dans un bouillonnement moral, politique et parfois religieux qu'il est plus difficile de cerner.

Il y a aussi une dimension de Renaissance dans Bitcoin.

Cette dimension pourrait conduire à l'inscrire entiÚrement dans le courant qui va depuis l'Humanisme renaissant jusqu'aux LumiÚres, puis à la Révolution et à une modernité fondamentalement a-religieuse. C'est évident et je ne nie pas que de nombreux bitcoineurs soient comme le célÚbre Laplace qui, interrogé sur la place de Dieu dans son systÚme, assurait ne pas avoir besoin de cette hypothÚse . Mais ceci ne contredit pas l'existence d'une autre sensibilité et surtout d'une autre grille de lecture.

To the moon Ă©voque pour moi la phrase de Michel-Ange, prĂ©venant que Il piĂč grande pericolo per noi non Ăš che miriamo troppo in alto e non riusciamo a raggiungere il nostro obiettivo ma che miriamo troppo in basso e lo raggiungiamo . Le plus grand danger pour nous n’est pas que notre but soit trop Ă©levĂ© et que nous le manquions, mais qu’il soit trop bas et que nous l’atteignons. Je ne cite Ă©videmment pas Michel-Ange (si cette phrase est bien de lui !) par hasard, et je ne pense pas non plus que ce soit par le seul hasard de la dĂ©couverte d'un livre dans les dĂ©barras d'une ancienne fonderie d'or que l'artiste Pascal Boyart ait eu la rĂ©vĂ©lation de ce qu'il devait y peindre.

Que dit sa Sixtine, joliment baptisée « des bas-fonds » ? Qu'il y a un Jugement au moment de la fin d'un monde. Il suffit d'admirer les détails par lesquels - toujours avec tact et respect - il renouvÚle, subvertit et actualise l'oeuvre originale pour voir ce qui est jugé et condamné.

Le Jugement n'est pas l'expression d'une opinion (la fameuse intime conviction des Assises) c'est le tri de ce que l'on peut nommer le bien et le mal, le tri de ce qui est vrai et de ce qui est faux. L'artiste a donnĂ© au  charlatan  un visage qui Ă©voque furieusement un chef d'État considĂ©rĂ© comme le plus menteur de son temps, inventeur d'une forme de monnaie dont le rapport Ă  la vĂ©ritĂ© reste toujours problĂ©matique. Monnaie que sa prĂ©cĂ©dente fresque, consacrĂ©e au dĂ©sastre de la MĂ©duse, Ă©voquait dĂ©jĂ  crument.


Il y a un monde nouveau.

Le Christ dĂ©voilĂ© le 1er novembre 1541 Ă©tait beau comme un dieu mais fort comme un lutteur. L'ensemble de l'Ɠuvre scandalisa les uns (n'aurait-elle pas sa place dans un bordel mieux que dans une Ă©glise ?) et apparut Ă  d'autres comme ce que l'historien contemporain Paul Ardenne appelle  une machine de guerre contre la tiĂ©deur de la foi .

Avec ses corps majoritairement masculins et intégralement dénudés, auxquels Pascal Boyart a d'ailleurs restitué leurs attributs virils d'origine, la fresque de Michel-Ange marquait un retour platonicien : beauté, force et bonté comme reflets du vrai. Or qu'il le sache ou non, le bitcoineur est platonicien, et en tout cas il est fatigué de la pénible scolastique  aristotélicienne sur la monnaie et ses fonctions que lui infligent les banquiers et leurs économistes.

La prophĂ©tie d'IsaĂŻe, que l'image du Salvador brillant dans la nuit m'a remise Ă  l'esprit, dĂ©crit par ailleurs ce qu'est une force de libĂ©ration. C'est ce qu'Ă©nonce son verset 4 : le joug qui pesait sur lui, le bĂąton qui frappait son dos, la verge de celui qui l'opprimait, Tu les brises . Bitcoin est lui-aussi annoncĂ© comme un facteur de libĂ©ration et mĂȘme de salut par ses adeptes.

C'est pour moi - et je crois que c'est un point essentiel - cette dimension dite sotériologique et non pas sa prétendue complexité qui rend Bitcoin incompréhensible à ceux qui pensent que  c'est une folie complÚte, ce truc .

Car Bitcoin est comme un scandale pour les grands-prĂȘtres bancaires et une folie pour les philosophes de la monnaie lĂ©gale (voyez 1 Corinthiens 1:23). Et la bronca contre le petit Salvador de tous les patrons de la Banque Mondiale ou du FMI qui tonnent, menacent ou insinuent, n'est-ce pas ce qu'on trouve dans le Psaume 2 : Pourquoi les rois de la terre se soulĂšvent-ils ?

Je songeais à tout cela quand j'ai vu le président Bukele expliquer sa loi lors d'une longue présentation à la télévision nationale (***). Séquence plutÎt impressionnante. Et devant qui s'exprime-t-il ? Devant le portrait de Monseigneur Romero, récemment canonisé. Pourquoi ? je vous le demande ...

Il faut toutefois se montrer trĂšs prudent. Comme je le disais vers la fin du podcast, quand on a dit que Bitcoin intĂ©grait une dimension religieuse, on n'a pas encore dit quel pouvait bien ĂȘtre son dieu. DĂ©miurgique et promĂ©thĂ©en dans son ambition initiale, Bitcoin est guettĂ© par des dangers eux-aussi religieux : l'adoration du Veau d'or, bien sĂ»r, mais aussi le pacte constantinien. Comme au dĂ©but du quatriĂšme siĂšcle, quand le christianisme, longtemps combattu par l'empire, en devient la religion officielle.

L'aventure au Salvador n'est pas sans péril, pour tout le monde. Autant prévenir, urbi et orbi.

Podcasts et vidéos

(*) Mon podcast avec Emmanuel a été diffusé en deux épisodes, le premier pour passer en revue ce qui donne à Bitcoin une allure religieuse, le second pour chercher ce qui dans Bitcoin a une réelle dimension religieuse.
(**) L'interview de Yorick sur la dimension religieuse de Bitcoin.
(***) Le discours du président du Salvador.
(****) Je cite in fine pour ne pas interrompre la lecture, mais ce film mérite vraiment l'attention :

BitPay s'associe Ă  Wix pour permettre Ă  leurs utilisateurs d'accepter les paiements en cryptomonnaies

October 13th 2021 at 14:00

La plateforme de création de sites web Wix s'est associée avec le fournisseur de services de paiements BitPay. Désormais, les commerçants utilisant Wix pourront proposer à leurs clients l'option de paiements via 12 cryptomonnaies différentes.

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Binance annonce un fonds de croissance de 1Mrd$ pour Binance Smart Chain

October 13th 2021 at 13:45

L'objectif est d'accélérer la croissance de la Binance Smart Chain et de favoriser l'adoption massive des crypto-monnaies.

Binance a annoncé un fonds d'un milliard de dollars visant à promouvoir l'adoption de la Binance Smart Chain (BSC) et de l'industrie plus large de la blockchain.

La plateforme d'échange de crypto estime que le financement, avec de bons partenariats englobant des organisations leaders de l'industrie, va étendre de maniÚre significative la technologie blockchain et la voir adoptée largement pour des cas d'utilisation réels. 

Binance a déclaré dans un communiqué de presse publié mardi qu'elle souhaitait voir l'écosystÚme BSC se développer pour englober des projets dans le domaine de la finance décentralisée (DeFi), des jeux et des réseaux sociaux, entre autres secteurs destinés à perturber les systÚmes traditionnels.

Gwendolyn Regina, la directrice des investissements de Binance Smart Chain Accelerator Fund, a déclaré que l'objectif principal du fonds est d'accélérer l'adoption mondiale des crypto-monnaies et de la technologie blockchain.

« Avec l'initiative d'un milliard de dollars, notre objectif sera élargi à la construction d'infrastructures cross-chain et multi-chain intégrées à différents types de blockchains », a ajouté Regina.

Selon le PDG de Binance, Changpeng Zhao, « l'adoption massive des actifs digitaux à l'échelle mondiale" pourrait permettre à la Binance Smart Chain de se développer "pour devenir le tout premier écosystÚme blockchain comptant un milliard d'utilisateurs ».

1 milliard de dollars, quatre programmes

Binance répartira le milliard de dollars en quatre tranches d'investissement.

Un total de 100 millions de dollars sera consacré au développement des talents, dont les bénéficiaires seront les communautés de développeurs, les institutions universitaires et les projets de R&D axés sur la blockchain. La prochaine tranche d'investissement comprend également 100 millions de dollars, qui seront investis dans un programme d'incitation à la liquidité pour encourager les fournisseurs de liquidité sur les projets DeFi hébergés par BSC.

Binance a affecté 300 millions de dollars supplémentaires à un programme de construction, dont 200 millions de dollars à un projet d'incubateur destiné à 100 applications décentralisées (dApps). Le montant restant, soit 500 millions de dollars, sera consacré à un programme d'investissement et d'incubation.

Selon Binance, ces fonds sont destinés à accélérer l'adoption par le grand public de la DeFi et d'autres secteurs, notamment les jeux, l'informatique décentralisée, les métavers, l'IA et la réalité virtuelle.

Cet investissement d'un milliard de dollars intervient un peu plus d'un an aprÚs que Binance ait consacré 100 millions de dollars à des projets de DeFi construits sur la plateforme BSC de la plateforme d'échange. Au cours de cette période, BSC a attiré plus de 100 millions d'utilisateurs, a déclaré Changpeng Zhao dans le communiqué de presse.

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La valorisation de Celsius Network augmente de 2 400 % aprÚs une nouvelle levée de fonds

October 13th 2021 at 12:00

Les revenus passifs en cryptomonnaies ont le vent en poupe. Il est donc logique que Celsius Network, l'un des pionniers dans ce domaine, attire les investisseurs. La plateforme vient d'annoncer avoir levé 400 millions de dollars, permettant à sa valorisation d'augmenter de 2400 %.

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