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Tribune dans Revue Banque : « Avec les MNBC, les Européens ne doivent pas se tromper de combat »

March 12th 2021 at 18:03

Claire Balva, CEO de Blockchain Partner, a publié dans le magazine Revue Banque une tribune sur les Monnaies Digitales de Banque Centrale. 

Morceaux choisis :

« Face au succĂšs grandissant des cryptoactifs, les banques centrales se positionnent. Elles souhaitent utiliser une “blockchain”, mais sans toutefois basculer dans la “crypto”. 

En rĂ©alitĂ©, une blockchain est philosophiquement incompatible avec un acteur tel qu’une banque centrale : ce protocole se caractĂ©rise par une forte dĂ©centralisation. Il ne peut donc ĂȘtre contrĂŽlĂ© par un acteur unique. C’est le cas des blockchains publiques en particulier : chacun peut librement accĂ©der au registre, et participer au rĂ©seau. Le bitcoin fonctionne selon ce principe. Une banque centrale, si elle crĂ©ait une blockchain publique pour gĂ©rer sa monnaie, perdrait de facto son pouvoir de crĂ©ation et de gestion monĂ©taire. 

Les projets de MDBC privilĂ©gient ainsi naturellement les blockchains dites “privĂ©es”. C’est le cas de la Banque de France qui, dans ses rapports “Monnaie digitale de banque centrale : une, deux ou aucune ?” et “La monnaie digitale de banque centrale” ainsi que dans ses expĂ©rimentations menĂ©es depuis 2020, envisage l’utilisation d’une blockchain privĂ©e pour une MDBC “de gros” et non “de dĂ©tail”. »

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« Finalement, une MDBC, telle qu’elle est envisagĂ©e aujourd’hui en Europe et en France, concurrencera probablement plus l’écosystĂšme traditionnel (utilisant de l’euro) que l’écosystĂšme des cryptoactifs. Cela n’est pas nĂ©cessairement un problĂšme: l’objectif principal derriĂšre la crĂ©ation d’une MDBC est d’apporter plus de compĂ©titivitĂ© aux banques centrales, en particulier Ă  l’ùre de la digitalisation. 

Mais cela montre surtout que l’Europe se trompe de combat. A vouloir rendre la banque centrale compĂ©titive, elle en oublie une autre rĂ©alitĂ© : une MDBC ne suffira pas Ă  rendre l’euro lui-mĂȘme compĂ©titif dans le nouvel environnement technologique des cryptoactifs. « 

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« Ce point est d’autant plus critique que les infrastructures blockchain comptent dĂ©jĂ  des stablecoins, c’est-Ă -dire des cryptoactifs dont le cours est indexĂ© sur des monnaies traditionnelles. Certains ont dĂ©jĂ  acquis un statut de rĂ©fĂ©rence dans le secteur : les quatre plus grands stablecoins (Tether, USDC, Dai et Binance USD) reprĂ©sentent Ă  eux quatre 96% de la capitalisation totale des stablecoins (voir Graphe). Ils sont tous les quatre indexĂ©s sur le dollar, ce qui renforce incontestablement l’influence monĂ©taire des Etats-Unis. »

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« Contre l’hĂ©gĂ©monie du dollar dans cet Ă©cosystĂšme, les projets actuels de MDBC français ou europĂ©ens n’apportent aucune rĂ©ponse. Or, c’est bien lĂ  que tout l’enjeu se situe : la vraie question ne devrait pas ĂȘtre la compĂ©titivitĂ© des banques centrales dans un monde qui se digitalise, mais la compĂ©titivitĂ© de l’euro face aux cryptoactifs – et donc face au dollar.

La solution serait de concurrencer ces outils sur leur terrain, en crĂ©ant un stablecoin indexĂ© sur l’euro. Ce dernier pourrait par exemple ĂȘtre adossĂ© Ă  la blockchain Ethereum sur laquelle est d’ores et dĂ©jĂ  construit l’essentiel des services de finance dĂ©centralisĂ©e. L’urgence, pour la compĂ©titivitĂ© de l’euro, ne semble donc pas tant de crĂ©er une MDBC, mais de crĂ©er un stablecoin euro, qu’il soit une MDBC ou une monnaie commerciale. »

Euro numĂ©rique : l’Europe va-t-elle dans le mur ?

October 14th 2020 at 11:31

L’Europe commence Ă  s’activer sur son projet d’euro numĂ©rique, or celle-ci pourrait se faire supplanter par les États-Unis ou Chine Ă  cause des freins Ă  l’innovation dont souffre l’écosystĂšme des crypto-actifs.

➀ Dans Capital (10/2020)

Cette tribune a été initialement publiée dans 21 Millions, la newsletter crypto de Capital spécialisée dans les cryptomonnaies.

Par Claire Balva, CEO de Blockchain Partner.

Les stablecoins sont depuis longtemps un outil connu des traders français de crypto-actifs, leur permettant de se protĂ©ger de la volatilitĂ© des cours rapidement et sans crĂ©er d’évĂ©nements fiscaux. Mais la nĂ©cessitĂ© de ces actifs mimant le cours d’une monnaie traditionnelle dĂ©passe aujourd’hui largement le simple cadre de la fiscalitĂ©. 

En effet, si le cours des stablecoins est thĂ©oriquement stable, l’offre de stablecoins, elle, connaĂźt depuis maintenant 3 mois une croissance fulgurante. Le 3 septembre, le fondateur de Coin Metrics, Nic Carter, indiquait ainsi que l’offre des stablecoins avait augmentĂ© de prĂšs de 100 millions de dollars par jour en juillet et aoĂ»t 2020. L’essor de la finance dĂ©centralisĂ©e (DeFi), qui explique en partie cette hausse, en a fait des instruments financiers essentiels au fonctionnement de nouveaux produits financiers crypto. Sans stablecoin, des projets comme Curve, Aave ou Yearn n’auraient pas le mĂȘme succĂšs.

En pratique, il est devenu facile de lancer un stablecoin : il “suffit” par exemple de bloquer sur un compte bancaire le montant que l’on souhaite Ă©mettre, et de crĂ©er des jetons sur Ethereum, en programmant les fonctionnalitĂ©s souhaitĂ©es (Ă©tablissement d’une liste blanche des comptes autorisĂ©s, rĂ©duction ou augmentation de l’offre monĂ©taire, etc.). Les banques commerciales ou les grandes entreprises privĂ©es ont donc tout Ă  fait la capacitĂ© technique et financiĂšre d’émettre des stablecoins. Mais derriĂšre cette apparente facilitĂ© se cache en rĂ©alitĂ© un problĂšme politique.

La quasi-totalitĂ© des stablecoins est aujourd’hui indexĂ©e sur la valeur du dollar amĂ©ricain : ainsi la capitalisation du stablecoin le plus utilisĂ©, l’USDT (Tether) dĂ©passe les 15 milliards de dollars. Il n’est pas surprenant que ceux-ci connaissent donc un essor particuliĂšrement important aux Etats-Unis, qui ont compris que ces instruments pouvaient devenir une extension du domaine de la lutte monĂ©taire. On assiste Ă  un vĂ©ritable tournant outre-atlantique : les banques commerciales amĂ©ricaines sont dĂ©sormais en capacitĂ© juridique d’émettre des stablecoins. 

Ainsi, ces instruments sont devenus une porte d’entrĂ©e pour les acteurs financiers traditionnels, les conduisant naturellement vers le monde des crypto-actifs. Certaines banques amĂ©ricaines ont depuis quelques mois complĂštement changĂ© de discours sur le secteur crypto, comme JP Morgan qui, trois ans aprĂšs le discours accusateur de son PDG sur Bitcoin, Ă©tend dĂ©sormais ses services Ă  cette mĂȘme cryptomonnaie. D’autres banques comme Goldman Sachs semblent Ă©galement s’engager dans cette voie.

L’Europe, de son cĂŽtĂ©, paraĂźt significativement moins avancĂ©e sur le sujet. Il n’existe pas de stablecoin euro actuellement Ă  mĂȘme de concurrencer ceux indexĂ©s sur le dollar. Les Ă©bauches actuelles de rĂ©glementation concernant les stablecoins sont peu enclines Ă  stimuler l’écosystĂšme autour de la crĂ©ation d’un stablecoin euro, que celui-ci soit centralisĂ© et Ă©mis par un acteur privĂ©, ou dĂ©centralisĂ© (l’on pourrait imaginer un Ă©quivalent du DAI indexĂ© sur l’Euro comme avec Stablecredit d’AndrĂ© Cronje). En outre, malgrĂ© de nombreux points intĂ©ressants, le projet de rĂ©glementation publiĂ© il y a quelques jours par la commission europĂ©enne propose Ă©galement un encadrement trĂšs strict – trop strict ? – des Ă©missions de stablecoins, imposant l’obtention d’agrĂ©ments nationaux, encore Ă  dĂ©finir, pour obtenir le droit d’en Ă©mettre. 

Cet encadrement frileux, dont les objectifs sont certes louables, risque de freiner l’émergence de projets de stablecoins innovants dans la zone euro. 

Les options sont pourtant multiples pour faire Ă©merger un ou plusieurs stablecoins euro. La piste qui semble privilĂ©giĂ©e par les instances europĂ©ennes Ă  l’heure actuelle consiste Ă  faire collaborer les banques centrales de la zone euro, dans le but de crĂ©er un euro numĂ©rique et programmable sur blockchain privĂ©e et DLT (voir quelques signaux allant dans ce sens). Cette option prĂ©sente nĂ©anmoins de nombreux risques : 

  • celui de tout miser sur une seule initiative qui peut Ă©chouer 
  • celui de faire le choix de rĂ©inventer la roue en crĂ©ant un rĂ©seau fermĂ© face Ă  des rĂ©seaux publics dĂ©jĂ  existants
  • celui de ne pas ĂȘtre assez rapide (une collaboration entre banques centrales prend naturellement plus de temps qu’une Ă©mission par un acteur privĂ©) face aux stablecoins amĂ©ricains qui agrĂšgent dĂ©jĂ  des utilisateurs.

D’autres solutions existent. PremiĂšrement, de maniĂšre Ă©vidente, Ă  l’instar de ce qui est fait aux Etats-Unis, il serait possible de permettre aux banques commerciales europĂ©ennes d’émettre simplement un stablecoin dans la zone euro, en utilisant une blockchain publique existante. DeuxiĂšmement, il  pourrait ĂȘtre intĂ©ressant d’opter pour la crĂ©ation d’un bac Ă  sable limitĂ© dans le temps (2 ans ?), possibilitĂ© que l’Europe a d’ailleurs rĂ©cemment ouverte pour les STO (introductions en bourse via des crypto-actifs). Ce bac Ă  sable permettrait de faire Ă©merger des stablecoins indexĂ©s sur l’euro et ainsi de multiplier les chances d’avoir un outil largement utilisĂ© et adoptĂ© d’ici quelques annĂ©es mais aussi d’avoir une approche rĂ©glementaire Ă©quilibrĂ©e forte de ce test grandeur nature

L’urgence est bel et bien Ă  l’innovation. Si l’UE ne se positionne pas sur ce sujet rapidement, elle en paiera le prix dans quelques annĂ©es, probablement en perdant du terrain face aux Etats-Unis en termes de souverainetĂ© monĂ©taire. Nous risquons en effet d’ĂȘtre – encore une fois – soumis aux politiques d’extraterritorialitĂ© juridique amĂ©ricaines. Si les plus grands stablecoins sont ceux indexĂ©s sur le dollar, cela augmente l’utilisation de cette monnaie hors du territoire amĂ©ricain, soumettant ainsi des acteurs europĂ©en Ă  la rĂ©glementation amĂ©ricaine, Ă  leur politique monĂ©taire, et au risque de change entre dollar et euro.

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