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128 - « Contre l'ignorance... »

June 10th 2022 at 07:24

A l'occasion de la journée mondiale contre l'ignorance et les préjugés, un certain nombre d'instances de la  cryptosphÚre  ont pris acte de la nécessité d'une campagne de sensibilisation et de pédagogie autour de la cryptomonnaie.

Une fois n'est pas coutume, ce n'est pas dans les couloirs souterrains de la RATP (pourtant la mÚre de tous les réseaux) qu'ont fleuri les nouvelles affiches mais plutÎt sur les abribus de la France entiÚre. Un choix stratégique sur lequel nous reviendrons.

Il s'agit, ont dit les initiateurs de cette campagne, de  favoriser l'acceptation et la reconnaissance des expériences monétaires au sein de la société de marché dans l'esprit d'une concurrence libre, loyale et non faussée, tout en luttant contre les actes d'intimidation et de moquerie .

Le slogan est simple : « Contre l'ignorance, à nous de diffuser la connaissance ».

Il est clair en effet que si 99% des arguments diffusés par Radio-Banque et Télé-Finance sont des billevesées, et si les no-coineurs du Café du Commerce n'ont comme source d'information que des sottises compilées, le trollage en  meute sectaire  par des geeks hargneux et dysorthographiques ne convaincra jamais à lui-seul les personnes sujettes aux préjugés verticaux de la société patriarcale et aux stéréotypes pseudo-aristotéliciens encore présents dans trop de mentalités.

Le salut des bullshiteurs, des nocoineurs, des régulateurs compulsifs et des économistes attardés passe par l'éducation !

Dans un souci budgétaire dû à la faiblesse (relative) des cours, on a repris sans fausse honte les visuels qui ont servi deux ans de suite et malgré les critiques suscitées, à la campagne contre les discriminations et violences subies par les personnes LGBT+.

Cependant le défaut majeur de ladite campagne (le fait de placer systématiquement au centre et en lumiÚre la personne implicitement présentée comme normale) a été gommé, la mise en valeur visuelle étant offerte tantÎt à la bitcoineuse ou au bitcoineur, tantÎt à la personne qu'elle ou il se propose de réconforter et d'instruire gentiment.

La Voie du Bitcoin est heureuse de compter au nombre des partenaires de cette opération avec ces institutions que sont les sites d'information Bitcoin.fr et Le Journal du Coin et des associations comme Le Cercle du Coin, la belge Be-Crypto et la suisse B2Bitcoin.

On trouvera ci dessous les cinq affiches de la campagne.

À noter ici l'amusant clin d'Ɠil Ă  un fameux financier et Ă©conomiste français, idole des esprits progressistes et des champions de vertu au tournant du siĂšcle quand il comptait dans ses Ă©curies la moitiĂ© de la classe dirigeante actuelle, mais qui figure dĂ©sormais parmi les 600 français recensĂ©s dans les Pandora Papers.

Il est volontairement difficile de préciser laquelle des deux personnes est censée figurer la députée.

On saluera le vigoureux maximalisme de cette campagne dont témoignent amplement les deux affiches précédentes.

La communauté est parfaitement informée de la nature spéculative de Bitcoin. Elle connait l'attrait que l'appùt grossier d'un gain rapide peut susciter chez quelques jeunes personnes que leurs parents n'ont pas dotées d'un paquet d'actions du CAC 40 ou qui, n'étant pas passé par les grands corps de l'Etat, risquent de ne jamais jouir d'un salaire à 8 chiffres. Les personnes victimes de ce genre de cupidité sont accueillies et accompagnées avec tact.

Il reste à préciser les raisons qui ont conduit à préférer les abribus.

Outre la saturation de l'espace du métro par Bitcoin (lire ici et là) certains ont avancé un argument simple : en temps d'inflation Bitcoin offrirait un  abri . Mais le débat suscité (sur le sujet dit SoV) risquant de tourner à l'aigre, plusieurs amis mathématiciens ont opportunément souligné la similarité entre l'observation empirique du temps d'attente dans lesdits abribus et celle du temps de validation des blocs sur la blockchain Bitcoin.

L'affichage sur les abribus se veut donc un rappel subliminal mais opportun des vertus de la loi dite exponentielle, une loi qui modĂ©lise la durĂ©e de vie d’un phĂ©nomĂšne sans mĂ©moire, sans vieillissement et sans usure, pour lequel le fait qu’il ait dĂ©jĂ  durĂ© un certain temps jusqu’au temps t ne change rien Ă  son espĂ©rance de durĂ©e Ă  partir du temps t.

Ce n’est pas un point de dĂ©tail, comme nous le rappelle savamment le PrĂ©sident du Cercle du Coin :  le fait que SHA-256 soit une bonne fonction de hashage, sans dĂ©faut, entraine le fait que le temps de rĂ©solution d'un hash suive une loi exponentielle. C'est quelque chose que l'on retrouve lorsque l’on examine les chances d’un attaquant . VoilĂ  qui est dit. La chose se dĂ©fend, en somme...

Continuez de vous instruire vous-mĂȘmes et de diffuser la connaissance autour de vous !

Revues de marché ichimoku: Actions et Cryptos

Je viens de terminer la partie scalping de ma nouvelle formation ichimoku. Cette partie contiendra plus de 35 vidéos et plus de 17 heures de trading en direct sur compte réel.  Dans chaque session de scalping, je vous expliquerai en détail mon process depuis la préparation jusqu'à l'exécution des trades. Vous me verrez trader en temps réel, sans aucun filtre, ouvrir et fermer des positions, ...

127 - GrĂące de Dieu, violence ou algorithme

June 6th 2022 at 10:31

Le Jubilé de Sa Gracieuse Majesté a donné l'occasion de bien des réflexions. Sur le temps qui passe (et le temps c'est de l'argent) et sur ce qui fonde et maintient l'ordre et la valeur des choses, par exemple.

N'Ă©tant pas british subject moi-mĂȘme, mĂȘme si nombre de mes ancĂȘtres ont dĂ» avoir le PlantagenĂȘt comme seigneur, je me dis que ça ne peut pas ĂȘtre tout Ă  fait par hasard si nos amis d'Outre-Manche conservent Ă  la fois leur reine et leur monnaie. Certes, me dira-t-on, c'est aussi le cas du Danemark, mais normalement quand on dit la reine  on sait bien que c'est Elizabeth Regina (la derniĂšre, Ă  ma connaissance, Ă  user du Dei gratia) et quand on dit  la livre  chacun sait qu'il s'agit de la sterling.

Ceci me renvoie donc à la monnaie, chose étrange et presque sacramentelle sur laquelle il est tellement difficile de dire des choses pertinentes que ça en devient passionnant.

Or tout récemment nous avons entendu une économiste médiatique nous déclarer que  la monnaie c'est de la violence et c'est de la confiance et c'est géré par des institutions . C'est ici et ça vaut le coup.

De la violence, de la confiance ?

Cet Ă©noncĂ© fait Ă©videmment rĂ©fĂ©rences aux thĂšses d'Aglietta et d'OrlĂ©an exprimĂ©es en 1982 dans La violence de la Monnaie, dont on lira ici une prĂ©sentation critique et dĂ©veloppĂ©es vingt ans plus tard dans La Monnaie entre violence et confiance : la monnaie n'est pas introduite aprĂšs coup pour sortir du troc et faciliter les Ă©changes (comme dans la pensĂ©e classique) mais elle prĂ©cĂšde la sociĂ©tĂ© marchande elle-mĂȘme. Attention, pour autant et pour ces auteurs hĂ©tĂ©rodoxes, la monnaie ne procĂšde non plus ni de l'État, ni du contrat, mais d'une polarisation mimĂ©tique fondĂ©e sur un processus « d'Ă©lection-exclusion », au travers duquel les individus en situation de lutte gĂ©nĂ©ralisĂ©e (violence essentielle) expriment leur besoin de protection, de certitude, de sociĂ©tĂ©.

Notons que les thĂšses d'Aglietta et d'OrlĂ©an oĂč certains ont vu une « vision essentialiste » de la monnaie, reposent sur des choix anthropologiques, sur des convictions idĂ©ologiques et philosophiques particuliĂšres. Autrement dit elles n'ont pas valeur constitutionnelle et ne sont pas paroles d'Ă©vangile.

Mais l'énoncé de Madame Lalucq (puisque c'est elle, bien sûr), par son cÎté brut de décoffrage auquel ne manque que le fameux  tout ça  a quelque chose d'à la fois loufoque et stimulant, qui tient aux circonstances actuelles, dans laquelle la violence se présente à nous de façon bien plus triviale que dans les pages d'économistes inspirées de René Girard.

Nul ne peut contester en effet qu'au-delĂ  de la violence sociale, la violence physique occupe dans l'actualitĂ© française une place qui devient franchement gĂȘnante.

On peut l'attribuer aux manifestants, à ceux qui troublent les manifestations ou à ceux qui sont censés protéger le droit de manifester. On peut discuter du caractÚre plus ou moins systémique des violences exercées par les  forces de l'ordre . Mais nul ne nie la présence obsédante de la violence dans la vie de notre pays. J'ai déjà abordé la chose, en reprenant comme titre le mot d'un ministre qui parlait en 2018 de sédition. J'y renvoie.

Quand Madame Lalucq met violence et confiance dans la mĂȘme recette, on ne peut aujourd'hui penser qu'Ă  la violence d'État et Ă  la confiance que l'on devrait pourtant avoir dans le mĂȘme État, ce qu'elle suggĂšre elle-mĂȘme en ajoutant  et c'est gĂ©rĂ© par des institutions  alors que Aglietta et OrlĂ©an, dans un autre ouvrage datant de 1998, disaient plutĂŽt de la monnaie qu'elle est elle-mĂȘme  une institution . En regardant ce qui se passe dans nos rues, il devient clair que moins la confiance existe, plus la violence (de l'État, donc) est nĂ©cessaire, mĂȘme si c'est toujours celle de la foule (de  Jojo-le-Gilet-Jaune , des Black blocs ou des racailles) que l'on dĂ©plore interminablement sur les plateaux tĂ©lĂ©.

L'une des manifestations violentes les plus récentes (Liverpool / Madrid au Stade de France) permet d'aller un peu plus loin.

Il y a eu quelque chose de bas dans le fait de n'accuser que les supporters anglais auxquels les témoins n'ont pas imputé de violences proportionnelles à celles qu'ils ont subies. Mais cette bassesse s'orne d'une farce, celle de l'affaire des  faux billets . Non, il n'y a pas eu de « fraude massive, industrielle et organisée de faux billets » de la part des anglais. Le désordre comme l'inefficacité (technique, logistique, numérique) et la violence sont  bien de chez nous .

Reprenons la précieuse  grille Lalucq  : on voit bien la violence et on voit bien, symétriquement, que la confiance en toutes choses s'érode. On voit mal en revanche ce que les institutions apportent comme remÚde structurel. Le ministre n'avait pas plus tÎt dénoncé les Anglais que sur son bord droit on s'en prenait aux immigrés et sur son bord gauche aux policiers. Qui (sauf les dircom qui nous gouvernent) peut dire sans trembler que les JO se passeront bien ?

Or les Anglais viennent de nous montrer, chez eux et la mĂȘme semaine, un tout autre spectacle.

On peut n'ĂȘtre ni monarchiste ni anglophile et trouver infantile la fascination que les royal people exercent sur la foule ; nul ne sera surpris que le bitcoineur, dĂ©jĂ  Ă©loignĂ© du tralala Ă©tatique, manifeste une distance au mieux polie vis Ă  vis des pompes royales et peu de considĂ©ration pour la noblesse ou les dĂ©corations.

Ce n'est vraiment pas sa culture. MĂȘme si l'abondance de dĂ©tournements amusants tĂ©moigne de son intĂ©rĂȘt.

Il reste que les cĂ©rĂ©monies du jubilĂ© doivent nous interpeller en tant que Français. À l'heure oĂč j'Ă©cris, tout s'est passĂ© durant quatre jours sans violence, sans faux billets, sans gaz lacrymogĂšne. Comme si Londres Ă©tait cent fois plus loin de Paris que Saint-Etienne...

Que certaines vieilles anglaises couchent toute la nuit sur le macadam pour ĂȘtre au premier rang et voir passer les redcoats et les princes peut Ă  la rigueur ĂȘtre interprĂ©tĂ© comme un phĂ©nomĂšne de groupies. Mais les milliers de street lunches, les piqueniques, les illuminations, les Ă©vĂ©nements innombrables oĂč Sa MajestĂ© ne sera prĂ©sente qu'en pensĂ©e ou en image (comme sur les piĂšces et les billets, justement...) tĂ©moignent de quelque chose : d'Ă©motions, de pensĂ©es et de sentiments qui nous sont inconnus et Ă©trangers.

On a beau multiplier les Ă©vocations de nos valeurs rĂ©publicaines , dĂ©clarer que  faire des rĂ©publicains  est la tĂąche des professeurs (y compris ceux de mathĂ©matiques? d'anglais?) et transformer le malheureux Samuel Paty en icĂŽne, vanter  notre laĂŻcité  comme s'il s'agissait d'une idĂ©e fĂ©dĂ©ratrice... il n'y a rien dans tout cela qui parle Ă  l'Ăąme des gens, leur donne de la joie, les porte Ă  la fĂȘte. Cela parle seulement Ă  l'esprit de quelques-uns, et ce n'est pas suffisant. Je crois que nos fĂȘtes gĂąchĂ©es tĂ©moignent d'un mal Ă  l'Ăąme. Nous n'avons pas foi en nous-mĂȘmes, nous n'avons pas de fides.

Alors, la vérité concrÚte de la  trilogie Lalucq  c'est quoi ?

Du cÎté des institutions : une Banque Centrale hors-sol, impénétrable et incompréhensible pour l'immense majorité de nos concitoyens mais aussi une démocratie atrophiée, une représentation nationale sans rapport avec les équilibres et mouvements de l'opinion ou de la société (voir en commentaire), une devise écrite aux frontons mais quotidiennement vidée de son sens, pour ne rien dire d'institutions européennes kafkaïennes qui ne font les délices que de celles et ceux qui en profitent.

Quant Ă  la violence, on est loin de la soi-disant  violence lĂ©gitime  pompeusement tirĂ©e de Hobbes ou de Weber. Dans un systĂšme oĂč des responsables peuvent dire sans honte  il n'y a pas de dĂ©mocratie contre les traitĂ©s  ou s'indigner de ce que le vote du Brexit conduise au Brexit (alors qu'il suffisait de re-voter, ou de faire voter le contraire au Parlement, tout le monde fait cela, ils sont fous ces Anglais) il n'est pas Ă©tonnant que les policiers soient lourdement armĂ©s et avec du matĂ©riel controversĂ©. C'est une violence assez triviale, en somme. Les choses tiennent sur la police, le rĂ©gime tient sur la police : ce n'est pas moi qui le dit, c'est le syndicat des policiers.

Comme le rappelle le dernier numéro de PhiloMag, pour Hannah Arendt l'autorité  présuppose que ceux qui commandent et ceux qui obéissent admettent tous la légitimité du commandement . Bref une autorité qui n'est plus digne de confiance est perçue comme un pouvoir autoritaire et violent.

Il n'est donc pas anodin de noter que les policiers de Sa Gracieuse MajestĂ© sont bien moins armĂ©s que les nĂŽtres, de mĂȘme que le Parlement de Westminster est un lieu de dĂ©bat plus sĂ©rieux que le Palais-Bourbon. Il faut croire que le mix violence/confiance est (un peu?) mieux pensĂ© outre-Manche que chez nous ou Ă  Bruxelles.

Je ne suis pas naĂŻf pour autant : nos amis Britanniques ont les mĂȘmes problĂšmes que nous avec leurs politiciens. Et Bo Jo le menteur s'est fait conspuer lors des cĂ©rĂ©monies du JubilĂ©. Mais ils ont la reine pour penser Ă  autre chose. Il est notoire qu'elle a un certain mĂ©pris pour les politiciens. VoilĂ  au moins un point commun avec son peuple. Ça doit faire du bien.

serious questions.jpg, juin 2022Les billets de la Bank of England (et de quelques autres, d'ailleurs) portent, comme les nÎtres, les pompeuses signatures de banquiers, inconnus au mieux et déshonorés au pire.

Cette coquetterie n'a pratiquement aucun sens (moins que la signature d'un commerçant sur un bon de réduction ou sur un voucher) et le ou la signataire ne s'engage à rien de précis et de crédible.

La figure de la souveraine exprime évidemment toute autre chose. Si tant est que dans l'esprit des gens quelqu'un mérite une forme de fides, c'est évidemment la Fidei Defensor dont le titre est rappelé, abrégé ou par initiales, sur chaque piÚce, avec la grùce de Dieu.

Tout cela pour dire quoi ? Que les choses irrationnelles (la valeur d'un billet de banque, par exemple) ne tiennent pas debout sans raisons irrationnelles...

Et Bitcoin ?

Remercions Madame Lalucq de nous avoir fourni sa précieuse grille de lecture, sa petite trilogie.

Bitcoin, qui n'a ni reine ni banque centrale, a pourtant bel et bien des institutions, que certains le sachent ou non. J'entends par lĂ  qu'on n'y fait pas n'importe quoi, qu'il y a un cadre, et mĂȘme une forme de check and balances. Mais aussi que sa communautĂ© a ses propres façons de faire et de dire, de travailler et de faire la fĂȘte. Bitcoin n'a point besoin de violence parce que ce chef d'Ɠuvre anarchique mais non anomique fait rĂ©gner un ordre sans autoritĂ© hiĂ©rarchique ou coercitive. Enfin Bitcoin est peut-ĂȘtre la seule monnaie au monde reposant Ă  ce point sur une confiance librement consentie. Ce que ses ennemis disent sans bien le comprendre quand ils prĂ©tendent qu'elle ne repose sur rien.

Je veux conclure sur deux choses récentes qui m'ont amusé. Madame Lalucq a une façon toute personnelle de conduire les débats, se victimisant de façon parfois caricaturale. Inversement la défense des positions qu'elle attaque lui parait incongrue. Les bitcineurs n'ont rien à dire, puisqu'ils ont tort.

Mais elle a exprimĂ© cela d'une façon qui (fort inconsciemment j'en suis certain) reconnaĂźt une chose que je dis moi-mĂȘme positivement et depuis longtemps : si l'Ă©mission monĂ©taire est un privilĂšge rĂ©galien, Bitcoin tĂ©moigne de l'Ă©mergence d'une rĂ©galitĂ© nouvelle.

Son tweet du 1er juin en devient comique. Et bravo à l'auteur du détournement de la photo de Sa Majesté que je place en conclusion. Long may she reign!

126 - Bitcoin prend le métro

June 1st 2022 at 09:47

On ne comptera bientÎt plus les publicités qui, dans le métro parisien, évoquent, vantent ou moquent (qu'importe) Bitcoin. J'ai déjà évoqué dans le lardon des offenses la plus savoureuse d'entre elles. Mais il me semble qu'il faut aborder le phénomÚne de maniÚre plus large.

Le mĂ©tro est un endroit oĂč l'on accĂšde en payant ou en trichant, les deux pratiques ayant d'ailleurs mollement Ă©voluĂ© au fil du temps. Voyez L'AcĂ©phale page 157. Le paiement y est contrĂŽlĂ©, l'essentiel du personnel semblant d'ailleurs dorĂ©navant affectĂ© Ă  la surveillance plutĂŽt qu'au service des usagers. On y fait la manche ou la charitĂ©, toujours en cash Ă  ce jour. Les hauts-parleurs signalent en plusieurs langues la prĂ©sence de pickpokets. Certains de ceux-ci exploitent le NFC avec plus d'adresse que la RATP elle-mĂȘme.

La Bourse et la Monnaie y ont leurs stations et la seconde y fait réguliÚrement sa publicité, en septembre 2021 avec une campagne de Myphoto ou ces jours-ci pour Monnaies et Merveilles avec l'agence Claudine Colin.

Au total, un bon endroit pour faire de l'Ă©conomie dans sa tĂȘte autant que le permettent les intrusifs fragments de musique, graves ou rythmes, Ă©chappĂ©s des balladeurs de vos voisins. La publicitĂ© y est aussi l'une des principales menaces contre la libertĂ© de rĂȘver du voyageur, en mĂȘme temps qu'elle fournit des stimuli Ă  sa rĂ©flexion.

Dans l'Ă©vident dĂ©labrement de notre pays, le mĂ©tro parisien n'est pas ce qui s'Ă©croule le plus vite. Relisant Ă  l'occasion Un ethnologue dans le mĂ©tro publiĂ© par Marc AugĂ© en 1986 je ne vois qu'un seul rĂ©el changement : la plupart des gens ont un smartphone en main. Moi aussi, naturellement, mĂȘme si je m'en sers plus que d'autres, me semble-t-il, pour prendre des photos quand quelque chose d'intĂ©ressant me  saute aux yeux .

C'est ce qui s'est passĂ© tout rĂ©cemment, dans un cheminement mental dont je ne vais rien Ă©pargner au lecteur puisqu'il est assez dĂ©sƓuvrĂ© pour me lire.

Ni la promesse de Qonto de classer (sommairement je le crains) les notes de frais du voyageur de commerce, ni celle de Bimpli de payer en puisant dans deux poches à la fois le triste repas du salarié ne me paraissent réellement révolutionnaires. Notez le nom de la Vierge Rouge au milieu, c'en est comique.

La finance classique se donne bien du mal pour paraĂźtre nouvelle. Qonto, fondĂ©e par le fils d'un patron de BNPParibas est peut-ĂȘtre une licorne française, avec pas mal de capital chinois derriĂšre, mais c'est tout juste un faux nez du CrĂ©dit Mutuel. À noter que, comme bien d'autres entreprises financiĂšres, elle ferme les relations dĂšs que ça sent le bitcoin. Les nĂ©o-banques, comme les moutons clonĂ©s, ont l'Ăąge de leurs banquiers.

Quant à Bimpli (ex Apetiz) ce n'est qu'un gadget de Natixis. La chose regroupe tous les avantages proposés au salarié par son employeur et/ou son CSE. Les commentaires sur Google Play ne sont pas extatiques, c'est le moins que l'on puisse dire. Bref bof bof comme on ne dit déjà plus.

En regard, le promesse de Bitcoin n'a pas vraiment Ă  ĂȘtre explicitĂ©e. En fait sa promotion gagnerait sans doute Ă  ĂȘtre laissĂ©e aux tiers, parce que jusqu'Ă  prĂ©sent les insiders n'ont pas toujours Ă©tĂ© ceux qui en parlaient le mieux.

Coinhouse avait ouvert le bal en juillet 2021, avec une campagne plutÎt humoristique fondée sur l'exhibition de ce que l'épargne populaire permet vraiment de s'acheter : du dérisoire, en mettant les choses au mieux.

Les objets proposés me paraissaient en effet assez parlants.

Une bouée comme celle-ci, on ne la voit que dans le  petit bain  de la piscine. Et ce n'est un jouet qu'en apparence :  c'est un mécanisme de protection des enfants. Exactement la posture que prennent les régulateurs quand ils parlent des épargnants, et quelques spécialistes de la réthorique anti-bitcoins quand ils parlent des  bonnes gens  ou des   pauvres types  qui vont se faire rincer.

L'éponge, justement, évoquait la nature bifrons de l'épargne : on éponge l'argent des petites gens, qui pour le reste n'ont qu'à se gratter, expression dont le sens populaire d'aprÚs Larousse est  devoir se passer de quelque chose, devoir y renoncer ; se fouiller.

La mĂȘme entreprise rĂ©itĂ©rait quelques mois plus tard, mais hĂ©las avec une campagne aux visuels moches et aux slogans rĂ©digĂ©s dans un français qui n'Ă©tait pas prĂ©cisĂ©ment celui du PĂšre Hugo, comme « Aujourd’hui le bitcoin ça vaut plus le coup
 Ă  vous de voir comment prononcer le plus ». En fait, cela ne m'a pas plu du tout...

En mars de cette annĂ©e, c'est Paymium qui a renchĂ©ri avec une campagne conçue par l’agence DD.

A l’occasion de la campagne prĂ©sidentielle, l'entreprise souhaitait faire passer son message  sur le ton de l’humour lĂ©gĂšrement dĂ©calĂ© sans viser quiconque . Bref  votez Bitcoin . Seulement les images Ă©voquaient plutĂŽt la campagne de 1965 ou la blancheur Bonux et on ne sait si le nom des candidats (Yolande Pipeau, Patrick Languedebois, Sophie Jirouette etc) attestait du niveau de rĂ©flexion des crĂ©atifs ou du niveau d'humour qu'ils supposaient Ă  l'investisseur encore indĂ©cis.

Tant et si bien qu'on en vient Ă  se demander si ce n'est pas inconsciemment par prudence que les annonceurs français du Bitcoin choisissent ce ton ringard et un look insipide pour Ă©viter ce qui est arrivĂ© en Angleterre oĂč une campagne plus pertinente a Ă©tĂ© jugĂ©e trop  irresponsable  et interdite en mai dernier.

Que disent, maintenant, les autres publicités, celles qui ne parlent pas de Bitcoin sinon comme faire-valoir ?

En avril, juste aprÚs les lardons, c'est Cogedim qui se servait du bitcoin, sur le mode ironique, sceptique et un peu prudhommesque du bourgeois bien installé. Juste comme un contrepoint supposé moins attractif.

Mais comme l'avait joliment suggĂ©rĂ© Claire Balva dans un tweet remarquĂ©, Bitcoin s'affichait dĂšs lors comme le  meilleur atout pour attirer l’Ɠil du lecteur sur une publicitĂ© .

Le cĂŽtĂ© boomer nanti de la campagne Cogedim laissait sans doute une place au doute. Nicolas Louvet y rĂ©pondit non sans pertinence ici rappelant ironiquement qu'il faut, dans l'investissement immobilier, s’attendre Ă  de longs retards de livraison, Ă  un prix du m2 souvent sensiblement plus cher que pour des biens anciens ou rĂ©cents, ce qui compromet fortement la rentabilitĂ© ; que la qualitĂ© de la construction n’est pas toujours au rendez-vous et cela affecte la valorisation Ă  terme du bien et les travaux Ă  prĂ©voir Ă  la sortie ; que les frais d’acquisition s’élĂšvent Ă  plus de 4% et ceux de sortie bien plus encore ; que la liquiditĂ© n’est pas toujours Ă©vidente, et que donc il faut attendre parfois 10 Ă  15 ans pour valoriser son investissement ; et qu'enfin acheter pour louer n’est pas sans risques ni coĂ»ts (impayĂ©s, logement vide). Encore oubliait-il le squatter...

Au total une campagne qui fait peut-ĂȘtre flop (aprĂšs tout chacun peut investir dans le Bitcoin et dans l'immobilier, avec un zest d'or en sus si ça lui chante) et qui en dit bien moins que celle des lardons, dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©e, et sur laquelle je ne reviens que pour souligner son principal apport : l'idĂ©e que le chaland est peut-ĂȘtre en train de  passer Ă  cĂŽté  du truc essentiel.

La plus belle est sans doute celle de Lydia.

Commençons par souligner le paradoxe ! Cette autre licorne française (avec elle aussi le chinois Tencent dans son capital) dont le fondateur Cyrille Chiche confesse vouloir faire  le Paypal de l'Ăšre du mobile  et dont CĂ©dric O considĂ©rait qu'elle Ă©tait devenue  l’app de rĂ©fĂ©rence du remboursement entre amis et beaucoup plus encore  est d'une grande ambivalence : sa politique de blocage de comptes en sĂ©ries au moindre soupçon de blanchiment n'augure rien de bon pour celui qui voudrait faire passer par lĂ  du cash-out de crypto. Et certains se demandent si ce sont du vrai bitcoin que l'on achĂšte chez Lydia...

 En mĂȘme temps  pas question de laisser partir ses clients chez des concurrents comme le gĂ©ant Binance, Coinbase, Crypto.com ou Ledger. Et donc, en s'appuyant sur BitPanda, elle a fait un pas vers le bitcoin-placement puis le bitcoin-trading mais aussi, quoiqu'avec des pincettes, vers le bitcoin-paiement.

L’agence Socialclub s’est vu confier la conception, la production et le dĂ©ploiement de la premiĂšre campagne mass mĂ©dia de la fintech française, pour le lancement de Lydia Trading. En apparence, la « super-app » ouvre les portes d'un monde plĂ©biscitĂ© (par le public et les publicitaires) mais qui reste, ou qu'on rĂ©pute toujours, impressionnant. GrĂące Ă  Lydia, il sera dĂ©sormais possible de trader dans la rue ou depuis son balcon, en toute simplicitĂ©. L’univers du trading n’a donc plus le mĂȘme visage en 2022.

Mais il y a Ă©videmment d'autres messages.

Le style moins iconique que renaissant envoie une premiÚre série de messages subliminaux : on a déjà abusé partout des comparaisons imprimerie/internet et autres, souvent sur la base de dichotomies forcées entre univers protestant et catholique. Les codes employés ici renvoient effectivement à des choses semblables (autour d'une liberté du sujet affirmée contre les contraintes antiques ou traditionnelles, les soumissions et les servages).

Le point saillant est que le bitcoineur est figurĂ© tel l'Adam de la Sixtine (catholique, quand mĂȘme) c'est Ă  dire tel l'Homme qui s'Ă©veille dans une relation directe (fort peu catholique) Ă  Dieu, source de Vie et de VĂ©ritĂ©.

La piÚce dorée, symbolique absurde et usée, est ici reconfigurée en auréole, suggérant que le bitcoineur accomplit à la fois une conversion et une lutte héroïque vers une vie meilleure.

Notons que les aurĂ©oles ne figurent point dans la Sixtine, et mĂȘme qu'elles trahissent ici un archaĂŻsme qui pourrait bien renvoyer Ă  l'Ă©quivoque de Lydia elle-mĂȘme. Les autres images de la campagne s'en dispensent opportunĂ©ment tout en conservant l'hĂ©roĂŻcitĂ© de la montĂ©e en compĂ©tence du bitcoineur.

Il me semble donc qu'on est là, implicitement, moins dans une réforme sévÚre de type calviniste que dans un renouveau platonisant au sujet duquel je renvoie à un trÚs ancien billet pour ceux qui ont le temps.

La référence explicite à ce que l'on appelle l'ubérisation n'est pas moins intéressante.

Faire de la pub pour le VTC dans le mĂ©tro (au-delĂ  de l'allitĂ©ration avec le sigle BTC) pourrait paraitre paradoxal (ou Ă©quivoque...) si le mode de transport n'Ă©tait pas moins important ici que le mode de rapport. Pour le dire de façon plus crue, Über n'a pas contournĂ© les taxis ; il a contournĂ© l'État, ses rĂ©gulations, ses trafics de licences et d'influences, et au total l'inefficience qu'il gĂ©nĂšre. Il l'a fait en s'appuyant sur la mass-adoption. Bien avant Über, en dĂ©cembre 1984, M. Baudecroux l'avait fait sans vergogne pour protĂ©ger sa radio libre des foudres du mĂȘme État. Utile rappel pour les moins de 20 ans.

En ce sens Lydia me semble faire surtout la publicité de Bitcoin, renouant avec celle, plus directe, de Coinhouse. Si tant est que 10% des européens aient déjà des cryptos, comme la BCE s'en est aperçue avec un confortable retard sur les publicitaires mais aussi les humoristes, les cinéastes, les adolescents, les enfants et votre beau-frÚre... on n'est pas encore  dans le métro  au sens d'un outil devenu quotidien et populaire. Mais on y va...

Utiliser Bitcoin et autres en France : C’est possible

May 30th 2022 at 09:56
By: Daniel
En ces temps d’inflation, de perte de valeur de l’argent, les crypto-monnaies comme le bitcoin jouent un rĂŽle Ă©lĂ©mentaire. De nombreux clients se rĂ©fugient littĂ©ralement dans des placements alternatifs comme les mĂ©taux prĂ©cieux, mais aussi le bitcoin et d’autres crypto-monnaies. Mais la question de la rĂ©glementation est toujours aussi complexe. En effet, les gouvernements, y [
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Les 6 meilleurs portefeuilles de crypto-monnaies de 2022

May 30th 2022 at 09:28
By: Daniel
Les portefeuilles de crypto-monnaies sont un outil essentiel pour acheter, Ă©changer et vendre des crypto-monnaies. Les traders en ont besoin pour stocker les crypto en toute sĂ©curitĂ©, ainsi que pour protĂ©ger et valider les informations relatives aux transactions. Qu’ils soient matĂ©riels ou logiciels, Ă©galement appelĂ©s stockage Ă  chaud et Ă  froid, les portefeuilles de crypto [
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Les experts disent que Bitcoin pourrait atteindre 100 000 $ en 2022. Voici ce que les investisseurs doivent savoir

May 30th 2022 at 09:18
By: Daniel
Le dĂ©but d’annĂ©e a Ă©tĂ© difficile pour Bitcoin, mais les experts disent toujours qu’il atteindra 100 000 $ – et que c’est plus une question de quand, pas de si, l’occasion parfaite pour profiter des meilleurs bonus de casino en Bitcoin ! Le prix de Bitcoin a continuĂ© de osciller autour de 30 000 dollars [
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Ichimoku suivi de mon trade EURUSD

Ichimoku suivi de mon trade EURUSD montré en direct lors de ma revue de marché du 2 mai dernier. Vous pouvez revoir ma revue de marché ichimoku consacrée au Forex aux cryptos et indices ici https://youtu.be/XFrkTM3d3_g dÚs le début de ma vidéo je montre publiquement mon trade en cours sur l'EURUSD. Trade réalisé pour les besoins de ma prochaine formation.  La prise ...

Blog Ichimoku et Offre ProRealTime Exceptionnelle

Bonjour à toutes et à tous Vous avez été nombreux à me prévenir que mon blog n'était plus accessible depuis quelques jours. Ca y est c'est réparé , ouf :)  Vous pouvez retrouver tous mes articles sur le blog  Pour qui prend le temps de l'exploiter, c'est une bibliothÚque de ressources inestimable. Dix années d'articles, d'analyses, ...

125 - Psychopathes

April 19th 2022 at 12:47

Pour la premiĂšre fois, nous dit-on un peu partout, une Ă©tude scientifique s’est penchĂ©e sur les comportements qui motivent les acheteurs de cryptomonnaies. Parmi les bitcoineurs, c'est surtout l'emploi du mot  psychopathe  qui a frappĂ©. Bien des profils dĂ©jĂ  ornĂ©s de laser eyes sur les rĂ©seaux sociaux se sont enrichis d'allusions psychotiques.

 Actuellement, les raisons pour lesquelles les gens achĂštent des crypto-monnaies ne sont pas bien connues . On pensait pourtant avoir tout lu : pour acheter de la drogue ? Pour financer le terrorisme ? Pour spĂ©culer honteusement et avoir  un compte en Suisse dans la poche  comme l'avait dit M. Obama ? Le temps passant, et surtout l'intĂ©rĂȘt pour Bitcoin et la cyber-Ă©conomie croissant, il Ă©tait grand besoin de trouver autre chose que ces prĂ©occupations socialement marginales.

Il suffisait de prendre le problÚme par l'autre bout. De quoi ont peur aujourd'hui les élites gouvernementales, médiatiques et parfois universitaires ? Des complotistes et de leurs fakes, avec en arriÚre-plan le Mal, ou Poutine son serviteur. Inutile de s'attarder à repérer l'archaïsme d'un schéma explicatif reproduisant quelque peu le pécheur, son péché et Satan  pÚre du mensonge . Mettons juste cela au goût du jour et à défaut d'un exorciste confirmé, envoyons à l'assaut quelques missionnaires frottés de psychologie et armés d'un bon crible pour trouver la pathologie des bitcoineurs. AprÚs tout, on est toujours le fou de quelqu'un...

Donc ceux qui ont un attrait pour les cryptomonnaies ou un penchant pour Bitcoin, comme ceux qui succombent Ă  cette tentation, qu'est ce qui ne marche pas bien dans leur vilaine tĂȘte ?

M'étant procuré le texte en anglais, évidemment sans le payer et par un procédé de psychopathe machiavélique, j'en ai produit une traduction que j'offre gratuitement à mes lecteurs affectés du syndrome FoMO.

Qu'en dire Ă  premiĂšre vue ?

Je reproche suffisamment aux économistes leurs incursions en gros sabots dans le champ de la science historique (mon livre à ce sujet sort dans quelques jours, patience !) pour ne pas aller m'essayer à la psychanalyse selon la formule consacrée.

Une critique sur la forme reste cependant autorisée par ma déontologie.

46 rĂ©fĂ©rences savantes pour un article de 4 pages, cela me semble faire trop savant pour ĂȘtre honnĂȘte surtout quand tous les liens en bleu sur le pdf original n'ont qu'une seule et mĂȘme fonction hypertexte qui est de renvoyer Ă  la liste de ces rĂ©fĂ©rences et non aux articles citĂ©s et que les complĂ©ments promis ne sont finalement pas mis en ligne. De mĂȘme toute la partie 2 MĂ©thode peut facilement ĂȘtre sautĂ©e par le lecteur : il ne s'agit que de rĂ©-assurance. On ne vous ment pas, voyez un peu..

Sans me livrer sadiquement aux horreurs de l'attaque ad homines, un coup d'Ɠil sur les positions universitaires et les publications des 5 auteurs achĂšve le tableau : tous les 5 sont professeurs dans des Ă©coles de commerce, de management, de publicitĂ© ou de marketing, sans rĂ©fĂ©rence particuliĂšre donnant Ă  suspecter la moindre compĂ©tence quant aux ressorts de l'Ăąme humaine, au-delĂ  d'une bonne psychologie de supermarchĂ©. Le mot consommateur apparaĂźt d'ailleurs clairement dans les premiĂšres lignes de la partie 4 intitulĂ©e Discussion.

À noter cependant qu'ils y prennent goĂ»t : trois d'entre eux annoncent, pour le mois d'aoĂ»t, un nouvel article sur les effets de la rĂ©gulation. Maintenant qu'ils ont rĂ©uni un panel, ils ne vont plus lĂącher l'affaire !

Sur le fond, qu'est-ce que j'ai, personnellement, trouvé dans cette étude ?

Des définitions superficielles

  • On est immĂ©diatement frappĂ© par un apparat volontairement impressionnant de rĂ©fĂ©rences assĂ©nĂ©es de façon aussi autoritaire et de dĂ©finitions schĂ©matiques.
  • Mais inversement le corpus delicti est prĂ©sentĂ© de maniĂšre extrĂȘmement pauvre. La cryptomonnaie se voit distinguĂ©e (de tout autre investissement) par 2 spĂ©cificitĂ©s seulement : sa volatilitĂ© qui l'assimilerait Ă  un gambling et sa dĂ©centralisation, essentiellement perçue comme un Ă©cart Ă  la norme d'une surveillance (oversight) gouvernementale. C'est quand mĂȘme trĂšs court...

Des assertions non critiquées

  •  Les cryptomonnaies sont des investissements risquĂ©s  Sans doute. Mais pourquoi ? À quel point ? Sur quelle Ă©chelle de temps ? Pour quel type d'acheteur ?
  • Les  croyances conspirationnistes  se voient caractĂ©risĂ©es de façon fort dĂ©sinvoltes :  par exemple, la mĂ©fiance Ă  l'Ă©gard du gouvernement. Autrefois, quelqu'un qui n'aimait pas, se mĂ©fiait voire combattait son gouvernement, cela s'appelait tout bonnement un opposant. Il y avait certes des pays oĂč on les soignait en psychiatrie, mais ces pays ne jouissaient pas d'une grande considĂ©ration auprĂšs des dĂ©mocrates, fussent-ils universitaires.

Un choix d'outils non critiqué

  •  Nous examinons l'effet des traits de la tĂ©trade noire sur l'attitude et l'intention d'achat de cryptomonnaies d'une personne. Pourquoi ne pas Ă©tudier aussi voire Ă  la place l'effet de la bienveillance (naturelle dans tout marchĂ© de pair Ă  pair) ou de l'envie de voyager, ou encore de la passion de la technologie ?
  • La rĂ©fĂ©rence au Covid, citĂ© pour le machiavĂ©lisme comme pour la psychopathie, tient de la facilitĂ©. Il me semble que les rĂ©ticences diverses d'une partie de l'opinion sur une partie des discours produits par les divers gouvernements durant la crise Ă©pidĂ©mique rĂ©cente forment un matĂ©riau un peu fragile pour construire des outils d'analyse recyclables sur Bitcoin.

Un choix délibéré et forcé de mots polémiques

  • Si le bitcoineur se voit Ă©pargnĂ© en apparence l'incrimination d'ĂȘtre  socialement nuisible tous ceux qui connaissent la littĂ©rature sur la  tĂ©trade noire  auront compris.
  • La dĂ©finition donnĂ©e du machiavĂ©lisme (outre qu'elle n'a Ă©videmment qu'un peu d'eau de cuisson en commun avec la pensĂ©e du Florentin) colle si mal Ă  l'investissement en crypto que le dĂ©but du point 1.1 de l'article en devient risible.
  • Le sadisme, invoquĂ© quant au troll (qui ne distingue guĂšre le bitcoineur moyen du twitto moyen) n'est pas retenu Ă  charge contre le simple crypto-investisseur. Il aura pu faire ses pĂąques la conscience en paix.
  • Le narcissisme invoquĂ© (pour tout investissement risquĂ©, d'ailleurs) est tellement la marque d'une Ă©poque - le livre tragique de Christopher Lash ne date pas d'hier - qu'il pourrait aujourd'hui ĂȘtre rĂ©quisitionnĂ© dans l'analyse d'Ă  peu prĂšs n'importe quel passant dans la rue. On ne contestera donc, en ce qui concerne l'intĂ©rĂȘt pour les cryptos, ni le FoMO ni une belle couche de narcissisme. Mais so what?

So What ?

La lecture de la fort courte partie 5 Limites et recherche future et de la brĂšve conclusion suggĂšre que les auteurs ne se sont mĂȘme pas convaincus eux-mĂȘmes autant qu'ils ont voulu le laisser croire dans les articles ultĂ©rieurement destinĂ©s au grand public (comme celui paru dans The Conversation).

Ainsi, avouent-ils en conclusion ce par quoi ils auraient dû commencer :  les chercheurs devraient réaliser comment la méfiance envers les politiciens peut activement conduire l'intention d'achat pour les investissements non soutenus par le gouvernement pour les investisseurs machiavéliques . Quelques bonnes conversations au café du coin auraient sans doute déniaisé les esprits.

 Nous ne suggérons pas que tous les acheteurs de cryptomonnaies présentent les caractéristiques de la tétrade noire. Nous étudions plutÎt un sous-ensemble de personnes intéressées par les cryptomonnaies qui présentent ces caractéristiques. Nos résultats montrent que les narcissiques aiment les cryptomonnaies qui sont fondées sur la positivité.

Au total, malgré l'apparat de notes, les détails de la méthode employée et tout le verbiage savant, cet article n'apprend rien ni sur les pervers ni sur les cryptomonnaies ; bien moins en tout cas que sur les auteurs.

Ceux-ci auraient pu, unissant leurs diverses expériences nationales, se demander si ce n'est pas le narcissisme qui conduit un Australien à vouloir la république, le machiavelisme qui conduit un Britannique au Brexit ou encore la psychopathie qui conduit un Danois à rester dans l'Union Européenne aprÚs avoir voté  non  jadis.

En France comme ailleurs, narcissiques, sadiques et pervers de tout poil votent aussi ! J'aurais bien envie d'emmerder affectueusement les chercheurs en leur demandant ce qu'ils en pensent.

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124 - Le lardon des offenses

March 19th 2022 at 16:07

(Pour ThaĂŻs)

Les campagnes d'affichage publicitaire successives de Coinhouse et de Paymium auront sans doute moins suscité de commentaires parmi les fans de Bitcoin et autres actifs cryptographiques  comme disent pompeusement les législateurs et régulateurs, que celle, totalement imprévue, des lardons végétaux.

Parmi les commentaires les plus fins que j'ai glanés de-ci de-là, il y a le rieur :  l'agence de pub a sûrement eu cette idée en sortant de boßte à 4h du mat'  ou le critique  leur produit est vraiment naze ; des végétariens qui veulent des lardons, c'est quoi ce délire ? Mais bon comme on dit, tant que y'a des cons pour acheter  mais aussi le fataliste  la FNSEA est déjà en train de cuisiner le projet de loi sur le mot lardon  ou le politique  trop bizarre la nouvelle campagne de Fabien Roussel .

Pour ĂȘtre franc, je ne me suis mis Ă  y rĂ©flĂ©chir moi-mĂȘme sĂ©rieusement qu'en dĂ©couvrant, cabas en main, une autre affiche, devant mon marchĂ©.

Et lĂ , Δ᜕ρηÎșα... j'ai tout compris.

Ce sont moins ArchimĂšde et son levier, en rĂ©alitĂ©, que Copernic et son renversement de perspective qui sont venus Ă  mon secours. Il ne s'agit pas du lardon, dont le budget pub nous aura seulement offert une redoutable campagne subliminale. Il s'agit bien de Bitcoin. Souvent viandards (mĂȘme si j'ai toujours un ou deux vegans aux Repas du Coin) mes amis bitcoineurs n'ont pas bien perçu la chose. Ils ont Ă©tĂ© victimes du lardon, dans le 3Ăšme sens (raillerie, sarcasme) que le dictionnaire attribue au mot et dont Sainte-Beuve ou MĂ©rimĂ©e usaient encore il y a 150 ans.

Le sarcasme cible ici trÚs clairement, et pas seulement sur l'uniqueaffiche qui en cite le nom, la situation de Bitcoin en France, ce pays qui passe à cÎté de son futur.

Renseignons-nous d'abord sur le client.

 Avec son univers décalé, La Vieℱ souhaite accompagner en douceur les consommateurs vers les substituts végétaux, plus respectueux de l’environnement et plus sains . Pas de quoi les accuser de vouloir faire interdire la PoW au nom de l'environnement, comme certains Ă©colos mal informĂ©s. Le plus probable est qu'ils s'en tamponnent paisiblement. Je n'ai que 13 relations en commun sur LinkedIn avec l'un des deux crĂ©ateurs de la boite et une seule avec le second. Notons quand mĂȘme qu'ils sont dĂ©calĂ©s et que l'inclinaison des lardons sur les affiches est sensiblement comparable celle du logo de Bitcoin.

Quid de l'agence maintenant ?

L'Agence Buzzman, dĂ©jĂ  Best International Small Agency of The Year 2011 puis Agence de l’annĂ©e au Cristal Festival en 2013 et 2016 et pareillement aux Effie France de 2016 et 2021, rĂ©guliĂšrement distinguĂ©e jusqu'Ă  ĂȘtre reconnue Agence Française la plus CrĂ©ative en 2019 et Agence de PublicitĂ© de la DĂ©cennie en 2020 n'est pas un repĂšre de dingues fonctionnant au gag vaseux ou Ă©culĂ©. Surprise ? J'ai 31 relations en commun avec son prĂ©sident...

Que nous dit, en réalité, leur campagne ?

Ce lardon végétal ambitionne littéralement de changer le monde et de réajuster les relations sociales. Il est donc juste et bon de le comparer à Bitcoin.

Les critiques des viandards sont d'ailleurs (mĂȘme si je ne crois pas qu'ils s'en soient rendu compte) exactement parallĂšles Ă  celles des financiers enragĂ©s parce qu'il manquerait quelque chose Ă  Bitcoin pour en faire une vraie monnaie.

Le lardon vĂ©gĂ©tal introduit une critique radicale du lardon, non en en promouvant un qui serait  sans nitrite  ou ornĂ© de ces labels complaisants que l'on retrouve dans la finance comme dans l'alimentation (responsable, solidaire, circuit court et vous m'en direz tant) mais en faisant un lardon sans porc, comme Bitcoin est une monnaie sans la garantie de État, ou une eau sans Ă©lectrolytes.

À l'unique diffĂ©rence, qu'il ne faut pas perdre de vue en temps de guerre, que l'on tue le cochon mais que ce sont les États qui tuent.

Et si ce lardon peut ĂȘtre vendu en France avec ce type d'affiche, c'est parce le pays de Pasteur a, seul parmi les membres permanents du Conseil de SĂ©curitĂ©, Ă©chouĂ© Ă  dĂ©velopper un vaccin contre le Covid. La critique, peut-ĂȘtre nĂ©e Ă  l'extrĂȘme-droite, n'en est pas moins pertinente et a suscitĂ© un dĂ©bat mal Ă©touffĂ©). C'est parce que le pays de Louis Renault et des Peugeot a perdu bien du terrain dans l'automobile, ce qu'illustre le destin de l'Ăźle Seguin passĂ©e comme le dit sans fard ni honte son promoteur de l'Ăźle industrielle Ă  l'Ăźle crĂ©ative, numĂ©rique et durable. Et c'est parce que notre seul futur possible consiste aujourd'hui Ă  tenter de conserver notre faible avantage dans l'art de bien vivre et de bien manger, devenu de façon pathĂ©tique un argument pour politiciens Ă  court d'idĂ©es.

L'apostrophe  vous ĂȘtes dĂ©jĂ  passĂ© Ă  cĂŽtĂ© du Bitcoin semble ne s'adresser, grammaticalement, qu'au seul passant, c'est Ă  dire Ă  un individu lambda, salariĂ© extĂ©nuĂ©, Ă©pargnant flouĂ©. C'est la vielle antienne journalistique :  celui qui a mis ses Ă©conomies en Bitcoin en 2009 est aujourd'hui multimilliardaire  transformĂ©e en argument de vente.

Mais selon moi elle s'adresse rĂ©ellement, et je ne sais pas si ça les fait sourire, au fonctionnaire bornĂ©, au rĂ©gulateur maniaque, Ă  l'Ă©conomiste verbeux, au banquier rentier. Peut-ĂȘtre, quand mĂȘme, Ă  se moquer ainsi publiquement d'eux, leur fait-elle un peu honte et doit-elle faire honte au pays qu'ils dirigent.

DerriĂšre le lard sans cochon que cette affiche vend, il faut voir le cochon sans lard, sans liard et sans armes que notre pays est devenu.

123 - Ponzi et Pince-moi sont sur un yacht...

February 13th 2022 at 19:27

Comme bien des gens, j'ai découvert récemment l'histoire de l'Arnaqueur de Tinder (Tinder Swindler) que l'on pourrait malicieusement résumer en disant qu'il s'agit d'une affaires  d'échanges sur Internet .

Je ne vais analyser ici, de cette affaire qui à de trÚs nombreux égards est emblématique de notre époque, que ce qui me parait intéresser directement ceux qui veulent réfléchir autour de Bitcoin.

Parce qu'au cƓur d'une arnaque, au-delĂ  de l'indĂ©licatesse sentimentale, du mĂ©pris de l'ĂȘtre humain, de l'appĂąt d'un gain indĂ» et de la soif de jouissances tape-Ă -l'oeil, il y a essentiellement l'identitĂ© (le renard sous la peau de l'agneau) et... les gros sous. Deux sujets adressĂ©s par  la technologie blockchain  comme on dit.

D'abord il y a la double (au moins) identité du héros.

On ne peut qu'ĂȘtre frappĂ© par l'aisance avec laquelle cet homme, nĂ© Shimon Yehuda Hayut, documente une identitĂ© qui n'est pas seulement fausse mais usurpĂ©e, celle du fils supposĂ© du couple Lev and Olga Leviev, dont aucun des neuf enfants ne portent le prĂ©nom de Simon. Exactement comme sur sa photo de famille, il s'incruste par copier-coller sur la rĂ©alitĂ©.

Le coĂ»t de cette opĂ©ration est, comme celui de pratiquement toutes les fraudes numĂ©riques, infime ou nul. Mon lecteur et moi pouvons, en quelques minutes et sans quitter notre clavier, poster une photo de nous incrustĂ©s comme le personnage du Zelig de Woody Allen au milieu de la famille X ou Y, siĂ©geant au Conseil de la Banque Truc ou de l'AutoritĂ© de RĂ©gulation Machin. En faire usage ensuite sur les rĂ©seaux sociaux ne doit guĂšre ĂȘtre puni bien sĂ©vĂšrement.

Plus l'identification d'un ĂȘtre humain repose sur des rĂ©alitĂ©s numĂ©riques (ou numĂ©risĂ©es) plus grandit l'espace par oĂč s'infiltrer. Ainsi il n'est pas non plus bien difficile de se procurer une facture EDF, cette dĂ©risoire clĂ© de voĂ»te du KYC bancaire : on trouve tout ce qui est nĂ©cessaire en ligne pour cela (exemple ancien, par prudence) et le fait que le technicien ne se dĂ©range plus (merci Linky) doit arranger encore la tĂąche.

Or dans l'affaire de l'Arnaqueur de Tinder, mis à part l'acte sexuel, toutes les interactions des malheureuses se sont déroulées avec un avatar.

Dans un bal masqué cela ne manquerait pas de pimenter la chose, à la maniÚre d'un gracieux marivaudage. Il faut juste laisser sa carte de paiement bien loin des pattes de son cavalier.

J'en reste là, incitant mes lecteurs à faire l'acquisition du pertinent ouvrage de mon ami Alexis Roussel et de Grégoire Barbey, Notre si précieuse intégrité numérique, préface de Jacques Favier, sans pseudonyme.

L'arnaque mĂ©rite-t-elle d'ĂȘtre dĂ©crite comme un Ponzi ?

C'est ce que fait la presse grand public (ici Marie-Claire) :  l'enquĂȘte du journal VG - ainsi que le documentaire - rĂ©vĂšlent une arnaque basĂ©e sur un modĂšle de pyramide de Ponzi : Cecilie payait pour Pernilla, Pernilla payait pour la suivante, ect
  .

Or il saute aux yeux qu'il n'en est rien : Cecilie a, si l'on veut, payĂ© le repas de Pernilla, mais elle ne l'a pas remboursĂ©e. On pourrait dire qu'elle a payĂ© le Dom Perignon d'un soir, Pernilla la suite royale d'une nuit et Ayleen la Lambo. Aucune d'entre elle n'a jamais Ă©tĂ© remboursĂ©e avec de gros intĂ©rĂȘts comme les clients chanceux d'un Ponzi qui se sauvent avant l'effondrement de la pyramide.

Dans un monde d'inculture financiĂšre, cet emploi inexact du nom de Charles Ponzi a cependant de quoi consoler celui qui lit du soir au matin des boutades de banquiers ou des approximations de journalistes faisant de Bitcoin un Ponzi.

Le Cercle du Coin avait organisé une rencontre avec Marc Artzrouni, mathématicien spécialiste reconnu du Ponzi (et à titre personnel peu favorable à Bitcoin) : il avait fait justice de cette assimilation inculte. Ceux qui ont un peu de temps et de curiosité peuvent revoir sa conférence ici.

Oublions Ponzi, non sans rappeler (par méchanceté) que la plupart des banquiers qui nous en parlent ont vendu du fonds Madoff, authentique pyramide, pour le coup.

Parlons donc de l'essentiel : des banques.

Les trois malheureuses héroïnes seraient toujours en train de rembourser, chaque mois, et certainement au taux d'usure, une somme totale de 600.000 dollars en principal.

Comme on le voit dans le documentaire, chacune a pu, en quelques heures et sur la base de bulletins de salaires contrefaits obtenir des prĂȘts Ă  5 chiffres. Non pas une fois, mais trois, quatre voire cinq fois.

Aucune enquĂȘte ? Aucune centralisation par la Banque centrale, ou aucune consultation du fichier des emprunteurs s'il existe ? Aucune inquiĂ©tude d'Amex et autres quand l'encours de la carte de paiement est rechargĂ© 3 fois en 3 semaines par 3 crĂ©dits personnels ?

Curieusement les documents que l'on aperçoit Ă  la dĂ©robĂ©e dans le documentaire semblent presque absents d'Internet oĂč ne demeurent que les photos du BG Ă  tĂȘte de pervers et de ses noubas de petit mec sorti des bas-fonds.

Ah la belle chose que l'audace des banques, si promptes soudain, alors qu'on les connaßt si prudentes en général !

Je ne sais si l'on finira par incriminer le je-m'en-foutisme des banques, si soupçonneuses quand un client dépose 500 euros en cash ou 5.000 en liquide, mais si peu responsables en réalité dÚs qu'elles sont protégées par la violence des contrats et des lois.

Il y aurait encore une chose Ă  leur reprocher : l'arnaqueur, parmi les mensonges qui ont pu le rendre crĂ©dible mĂȘme aux moments de crise, invoquait systĂ©matiquement la lenteur des transferts bancaires. Car la terre entiĂšre sait que l'argent promis arrive toujours le lendemain (au mieux) du jour prĂ©vu, que le SEPA n'est ni gratuit ni instantanĂ©, pour dix mille raisons et notamment  pour votre sĂ©curitĂ©. Un paiement en Bitcoin ne se fait pas attendre, et cette diffĂ©rence est considĂ©rable.

Pourtant, si l'une des banques de Cecilie aurait passĂ© l'Ă©ponge, apparemment aux frais de son assureur, toutes les autres institutions bancaires impliquĂ©es semblent poursuivre en justice et par tous les moyens le recouvrement de leurs crĂ©ances, avec une ardeur qui serait sans objet si elles avaient prĂȘtĂ© cela aprĂšs de longues analyses de risque Ă  des sociĂ©tĂ©s capables de se placer sous la protection des lois sur les faillites.

Que conclure de tout cela ?

Mais... ce qu'il vous plaira.

122 - Sur la sĂ©paration de la monnaie et de l'État

January 23rd 2022 at 17:40

 Je ne crois pas que nous n'aurons jamais plus une bonne monnaie avant que nous ne soyons en mesure de retirer la chose des mains du gouvernement ; cependant comme nous ne pouvons pas retirer violemment la chose des mains du gouvernement, tout ce que nous pouvons faire, c'est d'introduire par un moyen dĂ©tournĂ©, sournois, quelque chose qu'ils ne pourront pas arrĂȘter .

C'est cette citation de Friedrich Hayek qu'Allen Farrington a mis en exergue de son article publié en novembre dernier dans la quatriÚme livraison du Bitcoin Times et intitulé  The Separation of Money and State, Changing the course of history .

Alain Farrington, dont je ne partage pas forcĂ©ment toutes les idĂ©es, est un penseur intĂ©ressant et qui (comme j'essaye de le faire moi-mĂȘme) fait son miel de toutes fleurs. Il s'Ă©tait dĂ©jĂ  fait remarquer par un article Bitcoin is Venice en fĂ©vrier 2021.

Il m'a semblĂ© utile de donner ici une traduction qui attĂ©nuera peut-ĂȘtre, pour le public francophone, l'effet pudiquement Ă©voquĂ© comme TLTR !

Voici donc la traduction de cet article assez abstrait et conceptuel, pour laquelle j'espÚre une bienveillance spéciale de mes lecteurs :

L'Ă©conomie politique de la monnaie fiduciaire est une Ă©conomie toxique.

Étant donnĂ© que la monnaie fiduciaire n'existe qu'en tant que passif des banques agrĂ©Ă©es par l'État et bĂ©nĂ©ficiant d'un accĂšs politiquement prĂ©fĂ©rentiel au crĂ©dit artificiel, la taille est, dans le secteur bancaire, rĂ©compensĂ©e par dĂ©faut tandis que la taille dans le business commercial est rĂ©compensĂ©e par la proximitĂ© avec les plus grosses institutions du secteur bancaire. Les pertes de l'un comme de l'autre secteur sont socialisĂ©es sous prĂ©texte d'Ă©viter une catastrophe financiĂšre ; mais en rĂ©alitĂ© la vĂ©ritable catastrophe provient de ce qu'il y a toujours un gros pouce qui appuie sur la balance en dĂ©faveur des petits et des personnes politiquement mal connectĂ©es. Les marchĂ©s de capitaux ont Ă©chouĂ© lamentablement dans leur objectif initial de crĂ©er un marchĂ© pour le capital. Ils sont devenus, au contraire, des outils politiques dont la politique est tout sauf locale.

Les retombĂ©es de l'opĂ©ration Choke Point (bien nommĂ©e Ă©tant donnĂ© le principe de base de la  capture de l'action publique ) le montrent clairement, mais le raisonnement s'applique Ă©galement Ă  l'analyse de l'architecture de l'internet. Compte tenu de l'absence de monnaie numĂ©rique native avant l'avĂšnement de Bitcoin, la monĂ©tisation en ligne s'est principalement articulĂ©e autour de la publicitĂ©, ce qui implique Ă©videmment la surveillance. Chaque action que l'on fait en consommant du contenu en ligne est sans cesse espionnĂ©e parce qu'elle est prĂ©cieuse pour certains, parce que sa capture et son traitement Ă  grande Ă©chelle font apparaĂźtre d'Ă©normes rendements : alors que de telles donnĂ©es ponctuelles ne vous diraient rien, des trillions d'entre elles peuvent ĂȘtre exploitĂ©es pour trouver des modĂšles qu'aucun humain ne pourrait identifier. Vous ne pouvez pas gĂ©rer une entreprise en ligne sans payer le tribut Ă  ceux qui ont maĂźtrisĂ© ce jeu et qui, surprise, surprise, ont Ă©galement Ă©tĂ© capturĂ©s politiquement. Leur taille fait d'eux des cibles pour ce jeu de capture politique, et c'est la capture politique qui les maintient en grande forme et les rend plus grands.

On comprend de mieux en mieux comment Bitcoin corrige cette situation et, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, encourage la rĂ©flexion Ă©conomique sur des bases plus locales tout en mettant en garde de maniĂšre heuristique contre ce qui se rĂ©vĂšle trop interdĂ©pendant et trop fragile. Les marchĂ©s de l'Ă©nergie en sont peut-ĂȘtre l'exemple le plus Ă©vident : 'Toxiquement gros est peut-ĂȘtre une critique Ă©trange du rĂ©seau, Ă©tant donnĂ© qu'il s'agit plutĂŽt d'un miracle Ă©conomique crĂ©ant un prix de compensation pour l'Ă©lectricitĂ© - qui, contrairement Ă  l'inflation, est un phĂ©nomĂšne Ă©conomique nĂ©cessairement transitoire. Pourtant, Bitcoin permet de se dĂ©tacher de cette infrastructure vaste, coĂ»teuse et fragile sur le plan systĂ©mique, en permettant la crĂ©ation d'un prix de compensation achetĂ© et vendu uniquement sur Internet.

Sur un horizon temporel suffisamment long, on peut raisonnablement espérer que Bitcoin fera disparaßtre le pouce qui pÚse sur la balance économique. Les petits et les locaux ne seront plus politiquement désavantagés en termes économiques, et les grands devront se battre à armes égales.

Mais qu'en est-il de la politique elle-mĂȘme ? Pouvons-nous craindre qu'un retour au localisme dans la formation du capital et le comportement des consommateurs ne soit pas d'une grande utilitĂ© face Ă  un État autoritaire, Ă  une classe d'institutions non Ă©conomiques et Ă  leurs composants parasites qui ont un goĂ»t persistant pour le supranational ?

Je ne le pense pas. C'est trÚs bien de défendre le localisme comme étant manifestement bon, le supranationalisme comme étant manifestement mauvais, Bitcoin comme étant manifestement bon et contraire au supranationalisme, et donc Bitcoin comme étant un complément naturel au localisme. Mais corrélation n'est pas causalité. Mon argument est plus fort que cela : Bitcoin provoquera le localisme, tant politiquement qu'économiquement. Il n'y aura pas d'autre choix. L'hypertrophie toxique des gouvernements deviendra tout aussi insoutenable que celle des entreprises.

Cela ne veut pas dire que Bitcoin nous mÚnera à une utopie pacifiste dans laquelle toute tentative de violence subira une intervention métaphysique de l'esprit de Satoshi. Le fait que l'argent puisse conférer du pouvoir est assez clair puisqu'il y aura toujours un prix de compensation pour les actes de violence. Mais ce qui distinguera l'étalon Bitcoin, c'est que le pouvoir n'y donnera pas l'argent.

Il y a deux raisons de le croire.

La premiĂšre est que le bitcoin ne peut tout simplement pas ĂȘtre saisi par sans faire usage d'une force au moins aussi sĂ©vĂšre que la torture, et mĂȘme dans ce cas, il est possible - et cela se gĂ©nĂ©ralisera sĂ»rement pour toute valeur digne d'ĂȘtre protĂ©gĂ©e - de rendre la torture obsolĂšte. Si vous voulez le bitcoin, vous devrez fournir quelque chose de plus prĂ©cieux Ă  son dĂ©tenteur.

La seconde est plus subtile, et je crois qu'elle n'est pas largement comprise, sauf peut-ĂȘtre par le sous-ensemble des bitcoiners qui s'intĂ©ressent de prĂšs Ă  l'histoire politique. L'une des caractĂ©ristiques de Bitcoin est qu'il s'agit de la premiĂšre monnaie vĂ©ritablement apatride. Contrairement Ă  certains points de vue naĂŻfs de bitcoiners et mĂȘme de gold-bugs, l'or a constituĂ© la base de la monnaie au cours de l'histoire, mais n'a jamais agi pleinement et entiĂšrement en tant que monnaie. Cette observation historique fournit une rĂ©flexion amusante sur ce que j'ai prĂ©cĂ©demment dĂ©crit comme la thĂ©orie sĂ©mantique de l'argent selon laquelle l'argent peut ĂȘtre dĂ©fini, et se trouve entiĂšrement dĂ©fini par une liste de critĂšres acadĂ©miques et pas du tout par rĂ©fĂ©rence Ă  la rĂ©alitĂ©. Quelque chose est de la monnaie si et seulement si elle remplit les trois fonctions de la monnaie ; c'est-Ă -dire, rĂ©serve de valeur, moyen d'Ă©change et unitĂ© de compte. Pour les Ă©conomistes Ă©pris de cette vacuitĂ© taxonomique, la façon dont une chose est utilisĂ©e dans le monde rĂ©el n'a pas la moindre importance. La monnaie est une catĂ©gorie sĂ©mantique, pas une catĂ©gorie explicative.

Il est donc curieux que, dans la Venise ou la Florence médiévales et renaissantes, ces prétendus "trois rÎles de l'argent" aient été remplis par des objets ou des concepts différents : l'or physique était la réserve de valeur (parfois l'argent ou le billon), le transfert bancaire par le biais d'une altération attestée du registre (appelé de maniÚre révélatrice "argent fantÎme" à Florence) était de loin le moyen d'échange le plus courant, et les dénominations de la monnaie prescrites par la polarité (c'est-à-dire le gouvernement) par le biais de l'hÎtel des monnaies étaient les unités de compte.

Le lecteur pourrait objecter qu'il s'agit ici d'une sĂ©mantique hors de propos qui nous permet d'Ă©chapper Ă  la primautĂ© et Ă  l'importance de l'or et de l'Ă©talon-or. C'est tout le contraire. L'or physique a un coĂ»t - et en fait, un coĂ»t trĂšs Ă©levĂ©. Presque toute la civilisation humaine Ă  travers le monde et l'histoire est arrivĂ©e indĂ©pendamment Ă  l'utilitĂ© de l'or physique comme rĂ©serve de valeur parce que, parmi les options, c'est celle qui a le coĂ»t le plus Ă©levĂ© et la plus grande raretĂ©, d'oĂč la plus faible rĂ©ponse du marchĂ© de l'augmentation de l'offre Ă  sa prime comme rĂ©serve de valeur, d'oĂč l'inflation la plus faible et, enfin, la plus grande utilitĂ© monĂ©taire.

L'or physique se rapproche de ce que Nick Szabo appelait unforgeable costliness la dĂ©pense infalsifiable. Anticipant brillamment les rĂ©actions actuelles contre le "gaspillage" de l'exploitation miniĂšre du bitcoin, Szabo cela explique dans Shelling Out :  au premier abord, la production d'une marchandise simplement parce qu'elle est coĂ»teuse semble tout Ă  fait un gaspillage. Cependant, la marchandise dont le coĂ»t d'acquisition ne peut ĂȘtre falsifier ajoute constamment de la valeur en permettant des transferts de richesse bĂ©nĂ©fiques. Une plus grande partie du coĂ»t est rĂ©cupĂ©rĂ©e chaque fois qu'une transaction est rendue possible ou moins coĂ»teuse. Le coĂ»t, initialement un gaspillage total, est amorti sur de nombreuses transactions. La valeur monĂ©taire des mĂ©taux prĂ©cieux est basĂ©e sur ce principe .

MĂȘme si le monopole gouvernemental typique sur la violence a, au fil des ans, inclus un monopole sur le droit de frapper des piĂšces (ou, tout au plus, un droit privĂ© accordĂ© par le gouvernement, susceptible d'ĂȘtre rĂ©voquĂ© Ă  tout moment), il ne s'est jamais Ă©tendu Ă  un droit d'Ă©chapper Ă  la rĂ©alitĂ© Ă©conomique. Les piĂšces dĂ©prĂ©ciĂ©es seraient Ă©valuĂ©es Ă  l'Ă©tranger en fonction de leur dĂ©prĂ©ciation, c'est-Ă -dire non pas en fonction de la fausse unitĂ© de compte imposĂ©e par le gouvernement, mais en fonction de la vĂ©ritable rĂ©serve de valeur que constituent les mĂ©taux prĂ©cieux coĂ»teux qu'elles contiennent. Les marchĂ©s des changes ont permis aux monnaies d'État d'ĂȘtre (relativement) honnĂȘtes, Ă©tant donnĂ© que la rĂ©troaction Ă©conomique du seigneuriage ne permettait que les plus petites fenĂȘtres d'avantages temporaires avant des dommages Ă  plus long terme et plus extrĂȘmes3.

MĂȘme lorsqu'ils Ă©taient soutenus par une puissance militaire telle que celle des empires romain, espagnol ou britannique, par exemple, que l'on pourrait penser capable de neutraliser les rĂ©actions Ă©conomiques Ă©manant essentiellement de rĂ©seaux commerciaux dĂ©centralisĂ©s qui pouvaient simplement ĂȘtre cooptĂ©s, le coĂ»t essentiel de l'or Ă©lĂ©mentaire se faisait toujours sentir. La violence organisĂ©e Ă  une telle Ă©chelle a un coĂ»t. Plus l'Ă©chelle est grande, plus le coĂ»t est Ă©levĂ©, et en fait, plus l'incitation Ă  maintenir efficacement un Ă©talon-or est grande, plutĂŽt que de tenter de le subvertir. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un facteur de causalitĂ© unique, ce n'est certainement pas une coĂŻncidence si les trois grands empires que nous venons de citer se sont tous effondrĂ©s plus ou moins en fonction du taux de dĂ©prĂ©ciation de leurs monnaies dans la poursuite de fins militaristes Ă©conomiquement destructives.

Mais l'Ăšre de la monnaie fiduciaire a crĂ©Ă© une anomalie historique spectaculaire. Pour la premiĂšre fois dans l'histoire, le coĂ»t de crĂ©ation d'une nouvelle monnaie Ă©tait littĂ©ralement nul. Cela a eu des effets profonds sur l'Ă©conomie politique. Alors que l'argent peut toujours acheter le pouvoir, le pouvoir pouvait dĂ©sormais acheter de l'argent, et ce sans calcul Ă©conomique. Il n'y a pas de coĂ»t trop Ă©levĂ© pour s'emparer du pouvoir, et il n'y a pratiquement aucune raison de ne pas tenter sa chance, car tous les coĂ»ts peuvent ĂȘtre remboursĂ©s plus tard, et mĂȘme plus. Nous pensons qu'il s'agit lĂ  de la cause fondamentale du culte de la grandeur toxique, dĂ©sormais endĂ©mique dans le monde dĂ©veloppĂ©,

PlutĂŽt qu'un processus naturellement homĂ©ostatique d'augmentation de la taille tendant Ă  conduire Ă  l'inefficacitĂ©, Ă  l'Ăšre de la monnaie fiduciaire, plus vous ĂȘtes grand - que ce soit en tant qu'entreprise ou en tant que gouvernement - plus vous devenez puissant, et donc, de maniĂšre totalement perverse, plus vous devenez efficace. Bien sĂ»r, moins les autres deviennent efficaces, car ils sont volĂ©s de maniĂšre transparente. Plus le capital communautaire est consommĂ©, plus le consommateur de capital peut diriger son Ă©nergie vers la prise de pouvoir et se rembourser lui-mĂȘme, mais probablement personne d'autre.

Bitcoin rĂ©sout ce problĂšme. Et d'une maniĂšre remarquablement simple, il dĂ©fait tout ce qui vient d'ĂȘtre dĂ©crit. Il redonne un coĂ»t Ă  l'argent - plus Ă©levĂ© mĂȘme que celui de l'or - et rend l'abondance toxique insoutenable. Par consĂ©quent, le bitcoin n'est pas tant explicitement un outil pro-localiste. En fait, la rĂ©alitĂ© est encore plus profonde : le localisme lui-mĂȘme est naturel, sain, durable et juste. Le bitcoin dĂ©truit la force compensatrice historiquement anormale et, ce faisant, permet au localisme de se dĂ©velopper sans avoir de parti pris particulier au-delĂ  des prĂ©occupations beaucoup plus abstraites de durabilitĂ©, d'efficacitĂ©, de responsabilitĂ©, d'humilitĂ© et de vĂ©ritĂ©, qui sont toutes des compagnons naturels du localisme.

Et si le localisme dĂ©coule de l'humilitĂ©, alors le supranationalisme est sĂ»rement liĂ© au narcissisme. Une façon de concevoir la tragĂ©die de la modernitĂ© et son impact sur l'exploitation miniĂšre du capital Ă©conomique, social et culturel est peut-ĂȘtre de se rendre compte que le narcissisme est artificiellement subventionnĂ©. Par le biais de subventions, il est normalisĂ©, et par normalitĂ©, il devient une partie de la culture elle-mĂȘme, encourage sa propre dĂ©fense et sa reproduction. À partir d'un dĂ©but artificiel, il prend racine et se maintient tout en entraĂźnant la culture dans sa chute. Dans La culture du narcissisme, Christorpher Lasch indiquait une voie pour sortir de ce labyrinthe cauchemardesque :

Dans une culture moribonde, le narcissisme semble incarner - sous l'apparence de la "croissance" et de la "conscience" personnelles - la plus haute réalisation de l'illumination spirituelle. Les gardiens de la culture espÚrent, au fond, simplement survivre à son effondrement. La volonté de construire une société meilleure, cependant, survit, ainsi que les traditions de localisme, d'auto-assistance et d'action communautaire lesquelles n'ont besoin que de la vision d'une nouvelle société, d'une société décente, pour leur redonner de la vigueur. La discipline morale autrefois associée à l'éthique du travail conserve une valeur indépendante du rÎle qu'elle a joué dans la défense des droits de propriété. Cette discipline - indispensable à la tùche de construire un nouvel ordre - perdure surtout chez ceux qui n'ont connu l'ancien ordre que comme une promesse non tenue, mais qui ont pris cette promesse plus au sérieux que ceux qui l'ont simplement considérée comme acquise .

Insuffisant mais nécessaire, Bitcoin fournit une telle vision. Construisons-la.

121 - « La fantaisie obstinée de trois ou quatre faquins »

January 22nd 2022 at 12:51

J'ai Ă©voquĂ© dans mon billet prĂ©cĂ©dent consacrĂ© Ă  l'exode des trĂ©sors et des compĂ©tences cryptos le rapport ThĂ©ry de 1994. C'est une croix que porte, au-delĂ  du dĂ©cĂšs en juillet 2021 de son brillant auteur, tout haut-fonctionnaire qui prophĂ©tise le futur en ne comprenant dĂ©jĂ  plus le prĂ©sent. Classiquement, les mĂȘmes erreurs sont renouvelĂ©es depuis des annĂ©es maintenant au sujet de Bitcoin.

Mais c'est avec une certaine joie que, m'intĂ©ressant (dans mon autre vie) Ă  la constitution des collections Ă©gyptiennes des musĂ©es europĂ©ens, j'ai retrouvĂ© une  perle  ancienne et... qui est soudain entrĂ© en rĂ©sonance. Ce qui suit n'est donc pas un  ancĂȘtre du rapport ThĂ©ry  mais une preuve que la lĂ©gĂšretĂ© et l'arrogance dans le jugement sont un risque inhĂ©rent au gouvernement des  experts .

Une erreur de jugement, non moins péremptoire que celles de Gérard Théry, et qui explique comment l'une des plus belles collections égyptiennes constituée au 19Úme siÚcle a échappé au pays de Champollion.

Bernardino Drovetti (1776-1852) Ă©tait un piĂ©montais Ă©tonnant, soldat de la RĂ©publique française, nommĂ© consul de France Ă  Alexandrie par Bonaparte, mis sur la touche quand le rĂ©gime tomba et demeurĂ© sur place comme marchand de tout, aventurier, dĂ©couvreur d'antiquitĂ©s et trafiquant de celles-ci, en un temps oĂč elles Ă©taient Ă  celui qui se baissait pour les ramasser.

En 1818, Drovetti rencontre à Alexandrie le comte de Forbin, directeur général des Musées royaux. Celui-ci est émerveillé par la collection du consul. Dans son Voyage dans le Levant publié l'année suivante il écrit que, dÚs cette époque, le voeu de Drovetti (qui pour cela refusait des offres importantes) était bien que sa collection aille embellir le Musée du Louvre.

Le comte de Jomart, ancien de l'expĂ©dition de Bonaparte et secrĂ©taire de la commission chargĂ©e de la publication de la monumentale Description de l'Égypte est lui aussi tout Ă  fait conscient de l'intĂ©rĂȘt de la collection accumulĂ©e par Drovetti et l'Ă©crit au Ministre de l'IntĂ©rieur en aoĂ»t 1818.

Au fond, toutes les personnes instruites de la chose en comprennent l'intĂ©rĂȘt.

Le Louvre, ancien « MusĂ©e NapolĂ©on », vient seulement en 1818 d’ouvrir sa premiĂšre salle Ă©gyptienne, intitulĂ©e « Salle de l’Isis ou des Monuments Ă©gyptiens ».

Vingt-trois objets s’y dĂ©ploient en tout et pour tout, autour d’une statue romaine d’époque impĂ©riale donnant son nom Ă  la salle, et cette « Isis » est en rĂ©alitĂ© une statue de divinitĂ© anthropomorphe Ă  tĂȘte de lionne, reprĂ©sentant la dĂ©esse Sekhmet. Les objets qui l’environnent sont principalement des objets Ă©gyptianisants de l’AntiquitĂ© romaine, mĂȘlĂ©s de quelques originaux Ă©gyptiens, collectĂ©s Ă  Rome.

Le musĂ©e français apparait donc alors trĂšs en retrait sur le plan de la prĂ©sentation de productions issues de l’Égypte ancienne, en comparaison des salles Ă©gyptiennes mises en place outre-Manche. L'acquisition de la collection proposĂ©e par Drovetti devrait ĂȘtre une prioritĂ© !

Quand entrent en scÚne les incompétents

Le roi Louis XVIII n’aime pas l’art de l’ancienne Égypte, et une partie de son entourage rĂ©actionnaire et bigot fulmine en songeant que ces orientalistes, avec leurs recherches inutiles, veulent mettre en doute la chronologie biblique. Un peu d’Isis romaine, passe encore, mais fouiller pour retrouver des objets prĂ©tendument vieux de cinq millĂ©naires, quand des calculs prĂ©cis aboutissent Ă  assigner au premier jour de la CrĂ©ation la date du 23 octobre 4004 av. J.-C. (Ă  midi) et au 5 mai 1491 av. J.-C l'Ă©chouage de l'arche sur le mont Ararat ... il n’en saurait ĂȘtre question : c'est trop contraire Ă   nos valeurs  comme on ne dit pas encore ! L'affaire traine donc.

En 1822 le roi estime qu'il s'est fait dépouiller pour acquérir le zodiaque de Denderah, et qu'il en fait bien assez. Let's be serious comme on ne disait pas encore non plus.

L'affaire va donc ĂȘtre enterrĂ©e illico et avec une superbe tout Ă  fait Ă©tonnante par un ministre qui n’est autre que le gĂ©nĂ©ral de Lauriston. Ce grand et courageux soldat de NapolĂ©on, outre sa carriĂšre militaire, a une rĂ©elle expĂ©rience diplomatique. Mais ni comme soldat ni comme diplomate, il n'a jamais mis les pieds en Égypte. Et Ă©videmment il n'est point historien de l'art, ni collectionneur. RalliĂ© comme presque tous les autres au nouveau pouvoir, il est devenu  Ministre de la Maison du Roi . On se demande un peu ce qu'il vient faire lĂ . Disons que comme tout bon membre d'un cabinet ou d'une cour, il parle au nom de son patron. Notons quand mĂȘme qu'il n'a pas lĂąchĂ© un demi million Ă  McKinsey pour se faire une opinion, ce qui lui aurait Ă©vitĂ© de porter le bicorne. Ce militaire (qui a tout du boomer diraient mes jeunes amis) va donc laisser Ă  la postĂ©ritĂ© ses propres idĂ©es courtes sur l'art antique. FĂącheux, mais savoureux :

L’art chez les Égyptiens n’a jamais approchĂ© le degrĂ© de perfection oĂč il s’est Ă©levĂ© chez les Grecs et dans nos temps modernes ; les statues Ă©gyptiennes, dĂ©nuĂ©es de toute expression, avec leurs formes sĂšches, Ă©troites et ramassĂ©es, leurs poses immobiles et uniformes, ne sont point propres Ă  fournir Ă  nos artistes des modĂšles d’études et des sujets d’inspiration .

lauriston et son roi.jpg, janv. 2022

Bref, ni le ministre ni le roi n'y connaissent grand chose, mais à eux-deux ils ont décidé que Drovetti n'a qu'à aller vendre sa collection ailleurs. Ce qu'il fait en 1824 et pour une bouchée de pain, auprÚs du roi de Piémont-Sardaigne.

Le commentaire de Champollion (qui se rend Ă  Turin et tombe en pĂąmoison) mĂ©rite aussi d'ĂȘtre citĂ© et pourrait parfois nous servir aujourd'hui :

Les monuments Ă©gyptiens abonderont partout, exceptĂ© en France, et ceci par la fantaisie obstinĂ©e de trois ou quatre faquins dont la nouvelle Ă©tude dĂ©range les idĂ©es et les intĂ©rĂȘts, ce qui est tout un pour eux
 Vous verrez qu’il y aura bientĂŽt un musĂ©e Ă©gyptien dans la capitale de la rĂ©publique de St-Marin tandis que nous n’aurons Ă  Paris que des morceaux isolĂ©s et dispersĂ©s .

La chose comique, si l'on y songe, c'est que le grand soldat qui joua ici le rÎle du faquin s'appelait Law de Lauriston et qu'il était... le neveu du célÚbre financier. Comme quoi, savoir reconnaßtre la vraie valeur des choses n'était point le fort de cette famille...

Au moins peut-on se consoler en songeant qu'en 1827, sous l'influence de Champollion désormais protégé par le roi Charles X, le Louvre acquérait la seconde collection proposée par Drovetti.

Comme quoi, parfois, l'État parvient à apprendre de ses erreurs...

120 - Pourquoi ils s'en vont

January 20th 2022 at 14:08

(Cette tribune d'abord publiée dans la Lettre 21millions du mercredi 19 janvier 2022 est présentée ici avec une illustration digne de la revue Banque et quelques ajouts en notes)

Quatre ans aprĂšs les consultations parlementaires qui devaient ouvrir la voie Ă  un Ă©tat de droit des cryptomonnaies en France, l’état de fait est navrant : exode continu des dĂ©tenteurs et des entrepreneurs, fermeture de projets, agitation mĂ©diatique d’un haut-fonctionnaire qui s’est crĂ©Ă© un fonds de commerce en dĂ©nonçant les crimes de Bitcoin, ce qui semble plus aisĂ© que de vendre ses idĂ©es sur la transformation de l’euro en monnaie Ă©cologique.

(L’autoritĂ© de l’État et la morale bourgeoise poursuivant Bitcoin)

Tout cela n’empĂȘche pas, classiquement et toute honte bue, l’accueil sur tapis rouge d’acteurs Ă©trangers pas mĂȘme en rĂšgle avec nos sacrosaintes rĂšgles.

Je suis loin d’avoir Ă©tĂ© le seul Ă  annoncer ce dĂ©sastre. Il y a un an, le mathĂ©maticien Cyril Grunspan annonçait un dĂ©sastre français. DĂšs juin 2018, le Cercle du Coin publiait une tribune de ses deux administrateurs belge et suisse, annonçant Ă  regret l’inĂ©luctable fiasco fiscal français.

Dans un texte fondamental Philippe Silberzahn avait distinguĂ© les trois erreurs fondamentales du fatal rapport ThĂ©ry : l’extrapolation, l’analyse toutes choses Ă©gales par ailleurs et le biais identitaire. Quoique ne citant aucunement Bitcoin, son texte de 2013 offre le trousseau de clĂ©s le plus pertinent sur le sujet. En mars 2018, analysant la tribune anti-bitcoin d’un brillant haut-fonctionnaire X-ENA, je retrouvais tout cela Ă  l’état pur et me voyais conduit Ă  intituler mon texte Comment n’avoir aucune stratĂ©gie.

Nul n’osera dire qu’il n’y a aucun esprit Ă©clairĂ© dans l’appareil de l’État, ni aucune bonne volontĂ©. On y rencontre des gens charmants. Mais ils sont hĂ©las plutĂŽt dans ce Parlement dont la faiblesse fait partie des spĂ©cificitĂ©s françaises et ce n’est pas anecdotique. À plusieurs reprises on a vu Pierre Person et quelques autres sortir de la tranchĂ©e pour n’obtenir finalement que fort peu de choses, celles que Bercy et l’oligarchie financiĂšre acceptaient de lĂącher. Il est revenu dans une interview rĂ©cente sur cette frustration. Il se montre trĂšs pertinent sur les limites de la lĂ©gistique par rapport Ă  la colontĂ© politique de l'administration et des banques.

Mais la palinodie qui a vu en octobre 2018 la Caisse des DĂ©pĂŽts refuser (par la voix d’une dĂ©putĂ©e de la majoritĂ©) la lĂ©gĂšre charge de gĂ©rer quelques comptes d’entreprises bĂ©nĂ©ficiaires du visa AMF a montrĂ© crument la vĂ©ritĂ©.

On peut vouloir l’oublier, en allant aux spectacles proprement incroyables de la « France digitale » : des Ă©vĂ©nements dont le clou est toujours la parole d’un ministre, une rhĂ©torique tapageuse sur la disruption, une apologie de la Startup-Nation par des orateurs issus des grands corps devant des entrepreneurs bien sous tous rapports, un dĂ©filĂ© de « licornes » dont plusieurs se sont construites sur l’inefficience des services publics ou bancaires, des applaudissements plus ou moins sincĂšres pour des blockchains privĂ©es qui renouvellent l’exploit des intranets de jadis et bien sĂ»r une attention rĂ©vĂ©rencieuse pour les sages expĂ©rimentations des banques centrales.

Il s’agit hĂ©las d’un village Potemkine. DerriĂšre les façades, restent une faiblesse persistante de la culture et surtout de la pratique du numĂ©rique, une croyance inĂ©branlable dans le primat de la rĂ©gulation sur l’expĂ©rience, une impasse totale sur le moindre rĂ©alisme dans les deux domaines clĂ©s de la fiscalitĂ© et de la bancarisation, comme si ces deux aspects concrets n’étaient pas en amont de tout le reste, et comme si une rĂ©gulation dont on s’exagĂšre largement les attraits pouvaient justifier la lourdeur fiscale et compenser la guerre froide bancaire.

L’écosystĂšme crypto a prĂ©tendu se structurer, comme on le lui demandait Ă  Bercy. Mais il l’a fait dans le mĂȘme bain, en adoptant toutes les prudences et surtout en ne parlant jamais de Bitcoin. Comme le notait il y a trois ans GĂ©rard DrĂ©an les dĂ©bats byzantins pour savoir si les tokens sont des monnaies ou des actifs n’ont jamais eu « d’autre utilitĂ© que de choisir parmi les appareils rĂ©glementaires existants lequel leur appliquer ». Mais cela a nourri les juristes qui « reprĂ©sentent l’écosystĂšme » et permis aux brillants rĂ©gulateurs de prĂ©parer leur pantouflage dans telle ou telle entreprise qui a, directement ou non, participĂ© Ă  la « rĂ©flexion sur les normes ». On se comprend, on Ă©tait Ă  la fac ensemble.

Puisqu’on a produit de la norme on rĂ©pute qu’on a produit de l’attractivitĂ©, comme ces maires ruraux qui construisent d’illusoires zones d’activitĂ© que l’inactivitĂ© transforme vite en friches.

J’avais en 2018 proposĂ© d’aligner la fiscalitĂ© du Bitcoin sur celle de l’or. Les reprĂ©sentants de l’écosystĂšme ont refusĂ© d’en discuter, car ce n’était pas « sĂ©rieux »(1). Changer trois mots dans un code, ce n’était pas Ă  la mesure de leurs ambitions. Ils ont obtenu un taux Ă  30% mais avec un rĂ©gime diffĂ©rent du PFU, oĂč les moins-values ne s’appliquent que dans l’annĂ©e et sur la mĂȘme classe d’actif, et oĂč les obligations de dĂ©clarations sont kafkaĂŻennes, intrusives et rĂ©pĂ©titives. Une colonne de calcul acrobatique sur la Cerfa 2086 par transaction ? Qu’importe, ils vendent justement leurs services pour cela.

Je n’ai pas grand-chose Ă  changer Ă  mes propositions de 2018 : je maintiens qu’un alignement sur l’or, la mise en place d’un systĂšme de dĂ©grisement puis l’alignement du Bitcoin sur le statut de devise (il est bien, dĂ©jĂ , celle du Salvador) auraient eu un impact bien plus grand que l’adoption de la loi PACTE, de normes nouvelles, de visas spĂ©cifiques dĂ©livrĂ©s par l’AMF pour des ICO qui n’existent plus (3 opĂ©rations recensĂ©es en octobre 2020 sur une page du site de l’AMF non mise Ă  jour depuis lors) ou d’un statut de PSAN dont l’ACPR ne fait qu’un pur systĂšme de traçage et qui n’assure mĂȘme pas Ă  son bĂ©nĂ©ficiaire la simple existence d’un compte en banque. De toute façon la FBF saborde le dispositif et de ce fait la messe est dite.

Je serais bien curieux de savoir ce que cette usine Ă  gaz juridique a rapportĂ© au fisc. Le rĂ©sultat concret est du mĂȘme ordre que celui de la RĂ©vocation de l’Édit de Nantes : chasser de France avec la mĂȘme arrogance irresponsable les mal-pensants, leur argent et leur esprit d’entreprise. La bruyante croisade de Monsieur DufrĂȘne et sa pĂ©tition oĂč il ne craint mĂȘme pas d’invoquer l’exemple chinois n’auront pratiquement plus d’effets en France.

(La prérogative régalienne restaurant l'indépendance de la Banque centrale, la confiance dans la monnaie et la transparence financiÚre)

On nous rĂ©pond hautainement que ce n’est pas mieux ailleurs. Mais il faut croire qu’entrepreneurs, traders ou simples hodleurs français ont trouvĂ© des ailleurs oĂč les rĂ©flexes liberticides des hauts-fonctionnaires français n’ont pas cours. J’admets qu’il existe des politiciens bornĂ©s mĂȘme en Suisse, oĂč l’on a vu des propositions invraisemblables du dĂ©putĂ© Normann, mais les entreprises cryptos suisses ne mettent pas la clĂ© sous le paillasson et obtiennent des comptes en banque. Et ce n’est pas un hasard.

Il y a bien une surcouche française de rĂ©sistance. Et mieux qu’en 2018, la pĂ©riode actuelle permet de cerner ce qui ne va pas, car la crise du Covid a mis en relief bien des choses.

StopCovid, gadget dĂ©crit comme une technologie pleine de « panache » ne fut « pas un Ă©chec mais ça n’a pas marchĂ© » et la seule raison en fut attribuĂ© Ă  la mauvaise volontĂ© des gaulois rĂ©fractaires. Rappelons que personne en 2020 (mĂȘme Ă  l’Inria !) n’a semblĂ© vouloir imaginer une blockchain fĂ»t-elle gouvernementale, alors mĂȘme que depuis des annĂ©es tout le monde expliquait que « la blockchain » allait changer le monde (2). Et constatons qu’aujourd’hui les faux QR code semblent aussi faciles Ă  imiter ou Ă  produire que jadis les tickets de pain.

L’État a trainĂ© une constante insuffisance logistique et l’a emballĂ©e sous des mensonges, des changements de stratĂ©gie ou de normes, dans une totale dĂ©connexion entre les protocoles imaginĂ©s et la vie « hors bureau du ministre ». Des attestations de deux pages retirĂ©es le lendemain, des contrats d’achats de vaccins fixant le prix en « dose » et non en flacon, sans mĂȘme prĂ©ciser les dĂ©lais
 On ne peut s’empĂȘcher de penser qu’un certain nombre de brillants jeunes fonctionnaires qui prĂ©tendent organiser la vie des gens sortent trop tard du ministĂšre pour faire les courses et rentrent ensuite dĂźner chez Maman. Ce sont eux qui trouvent la centralisation rassurante et Bitcoin trop compliquĂ©.

La pĂ©riode Ă©lectorale qui s’ouvre maintenant va permettre (derriĂšre le brouillard des dĂ©bats et des promesses) de vĂ©rifier encore Ă  quel point la France reste Ă©loignĂ©e de toute culture moderne en termes de consensus et de gouvernance. La place solaire du chef n’a d’équivalent dans aucun pays europĂ©en mais reste un article de dogme qui structure l’imaginaire de tous les politiques, des fonctionnaires et hĂ©las de presque tous les journalistes. Il n’est pas besoin d’insister sur l’altĂ©ritĂ© radicale entre ce modĂšle archaĂŻque (fut-il incarnĂ© par un homme jeune) et la proposition de Bitcoin.

Mais le plus Ă©tonnant reste que la dĂ©signation de ce chef se fait par un processus lui aussi unique au monde et qui n’est plus qu’une machine Ă  fabriquer du clivage et du dissensus, ce dont on s’aperçoit presque immĂ©diatement. Le score du « vainqueur » pourrait justifier le fait de jouer un rĂŽle de pivot dans la formation d’une majoritĂ©, pas davantage. Dans un systĂšme oĂč l’État est le garant ultime de la « foi publique », la consĂ©quence visible de ce vice de fabrication est une dĂ©fiance croissante envers « nos institutions » et un maintien de l’ordre brutal assurĂ© avec des armes interdites chez nos voisins. Les idĂ©es de dĂ©centralisation (3), d’horizontalitĂ© ou de rĂ©ticularitĂ© sont aussi Ă©trangĂšres dans ce monde que la foi, l’espĂ©rance et la charitĂ© Ă  la cour des julio-claudiens.

La culture politique française est incompatible avec la libertĂ© qu’offre Bitcoin, l’inceste permanent entre les grands corps et les grandes entreprises nourrit une aristocratie d’État incompatible avec les espoirs que suscite Bitcoin, la collusion entre la haute-fonction publique et l’oligarchie bancaire est incompatible avec l’indĂ©pendance que permet Bitcoin, la morale de la bourgeoisie d’État est incompatible avec la capacitĂ© que Bitcoin a offerte aux plus audacieux de s’enrichir en une seule gĂ©nĂ©ration sans prĂȘter allĂ©geance, l’infantilisation systĂ©matique des citoyens est incompatible avec l’esprit de responsabilitĂ© qu’impose Bitcoin.

C’est pour cela que mes amis « cryptos » s’en vont.

(Le départ vers AILLEURS)

NOTES

(1) L'Ă©pisode de novembre 2018 a suscitĂ© incomprĂ©hensions et rancƓurs au sein mĂȘme de notre communautĂ©.

En réalité, dÚs le début du mois, les jeux étaient faits, comme le rapportait le journal Capital le 6 novembre. Ma proposition d'alignement sur l'or était déjà mise à la corbeille.

On retrouvera ici le cĂ©lĂšbre thread d'Alexandre Stachtchenko en date du 6 novembre . L'Union sacrĂ©e des Associations n'a pas Ă©tĂ© empĂȘchĂ©e par des guerres d'Ă©go (explication toujours commode) mais d'abord par de vraies diffĂ©rences de mode de fonctionnement car le Cercle du Coin comptait plus de 100 membres, ni tous d'accord entre eux ni tous français, tandis que d'autres associations, reprĂ©sentant deux ou trois entreprises et confiĂ©es directement Ă  des avocats, avaient Ă©videmment un fonctionnement plus rĂ©actif. Ensuite il existait de profondes divergences de vues.

On relira ici une interview du 20 novembre oĂč en tant que prĂ©sident de la Chaintech (association disparue depuis lors) Alexandre Stachtchenko thĂ©orisait d'ailleurs ces diffĂ©rences :  Certains pensent qu’en criant trĂšs fort des positions radicales, ils permettront Ă  l’écosystĂšme d’obtenir ce qu’il souhaite. Je n’y crois pas. Cette mĂ©thode a Ă©tĂ© maintes fois utilisĂ©es et elle n’a pas fait Ă©voluer la situation, malgrĂ© les opportunitĂ©s mĂ©diatiques lors des prĂ©cĂ©dentes bulles par exemple. Je crois dans une dĂ©marche plus consensuelle, moins radicale. Une dĂ©marche de petits pas .

Quant à ma position radicale, on pourra en retrouver la trace dans un article publié dÚs le 3 novembre Much Ado about No Coin.

On retrouvera pour conclure l'historique des Ă©changes sur ledit projet de texte conjoint. C'est Ă  lire, classiquement, en partant de la fin. Le Cercle n'a pas refusĂ© de signer le texte mentionnĂ©, il a proposĂ© de le faire le 13 novembre (page 2) avec une mention du genre « ce texte a Ă©tĂ© communiquĂ© au Cercle du Coin, premiĂšre association francophone sur Bitcoin et les cryptomonnaies, et a recueilli l’assentiment des membres de son bureau ». Mais le texte n'a finalement jamais Ă©tĂ© produit, ce qui m'a Ă©tĂ© confirmĂ© par Ă©crit par MaĂźtre Benoit Couty le 23 novembre. Tout s'est donc passĂ© en  cabinet  et Ă   petits pas  avec le rĂ©sultat que l'on a vu.

(2) Lire mes remarques du 25 mai 2020 StopCovid, l'infrastructure manquante.

(3) La dĂ©centralisation Ă  la française est une farce. Des rĂ©gions dessinĂ©es (bĂąclĂ©es) Ă  l'ÉlysĂ©e et deux  patrons de rĂ©gion  qui, en 2021, n'avaient pas d'autre idĂ©e en tĂȘte que l'ÉlysĂ©e. Pour l'horizontalitĂ© on n'en parle un peu durant les campagnes Ă©lectorales (parce que c'est notre projet) mais on thĂ©orise la verticalitĂ© dĂšs le lendemain de l'Ă©lection. Quant Ă  la rĂ©ticularitĂ©, on l'a en horreur, et rien n'Ă©gale la mĂ©fiance qu'ont les politiques des rĂ©seaux sociaux si ce n'est la haine jalouse que leur portent la plupart des journalistes. Quant aux rĂ©seaux d'influence, occultes, c'est une autre afffaire, et les mentionner vous conduit au bĂ»cher pour complotisme.

vignette de l'article dans bitcoinfr.jpeg, janv. 2022

119 - Enfumage

January 13th 2022 at 20:09

Sur un plateau de télévision, pour tout bitcoineur qui pourrait expliquer, il y a face à lui quelqu'un qui est là pour critiquer. Il y a des champions de l'exercice. L'un des plus actifs ces temps-ci se présente comme économiste et comme tout économiste, quand il est à court d'argument, il raconte des histoires, partant comme tous les siens de l'idée que les expériences historiques peuvent servir à tout et hors de tout contexte.

Pour démontrer que Bitcoin n'est pas une monnaie, ce qui comme on le lui a répondu est largement une conversation de salon, il a des flÚches de toutes sortes dans son carquois. Une monnaie, nous a-t-il expliqué chez François Taddeï,  ça met généralement trÚs peu de temps à s'installer . Généralisation dont je vois bien mal le fondement et sur laquelle il embraye  par exemple si vous prenez la situation de Berlin aprÚs guerre, dans une ville ruinée, bon il fallait un moyen d'échange ...c'est la cigarette qui avait été élue par la population comme moyen d'échange, élue pas au sens strict, au sens de l'utilisation, et ça avait mis deux semaines à s'installer. .

Cet argument fumeux n'a pas été improvisé en panique sur le plateau, il a déjà été présenté dans une tribune du Monde :  En 1945, dans le Berlin ruiné d'aprÚs guerre, la cigarette n'avait pas mis deux semaines à s'étendre à quasiment toutes les transactions possibles .

L'exemple cité est tellement farfelu (la courbe d'adoption de Bitcoin suit assez fidÚlement celle d'Internet, lointain descendant d'Arpanet) qu'il peut sembler oiseux de le regarder de prÚs, mais l'exercice s'avÚre instructif.

Loin de nous infliger, comme on le fait pour tuer Bitcoin, l'argument des trois fonctions d'Aristote, il n'est plus question ici que d'instrument de transaction. On veut bien croire que ce soit cette fonction qui soit la plus urgente Ă  satisfaire et que l'adoption de la cigarette dans ces conditions ait pu ĂȘtre plus rapide que celle de Bitcoin. Nous voilĂ  plus Ă©rudits et dotĂ© d'un utile savoir. Sauf sur un point : les Allemands ne fabricant plus rien et surtout pas des cigarettes, cette Ă©trange monnaie n'a pas Ă©tĂ© Ă©lue par la population (genre monnaie locale) mais importĂ©e par l'occupant.

Faisons un peu d'histoire, et demandons-nous d'abord, oĂč notre Ă©conomiste a pu aller dĂ©nicher ça ? Faisons comme tout le monde : l'appel Ă  un ami savant (Ă  Mountain View, CA).

On lit cela en effet :  A la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la monnaie allemande, le Reichsmark, fut dĂ©considĂ©rĂ©e et ne fut plus utilisĂ©e. C'est une Ă©conomie Ă  base de troc qui vit le jour, et la monnaie d'Ă©change la plus utilisĂ©e fut alors la cigarette amĂ©ricaine. Elle permit une certaine stabilitĂ© des prix avant d'ĂȘtre remplacĂ©e en 1948 par le Deutschmark . Diable, c'est une monnaie qui accompagne du troc? durant trois ans ? Cependant on lit cette fine analyse sur le site secouchermoinsbete.fr qu'on ne rĂ©putera pas forcĂ©ment ĂȘtre de qualitĂ© universitaire. Notons quand mĂȘme que ledit site donne trois rĂ©fĂ©rences, ce qui n'est pas rien. Poursuivons.

  • La premiĂšre rĂ©fĂ©rence est Ă  un site spĂ©cialisĂ© sur l'or qui fait un bref historique sans rĂ©fĂ©rences particuliĂšres. Notons qu'il dit surtout que  peu avant la chute du troisiĂšme Reich, les Ă©changes dans les camps de concentration nazis se basaient sur la cigarette comme valeur de rĂ©fĂ©rence. Le fait que le tabac n'Ă©tait pas rationnĂ© et qu'il pouvait ĂȘtre facilement dissimulĂ© Ă©tait la principale motivation de ce choix . Donc on n'est plus aprĂšs la dĂ©faite mais avant... et on comprend mal pourquoi dans les camps des nazis les cigarettes n'auraient pas Ă©tĂ© rationnĂ©es. On y reviendra.
  • La seconde rĂ©fĂ©rence est Ă  l'article Wikipedia sur l'Allemagne depuis 1945 qui contient cette assertion :  L'Allemagne de l'aprĂšs-guerre connaĂźt une importante inflation, si bien que la cigarette blonde amĂ©ricaine fait figure d'Ă©talon monĂ©taire  avec un renvoi Ă  un livre peu spĂ©cialisĂ© dans les monnaies parallĂšles, Ă  savoir celui de Marc Nouschi, La dĂ©mocratie aux États-Unis et en Europe (1918-1989). Il semble y avoir (en page 244 dudit livre que je n'ai pas) une remarque sur l'apport massif d'amĂ©ricaines par les GIs. Mai alors s'agit-il bien d'un Ă©talon ?
  • La troisiĂšme rĂ©fĂ©rence est au site archive.tabacco.org qui ne semble plus en ligne.

Si l'on regarde maintenant dans la vraie littérature historique, c'est à dire dans des livres écrits par des historiens, on trouve cela principalement chez Anthony Beevor et Frederick Taylor. Le reste de ce que l'on trouve en ligne est littérature d'économistes.

Le premier écrit que  à Berlin, tout se comptait en ZigarettenwÀhrung, c'est-à-dire en monnaie-cigarettes ce qui fait plutÎt référence à l'étalon qu'à l'instrument, mais il ajoute à la phrase suivante  de sorte que quand les soldats américains arrivÚrent avec des réserves inépuisables de cartons ils n'eurent pas besoin de recourir au viol . Tiens donc...

Le second parle des soldats et fonctionnaires alliĂ©s qui, riches de cigarettes, pouvaient s'offrir des femmes allemandes, au tarif en usage de cinq cigarettes qu'il dĂ©crit comme une  monnaie d'Ă©changes officieuse . Mais ensuite, il attribue plutĂŽt Ă  la cigarette une fonction d'Ă©talon en 1948 dans un contexte oĂč les Russes, qui occupent la moitiĂ© de la ville, font tourner la planche Ă  billets de vieux Reichmark qui reste (incroyablement) la monnaie officielle de toute l'Allemagne occupĂ©e.

Bref ce Ă  quoi l'Ă©conomiste renvoie comme exemple presque standard d'Ă©lection d'une monnaie par la population n'est qu'un enchevĂȘtrement de faits divers douloureux : occupation de l'Allemagne, situation obsidionale Ă  Berlin, destruction de l'État, des usines, des immeubles et des familles, famine, trocs, marchĂ©s noirs, viols massifs des femmes par les soviĂ©tiques (deux millions de femmes ?) et mĂȘme par  nos amis amĂ©ricains .

Alors certes, il semble bien que la cigarette, instrument de dĂ©brouille plus que monnaie, ait servi lors de l'effondrement de mai 45, comme lors de la crise qui va mener au dĂ©but du blocus en juin 48. Mais les Russes, mĂȘme en quadrillant le terrain, auraient-ils fait tourner durant trois ans une planche imprimant des billets totalement dĂ©nuĂ©s de cours ?

Revenons Ă  la monnaie

MĂȘme pour en rester Ă  des expĂ©riences douloureuses et Ă©videmment non extrapolables, les cigarettes peuvent effectivement avoir servi de monnaie presque unique, non pas Ă  Berlin aprĂšs guerre mais dans les camps nazis avant. Et lĂ  il existe une intĂ©ressante documentation avec l'article The Economic Organization of a P.O.W. Camp publiĂ© en novembre 1945 par R.A. Radford, jeune anglais nĂ© en 1919 Ă  Nottingham, et capturĂ© en Lybie par les forces de l'Axe. On le lira en anglais ici et les moins courageux en rĂ©sumĂ© français lĂ .

Bien sĂ»r l'article de Radford n'apprendra rien sur le Bitcoin, monnaie intangible, non alimentaire, non fumable et Ă©voluant non e Ă©tat de siĂšge mais dans un monde numĂ©rique trĂšs ouvert. Mais il y a quand mĂȘme des Ă©lĂ©ments de rĂ©flexion sur le stock to flow et mĂȘme sur la  malĂ©diction de l'Ă©talon .

Clope au bec.jpg, janv. 2022J'en profite pour un petit aparté numismatique : à ma connaissance la seule effigie de monarque clopant est celle de Napoléon III accusé aprÚs 1870 d'avoir provoqué le désastre de Sedan, et l'emprisonnement de 80.000 prisonniers.

La cigarette est-elle sur cette monnaie satirique une allusion personnelle (oui, il fumait, mais plutĂŽt le cigare) ou une allusion au seul passe-temps du prisonnier ? Je l'ignore.

Notons pour conclure que si les cigarettes n'Ă©taient pas fabriquĂ©es par les Allemands occupĂ©s en 45 mais bien apportĂ©es par les soldats vainqueurs, elles n'Ă©taient pas davantage Ă©laborĂ©es par les prisonniers eux-mĂȘmes dans les camps nazis mais y Ă©taient envoyĂ©es par les familles dans les paquets et par les États (vaincus) au titre de leur grotesque propagande. État vaincu ou État vainqueur la cigarette finalement est une monnaie rĂ©galienne !

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