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Les employeurs recherchent des compĂ©tences de l’industrie blockchain et crypto

April 10th 2021 at 14:00

Les emplois dans l’industrie crypto et de la blockchain explosent. Satoshi Nakamoto a crĂ©Ă© de nombreux emplois avec des offres mentionnant Bitcoin (BTC). Les monstres du recrutement  L’industrie crypto figure aujourd’hui parmi les recruteurs les plus importants. Une recherche sur monster.com montre qu’il y a 1 970 emplois disponibles avec le mot clĂ© “Bitcoin“, contre [
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La preuve de travail rĂ©siste mieux Ă  la censure que la preuve d’enjeu

June 27th 2020 at 10:00

La vision que se fait Eric Voskuil des cryptomonnaies est probablement l’une des visions les plus claires et les plus pertinentes de tout l’écosystĂšme. Ayant identifiĂ© la proposition de valeur de Bitcoin, il cherche par ses courts textes Ă  nous dĂ©montrer, par le biais de raisonnements logiques, quels sont les mĂ©canismes qui permettent de satisfaire cette proposition de valeur.

Sur la preuve d’enjeu, Eric Voskuil a un avis tranchĂ© : contrairement Ă  la preuve de travail, elle ne rĂ©siste pas convenablement Ă  la censure. Dans un article intitulĂ© « Proof of Stake Fallacy », ou « Sophisme de la preuve d’enjeu » en français, il explique (je traduis) :

La sĂ©curitĂ© des confirmations requiert une autoritĂ© pour sĂ©lectionner les transactions. Bitcoin confie pĂ©riodiquement cette autoritĂ© au mineur qui produit la plus grande preuve de travail. Toutes les formes de travail se ramĂšnent nĂ©cessairement Ă  la consommation d’énergie. Il est essentiel qu’une telle preuve soit indĂ©pendante de l’historique de la chaĂźne. Celle-ci peut ĂȘtre appelĂ©e la preuve « externe ».

L’unique autre source d’autoritĂ© sĂ©lective dĂ©pend par consĂ©quent de l’historique de la chaĂźne, source qui peut ĂȘtre dĂ©signĂ©e comme « interne ». Il existe une thĂ©orie selon laquelle une telle preuve d’enjeu (PDE) constitue une alternative comparable Ă  la preuve de travail (PDT) en matiĂšre de sĂ©curitĂ© des confirmations. Il est vrai que la PDE et la PDT dĂ©lĂšguent toutes les deux le contrĂŽle sur la sĂ©lection des transactions Ă  une personne en charge de la plus grande rĂ©serve d’un certain capital.

La diffĂ©rence se situe dans la dĂ©ployabilitĂ© du capital. La PDT exclut le capital qui ne peut pas ĂȘtre converti en travail, alors que la PDE exclut tout capital qui ne peut pas acquĂ©rir des unitĂ©s de la monnaie. Cette diffĂ©rence a une consĂ©quence importante sur la sĂ©curitĂ©.

Dans le Principe des autres moyens, il est montrĂ© que la rĂ©sistance Ă  la censure dĂ©pend des personnes qui paient les mineurs pour vaincre le censeur. Vaincre la censure n’est pas possible dans un systĂšme de PDE, puisque le censeur a acquis la part majoritaire et ne peut pas ĂȘtre Ă©vincĂ©. De ce fait, les systĂšmes de PDE ne sont pas rĂ©sistants Ă  la censure et la thĂ©orie est par consĂ©quent invalide.

Voyons en dĂ©tail ce qu’Eric Voskuil veut dire dans cet extrait.

 

Qu’est-ce que la censure ?

La mot censure nous vient du verbe latin cēnseƍ signifiant « dĂ©clarer, juger », en particulier dans le cadre du cens de la Rome antique, le recensement quinquennal des citoyens romain et de leurs biens, ayant pour but de faciliter le recrutement militaire, la dĂ©limitation des droits, l’organisation des scrutins et le calcul de l’impĂŽt. Le censeur Ă©tait alors le magitrat en charge de gĂ©rer et d’évaluer toutes les informations relatives Ă  ce dĂ©nombrement.

Cet aspect de jugement se retrouve par ailleurs dans le sens critique qu’on porte parfois au mot censure qui s’apparente alors Ă  un blĂąme ou Ă  un reproche, notamment en matiĂšre littĂ©raire.

Au Moyen Âge, la censure se caractĂ©risait par la relecture et la correction des ouvrages rĂ©digĂ©s par les moines copistes pour s’assurer que tout Ă©tait conforme Ă  la foi et Ă  l’orthodoxie religieuse. NĂ©anmoins, l’apparition de l’imprimerie au XVĂšme siĂšcle a bouleversĂ© les choses : le nombre de livres a explosĂ©, et ce faisant, a retirĂ© le contrĂŽle que l’Église avait sur la publication des Ă©crits, contrĂŽle qui a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© Ă  l’État.

La censure a par consĂ©quent acquis son sens politique actuel, en dĂ©signant l’examen que le pouvoir gouvernemental fait prĂ©alablement des livres, journaux, piĂšces de thĂ©Ăątre, etc., pour en permettre ou prohiber la publication ou la reprĂ©sentation. Par la suite, le terme a fini par nommer toute atteinte Ă  la libertĂ© d’expression, quel que soit le support, que cette atteinte se fasse avant ou aprĂšs la diffusion.

Avec le dĂ©veloppement des mĂ©dias de masse et surtout des grandes plateformes de publication sur Internet, le terme dĂ©crit dĂ©sormais aussi tout choix d’édition qu’une entitĂ© privĂ©e prend vis-Ă -vis de ses clients ou de ses utilisateurs. Il ne s’agit pas d’une atteinte Ă  la libertĂ© d’expression au sens strict. NĂ©anmoins, il arrive que la volontĂ© de censure Ă©tatique se manifeste par la censure privĂ©e (on parle de censure indirecte) : un État peut sanctionner Youtube s’il constate que la plateforme hĂ©berge des vidĂ©os ayant un contenu inappropriĂ©, et par consĂ©quent la plateforme va supprimer prĂ©ventivement toutes les vidĂ©os susceptibles de causer problĂšme. C’est toute la perversitĂ© du pouvoir dans le monde actuel, oĂč l’État n’intervient directement que trĂšs rarement et oĂč les entreprises privĂ©es servent de mandataires (l’impĂŽt indirect en est un exemple).

Cela nous amĂšne au domaine financier oĂč la censure privĂ©e est Ă©galement prĂ©sente. Les banques, en ayant la capacitĂ© d’intervenir, peuvent choisir d’empĂȘcher le virement d’un client ou de suspendre son compte, si elles constatent un comportement « douteux » qui pourrait leur attirer des ennuis lĂ©gaux. De cette maniĂšre, les banques françaises interdisent rĂ©guliĂšrement Ă  leurs clients d’envoyer des fonds vers les plateformes d’échange de cryptomonnaies. Puisque le domaine financier est soumis Ă  des rĂ©glementations drastiques Ă©touffant la concurrence, et que l’usage de l’argent liquide est restreint (ce qui impose la possession d’un compte bancaire pour bien vivre), cette censure financiĂšre est l’un problĂšmes majeurs de notre Ă©poque.

C’est l’un des problĂšmes que Bitcoin cherche Ă  rĂ©soudre. En effet, l’une des caractĂ©ristiques primordiales de Bitcoin est sa rĂ©sistance Ă  la censure.

 

Preuve de travail et résistance à la censure

Par censure, Eric Voskuil entend une « confirmation subjective » des transactions, c’est-Ă -dire le fait pour un mineur ou un ensemble de mineurs de choisir les transactions sur une base qui n’est pas Ă©conomiquement rationnelle. Si la censure de certaines transactions n’est pas appliquĂ©e par la majoritĂ© de la puissance de calcul, cela ne pose pas de problĂšme parce que les mineurs concurrents finiront par valider cette transaction. Cependant, si un ensemble de mineurs dĂ©tient une majoritĂ© de la puissance de calcul, il peut imposer la censure en invalidant tous les blocs qui incluent les transactions indĂ©sirables.

C’est pourquoi Bitcoin n’est pas impossible à censurer.

Toutefois ce dernier est difficile à censurer, ou pour mieux dire, résistant à la censure.

Cette rĂ©sistance Ă  la censure est Ă  comprendre sur la durĂ©e, Ă  long terme. Tel que Eric Voskuil l’explique dans son essai intitulĂ© « Censorship Resistance Property » ou « PropriĂ©tĂ© de rĂ©sistance Ă  la censure », son modĂšle concerne en effet un Bitcoin arrivĂ© Ă  maturitĂ©, utilisĂ© globalement, oĂč la rĂ©munĂ©ration des mineurs provient essentiellement des frais de transactions et non plus de la crĂ©ation monĂ©taire.

C’est ce mĂ©canisme des frais de transaction couplĂ© Ă  la preuve de travail qui crĂ©e la possibilitĂ© de combattre la censure dans Bitcoin. Ainsi que l’écrit Voskuil :

Dans le cas d’une censure active, les frais peuvent augmenter sur les transactions ne rĂ©ussissent pas Ă  ĂȘtre confirmĂ©es. Ce supplĂ©ment de frais crĂ©e un profit potentiel plus grand pour les mineurs qui confirment les transactions censurĂ©es. À un niveau suffisant, cette opportunitĂ© produit une concurrence supplĂ©mentaire et par consĂ©quent un taux de hachage total croissant.

Si la puissance de hachage qui ne censure pas outrepasse celle du censeur, l’imposition de la censure Ă©choue.

Puisque la preuve de travail est externe Ă  la chaĂźne, il est toujours possible d’ajouter de la puissance de minage afin de vaincre le censeur : les mineurs les moins regardants et les plus avides de profit se procureront du matĂ©riel afin de miner les transactions censurĂ©es et rĂ©cupĂ©rer les frais associĂ©s.

Ce mĂ©canisme s’applique jusqu’à la rĂ©sistance Ă  la censure de l’État, chose qui est primordiale. En effet, un Bitcoin arrivĂ© Ă  maturitĂ© serait une menace directe contre la pĂ©rennitĂ© l’État en lui retirant le contrĂŽle sur la masse monĂ©taire et le transfert de capitaux. C’est pourquoi l’État aurait tout intĂ©rĂȘt Ă  miner lui-mĂȘme, mĂȘme dans le cas oĂč il aurait rĂ©lĂ©guĂ© Bitcoin au marchĂ© noir. De plus, comme le dit Eric Voskuil, « seul l’État peut perpĂ©tuellement subventionner ses opĂ©rations, puisqu’il peut lever l’impĂŽt et profiter de la prĂ©servation de son propre rĂ©gime monĂ©taire. »

MĂȘme dans ce cas, il suffirait que le niveau des frais des transactions censurĂ©es atteigne le niveau des revenus de l’État, ce qui semble Ă©norme, mais pas infaisable dans le cadre d’une rĂ©elle guerre Ă©conomique entre l’autoritĂ© et la libertĂ©.

La preuve de travail est donc rĂ©sistante Ă  la censure, dans le sens oĂč il est toujours possible d’outrepasser le censeur.

 

Pourquoi la preuve d’enjeu n’est pas aussi rĂ©sistante Ă  la censure

Voyons maintenant pourquoi la preuve d’enjeu ne peut pas arriver Ă  un tel rĂ©sultat.

Le preuve d’enjeu se base sur la possessions de jetons ou sur une autre donnĂ©e interne de la chaĂźne qui en dĂ©rive. Pour ajouter un bloc, un validateur doit donc prouver qu’il est investi dans le systĂšme. Cela permet de dissuader un comportement du validateur qui irait Ă  l’encontre de l’utilitĂ© de la cryptomonnaie, car une mauvaise action (comme une attaque de double dĂ©pense par rĂ©organisation de la chaĂźne par exemple) pourrait provoquer une chute du prix et donc une baisse de valeur de son capital.

Cependant, toute censure n’aurait pas un impact nĂ©gatif sur le prix de la cryptomonnaie en question. En outre, comme on l’a dit, l’État aurait des intĂ©rĂȘts bien plus grands en jeu et supporterait les pertes liĂ©es Ă  une baisse du prix.

On peut arguer qu’il est trĂšs difficile pour un acteur ou un groupe d’acteurs de rĂ©unir plus de la moitiĂ© des unitĂ©s de la cryptomonnaie en question.

NĂ©anmoins, les validateurs sont des ĂȘtres humains influençables, et, bien qu’il puissent rester anonymes, il est raisonnable de penser que les plus gros acteurs seront dĂ©sireux de respecter la loi. Par exemple, les grandes plateformes d’échange (Kraken, Coinbase), qui concentrent le plus grand nombre de jetons et qui redistribuent les intĂ©rĂȘts Ă  leurs clients, sont clairement identifiĂ©es, et se plient Ă  toutes les rĂ©glementations (identification du client, lutte contre le blanchiment d’argent) pour continuer Ă  exercer.

La situation est encore pire dans la preuve d’enjeu dĂ©lĂ©guĂ©e qui rĂ©partit la charge de la validation entre un petit nombre d’acteurs qui sont pas anonymes la plupart du temps. Un exemple de censure est le gel des fonds de la Fondation Tron sur la plateforme Steem en fĂ©vrier 2020 : les validateurs (« tĂ©moins ») ont en effet appliquĂ© un soft fork (22.2) rendant ces fonds invalides. Cette censure n’était pas imposĂ©e par une majoritĂ© des jetons et il a Ă©tĂ© possible pour la Fondation Tron et quelques plateformes d’échange de rĂ©tablir la situation le 2 mars 2020. NĂ©anmoins, cette affaire nous Ă©claire trĂšs bien sur les mĂ©canismes en jeu et nous prouve que la censure est un problĂšme rĂ©el sur ces chaĂźnes.

Il est donc assez facile pour l’État de faire en sorte qu’une censure soit imposĂ©e, notamment si les transactions censurĂ©es sont considĂ©rĂ©es comme hautement immorales par une majoritĂ© de la population, telles que les transactions provenant d’un cartel de la drogue trĂšs violent, d’une organisation terroriste, d’un rĂ©seau pĂ©dophile, etc.

Ainsi, la censure est rĂ©alisable sur les chaĂźnes utilisant la preuve d’enjeu, tout comme elle l’est sur celles utilisant la preuve de travail. Cependant, si dans le cas de la preuve de travail, il est toujours possible de combattre la censure en rĂ©unissant une puissance de calcul supĂ©rieure au censeur, cette solution n’est en revanche pas toujours une option dans le cas de la preuve d’enjeu, qui est par nature interne. En effet, une fois que le censeur (qui peut ĂȘtre un ensemble d’acteurs) a rĂ©uni plus de 50 % des jetons, il est intouchable.

Dans cette situation, il reste toujours la solution du hard fork pour expulser sĂ©lectivement le censeur. Mais il s’agit gĂ©nĂ©ralement d’une mesure ayant des effets plus dĂ©lĂ©tĂšres que le statu quo : rĂ©partition de la valeur entre deux chaĂźnes, nouvelle distribution n’étant pas forcĂ©ment meilleure que l’ancienne, perte de confiance dans le protocole pour les validateurs, etc. Le hard fork n’est donc pas dĂ©sirable, notamment dans le cas d’une cryptomonnaie arrivĂ©e Ă  maturitĂ©.

C’est en cela que la preuve d’enjeu rĂ©siste moins bien Ă  la censure que la preuve de travail.


Eric Voskuil est le dĂ©veloppeur en chef de libbitcoin, un ensemble de bibliothĂšques permettant de construire des applications interagissant avec la chaĂźne de blocs de Bitcoin. Il participe aussi au dĂ©veloppement du protocole et en possĂšde une connaissance pointue. À cĂŽtĂ© de cela, il rĂ©dige de courts textes sur la crypto-Ă©conomie, c’est-Ă -dire sur ce qui fait que Bitcoin et ses dĂ©rivĂ©s parviennent Ă  exister malgrĂ© leur relation conflictuelle avec l’autoritĂ©.

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