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34- Les convulsionnaires

December 8th 2015 at 16:03

Ils sont quelques-uns. Puissants et impérieux, mais pourtant désemparés. Les princes de ce monde souhaiteraient plier la cryptograpie à leurs convenances. Or ce n'est pas possible.

Obama on computer

Ce n'est pas la première fois que les princes de la terre veulent commander ailleurs que dans leur domaine de compétence. Cela prête toujours un peu à rire.

Je voudrais raconter ici l'histoire des convulsionnaires, qui fut sérieuse à l'extrême et finit pourtant par un fou-rire.

Au début, il y avait en France une importante querelle religieuse (la controverse janséniste) qui portait sur des questions fort abstraites, comme la prédestination des élus et le rôle de la grâce divine dans leur salut. Pas de quoi troubler le royaume du vieux Louis XIV ? Si, car la querelle s'élargit et se démocratisa après la mort du roi (1715).

Le petit peuple de Paris prit fait et cause pour les thèses que rejetaient tant l'autorité royale que celle du pape : il avait une foi simple, assez austère, et il était porté à condamner le luxe des puissants et leurs accommodements avec le Ciel. La moitié du clergé parisien partageait les thèses dites jansénistes : Dieu aime qui il veut. Et il le fait savoir.

Or Dieu se manifestait par dessus la tête des papes et des rois par des miracles. Le peuple en était friand... et les miracles se multiplièrent à partir de 1720, presque tous liés à des prêtres appartenant au mouvement protestataire.

Le 1er mai 1727, François de Pâris, un simple diacre de la paroisse Saint-Médard rue Mouffetard, mourut en odeur de sainteté. Il avait légué tous ses biens aux pauvres. Je ne cite pas le détail pour émouvoir : la dimension économique n'est jamais loin, pour l'historien, des émotions religieuses populaires. Les miracles commencèrent le jour même de son enterrement, et se multiplièrent. On venait, on touchait la tombe on se couchait dessus la nuit, on emportait de la terre, on était secoué de saintes convulsions.

les convulsions de la demoiselle HardinEn 1731, on ne comptait plus les miracles. L'archevêque de Paris proclama qu'ils étaient faux. Les médecins du roi les déclarèrent faux. Mais le peuple n'a pas attendu le 21ème siècle pour faire fi de l'opinion des puissants et des doctes.

La police s'inquiétait de ce trouble à l'ordre public. Le cimetière de Saint-Médard était devenu un territoire perdu du Royaume, si l'on en croit ce rapport de police. Ce qu'il y a de plus scandaleux c'est d'y voir des jeunes filles assez jolies et bien faites entre les bras des hommes, qui, en les secourant, peuvent contenter certaines passions, car elles sont deux ou trois heures la gorge et les seins découverts, les jupes basses, les jambes en l'air… Effectivement !

ordonnance de 1732Le 27 janvier 1732, le pouvoir royal passa en force. Le cimetière fut fermé, gardé par un piquet.

C'est alors qu'un plaisantin (il y en a toujours eu en France) apposa un petit écriteau avec ce distique que tout le royaume allait répéter en gloussant :

De par le Roy, Défense à Dieu
de faire miracle en ce lieu...

Mais les convulsions reprirent de plus belle, et se firent désormais en cachette. Le roi dut réitérer son ordonnance : ce n'est jamais bon signe !

Nos gouvernants semblent aujourd'hui moins décidés à interdire les miracles divins qu'à ordonner des miracles mathématiques. Est-ce moins risible ?

Après les films pour les jeunes et l'Internet, ce sont en effet ces jours-ci la cryptographie et les monnaies cryptographiques qui leur paraissent responsables des maux du pays. Seulement on ne peut guère interdire l'Internet, même si M. Trump est élu, et on ne peut faire un trou dans un procédé cryptographique en en réservant l'accès à la police.

la clé des pompiersDe même que le roi ne pouvait raisonnablement commander à Dieu, M. Obama, Mme Clinton, MM Cameron, Hollande et Cie ne peuvent demander aux mathématiques un miracle particulier. Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée. La clé des pompiers, si elle est placée à l'extérieur, peut servir aux cambrioleurs. Le patron du FBI est sûr qu'on peut lui trouver un truc. Mais cela fait rire. Il semble qu'Obama aussi attende un miracle. Mais cela fait rire.

Monsieur Hollande n'a pas encore donné son avis. Dans son beau bureau, il n'a guère les moyens de se forger une opinion en matière informatique. Pour cela (aussi) il suivra les américains.

un joli bureau

25 - L'écriture du diable et les mangeurs de navets

July 18th 2015 at 12:19

En se faisant traiter de fou, le glaisier d'Auteuil qui confondait la pyrite et l'or s'en tira plutôt bien. D'autant que ses petits cubes sentaient bien le souffre, et pas de façon métaphorique. Bien d'autres furent inquiétés pour moins que cela... 

Il est assez éclairant de comparer les accusations proférées par nos irréprochables dirigeants démocrates contre le sulfureux bitcoin ou les messageries secrètes du terrorisme et ce qui se disait en d'autres temps, quand les infâmes monarques de jadis avaient vent de procédés financiers échappant à leur contrôle ou d'exploits cryptographiques permettant d'échapper à leur surveillance. 

Il n'y a pas grand chose de nouveau sous l'implacable soleil des pouvoirs. 

Quand M. Cameron demande benoitement voulons-nous permettre un moyen de communication entre les gens que nous ne puissions pas lire ?  et que sa réponse est négative, ce qu'il demande porte un nom. 

Quand M. de Kerchove, le Monsieur anti-terrorisme de Bruxelles, regrette que depuis les révélations d'Edward Snowden, les entreprises d'Internet et de télécommunications ont commencé à utiliser souvent du chiffrement décentralisé qui rend de plus en plus difficile techniquement l'interception légale par les autorités nationales compétentes, ou même impossible, que demande-t-il? 

Ce que demandent nos dirigeants, c'est une Inquisition généralisée. Et comme, naturellement, c'est pour la défense de la civilisation et en vérité pour notre propre bien, on peut dire une Sainte Inquisition...

Mais l'examen du passé laisse à penser que, se tenant des deux côtés de la chose, cherchant autant à crypter qu'à décrypter, ils auront du fil à retordre...

Commençons par ce qui arriva au moine bénédictin allemand Jean Trithème (1462-1516). Vers 1499, il avait élaboré sa Stenographia, un art de chiffrer les messages. Mais comme il utilisait des signes étranges on crut qu'il composait un grimoire de magie et il dut rendre des comptes. Il est vrai que le bon moine avait des formulations un rien provocatrices : J'ai fait en sorte que pour les hommes de savoir et ceux profondément engagés dans l'étude de la magie, il pourrait être, par la grâce de Dieu, intelligible à un certain point, tandis que, d'un autre côté, pour les mangeurs de navets à peau épaisse, il pourrait rester un secret caché pour toujours et être pour leurs esprits bornés un livre fermé à tout jamais

Largement de quoi être accusé de sorcellerie, notamment par les mangeurs de navets à peau épaisse !

Le navet, (nom savant Brassica napus) est une plante herbacée de la famille des Brassicacées. Elle a souvent été considérée comme très propre à nourrir les pauvres. Rien à voir – évidemment ! - avec l’oignon (Allium cepa), qui est une plante herbacée bisannuelle de la famille des Amaryllidaceae et dont le symbolisme ne sera pas ici plus avant explicité. Revenons au savant bénédictin...

En 1505, les moines de sa propre abbaye jugèrent bon de brûler les 2000 ouvrages de sa bibliothèque. Ça ne l'empêcha pas de publier son ouvrage en 1506. Il se montra plus prudent ensuite, et sa Polygraphiae ne parut qu'en 1518... c'est à dire deux ans après sa mort. Et avec un frontispice qui montre une soumission de bon aloi à l'institution.

La première publication se fit en latin, la langue des white papers de l'époque, puis le livre fut traduit en français et en allemand, ce qui montre que les accusations de sorcellerie n'avaient point empêché l'extension du domaine du secret, largement au bénéfice des princes allemands il est vrai. Parce que les Etats n'avaient pas moins besoin de la diablerie cryptographique que les particuliers cachotiers. La chose n'a guère changé...

Sorcellerie? Peut-être pas (il ne fut pas brûlé avec ses livres) mais alchimie à coup sûr. Trithème ne fut pas le seul cryptologie à se tenir on the border... Il est rare que la recherche des secrets soit tout à fait licite aux yeux du pouvoir, mais il est rare que le pouvoir s'en désintéresse. Enfin il faut bien avouer que parmi les secrets recherchés figure souvent le mystère de la valeur des choses...

Sous le règne d'Henri III, le célèbre Blaise de Vigenère (1523-1596), dont le code allait résister plus de deux siècles aux efforts de toute l'Europe, était d'abord un savant humaniste, lisant latin, grec et hébreu. Et pas uniquement par amour des textes anciens. Pour Vigenère, faire de l'or n'était pas aussi difficile qu'on le croyait. Simplement, pensait-il, comme ceux qui le cherche n'ont pas d'autre but que de satisfaire leurs appétits déréglés, Dieu condamnait leurs efforts. Voici donc un sorcier moral. et prudent. Lui même le rappela dans son Traité du Feu et du Sel : quiconque se frotte de secret doit prendre bien des précautions si l'on ne veut quant & quant encourir le bruit d'estre un athéiste, sorcier et faux-monnayeur. 

Sorcier et faux-monnayeur : lumineux rapprochement !


Sous le règne suivant, François Viète (1540-1603), mathématicien et cryptographe du bon roi Henri IV, parvint à casser le chiffre espagnol, une sorte d'alphabet à cinq cents signes. Or il était au service d'un monarque suspect de protestantisme, et à une époque où comme l'écrivit un chroniqueur du siècle suivant l'algèbre passoit alors aux yeux des peuples pour une vraie magie. 

Les espagnols, de bonne foi ou non (disons... comme M. Cameron tentant aujourd'hui de distinguer la bonne et la mauvaise cryptographie) portèrent la chose à Rome : il y avait forcément sorcellerie puisque c'est eux que l'on décryptait !

Le diable, rien que cela ? C'était sans compter sur... le pape Clément VIII. 

Peut-être ce pape ne croyait-il pas aux sorciers. Ou ne mangeait-il pas de navets. Peut-être avait-il choisi son camp, car il trouvait la tutelle espagnole un peu pesante. 

Ce saint père n'était pourtant pas suspect de laxisme (Giordano Bruno fut brûlé à Rome en 1600 pour hérésie et magie noire) mais lui aussi avait ses cryptologues et il n'était pas mécontent que quelqu'un ait cassé le redoutable chiffre espagnol.

Quoiqu'il en soit, Clément VIII rit de l'affaire. Autant que la Cour de France.

S'il y a un diable dans la cryptographie, c'est généralement un diable assez farceur !

Depuis des siècles, toute forme d'écriture cryptographique, quand elle n'est pas au service exclusif du roi, est suspecte d'être l'oeuvre du diable. Cela n'a jamais empêché de nouvelles trouvailles. Depuis longtemps aussi, la "fausse" monnaie n'est jamais loin de l'écriture secrète. 

J'y reviendrai !

Pour aller plus loin:

23 - à visage découvert ?

June 19th 2015 at 12:27

le rapport GaillyLe rapport sur les nouvelles monnaies signé par Pierre-Antoine Gailly, par ailleurs président de la CCI de Paris, en tant que rapporteur de la commission du Conseil économique, social et environnemental (CESE) n'a pas déchaîné les passions. Ce type de littérature n'est pas fait pour cela.

D'autre part le mélange systématique de deux sujets, les monnaies locales complémentaires et le bitcoin, rend la lecture un peu lourde pour ceux que n'aurait éventuellement intéressés qu'un seul des deux sujets, qui n'ont pas forcément grand chose en commun malgré les efforts déployés.

En ce qui concerne le bitcoin, le rapport Gailly se focalise presque exclusivement sur la question de son anonymat (au demeurant mal compris) et témoigne d'une hostilité presque viscérale. Je veux traiter ici de l'anonymat, présenté comme contraire à la responsabilité des acteurs et à la sécurité des transactions.

J'extrais ceci de la Préconisation n°1 : une machine, un système informatique, doivent être actionnés et monitorés par un ou plusieurs individus. La responsabilité doit reposer sur l’être humain et non sur la machine qu’il a créée dans le but de se dédouaner de toute responsabilité en cas de problème. Il est donc essentiel de pouvoir identifier les détenteurs de monnaies, ainsi que les personnes physiques à l’origine et/ou destinataires des opérations de flux.

On sait pourtant que les institutions ne manquent jamais de s'abriter derrière l'irresponsabilité de la machine. On remercie l'humain de sa compréhension quand l'erreur vient de la machine, on le sanctionne au nom du règlement quand l'erreur est de son fait.

les excuses de TepcoLa responsabilité de l'être humain c'est philosophiquement satisfaisant. Mais on s'en passe bien sur les marchés où règne désormais le trading algorithmique ! Et quand la machinerie est défaillante, au delà d'une certaine taille de catastrophe, les larmes du petit responsable et ses plates excuses (comme après Fukushima) ne servent plus de rien. La "responsabilité humaine" n'est donc pas une clé de voute en matière de sécurité.

La montée en puissance de l'Internet de l'objet aurait pu fournir l'occasion de dépasser l'éthique parole de scout et tenter de voir comment, à défaut d'une responsabilité de la machine, on pouvait bâtir des processus d'authentification de celle-ci, de fiabilité des transactions qu'elle engendre, etc. Au lieu de cela on a une série de questions dont on ne sait si elles sont vraiment ou faussement naïves :

Les monnaies numériques doivent également faire preuve de plus de transparence pour être crédibles. L’anonymat recherché suscite des doutes : Pourquoi se cacher ? Comment créer de la confiance sans relations humaines ? Comment faire confiance lorsque l’on ne sait pas à qui bénéficie le système ? Pourquoi considérer que sans anonymat, un système équivalent au Bitcoin ne serait pas efficient ?

à visage découvertUne monnaie numérique qui s’appuierait sur un système permettant d’identifier les parties concernées dans les transactions constituerait une avancée majeure. La révolution numérique en matière de sécurisation des transactions grâce à la cryptologie ne peut-elle pas poursuivre ses ambitions, en sécurisant les individus et en permettant une meilleure traçabilité́ ?

Passons sur cette étrange idée relative à la sécurité des transactions: On avait cru comprendre que la traçabilité concernait la viande morte, non les êtres vivants. Le paiement par bitcoin est sûr, irréversible, et peut être soldé en euro presqu'instantanément. Les individus contractants sont tout à fait sécurisés.

La question de l'anonymat (la seule réelle, derrière les fausses questions de responsabilité ou de sécurité) fait apparaître deux plans de clivage : le premier est philosophique, entre ce que ressentent certains citoyens et les pratiques sécuritaires croissantes des autorités, le second est technique, entre ce que perçoivent les législateurs-régulateurs et ce qu'imaginent les ingénieurs-développeurs.

IL EST DIFFICILE À CERTAINS DE TRANSIGER SUR LES LIBERTÉS (DE TOUS)

Pourquoi se cacher ?

Rousseau se cachait ?J'ai donné dans un précédent billet la réponse de Rousseau : taire une vérité qu’on n’est pas obligé de dire n’est pas mentir.

Que j'achète des rattes du Touquet plutôt que des primeurs de Noirmoutiers, que je lise Hayek ou Keynes, le maraîcher et le libraire ne sont pas censés s'en soucier, moins encore en garder mémoire, aucunement revendre cette information. Quand vers la fin des années 60 est apparue la carte de paiement, le commerçant a cessé de vérifier mon identité. Ce n'est que des années plus tard que l'idée lui vint de me fidéliser, en faisant appel à mon consentement d'abord, puis de moins en moins. Mais c'est une dérive fort récente et surtout elle n'a rien à voir avec un retour des valeurs de convivialité et un besoin d'authenticité dans les relations humaines.

la républiquePour me faire bien comprendre, je comparerais volontiers cette volonté de transparence des relations commerciales avec la non moins récente crispation sur l'exhibition de son visage en toute circonstance.

L'État a tiré à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires cette petite affichette d'une esthétique douteuse (une république ni sexy, ni glamour, un peu hommasse même, genre année 50) et d'une efficacité douteuse (essayez donc le lien affiché, c'en est drôle !). On y fait appel à de grandes valeurs humaines.

Mais la réalité, pas drôle du tout, c'est cela, ces photos de taulards tristes et soumis :

l'horreur

Il est aujourd'hui interdit de sourire face à la machine, demain il sera interdit de sourire dans la rue (et pourquoi pas chez soi) si cela gêne la machine. Et chose que l'on ne rapporte qu'en frémissant : les personnes à la peau noire se voient intimer l'obligation de n'être ni trop noires ni pas assez.

Pourquoi se cacher? La réponse est simple : pour ne plus être scannés, fichés, hachés à l'analyse comportementale et objectivement suspectés en violation des principes de 1789.

Nous pensons donc qu'en payant nos légumes ou nos bouquins via le protocole bitcoin, nous ne cacherions au maraîcher ou au libraire rien qu'il ait à savoir.

à lire...En vérité, les mots relations humaines sont délicieusement employés pour désigner non le commerçant, mais le tiers de confiance. Or c'est justement de celui-ci que nous nous méfions ! Aussi la question de savoir comment faire confiance lorsque l’on ne sait pas à qui bénéficie le système a un amusant effet boomerang. Car le système qui est l'alternative au bitcoin (le système bancaire) profite, lui, énormément, des transactions, des transferts, des sommes dormantes, des jours de valeur, des découverts, des données...

Il y a donc pour le particulier, contrairement à ce que suggère le document du CESE, beaucoup de bonnes raisons de cacher son identité, ses achats, ou ses comptes : éviter la publicité (c'est en principe un droit), se protéger des voleurs (la confidentialité est admise depuis longtemps dans les ventes aux enchères), garder une certaine discrétion quant à des achats qui peuvent être mal jugés par son entourage ou par son banquier. Car derrière la banque il y a un État à la fois tentaculaire et... maladroit. Le fisc français se veut rassurant tout en avouant jusqu'à 100.000 attaques par jour, mais il n'est pas le seul et le fisc américain vient d'être victime d'un piratage massif.

C'est ce que rappelle, face aux exigences de la nouvelle réglementation mise en place par l'Etat de New York, le patron de Shapeashift, Eric Voorhees: après tout, de très grandes sociétés et des gouvernements ont démontré qu'ils étaient incapables de résister à des attaques informatiques : on ne va pas espionner des milliers de clients juste pour rendre un peu plus facile leur job (cité par CNBC). J'ajoute que ce sont les Etats eux-mêmes qui imposent un peu partout les back-doors propices aux intrusions !

Loft StoryCeux qui voient dans la numérisation de nos visages et la surveillance de nos comportements un gage de perfection sociale ont-ils trouvé la télé-réalité exaltante ? Où est la différence ?

Il n'y a jamais eu de vrai débat sur ce thème, indépendant de la pression des lobbys du marketing et de ceux du renseignement. Il y a toujours une bonne raison de collecter, et pourquoi se gêner, si la question est désormais pourquoi vous cachez-vous, hein ?

SnowdenMais, dira-t-on, les gens tiennent-ils vraiment à la protection de leur vie privée ? Il faut bien avouer que l'examen des pages Facebook laisse rêveur : les mêmes jeunes gens qui tentent de se vendre avec des CV sans photo s'y exhibent nus ou éméchés, et n'y scellent point leurs opinions sur maint petit sujet.

Pourtant nombreux sont ceux qui pensent, avec Edward Snowden, que le fait de dire qu’on se fout de la vie privée parce qu’on n’a rien à cacher revient à dire qu’on se fout de la liberté d’expression parce qu’on n’a rien à dire ! Et j'ajouterais pour ma part et que l'on parle pour ne rien dire...

Trop d'inutiles, disait-ilMais chacun sait que beaucoup de gens n'ont rien à dire. On ne peut songer que le monde est plein d'inutiles et que l'Etat a été inventé pour eux. Ainsi parlait Zarathustra...

En réalité, les données sont contradictoires. Certes je me souviens avoir été bluffé par le nombre de français qui avaient accepté, pour des bons de réduction et des queues de cerises, de remplir des pages de questionnaire chez Bananalotto. Mais peut-être ne suis-je pas le seul à refuser cela, comme le suggère une récente chronique de Patrice Bernard, qui s'appuie lui-même sur une étude de 3 chercheurs de l'Université de Pennsylvanie qui montre nettement le contraire.

Pour conclure le débat de principe, je citerai Isabelle Falque-Perrotin qui s'était payé une minute de gloire, dans son rapport de la CNIL 2013 quand elle avait tiré un boulet (lire page 6) contre l'union sacrée de MM. Sarkozy et Valls sur ce "rien à cacher rien à craindre". Ce raisonnement simpliste est précisément celui qui était utilisé par les régimes totalitaires pour justifier la surveillance généralisée. Il associe le droit à l'intimité à la culpabilité, plutôt que de l'associer à une liberté fondamentale non négociable. On l'a citée à la radio, à la télévision, et puis on a voté deux ou trois lois liberticides de plus.

AU-DELÀ DE CE QUI TOUCHE AUX LIBERTÉS INDIVIDUELLES, IL Y A CE QUI CONCERNE LE BUSINESS

A cet égard, le rapport Gailly pose peut-être inconsciemment une bonne question : Pourquoi considérer que sans anonymat, un système équivalent au Bitcoin ne serait pas efficient ?

La vérité c'est que Bitcoin n'est peut-être pas assez anonyme !

La transparence garante de la confiance dans le système, c'est bien joli, mais en l'état premier des choses, un industriel ou un commerçant n'aurait certainement pas adopté le bitcoin. Car l'examen du Ledger aurait dévoilé ses coûts, ses marges, ses fournisseurs, ses clients, les salaires versés etc. Et pas seulement comme aujourd'hui à son banquier, mais à tous ceux qui, avec un peu d'intelligence artificielle et de capacité d'analyse des données du Ledger pourraient finir par en savoir beaucoup trop sur ses affaires.

Beaucoup de propos sur le bitcoin semblent tenus par des gens dont le niveau d'information daterait du Bitcoin 1.0, en clair de 2010. Tandis que les officiels, les banquiers et la presse grand public s'effrayaient de l'anonymat du bitcoin, bien des utilisateurs ou des développeurs découvraient avec embarras sa forme spécifique de transparence. A tel point qu'on en venait à douter de sa fongibilité, un point sensible en matière de monnaie.

Les développements des dernières années ont tendu à renforcer la sécurité des transactions par l'usage de clé à multi-signatures ou de clés à habilitations différentes, mais aussi leur discrétion par la création d'adresses dédiées (Pierre a une adresse pour ses transactions avec Paul et une autre pour ses transactions avec Jacques), ou par des wallets à rotation où le logiciel génère une nouvelle paire de clés à chaque transaction.

Mais ce dont on parle aujourd'hui va plus loin :

De nouvelles monnaies comme Monero utilisent des signatures de cercle et des adresses furtives : à chaque transaction un groupe (aléatoire ou non) met son empreinte à côté de celle de l'authentique signataire pour couvrir celui-ci, et comme chaque utilisateur se couvre également...

Du côté du Nxt on trouvera la possibilité de recourir à un système d'alias qui simplifie l'usage (mémorisation d'adresses plus simples) mais doit permettre une plus grande discrétion, au moins vis-à-vis des tiers.

Du côté des sidechains plusieurs développements tendent à un anonymat renforcé : on voit des projets tels que Confidential Transactions ou comme Moneta, implémentant la technologie Zero sur une sidechain. Il faut aussi citer le projet Lightning de création de tunnels de paiements off-chain, dans lesquels régnerait, entre autres choses, une confidentialité plus grande.

On le voit, il y a une année lumière entre les préconisations des autorités officielles et la recherche. Je reviendrai bientôt sur les conditions dans lesquelles se forge l'opinion des autorités. Je termine en souriant: mon lecteur a bien vu que j'avais usé de procédés illégaux pour masquer bien des visages. J'ai découvert en surfant qu'une institution financière en avait fait autant... certes elle est aujourd'hui en procédure de résolution suite à un gros scandale. Tiens, il y aurait des scandales ailleurs que dans les monnaies décentralisées?

les yeux fermés

Pour aller plus loin (en anglais le plus souvent, et en s'accrochant !)

19 - Fausse monnaie et vraie finance, entre Genève et Neufchâtel

May 22nd 2015 at 16:28

"Si vous voyez un banquier suisse sauter d'une fenêtre, sautez derrière lui, il y a sûrement de l'argent à gagner..."

Le mot serait de Voltaire, en tout cas Jean Ziegler le lui attribua jadis. Sans discuter l'authenticité de la citation, on notera qu'il y a mieux à faire au travers d'une fenêtre que de sauter : regarder. En latin cela se dit speculare.

En préparant un billet que je viens de consacrer sur le Cercle des Échos au "Réduit suisse" du bitcoin, je me suis penché sur quelques faits anciens concernant cet étonnant pays voisin.

Un chose me frappe, qui ne sera pas approfondie aujourd'hui, c'est la relative modestie des monnayages suisses anciens. A l'époque médiévale et moderne, la Suisse ou plutôt les Suisses vivent avec des monnayages féodaux, ecclésiastiques ou cantonaux de billon ou d'argent. Rien de comparable aux belles monnaies royales de France, d'Espagne ou d'Angleterre, ni même aux monnaies de grandes villes commerçantes des Pays-Bas ou d'Italie.

pièce de 1802

A l'aube de l'époque contemporaine, les premières monnaies "républicaines" sont encore bien modestes. De façon stupéfiante, on verra même en 1830 Vaudois ou Bernois se servir, en la contremarquant, d'une pièce française datant du temps des rois !

écu français marqué

le chapeau du bailliEn bref, ces Suisses moqués par Voltaire n'avaient point le culte de la belle et grosse monnaie.

Paradoxe?

Non, la Suisse fut longtemps un pays pauvre. Mais c'est aussi le signe d'une déconnexion helvétique entre la puissance régalienne et la figure du politique. Le mot de couronne désigne encore plusieurs monnaies nationales en Europe, même dans des états républicains, et y servit même à l'époque communiste ! Or point de roi et point de "Couronne" en Suisse, où le récit national se fonde sur le refus de la révérence due au souverain.

En revanche, l'histoire suisse rappelle que la finance c'est speculare d'abord au sens d'observer, comprendre, imaginer...

les demoisellesAinsi à la veille de la Révolution de 1789, la royauté française est mortellement débitrice et obligée des banquiers de Genève, mais aussi de Lausanne ou de Neufchâtel. Pour de nombreuses raisons, dont une cocasse : le roi émettait des obligations viagères, sans savoir construire des tables de mortalité. Mais les banquiers genevois possédaient le recueil de statistiques mortuaires établies par le médecin suisse Louis Odier à Genève. Ils faisaient donc souscrire les obligations viagères par des syndicats de ce que leur population offrait de plus rentable en matière de belle longévité : les fameuses "demoiselles de Genève", joliment appelées les "Immortelles".

Qu'une partie des banquiers suisses aient été des protestants français réfugiés après la Révocation de l'Edit de Nantes ajoute encore à l'ironie de la situation...

qu'y a-t-il sous la perruque?Conclusion défrisante pour un roi portant perruque poudrée et arborant une prétention désuète à l'absolutisme : Primo, rien ne sert de régner avec l'arrogance à la française si votre prétention à la régulation conduit à l'exil des gens malins dont on aurait en réalité le plus grand besoin.

Secundo, rien ne sert d'accumuler des données (il y avait des registres d'état civil en France) si on ne sait pas les traiter, parce qu'on ne se pose pas les bonnes questions. Ce qui me ramène une fois déplus à la question qui plait tant à mes lecteurs au sujet des big-data : y a-t-il une cervelle sous les perruques poudrées de nos princes et entre les grandes oreilles de leurs flics ?

Gouverner, aujourd'hui comme hier, est-ce encore et toujours se tenir derrière pour surveiller et punir ? Ou bien est-ce que ce sera enfin un jour se tenir devant pour comprendre et guider ?

On ne peut penser à la Suisse et à sa tradition politique sans songer au "Citoyen de Genève." Ma flânerie littéraire me l'a fait soudain redécouvrir sous un angle imprévu.

La première mention de la monnaie dans ses Confessions - où le terme revient bien moins souvent que celui d'argent concerne en effet... la fausse monnaie! Le petit Jean-Jacques, apprenti graveur, est tout occupé à se graver des médailles destinées à lui servir, ainsi qu'à ses camarades, d'ordre de chevalerie (curieuse idée pour le futur auteur du Contrat social...) et il se fait surprendre dans ce travail de contrebande par son maître qui le roue de coups, disant qu'il s'exerce à faire de la fausse monnaie, parce que nos médailles avaient les armes de la République. Ce détail savoureux (Confessions I, Livre I, ed. Pléiade page 31) me mit en appétit, et je poursuivis ma recherche.

Jean JacquesOn trouve bien des choses chez Rousseau sur l'argent, qu'il n'aime pas. Deux phrases, Donnez de l'argent, et bientôt vous aurez des fers. Ce mot de finance est un mot d'esclave... (dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes ) ou ce n'est pas à prix d'argent que le vrai plaisir s'achète (dans le premier dialogue de Rousseau juge de Jean-Jacques) résument assez bien sa pensée.

Mais la fausse monnaie ( qui me passionne!) revient chez le Citoyen de Genève, dans les Rêveries du Promeneur Solitaire, et ici de façon bien plus philosophique que dans ses jeux d'enfants : Je me souviens d’avoir lu dans un livre de philosophie que mentir c’est cacher une vérité que l’on doit manifester. Il suit bien de cette définition que taire une vérité qu’on n’est pas obligé de dire n’est pas mentir ; mais celui qui non content en pareil cas de ne pas dire la vérité dit le contraire, ment-il alors, ou ne ment-il pas ? Selon la définition, l’on ne saurait dire qu’il ment. Car s’il donne de la fausse monnaie à un homme auquel il ne doit rien, il trompe cet homme, sans doute, mais il ne le vole pas. (début de la Quatrième Promenade, ed. Pléiade p. 1026).

Que veut dire Rousseau, dans ce subtil passage d'une rêverie consacrée au mensonge ? Ma propre "rêverie" m'a conduit à un texte bien curieux ! Taire une vérité qu'on n'est pas obligée de dire, n'est-ce pas cela que réclament toutes les personnes qu'excèdent les exorbitantes prétentions de l'Etat à se voir communiquer nos faits, dits, écrits, premenades, pensées en un mot. Allons plus loin : celui qui non content en pareil cas de ne pas dire la vérité dit le contraire ne pratique-t-il pas une forme de cryptage ?

Au premier temps du minage, Bitcoin n'a-t-il pu apparaître comme une machine qui donne de la fausse monnaie à un homme auquel il ne doit rien ?

rêverie

Je ne résiste pas au plaisir (un peu snob) de reproduire ces mêmes lignes, extraites d'un manuscrit précieusement conservé par... la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel. A trois kilomètres du tout nouveau siège de Bity et guère plus loin de celui du groupe Metalor, l'un des leaders mondiaux de l'industrie de l'or ! Voisinage qui me paraît hautement significatif.

Que tirer de ces troublantes coïncidences, sinon que ce petit pays n'est pas seulement celui du secret bancaire, mais aussi de l'imagination financière, et que le bitcoin devrait y trouver bien mieux qu'un refuge, un écosystème favorable. Ce que j'écris par ailleurs.

Quant au Citoyen de Genève, qui n'aimait pas l'argent, les banquiers lui préfèrent généralement Voltaire et sa tolérance propice aux bonnes affaires. Il n'est donc pas de ceux dont l'effigie orne les pièces et les billets. On ne la trouve finalement que sur une fausse monnaie ! Jean-Jacques apparait sur un Monneron, qu'un économiste un peu superficiel traitera bien plus tard de Bitcoin de la Révolution. Ironie de l'histoire !

Rousseau sur un Monneron

17 - Des hiéroglyphes contre les grandes oreilles ?

April 30th 2015 at 13:36

Dans le climat suscité par le vote de la loi sur le renseignement, j'ai continué à me demander ce que les petites cervelles derrière les grandes oreilles pouvaient ou non comprendre de nos affaires. J'en étais à me demander si en écrivant ainsi le mot "b0mbe" on échappait aux algos ou au contraire si ça les excitait.

Je reviendrai une autre fois sur les algos. Car en vérité deux choses ont alors ramené mes pensées vers... mes (lointaines!) études d'égyptologie. La première c'est cette petite image un peu naïve qui traine partout sur Internet, et qui est réputée mesurer je ne sais quelle souplesse de votre cerveau. Il parait que certains ne parviennent jamais à lire ledit message "leet speak" . Dites-moi qu'ils ne travaillent pas pour les renseignements généraux...

le code de césar à l'oeil nu

J'ai lu cela comme le journal et ne crois pas être plus malin qu'un autre. J'ai donc regardé rapidement ce qui se disait à ce sujet sur Internet, mais (mis à part un commentaire pour dire que c'était plutôt plus facile que certains post d'adolescents sur Facebook, ce qui est une remarque féconde) je n'ai rien trouvé d'excitant.

Il s'agit en réalité d'un simple "code de César" dans lequel la suggestion subliminale (le 4 pour A, etc) est presque systématique ce qui augmente encore la vitesse d'acquisition. La prouesse du cerveau qui lit cela est moindre que celle que vous réalisez en lisant un message manuscrit. Vous parvenez à lire des milliers de formes de A plus ou moins similaires à des 4, des a typographiques ou manuscrits, des formes cursives ou non... Seulement vous ne le faites aisément dans votre langue. Essayez maintenant avec ce massage codé identiquement, et écrivez moi si vous l'avez lu à la même vitesse que le message français.

on fait moins le malin

Big Mother connaissant a priori l'allemand et l'urdū autant que l'anglais ou le français, il est peu probable cependant que ces petits jeux offrent un rempart au cassage... Plus amusants sont les exercices où l'on ôte des lettres (ce qui n'est pas de nature à rebuter un lecteur d'arabe ou d'hébreu, langues qui ne notent pas les voyelles) ou ceux où l'on en permute. Cela reste des jeux dignes du Journal de Mickey. En réalité, toute forme de grammaire est une béance pour le casseur. L'orthographe d'un illettré (et le T9 d'un ado!) offrent sans doute une plus grande résistance à la machine, comme s'en sont plaints certains moteurs de recherche (voir le cas de Bing) ... A moins que l'usage de la belle langue française, telle qu'établie par Vaugelas et codifiée par Grevisse, ne soit jugée inquiétante par les algos?

SalvatoreIl reste ce que j'appellerais volontiers le Code Salvatore. Changer de langue en permanence. Stupido ? Dans le monde actuel, où les réunions de travail se font dans les 800 mots d'anglais que chacun connaît, la pratique paraîtrait incongrue. Puis-je rappeler la fascination qu'éprouvait au contraire un Jules Verne, visionnaire progressiste, pour les personnages (Otto Lidenbrock et d'autres) polyglottes et même latinistes ? Evidemment changer de langue au milieu de la phrase vous fera détecter... mais les maghrébins (qui sont naturellement bi ou trilingues) le font en permanence, comme vous l'entendez aisément dans le métro et t les hommes d'affaires émaillent leur pauvre français d'un (non moins pauvre) anglais. Vous serez noyé dans la masse des faux positifs. Pas si stupido...

Quel rapport ont ces considérations avec Champollion ? J'y viens. Il connaissait (un peu) la langue dans laquelle était écrite l'inscription de Rosette. C'est pourquoi il a cassé le code plus vite que Young, l'un des meilleurs savants du temps, considéré comme l'égal de Vinci ( qui avait sa propre écriture !) ou de Leibniz (qui réfléchit aussi, en marge du projet de langue universelle, sur des problèmes de cryptographie)...

Deux mots suffisent

imitation game

Lors de la projection du film Imitation Game, le public rit lorsque le savant auquel on a reproché d'ignorer la langue de l'ennemi note finalement qu'il ne lui fallait pour percer le code que deux mots allemands seulement : Heil Hitler ! Ce qui m'a fait sourire alors, c'est que la découverte de Champollion fut, de même, permise par l'intuition que les deux noms en cartouche devaient fatalement se lire Ptolémée et Cléopâtre.

Passée cette intuition, les choses ne furent pas plus simples pour Champollion que pour Turing. Pourquoi?

alphabetParce que le codage hiéroglyphiques est infiniment plus complexe que ce que l'on présente aux touristes, avec des alphabets égyptiens tout juste bon à permettre de transcrire des prénoms de barbares sur des bijoux fantaisie. En sachant qu'il devait retrouver Ptolimaïs, Champollion lui-même eut pourtant bien du mal, comme en attestent ses notes pieusement conservées.

sur le nom de Pltolémée

En réalité, d'autres savants (dont Young) avait approché jusque là, c'est à dire pas bien loin. Il est instructif de voir comment Young et Champollion s'y prirent pour franchir les marches supplémentaires, vérifiant l'intuition fondamentale de la multivalence des hiéroglyphes, qui selon leur place dans le mot, voire dans la syllabe, peuvent être littéraux, bilittéraux, trilittéraux, idéographiques voire... sans signification.

Deux demi-clés qui ne se valent pas

Sur la pierre de Rosette, la même (a priori) inscription était répétée en 3 langues, dont une seule connue - le grec, sans rapport linguistique avec les deux autres- et deux alphabets, hiéroglyphique et démotique, signes inconnus d'une langue perdue. Le calcul montre vite à Young qu'il s'agit de deux alphabets pour deux langues proches (il voit juste), l'écriture démotique étant une forme simplifiée, cursive, mais évidemment étroitement liée à l'écriture sacrée et plus complexe. Certes le grec donne le sens.. du texte. Pas des mots.

Champollion, lui, parle le copte. C'est une langue encore plus tardive que le démotique (c'est pourquoi d'ailleurs elles s'écrit en caractères issus de l'alphabet grec) mais elle est également dérivée linguistiquement de la vieille langue. Son usage s'est perdu depuis des siècles, sauf pour quelques prières chez les chrétiens d'Egypte. Cette clé copte se révèlera plus féconde que la clé grecque. Connaitre le sens d'un texte ne suffit pas à le décoder, si l'on n'a pas accès à sa structure linguistique. Vieux problème des langues où le sens (où est le sujet? où est le complément d'objet dans la séquence le chat la souris mange) est donnée par l'ordre des mots et celles où il est donné par un suffixe (une déclinaison par exemple).

Incomplète victoire

Pyramide de OunasLe concept de lettres plurilittères à lui seul multiplie considérablement le nombre de signes. Dans l'état le plus simple de la langue égyptienne on en compte environ 600. C'est le cas des Textes des Pyramides (ici dans celle de Ounas mort en -2323) Compte-tenu de ce que la fantaisie orthographique (elle existe) est tout de même encadrées par des règles et des usages, un ordinateur percerait cela à jour sans trop de mal, repérant des séquences évidentes.

Mais les anciens égyptiens n'en restèrent pas là. Au lieu de simplifier (comme Mao le fit du chinois - pour des raisons politiques) ils complexifièrent.

inscription de Ramses IIILa particularité historique de la langue égyptienne vient de ce fait singulier: le cryptage a été augmenté avec le temps. Mille ans après les Pyramides, à l'apogée des Aménophis et des Ramsès, la même langue s'encode sur les murs de Karnak avec 1200 signes.

Mais encore dix à quinze siècles et dans les textes écrits alors que le pouvoir politique est désormais grec puis romain, on atteint les 12.000 signes! Indépendamment de l'évolution naturelle de toute langue, il s'agit bel et bien ici d'un encodage, d'une mystification.

Certains textes furent si bien codés qu'à ce jour... nul n'a pu les décoder.

Comme pour les cypherpunks, le codage était, chez les derniers prêtres d'Amon ou d'Osiris, une résistance politique alors que faisait belle lurette que l'on parlait une version internationale du grec, sorte de globish du temps.

texte tardif à Kom Ombo

Quelles leçons pourrions nous en tirer?

Pourquoi le code des prêtres d'Edfou ou de Philae a-t-il résisté plus longtemps que le chiffre de Vigenère?

fils de RâLa première raison est peut-être que la malice n'était pas dans la "longueur de la clé", mais de l'ordre de celle des cruciverbistes. De nouveau, il faut rappeler la présence à Bletchley park d'un égyptologue (dans la hutte 4) et de six cruciverbistes. Dès l'égyptien ancien, si le mot "fils" s'écrit avec un canard, c'est qu'il se prononce vaguement comme le canard (sa). On lira "Fils de Râ" ou "canard soleil" selon que cela fait sens ou non. Quant au canard il servira aussi de voyelle sa dans d'autres mots qui peuvent n'avoir rien à voir ni avec le canard ni avec le fils.

Au fil des temps, c'est pourrait-on dire la "bibliothèque de gags" qui s'est étoffée. De sorte que certains hiéroglyphes tardifs incompréhensibles sont sans doute des private joke dont le sens s'est perdu avec le petit groupe très fermé à qui il servait de code. Si je code le nom de M. Valls avec l'image d'un couple dansant, j'ai sans doute plus de chance d'être compris que si je le code 123. Et si (une fois de temps en temps, pour rire) je le code 13021867 parce que c'est la date de création du Beau Danube Bleu, vous allez avoir du mal à me suivre ! Et je peux multiplier les gags autour du nom de M. Valse. On entre dans la période "ptolémaïque".....

laisse aller

c'est une valseLa seconde raison est évidemment que le codeur égyptien n'est pas limité aux 26 lettres et 10 chiffres, ni même à la petite centaine de caractères en tous genres productibles avec un clavier. Ni même, on l'a vu, aux 600 signes de la langue classique.

Il les dessine lui-même et peut toujours introduire une nuance, une nouveauté, simplifier... ou compliquer.

Au fait, la décision envisagée un peu partout dans le monde de ne plus apprendre aux enfants à écrire à la main ne vous met point la puce à l'oreille? Vous avez vraiment cru que c'était un truc finlandais pour aider Nokia?

Puisque la loi 1984 va (sous le contrôle d'un juge) permettre à Gouda, Tango et tous leurs petits amis, dès que les algos vous auront identifier comme déviant, de pomper dès votre clavier, avec un logiciel mouchard ou sans (la NSA le faisait déjà depuis longtemps avec SurlySpawn, Keyloggers...), peut-on imaginer lui échapper en enlevant le clavier? en mettant un pavé tactile avec stylo électronique? en écrivant mal ? en communiquant (y compris avec soi même) par rébus et calembours? en stockant les choses sous forme de dessins plus que de discours ?

La recette égyptienne tourne autour de deux concepts forts : inventer sa langue (j'ai déjà évoqué la poésie!) et dessiner ses caractères. Elle est évidemment aux antipodes du globish typographié...

L'argent consacré par l'Etat aux machines est pris sur les budgets humains de la police... allez donc lire le commentaire de "Frédéric" sous mon billet précédent!

Pour aller plus loin :

... en égyptologie

  • Il existe des dizaines de sites où l'on peut télécharger des polices hiéroglyphiques. Voir ici aussi mais au total c'est évidemment très limité car un seul clavier ne permet guère plus de 100 signes...
  • Il faut donc télécharger plusieurs fontes par exemple ici : hommes, poissons, oiseaux etc
  • Sur le codage informatique des langues anciennes débuté des 1988, il est intéressant de voir combien la matière "résiste": on en reste le plus souvent au codage des 800 signes recensés par la grammaire de Gardiner (la langue classique) et non sans difficultés. Lire ici également.

... et aussi

15 - Insaisissable ?

March 28th 2015 at 18:05

Je fonctionne comme tout un chacun par associations d'idées. Je relisais un article des Échos où l'on critiquait le caractère insaisissable, sinon impénétrable, de cette devise hybride de l'ère 2.0. Insaisissable, me suis-je dit, c'est une critique qui doit désormais s'entendre aussi à la lumière de l'inconcevable chypriation des comptes en banques, pratique inaugurée en avril 2013 et que la transposition d'une directive européenne va rendre progressivement commune (lire ici).

Insaisissables, (titre original Now you see me) c'est aussi un film qui fut un succès surprise de l'été 2013. Il met en scène non pas le fisc ou la troïka, mais quatre magiciens capables de dévaliser une banque à distance, de piller en public le compte en banque d'un millionaire qui se croyait plus malin qu'eux et de faire disparaître un coffre fort comme des prestidigitateurs feraient disparaître un lapin dans une boîte à malice.

Discover the secret

Tout cela est-il sans rapport avec le bitcoin ?

Aurait-il plus à craindre des prestidigitateurs que des agents du fisc ?

Peut-être est-ce une simple marotte de ma part. Cependant le film m'a interpellé par l'écho du mot de magic qui revient dans tant de moocs, tutos et autres vidéos qui prétendent expliquer Bitcoin (et le reste) en quelques minutes à grand renfort de its amazing how it works...

in 3 seconds

Le premier tour de magie des quatre artistes est spectaculaire. Mais ces quelques secondes, n'est-ce pas le temps qu'il faut pour expédier son bitcoin au bout du monde, ou bien aller l'y chercher, en sautant par dessus les frontières, peut-être en traversant le béton armé mais aussi le blindages des régulations ? C'est donc aussi le temps qu'il faut pour le voler. Surtout s'il est dans un coffre fort grand ouvert...

the mentalistCertes, peu de coffres restent grand ouverts. Mais si le second tour de magie, qui voit l'argent passer d'un compte en banque à d'autres, en public et devant la victime, a quelque chose de comique, c'est évidemment parce qu'une porte a été ouverte par la victime elle-même.

D'autre part, une actualité récente et tragique vient de rappeler que le blindage d'une porte n'est pas le seul élément de protection auquel il faille songer. Si les gens qui nous gouvernent avaient un peu de finesse et de littérature, ils y auraient songé avant le drame.

Mais le "mentaliste" ici n'est guère magicien. S'emparer des petits secrets de vos voisins est un jeu d'enfant. Tous les sites vous demandent le nom de jeune fille de votre mère et le nom de votre premier chien. Quelle blague... si je veux, avant dimanche prochain je saurai les vôtres !

Certes tout n'est pas dans le Who's who ou sur la page Facebook de vos enfants. Mais il n'y a rien de plus simple que d'appeler au téléphone, demander à une secrétaire le nom de jeune fille de la femme de son patron, demander aux gosses le nom de leur chien, et même de demander à un cadre de société cotée la parité finalement retenue pour l'opération financière confidentielle. Je ne conseille pas de se faire passer pour un flic (c'est un délit), au besoin, dire c'est pour la télé marche mieux et s'avère moins risqué.

Revenons au grand problème du bitcoin: où cacher sa clé? Après le billet que j'avais intitulé Licence Poétique, et dans lequel j'évoquais les possibilités de flesh-storage fournies par le cerveau humain, je me suis livré, plus ou moins volontairement, à diverses expériences. J'en ai tiré la matière d'un autre billet, publié sur le "coin-Coin" où je montrais comment une confiance trop naïve accordée au brain-wallet pouvait mener à se tirer une balle dans la cervelle. Des lecteurs m'ont envoyé des liens (voir ci-dessous) pour augmenter ma méfiance...

hide the secrets

Un dernier mot : "Insaisissables" est sorti bien avant l'effondrement de Mt Gox. On pourrait en conclure que ça n'a rien à voir.

Sauf que les cambrioleurs ici n'ont pas de pied-de-biche mais un cerveau pour percer le cerveau de leur victime. La phrase culte du film : Look closely, because the closer you think you are, the less you will actually see met le doigt sur l'une des failles classiques de la sécurité.

Dans une économie de plus en plus digitalisée, cognitive, conceptuelle, c'est à dire une économie où un cerveau, parfois le même, peut servir de mémoire, de portefeuille, de coffre, de serrure et de clé, la sécurité des mémoires informatiques dans leurs data-storages surprotégés est à la merci d'une faiblesse de ce cerveau humain incapable de garder un secret même au petit coin).

Je n'ose pas ajouter : "ne le répétez pas..."

Pour aller plus loin, rire ou frémir :

11 - Licence poétique

October 26th 2014 at 13:04



J'ai déjà suggéré que Tintin s'était affronté au secret du bitcoin puisque, comme dans le Secret de la Licorne, il s'agit tout à la fois de coder (l'adresse du trésor) et de cacher (le message qui porte le message codé). Aujourd'hui ces deux activités impliquent d'un côté les mathématiques (coder) et de l'autre l'imagination ludique (cacher)
La cryptographie est - en soi - peu romanesque. Le lent travail de l'esprit tendant à percer le piège conçu par un autre esprit, et pire le travail de brute d'un programme acharné à casser un secret se prête moins à l'intrigue qu'une partie de chasse au trésor.
Alors que viendraient faire du côté du bitcoin la littérature ? la poésie ?


Dancing Men

Il y a bien un code dans les Hommes dansants, mais Sherlock Holmes l'élucide assez aisément et l’intérêt de ce code est moins sa sophistication que sa discrétion : utilisé dans des messages gribouillés sur des murs ou sur des bouts de papier, on peut le prendre (comme Watson) pour un dessin d'enfant. Il s'agit donc moins de cryptographie que de stéganographie, qui est l'art de rendre anodins les messages les plus secrets.
De même la lettre volée d'Edgar Allan Poe n'avait pas été codée, mais cachée...

The Purloined Letter

Avec le jeu de cache-cache en effet, l'imagination romanesque est bien plus à l'aise et il y a des exemples illustres dans l'art de cacher, des ferrets de diamants dans les Trois Mousquetaires au Bouchon de cristal de Maurice Leblanc. le bouchon de cristal
C'est peut-être cette forme d'imagination qui est nécessaire quand on aborde la question la moins débattue au sujet de Bitcoin : où doit-on cacher son paper-wallet, puisqu'à la grande confusion de l'esprit humain, rien n'est aussi sûr que de planquer sa monnaie digitale sous la forme d'un bout de papier?

Le plus sûr est sans doute de stocker cela chez soi. Mais cela n'assure pas contre l'incendie. Et puis le voleur aussi saura bientôt reconnaître un e-wallet d'un ticket de supérette.

physical bitcoinAu delà du cold-storage, il reste le coffre fort à 37°: situé entre les deux oreilles, le cerveau est a priori un endroit idéal et sûr pour stocker l'information. La plupart d'entre nous y stockons notre code PIN, celui de la Visa etc. Pourquoi ne pas y glisser aussi notre clé privée?

Certes il est peu aisé de mémoriser "5JRZZETcN3nTBk3nCtAGxLofsPCZzaw3UTyvgi2dJ2Ay3pYsnFf"
Mais avec un peu d'imagination, on doit y arriver. Edgar Allan Poe, déjà cité, est aussi l'auteur d'un poème amusant :

''Near a Raven
Midnights so dreary, tired and weary.
Silently pondering volumes extolling all by-now obsolete lore.
During my rather long nap - the weirdest tap!
An ominous vibrating sound disturbing my chamber's antedoor.
"This", I whispered quietly, "I ignore".''

Pour ceux qui ne connaîtraient pas, voir ici sur les poèmes qui cachent le nombre π. Évidemment il sera plus dur de cacher ainsi une série alphanumérique (incluant des majuscules de surcroît) mais on doit pouvoir y arriver en répartissant noms (chiffres), verbes (lettres) et adjectifs (majuscules) ou quelque chose comme cela...

Il est sans doute plus simple de procéder dans l'autre sens.
C'est ce que permet de faire le site brain-wallet. À défaut de retenir par coeur "5JRZZETcN3nTBk3nCtAGxLofsPCZzaw3UTyvgi2dJ2Ay3pYsnFf", je peux retenir une phrase par coeur, et la taper sur ce site, qui va me la restituer identique à chaque fois. Je vous livre le début de ma phrase : le presbytère n'a rien perdu... Un petit effort, n'oubliez ni les accents ni la ponctuation et vous devriez pouvoir vérifier cela par vous-même.

Reste que la phrase en question, extraite d'un roman à succès, est dans toutes les bases de type Google Bookc.
Il faut inventer une phrase qui n'ait JAMAIS ENCORE été écrite.
Le site mentionné requiert a long original sentence that does not appear in any song or literature. En toute rigueur on devrait même dire that will never appear...

Faut le faire. Le mot grec ποιεῖν ("poiein"), qui signifie faire s'applique à toutes sortes d'opérations, depuis celles qui modèlent de la glaise jusqu'aux réalisations les plus hautes de l’artiste ou du poète. J'y suis : la poésie est le recoin du disctionnaire français où est allé s'échouer ce vieux mot grec.


Mais la plupart des détenteurs de bitcoin ne sont pas forcément poètes !

Qu'importe. Il y a des machines pour cela, et des adresses à connaître. C'est là qu'un bitcoiner littéraire peut rendre service à sa communauté.
Je ne mentionne que pour mémoire Raymond Queneu et ses Cent mille milliards de poèmes qu'il décrivait dans sa préface comme : une sorte de machine à fabriquer des poèmes, mais en nombre limité ; croyant rassurant d'ajouter il est vrai que ce nombre, quoique limité, fournit de la lecture pour près de deux cents millions d’années (en lisant vingt-quatre heures sur vingt-quatre). L'avez-vous remarqué, c'est le même genre de comparaison que l'on vous sert sur le temps nécessaire à casser tel ou tel code?


Queneau

De façon plus drôle, il raconta un jour : J'avais écrit cinq ou six des sonnets des cent mille milliards de poèmes et j'hésitais un peu à continuer, enfin je n'avais pas beaucoup de courage de continuer, plus ça allait, plus c'était difficile à faire naturellement .

On était au début des années 1960; De la rencontre de quelques personnes autour de Rayond Queneau et François Le Lionnais, allait naître l'OULIPO : l'Ouvroir de littérature potentielle.


Voilà l'idée : l'OULIPO !
Oulipo 1 Des écrivains comme Italo Calvino ou Georges Perec allaient y être rejoints par ... des mathématiciens. Sainte promiscuité, digne de la rue d'Ulm, qui s'explique assez bien par l'essence même du projet : montrer qu'une contrainte formelle (écrire sans la lettre a par exemple) pouvait être un puissant stimulant, qu'un procédé formel (remplacer dans un texte de Victor Hugo tous les noms par le 3ème nom suivant du dictionnaire, les verbes par le 7ème verbe etc) pouvait être un procédé fécond.

le ratUn auteur oulipien, dit-on est un rat qui construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de sortir . Et depuis un demi-siècle, le groupe a poursuivi la construction de labyrinthes, de machines imaginaires à fabriquer des textes absolument imprévus. Le rat doit pouvoir se débrouiller dans un QR Code, non ?

Oulipo 2J'encourage vivement mes lecteurs à visiter le site de l'OULIPO.

Il y a un truc simple, et que j'aime bien. Prenez une phrase, simple, facile à retenir, issue d'une chanson par exemple J'ai du bon tabac et, en la prononçant à voix haute, essayez de trouver une suite de motS qui reproduise à peu près la musique de la phrase. Cela donnera, par exemple Jade Aube Onde Abaque d'où la clé privée 5K4spBQdAyGnW9sF7wxSH2J5RmYvPxoZkJVjgdFdNzuf37Sb1Ze
(zut, je l'ai grillée)

L'autre est d'écrire une phrase absurde. Il y en a une que j'aime bien. J'avais lu cela au sujet de l'intelligence artificielle, où un auteur affirmait qu'aucune machine programmable n'écrirait jamais une phrase d'humour noir comme : mes parents, quoique d'origine modeste, étaient de parfaites honnêtes gens. Ça y est, elle est spoilée aussi.

Oulipo 4

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