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Comment interagir avec l'Ă©cosystĂšme Starknet avec Argent X ? Guide complet

February 18th 2024 at 10:00

Vous souhaitez utiliser l'écosystÚme du layer 2 Starknet, mais vous ne savez pas comment vous y prendre ? Dans ce guide, on vous explique comment créer un portefeuille Argent X, comment y déposer des fonds depuis un bridge et comment interagir avec les principales applications décentralisées de Starknet.

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L’Argentine va supprimer les taxes sur les actifs crypto !

February 1st 2024 at 00:30
Le gouvernement argentin de Javier Milei et la crypto dont Bitcoin

Le gouvernement argentin de Javier Milei, connu pour ses positions pro-Bitcoin, vient de prĂ©senter un projet de loi supprimant les possibilitĂ©s de dĂ©claration fiscale des cryptos jusqu’ici en vigueur.

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Cryptomonnaies et casinos en ligne : une fusion révolutionnaire

September 27th 2023 at 15:59

Temps de lecture : 4 minutes Les casinos en ligne ont toujours Ă©tĂ© Ă  la pointe de la technologie, cherchant constamment Ă  exploiter les derniĂšres innovations pour offrir une meilleure expĂ©rience Ă  leurs utilisateurs. Les cryptomonnaies, avec leur caractĂšre anonyme et sĂ©curisĂ©, semblent ĂȘtre une correspondance parfaite pour les plateformes de jeux en ligne. DĂ©couvrons comment ces monnaies virtuelles influencent le [
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Options de dépÎt avec les cryptomonnaies dans les casinos en ligne

August 31st 2023 at 16:05

Temps de lecture : 4 minutes Options de dĂ©pĂŽt avec les cryptomonnaies dans les casinos en ligne Les cryptomonnaies, ces monnaies numĂ©riques dĂ©centralisĂ©es, ont fait irruption sur la scĂšne financiĂšre mondiale ces derniĂšres annĂ©es. Avec leur popularitĂ© croissante, il n’est pas surprenant que de nombreux casinos en ligne aient commencĂ© Ă  les accepter comme moyen de dĂ©pĂŽt. Dans cet article, nous [
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Le Bitcoin dans les casinos en ligne

August 3rd 2023 at 06:45

Temps de lecture : 4 minutes Le Bitcoin, une monnaie numĂ©rique dĂ©centralisĂ©e, a rĂ©volutionnĂ© le monde de la finance et est maintenant en train de transformer le secteur des jeux en ligne. En offrant aux joueurs une maniĂšre alternative de dĂ©poser et de retirer des fonds, le Bitcoin est devenu un choix populaire dans de nombreux casinos en ligne. Cet article [
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Javier Milei, le président bitcoiner ?

January 12th 2023 at 07:00
javier milei

Le paysage politique argentin s’est dĂ©gagĂ© maintenant que Cristina Kirchner s’est retirĂ©e de la course Ă  la prĂ©sidentielle. Le candidat pro Bitcoin Javier Milei pourrait bien l’emporter.

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Bitcoin & gĂ©opolitique – Semaine 2

January 10th 2023 at 20:00
bitcoin

2023 s’annonce aussi mouvementĂ© que 2022. Les tensions gĂ©opolitiques vont se renforcer et offrir un terrain fertile pour le Bitcoin.

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Bitcoin : un livre blanc, des livres blancs

November 19th 2022 at 09:00

Le livre blanc (ou white paper en anglais) est le document fondateur de Bitcoin publiĂ© le 31 octobre 2008 par Satoshi Nakamoto. Il s'agit d'un court document de 9 pages, prĂ©sentĂ© comme un article scientifique, qui dĂ©crit le fonctionnement technique du systĂšme. Le titre en fait « un systĂšme d'argent liquide Ă©lectronique pair-Ă -pair », c'est-Ă -dire une monnaie numĂ©rique pouvant ĂȘtre Ă©changĂ©e sans nĂ©cessiter de tiers de confiance sur Internet.

La version généralement partagée du livre blanc est celle qui est disponible actuellement à l'adresse bitcoin.org/bitcoin.pdf, conformément au lien donné par Satoshi dans son premier courriel public sur la liste de diffusion de Metzdowd.com dédiée à la cryptographie. Celle-ci est citée partout sur la toile, dans les livres blancs des autres cryptomonnaies et jusque dans les articles universitaires. Sauf ce que ce n'est pas la bonne version.

Le 31 octobre dernier, à l'occasion du 14Úme anniversaire du livre blanc, je me suis en effet rendu compte que cette version n'était pas celle distribuée par Satoshi Nakamoto en 2008. En réalité, il existe au moins deux versions ayant été distribuées antérieurement : l'une précédant la publication publique, et donnée à Wei Dai ; l'autre, correspondant a priori à la version partagée sur la liste de diffusion.

Livres blancs de Bitcoin

 

Une premiĂšre version

La premiÚre version du papier a été donnée par Satoshi à l'ancien cypherpunk Wei Dai, créateur de b-money, un concept de monnaie numérique distribuée datant de 1998.

En aoĂ»t 2008, alors que son projet Ă©tait en voie d'ĂȘtre concrĂ©tisĂ©, Satoshi a contactĂ© Adam Back, le cryptographe britannique Ă  l'origine de Hashcash, la technologie utilisĂ©e pour calculer la preuve de travail. Adam Back l'a renvoyĂ© vers Wei Dai, que Satoshi a contactĂ© le 22 aoĂ»t en lui Ă©crivant qu'il se prĂ©parait « Ă  publier un document » qui Ă©tendrait ses idĂ©es « Ă  un systĂšme complĂštement fonctionnel » et qu'il aurait besoin de « l'annĂ©e de publication de [sa] page sur b-money » afin de citer le concept dans son papier.

Les courriels Ă©changĂ©s ont Ă©tĂ© partagĂ©s par Gwern Branwen en mars 2014, qui les avait reçus de Wei Dai lui-mĂȘme.

Le premier courriel de Satoshi à Wei Dai contenait un lien vers le livre blanc, ainsi que son titre et son résumé (abstract). Le titre du document était alors « Electronic Cash Without a Trusted Third Party » (« Un argent liquide électronique sans tiers de confiance ») et ne faisait pas mention du nom de Bitcoin. D'aprÚs le lien transmis, le nom du document était ecash.pdf et non pas bitcoin.pdf comme c'est le cas aujourd'hui. On suppose que Satoshi hésitait encore sur le nom de son invention, car il avait alors réservé (au moins) deux noms de domaine : netcoin.org le 17 août et bitcoin.org le 18 août.

Nous ne disposons néanmoins pas du document intégral, et n'en avons que le résumé, que je reproduis ici dans sa version originale (les passages en gras marquent les différences avec la version finale) :

« Abstract: A purely peer-to-peer version of electronic cash would allow online payments to be sent directly from one party to another without the burdens of going through a financial institution. Digital signatures offer part of the solution, but the main benefits are lost if a trusted party is still required to prevent double-spending. We propose a solution to the double-spending problem using a peer-to-peer network. The network timestamps transactions by hashing them into an ongoing chain of hash-based proof-of-work, forming a record that cannot be changed without redoing the proof-of-work. The longest chain not only serves as proof of the sequence of events witnessed, but proof that it came from the largest pool of CPU power. As long as honest nodes control the most CPU power on the network, they can generate the longest chain and outpace any attackers. The network itself requires minimal structure. Messages are broadcasted on a best effort basis, and nodes can leave and rejoin the network at will, accepting the longest proof-of-work chain as proof of what happened while they were gone. »

Ce qui peut ĂȘtre traduit par :

« RĂ©sumĂ© : Une version purement pair-Ă -pair d'argent liquide Ă©lectronique permettrait aux paiements en ligne d'ĂȘtre envoyĂ©s directement d'une partie Ă  l'autre sans avoir Ă  passer par une institution financiĂšre. Les signatures numĂ©riques offrent une partie de la solution, mais perdent leurs principaux avantages si une partie de confiance est nĂ©cessaire pour empĂȘcher la double dĂ©pense. Nous proposons une solution au problĂšme de la double dĂ©pense en utilisant un rĂ©seau pair-Ă -pair. Le rĂ©seau horodate les transactions en les hachant dans une chaĂźne continue de preuves de travail basĂ©es sur le hachage, formant un enregistrement qui ne peut ĂȘtre modifiĂ© sans reproduire la preuve de travail Ă©quivalente. La chaĂźne la plus longue sert non seulement de preuve du dĂ©roulement d'Ă©vĂ©nements constatĂ©s, mais aussi de preuve qu'elle provient du plus grand regroupement de puissance de calcul (CPU). Tant que les nƓuds honnĂȘtes contrĂŽlent la plus grande puissance de calcul du rĂ©seau, ils peuvent gĂ©nĂ©rer la chaĂźne la plus longue et devancer tous les attaquants. Le rĂ©seau lui-mĂȘme ne nĂ©cessite qu'une structure minimale. Les messages sont transmis au mieux, et les nƓuds peuvent quitter et rejoindre le rĂ©seau Ă  volontĂ©, en acceptant la plus longue chaĂźne de preuves de travail comme preuve de ce qui s'est passĂ© pendant leur absence. »

On note que certains mots et certaines tournures de phrase divergent mais que le sens global est préservé.

 

Une deuxiĂšme version

La deuxiÚme version du papier est la version partagée par Satoshi Nakamoto le 31 octobre 2008, comme le prouve le résumé reproduit dans son premier courriel public adressé à la liste de diffusion.

Cette version a Ă©tĂ© repartagĂ©e en janvier 2015 sur la liste de diffusion de Metzdowd.com, suite Ă  une requĂȘte d'un dĂ©nommĂ© James Evans qui Ă©crivait :

« Quelqu'un dispose-t-il de la version originale de 2008 du livre blanc qui a Ă©tĂ© publiĂ©e sur cette liste de diffusion le 31 octobre 2008 / le 1er novembre 2009 ? La version actuelle du livre blanc tĂ©lĂ©versĂ©e sur Sourceforge date du 24-03-2009. Il s'agit de la deuxiĂšme version du livre blanc. La premiĂšre version a Ă©tĂ© publiĂ©e le 31-10-2008. Elle a Ă©tĂ© tĂ©lĂ©versĂ©e sur www.bitcoin.org/bitcoin.pdf, oĂč se trouve Ă©galement la version actuelle. Est-ce que quelqu'un ici l'a tĂ©lĂ©chargĂ©e et enregistrĂ©e ? »

Un individu se faisant appeler StealthMonger a répondu le lendemain en disant :

« On dirait que je l'ai. Le texte ne contient pas de numéro de version ou de date, mais la date locale du fichier que j'ai est le 2 novembre 2008. »

Désirant rester anonyme, ce dernier a refusé de partager ce document directement, et l'a transmis à un certain David Johnson, qui l'a partagé publiquement sur son site web. L'empreinte donnée dans l'échange et sur le site (427c63b364c6db914cf23072a09ffd53ee078397b7c6ab2d604e12865a982faa) correspond au document hébergé par Gwern Branwen.

Aperçu du livre blanc de Bitcoin octobre 2008
Version du livre blanc de Bitcoin créée le 3 octobre 2008 et distribuée le 31

Ce document a été créé le 3 octobre 2008 à 13:49:58 UTC-7, si l'on en croit les métadonnées du PDF (que l'on peut retrouver avec la commande pdftk bitcoin-20081003.pdf dump_data sur Linux).

Il s'agit d'une version diffĂ©rente de la premiĂšre version puisque le titre est cette fois-ci « Bitcoin: A Peer-to-Peer Electronic Cash System » (« Bitcoin : un systĂšme d’argent liquide Ă©lectronique pair-Ă -pair ») et que son rĂ©sumĂ© ne contient plus le mot « offer » (offrent) mais « provide » (fournissent). Mise Ă  part cette modification, le rĂ©sumĂ© reste le mĂȘme.

Le reste du document (qui est alors disponible) se distingue de la version finale par les éléments suivants :

  • L'adresse de courrier Ă©lectronique prĂ©sente est satoshi@vistomail.com et non pas satoshin@gmx.com.
  • Le paragraphe sur l'ajustement de la difficultĂ© se situe dans la section sur l'incitation des mineurs (Incentive) au lieu de se trouver dans la section sur la preuve de travail (Proof-of-Work).
  • Le terme broadcasted, variante incorrecte de broadcast (que je traduis ici dans les deux cas par « transmis »), est prĂ©sent dans la section sur le fonctionnement du rĂ©seau (Network).
  • Dans la section sur la vĂ©rification de paiement simplifiĂ©e (Simplified Payment Verification), Satoshi fait mention de la vulnĂ©rabilitĂ© des nƓuds complets Ă  un « renversement » (reversal) et emploie le terme « reported transactions » plutĂŽt que « alerted transactions » pour dĂ©signer les transactions signalĂ©es comme des doubles dĂ©penses.
  • Le document ne mentionne pas les frais de transactions, ni la potentielle substitution de la crĂ©ation monĂ©taire, Ă©lĂ©ments qui se trouvent normalement dans la section sur l'incitation (Incentive). Le code donnĂ© par Satoshi Nakamoto le 16 novembre Ă  Hal Finney, Ray Dillinger et James A. Donald, contient cependant ces caractĂ©ristiques fondatrices de Bitcoin, mĂȘme si les paramĂštres de la politique monĂ©taire Ă©taient diffĂ©rents. En effet, dans le code de 2008, la rĂ©duction de moitiĂ© de la subvention intervenait thĂ©oriquement tous les 2 ans et 312 jours et la limite d'Ă©mission maximale Ă©tait de 2 millions de bitcoins (COIN), chacun Ă©tant divisible en un million d'unitĂ©s de base.

 

Une troisiĂšme et derniĂšre version

La version finale du livre blanc est apparue plus tard. Selon les métadonnées du PDF, elle a été créée le 24 mars 2009 à 11:33:15 UTC-6. On peut supposer que Satoshi l'a mise en ligne dans les jours qui ont suivi.

Aperçu du livre blanc de Bitcoin mars 2009
Version du livre blanc de Bitcoin créée le 24 mars 2009

L'empreinte du document par SHA-256 est b1674191a88ec5cdd733e4240a81803105dc412d6c6708d53ab94fc248f4f553. Une traduction est disponible ici.

Cette version a Ă©tĂ© lue et commentĂ©e par la grande majoritĂ© des personnes qui se sont intĂ©ressĂ©es Ă  l'origine de Bitcoin, de sorte qu'elle constitue aujourd'hui la version de rĂ©fĂ©rence, largement citĂ©e dans la communautĂ©. Elle contient notamment le passage relatif Ă  la politique monĂ©taire qui indique qu'« une fois qu’un nombre prĂ©dĂ©terminĂ© de piĂšces a Ă©tĂ© mis en circulation, l’incitation peut ĂȘtre entiĂšrement financĂ©e par les frais de transaction et ne plus requĂ©rir aucune inflation ». À l'Ă©poque, cet aspect Ă©tait dĂ©jĂ  mis en avant par Satoshi par sa description de l'Ă©mission des nouveaux bitcoins dans le courriel de lancement du 8 janvier 2009 et par ses interventions sur la liste de diffusion et sur le forum de la Fondation P2P, et on imagine qu'il voulait que cette possibilitĂ© de monnaie Ă  quantitĂ© fixe figure dans le livre blanc.

Toutefois, bien que ce document constitue la version finale du livre blanc, elle ne dĂ©crit pas toutes les caractĂ©ristiques de Bitcoin. Il manque d'abord l'aspect programmable des transactions (mis en Ɠuvre au travers des « scripts » dans les entrĂ©es et les sorties), une fonctionnalitĂ© dĂ©jĂ  prĂ©sente dans le code de novembre 2008, au sujet de laquelle Satoshi a dĂ©clarĂ© :

« La nature de Bitcoin est telle que, dĂšs la version 0.1 publiĂ©e, sa conception de base Ă©tait gravĂ©e dans le marbre pour le reste de son existence. C'est pourquoi je voulais le concevoir de maniĂšre Ă  ce qu'il prenne en charge tous les types de transactions auxquels je pouvais penser. Le problĂšme Ă©tait que chaque Ă©lĂ©ment nĂ©cessitait un code et des champs de donnĂ©es particuliers, que cet Ă©lĂ©ment soit utilisĂ© ou non, et ne couvrait qu'un seul cas particulier Ă  la fois. Ç'aurait Ă©tĂ© une explosion de cas particuliers. La solution Ă©tait script, qui gĂ©nĂ©ralisait le problĂšme de sorte que les parties transactantes pouvaient dĂ©crire leurs transactions comme des prĂ©dicats que le rĂ©seau de nƓuds Ă©valuait. Les nƓuds n'ont besoin de comprendre la transaction que dans la mesure oĂč ils Ă©valuent si les conditions de l'Ă©metteur sont remplies. »

Il manque aussi des Ă©lĂ©ments Ă©conomiques relatifs Ă  Bitcoin comme la rĂ©sistance Ă  la censure, la dĂ©termination du protocole ou le modĂšle de sĂ©curitĂ©. Bitcoin constitue donc un concept qui dĂ©passe sa description dans le livre blanc, mĂȘme si l'essentiel s'y trouve.

Contre le blanchiment d’argent, l’Union europĂ©enne (UE) trouve une parade

July 11th 2021 at 14:30

European flags

L’Union europĂ©enne (UE) souhaite crĂ©er une nouvelle agence qui sera chargĂ©e de rĂ©primer les personnes qui se livrent au blanchiment d’argent sur le plan rĂ©gional. Pour rĂ©ussir cette mission, l’institution qui sera crĂ©Ă©e fera du renforcement des obligations de dĂ©claration des transactions en cryptomonnaie l’une de ses prioritĂ©s. Des documents de l’UE fuitent La Commission [
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Avant Bitcoin : l’amorçage des premiers systĂšmes d’argent liquide numĂ©rique

April 22nd 2021 at 16:44

Le concept de Bitcoin a fait son apparition dans le monde le 31 octobre 2008. Dans un court document technique de 9 pages, le livre blanc, le mystérieux Satoshi Nakamoto décrivait les principes de base de ce qui deviendrait par la suite un phénomÚne économique d'envergure mondiale. Le titre de ce livre blanc ? « Bitcoin : un systÚme d'argent liquide électronique pair-à-pair ». Ce projet s'inscrivait donc dans une lignée bien définie : celle des tentatives de créer une monnaie numérique fonctionnant de maniÚre indépendante sur internet.

L'idĂ©e de monnaie numĂ©rique n'est pas une idĂ©e particuliĂšrement nouvelle. Celle-ci remonte en effet au dĂ©veloppement des moyens de communication modernes et est Ă©voquĂ©e dans de nombreuses Ɠuvres de science-fiction, notamment sous la forme de « crĂ©dits ». Avec l'Ă©mergence d'internet dans les annĂ©es 1980, cette idĂ©e devenait rĂ©alisable. De mĂȘme qu'il existait un courrier Ă©lectronique (e-mail), il pouvait y avoir une monnaie Ă©lectronique (e-money). NĂ©anmoins, une interrogation subsistait : la question de savoir s'il Ă©tait possible de transposer les propriĂ©tĂ©s de l'argent liquide au cyberespace. Pouvait-on construire une monnaie entiĂšrement numĂ©rique qui pouvait se transmettre facilement, de personne Ă  personne et de maniĂšre anonyme ? Ou devait-on se rĂ©signer Ă  simplement Ă©tendre le fonctionnement du systĂšme bancaire Ă  internet ?

Le concept d'argent liquide numérique a été formalisé pour la premiÚre fois en 1982 par le cryptographe américain David Chaum dans son papier académique intitulé « Blind signatures for untraceable payments ». Dans ce papier il décrivait un procédé de signatures aveugles qui permettait théoriquement d'envoyer des paiements de maniÚre anonyme. David Chaum a par la suite étoffé cette idée et a travaillé à l'implémenter par le biais de sa société DigiCash, créée en 1989 pour l'occasion.

L'idée a ensuite été reprise par le mouvement cypherpunk, formé en 1992, dont le but était d'établir une forme d'anarchie dans le cyberespace grùce à la cryptographie et à la technologie. Pour réaliser leur objectif, un argent liquide numérique constituait un élément central, car c'était lui qui pouvait permettre le développement de marchés indépendants en ligne. Eric Hughes, l'un des fondateurs du mouvement, écrivait par exemple dans son Manifeste d'un cypherpunk en mars 1993 :

Nous, les cypherpunks, nous consacrons à construire des systÚmes anonymes. Nous défendons notre confidentialité avec la cryptographie, avec les systÚmes anonymes de transfert de courriels, avec les signatures numériques, et avec la monnaie électronique.

Cependant, pour qu'une telle monnaie soit vraiment indĂ©pendante, il fallait qu'elle possĂšde une valeur sans ĂȘtre adossĂ©e Ă  un autre bien. En effet, adosser sa monnaie Ă  des rĂ©serves prĂ©sentes Ă  un endroit donnĂ© revenait Ă  jouer le rĂŽle d'une banque, ce qui Ă©tait trĂšs peu compatible avec l'idĂ©al des cypherpunks. C'est dans ce contexte qu'ont eu lieu les premiĂšres tentatives d'amorçage de systĂšmes d'argent liquide numĂ©rique.

 

Le Hawthorne Exchange : un systÚme de réputation basé sur le Thorne

La premiÚre expérience que l'on peut citer n'est pas un systÚme de monnaie numérique à proprement parler puisque son rÎle initial n'était pas l'échange commercial. Il s'agit du Hawthorne Exchange, un systÚme de jetons de réputation utilisé pour la liste de diffusion extropienne.

Les extropiens Ă©taient des futuristes transhumanistes optimistes qui envisageaient l'Ă©volution technologique comme un moyen de libĂ©ration de l'individu. Ils avaient avait donc des centres intĂ©rĂȘts en commun avec les cypherpunks (le mouvement extropien avait Ă©tĂ© fondĂ© 4 ans aurapavant), et beaucoup de personnes faisaient partie des deux mouvements comme Timothy C. May, Nick Szabo ou encore Hal Finney. La liste de diffusion extropienne Ă©tait une liste de distribution de courrier Ă©lectronique privĂ©e, par laquelle les extropiens communiquaient sur internet et pouvaient discuter de nombreux sujets.

Logo extropianisme extropie

Le Hawthorne Exchange (couramment abrĂ©gĂ© en HEx) a Ă©tĂ© lancĂ© le 24 mars 1993 par un individu du nom de Brian Holt Hawthorne comme un marchĂ© de rĂ©putation pour les membres de la liste de diffusion. Le systĂšme se basait sur un serveur qui gĂ©rait les courriels de maniĂšre automatique. Chaque membre de la liste de diffusion pouvait s'incrire pour acquĂ©rir des parts liĂ©es Ă  son identitĂ©, ainsi que des parts de la plateforme possĂ©dant le sigle boursier HEX. Chaque part pouvait ensuite ĂȘtre Ă©changĂ©e sur le marchĂ© selon l'offre et la demande, ce qui permettait thĂ©oriquement d'Ă©valuer la rĂ©putation des membres de la liste. Le principe de base Ă©tait que si un membre considĂ©rait que quelqu'un avait contribuĂ© positivement Ă  la liste de diffusion, il achetait des parts de cette personne, et que dans le cas inverse il revendait ces parts.

L'unité native pour effectuer ces échanges était le Thorne, et avait pour symbole ð ou p. La quantité monétaire émise au tout début était d'un million de Thornes et était détenue par le serveur. La distribution initiale se faisait lors de l'inscription : au moment de leur entrée dans le systÚme, les participants recevait, en plus de leurs parts représentant leur réputation, 100 HEX chacun (les parts du systÚme d'échange) qu'ils pouvaient vendre au serveur pour un prix de 100 Thornes piÚce, et donc obtenir au moins 10 000 Thornes chacun.

Le systĂšme Ă©tait trĂšs expĂ©rimental et beaucoup de membres de la liste de diffusion Ă©taient sceptiques (Ă  raison) sur sa pĂ©rennitĂ©. NĂ©anmoins, certains se sont tout de mĂȘme inscrits comme Hal Finney (il Ă©tait l'un des premiers Ă  s'inscrire et possĂ©dait la part HFINN), Perry E. Metzger (P) ou Nick Szabo (N) qui disait essayer pour « le plaisir du jeu » malgrĂ© ses rĂ©ticences.

AprÚs une période de développement plus longue que prévue, les échanges ont pu débuter le 28 juin 1993. Les opérations étaient rares mais elles avaient lieu. Voici à quoi ressemblaient le cours des différentes parts dans le rapport du 22 juillet :

Cours parts Hawthorne Exchange 1993

Plusieurs problĂšmes ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©s dĂšs le dĂ©but. Le premier Ă©tait le manque de liquiditĂ© du marchĂ©. Un groupe restreint de personnes possĂ©dait la majeure partie des Thornes et ne les faisaient pas bouger, ce qui n'aidait pas les autres Ă  s'en procurer. Des propositions ont Ă©tĂ© faites pour amĂ©liorer les choses. Ainsi, le 6 juillet, un membre de la liste nommĂ© Derek Zahn proposait d'augmenter drastiquement la quantitĂ© de Thrones en circulation. Suite Ă  cette proposition, Perry Metzger rĂ©torquait que les gens oubliaient que « la taille de la masse monĂ©taire [n'avait] pas d'importance » et que « les valeurs [pouvaient] augmenter indĂ©finiment mĂȘme avec une masse monĂ©taire fixe ». NĂ©anmoins, il fallait pour cela que l'unitĂ© soit rendu divisible, chose qu'a faite Brian Hawthorne le 16 juillet en ajoutant deux chiffres aprĂšs la virgule dans la reprĂ©sentation des Thornes.

Le deuxiÚme problÚme était la valorisation du Thorne et des jetons de réputation. Certaines personnes montraient en effet un certain scepticisme à propos de la mise en route du systÚme, à l'instar de Hal Finney qui déclarait le 27 juillet :

De nombreuses personnes ont observĂ© que les parts Hex ont peu ou pas de valeur intrinsĂšque. Cela remet en question toute la prĂ©misse de la place de marchĂ©, Ă  savoir que les valeurs des parts sont censĂ©es reprĂ©senter d'une maniĂšre ou d'une autre la rĂ©putation des gens. Mais il n'y a aucune raison pour que la valeur des parts corresponde de quelque maniĂšre que ce soit Ă  la rĂ©putation des gens, si ce n'est le fait qu'on se dit qu'il devrait en ĂȘtre ainsi. Il s'agit d'une tentative de crĂ©er une prophĂ©tie auto-rĂ©alisatrice, oĂč si tout le monde croit X, alors tout le monde agit comme si X Ă©tait vrai, et cela rend X vrai. [...] Il est important de comprendre que les Thornes ne sont pas comme les dollars. À moins que les parts HeX ne puissent recevoir une base autre que le caprice de leurs propriĂ©taires, le marchĂ© s'effondrera sĂ»rement, car il n'y a rien pour le soutenir.

Plusieurs personnes ont réagi à cette conception. Ainsi, Dave Krieger a répondu à Hal Finney que les dollars fonctionnaient déjà comme cela. Perry Metzger, lui, a été plus loin en invoquant la conception subjective de la valeur :

L'une des grandes avancĂ©es de la thĂ©orie Ă©conomique autrichienne est la notion que toute valeur est complĂštement subjective - c'est tout simplement ce que les gens sont prĂȘts Ă  payer pour la chose valorisĂ©e. [...] Toute monnaie est psychologique.

HEx n'a jamais rĂ©ellement fonctionnĂ© en tant que systĂšme de rĂ©putation car il n'y avait pas de sens Ă  Ă©valuer la rĂ©putation comme cela, et l'activitĂ© Ă©tait de toute maniĂšre trop timide. NĂ©anmoins, le Thorne lui a commencĂ© Ă  ĂȘtre utilisĂ© comme monnaie d'Ă©change. Par consĂ©quent, bien que Brian Hawthorne lui-mĂȘme avait dĂ©clarĂ© que HEx n'Ă©tait pas « un systĂšme d'argent liquide numĂ©rique » et n'avait « aucune prĂ©tention Ă  l'ĂȘtre », les personnes prĂ©sentes sur la liste se sont mises naturellement Ă  effectuer des Ă©changes contre du Thorne.

Le premier achat d'un service a eu lieu le 31 août 1993 lorsque Dave Krieger a proposé à John McPherson de lui donner 1000 Thornes s'il recopiait et publiait une présentation de Vernor Vinge réalisée par The San Diego Union-Tribune. John McPherson a accepté dans la soirée, heure de Californie, concluant ainsi l'échange.

Nick Szabo vendait quelques services contre du Thorne, et avait été jusqu'à mettre au point son propre catalogue de textes en tous genres, appelé « Nick's Catalog ».

Catalogue de Nick Szabo Thorne Hawthorne Exchange 1993

Quelques paris étaient réalisés sur la liste de diffusion. De son cÎté, Tim May mettait à disposition des dossiers d'informations contre des Thornes, dans le cadre de son projet de BlackNet.

Au cours du temps, le Thorne a aussi acquis un prix en dollars. Brian Hawthorne vendait du Thorne à un prix de 0,01 $ piÚce. Cependant, la demande pour le Thorne était moins forte que cela et la plupart des gens acceptaient d'acheter du Thorne un prix de 0,001 $. Tim May en particulier cherchait à se procurer plus de Thornes : il a par exemple acheté 10 000 Thornes à Edgar W. Swank pour 10 $ en liquide. Le but de Tim May était d'« accumuler plus de Thornes » dans l'espoir que le systÚme persiste et que Brian Hawthorne n'ait pas « l'intention de dévaloriser le Thorne en imprimant plus », chose que ce dernier confirmera :

Je vais répéter ce que j'ai déclaré publiquement auparavant. Il y a exactement un million de Thornes en circulation. Je n'en imprimerai pas plus.

Cet amorçage du Thorne a étonné certains membres de la liste, et ce d'autant plus que cette utilisation n'était pas la vocation initiale du systÚme. Ainsi, David Murray expliquait le 28 septembre :

Quand HEX a débuté, je ne pensais pas que le thorn[e] pouvait spontanément acquérir de la valeur. Je n'en suis plus si sûr maintenant. Les thorn[e]s offrent un avantage distinct par rapport aux dollars ici sur la toile : ils sont électroniques et échangeables électroniquement. Cette marge d'efficacité peut suffire à leur permettre d'acquérir de la valeur, avec un peu d'aide (spontanée).

Cela a Ă©galement inquiĂ©tĂ© Brian Hawthorne, qui voyait son systĂšme ĂȘtre utilisĂ© comme monnaie, et qui ne voulait pas subir les poursuites Ă©tatiques que subissait Ă  l'Ă©poque le crĂ©ateur de PGP, Philip Zimmermann :

Avertissement officiel, de sorte Ă  ce que je ne me retrouve pas dans la mĂȘme situation que Phil Zimmermann : Le Hawthorne Exchange est un marchĂ© de rĂ©putation, pas un marchĂ© d'actions, de matiĂšres premiĂšres, de devises ou d'obligations. Le Thorne est un jeton avec lequel Ă©changer des rĂ©putations. Le Hawthorne Exchange dĂ©cline toute responsabilitĂ© quant Ă  l'utilisation de Thornes comme monnaie rĂ©elle par ses clients.

Toutefois, cette expérience est lentement tombée dans l'oubli et l'activité a commencé à décliner vers la fin de l'année 1993. Le 21 janvier 1994, Brian Hawthorne a mis le Hawthorne Exchange en vente, n'ayant plus le temps de s'en occuper. Il avait en effet lancé la chose de maniÚre plus ou moins ironique et ne s'attendait pas à ce que les gens la prennent autant au sérieux. La plateforme a été rachetée par Bill Garland, qui a déclaré par la suite que « HEx [avait été mis] en sommeil et qu'il le resterait encore un peu » (HEx is now dormant and will be for a little while yet). Le Hawthorne Exchange n'a jamais réapparu et par conséquent le Thorne a fini par perdre sa valeur.

 

Magic Money et les Tacky Tokens

À l'instar de la liste extropienne, la mailing list cypherpunk a Ă©galement connu son expĂ©rience d'argent liquide numĂ©rique. Il s'agissait du protocole Magic Money qui permettait Ă  chacun de crĂ©er sa propre devise numĂ©rique. Celui-ci a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© sur la liste de diffusion cypherpunk le 4 fĂ©vrier 1994, par un anonyme qui utilisait PGP pour s'identifier. Le crĂ©ateur de Magic Money, Pr0duct Cypher, dĂ©crivait son systĂšme comme suit :

Magic Money est un systĂšme d'argent liquide numĂ©rique conçu pour ĂȘtre utilisĂ© par courrier Ă©lectronique. Le systĂšme est en ligne et intraçable. « En ligne » signifie que chaque transaction implique un Ă©change avec un serveur, pour Ă©viter les doubles dĂ©penses. « Intraçable » signifie qu'il est impossible pour quiconque de retracer les transactions, de faire correspondre un retrait avec un dĂ©pĂŽt, ou de faire correspondre deux piĂšces de quelque maniĂšre que ce soit.

Tout comme le Hawthorne Exchange, Magic Money nĂ©cessitait par un serveur qui analysait des courriels pour faire fonctionner la chose. Magic Money Ă©tait un protocole et par consĂ©quent nĂ©cessitait que la personne qui dĂ©sirait crĂ©er une nouvelle devise numĂ©rique fasse fonctionner son propre serveur. Pour ĂȘtre intraçable, le systĂšme se fondait sur les signatures aveugles de David Chaum, une technologie brevetĂ©e, ce qui faisait que Magic Money Ă©tait avant tout un prototype expĂ©rimental.

À la fin de sa prĂ©sentation initiale, Pr0duct Cypher ajoutait la remarque suivante Ă  propos de la valorisation des jetons crĂ©Ă©s avec son systĂšme :

Maintenant, si vous ĂȘtes toujours rĂ©veillĂ©, vient la partie amusante : comment introduire une valeur rĂ©elle dans votre systĂšme digicash ? Comment, d'ailleurs, faites-vous mĂȘme en sorte que les gens jouent avec ?

Qu'est-ce qui rend l'or précieux ? Il a quelques propriétés utiles : c'est un bon conducteur, il résiste à la corrosion et aux produits chimiques, etc. Mais celles-ci ne sont devenus importantes que récemment. Pourquoi l'or a-t-il été précieux pendant des milliers d'années ? C'est joli, c'est brillant et surtout, c'est rare.

Digicash est joli et brillant. Les gens en parlent depuis des années, mais peu l'ont utilisé. Vous pouvez rendre votre cash plus intéressant en donnant à votre serveur un nom provocateur. Le faire passer par un service de repostage pourrait lui donner une touche « underground » qui attirerait les gens.

Votre digicash devrait ĂȘtre rare. Ne le donnez pas en grande quantitĂ©. Demandez Ă  certaines personnes de jouer avec votre serveur, en vous faisant passer des piĂšces. Organisez un concours - la premiĂšre personne qui casse ce code, rĂ©pond Ă  cette question, etc. gagne de l'argent numĂ©rique. Une fois que les gens commenceront Ă  s'y intĂ©resser, votre monnaie numĂ©rique sera demandĂ©e. Assurez-vous que la demande dĂ©passe toujours l'offre.

 

Magic internet Money Bitcoin brouillon
Bitcoin n'est-il pas le digne héritier de Magic Money ?

 

Suite à cette présentation, les réactions ont été enthousiastes. Hal Finney a répondu dans la foulée : « Wow ! Génial ! ». Francis Barrett, lui, affirmait que c'était « la chose la plus géniale [qu'il avait] lue depuis longtemps ».

Le premier serveur a été mis en place par Mike Duvos le 25 février 1994. Ses piÚces étaient appelés les « Tacky Tokens », ou « jetons poisseux », et elles étaient émises en dénominations de 1, 2, 5, 10, 20, 50, et 100 unités. En guise d'incitation à essayer le systÚme, il distribuait 100 Tacky Tokens aux 10 premiÚres personnes qui envoyaient un courriel au serveur.

Quelques tentatives d'utiliser les Tacky Tokens comme monnaie d'échange sont apparues comme la proposition de vente d'un GIF de qualité contre 5 Tacky Tokens, mais cependant cela n'a pas pris comme les cypherpunks l'imaginaient. Cet échec a fait réfléchir certains d'entre eux sur le problÚme de l'amorçage.

Dans son essai Why Digital Cash is Not Being Used, Tim May relevait diffĂ©rentes raisons pour lesquelles Magic Money / Tacky Tokens ne gagnait pas en traction, dont les trois principales Ă©taient qu'il n'y avait quasiment rien Ă  acheter, que l'utilisation Ă©tait difficile techniquement et que le systĂšme n'offrait aucun intĂ©rĂȘt particulier. May recommandait donc une liste de marchĂ©s qui pourraient ĂȘtre avantageux pour les systĂšme d'argent liquide numĂ©rique comme les cartes de tĂ©lĂ©phone, les routes Ă  pĂ©age, les marchĂ©s illĂ©gaux, les marchĂ©s de paris et les services numĂ©riques de repostage.

Pr0duct Cypher, dans un texte intitulé Giving Value to Digital Cash, écrivait :

Quelqu'un m'a rĂ©cemment rappelĂ© mes mots de l'intro de Magic Money, dans laquelle j'ai prĂ©dit que l'argent liquide numĂ©rique pouvait prendre de la valeur par lui-mĂȘme. Je savais quand j'ai Ă©crit le programme que donner la valeur au systĂšme serait la partie la plus difficile. [...] La plupart des grandes Ă©conomies utilisent aujourd'hui une monnaie fiduciaire, il est donc clair que la monnaie fiduciaire fonctionnera. Mais vous ne pouvez pas crĂ©er une nouvelle Ă©conomie avec de la monnaie fiduciaire. La monnaie doit commencer par avoir une valeur et une convertibilitĂ© dans le monde rĂ©el. AprĂšs avoir Ă©tĂ© en circulation pendant un certain temps, elle peut ĂȘtre « dĂ©couplĂ©e » des Ă©talons extĂ©rieurs.

Il y a trois problĂšmes qui interviennent.

1> Faire en sorte que les gens s'y mettent, de l'ignorance totale à la présence d'un client Magic Money opérationnel sur leurs systÚmes.

2> Distribuer vos piÚces numériques.

3> Échanger vos piĂšces numĂ©riques contre quelque chose ayant de la valeur.

On note qu'il revenait alors sur sa position initiale, pour rejoindre la conclusion du théorÚme de régression de Mises : la valeur de la monnaie devait remonter à une valeur d'usage non monétaire, si besoin par le biais d'adossements successifs.

À la suite de ces discussions, d'autres implĂ©mentations de Magic Money ont vu le jour : les GhostMarks ou « marks fantĂŽmes » ; les DigiFrancs ou « francs numĂ©riques », prĂ©tendument adossĂ©s Ă  10 caisses de Cola-Cola Light conservĂ©s dans un coffre ; ou encore les NexusBucks ou « dollars de liaison », crĂ©Ă©s par un dĂ©nommĂ© Sameer qui souhaitait rĂ©munĂ©rer du travail de dĂ©veloppement informatique grĂące Ă  ces jetons.

Cependant, toutes ces unitĂ©s numĂ©riques Ă  l'utilitĂ© trĂšs limitĂ©e ont disparu progressivement. À la mi-aoĂ»t 1994, Mike Duvos, l'opĂ©rateur du serveur gĂ©rant les Tacky Tokens, dĂ©clarait :

Je n'ai pas vu de Tacky Token depuis des mois, bien qu'il y avait pas mal d'activité lorsque j'ai rendu mon serveur disponible au début.

La cause de cette désertion était l'apparition d'un autre systÚme d'argent liquide numérique : eCash et ses cyberbucks.

 

eCash : l'expérience des cyberbucks

Comme on l'a dit en introduction, David Chaum est l'un des fondateurs de l'argent liquide numérique. C'est donc tout naturellement qu'il a essayé de mettre en application son idée, par l'intermédiaire de eCash. AprÚs avoir fondé sa société (DigiCash) en 1989, et avoir travaillé sur le sujet pendant plusieurs années, il a fini par mettre au point un prototype et à le présenter au monde le 27 mai 1994 lors de la premiÚre conférence internationale sur le World Wide Web au CERN à GenÚve.

eCash a par la suite mis en route, sous la forme d'un essai réalisé avec la participation de volontaires. Cet essai a été annoncé en juillet et a débuté le 19 octobre. Les unités émises pour l'occasion étaient appelés les cyberbucks, ou « dollars d'internet », et avaient pour symbole cb$, c$ ou e$ selon les individus. Puisqu'il s'agissait d'un test, les cyberbucks ne bénéficiaient d'aucun adossement au dollar et possédait donc un prix flottant.

L'avantage que possédait eCash est que le systÚme était développé par une entreprise reconnue, qui savait communiquer et qui savait comment démarrer un nouveau projet. La distribution initiale a ainsi été mise à profit pour encourager l'utilisation du systÚme : 100 cyberbucks étaient en effet distribués à chaque nouvel utilisateur. Cela fait que l'expérience des cyberbucks s'est retrouvé avec des centaines d'utilisateurs et des dizaines de commerçants dÚs ses débuts.

Commerçants essai eCash cyberbucks

En janvier 1995, l'essai jusqu'alors rĂ©servĂ© aux États-Unis s'Ă©tendait au monde entier.

Le premier échange en cyberbucks aurait eu lieu dÚs octobre : ils s'agissait de l'achat d'une carte postale par Marcel van der Peijl, un employé de DigiCash, auprÚs de la société Global-X-Change.

eCash connaissait Ă©galement un certain succĂšs dans la communautĂ© cypherpunk, et Ă©tait souvent Ă©voquĂ© sur la liste de diffusion. Certains cypherpunks ont mĂȘme fini par travailler pour DigiCash, comme Nick Szabo.

Le cyberbuck a lui aussi acquis un prix. Il existait une liste de diffusion spĂ©cialisĂ©e qui servait Ă  rĂ©aliser des Ă©changes : appelĂ©e ECM (pour Electronic Cash Market), celle-ci avait Ă©tĂ© dĂ©marrĂ©e le 24 juin 1995 par Rich Lethin. Il y avait Ă©galement d'autres endroits oĂč Ă©changer des dollars contre des cyberbucks et inversement, comme l'Eshop de FireCloud Solutions (voir l'image ci-dessous). En 1995, le prix du cyberbuck Ă©tait de quelques centimes de dollar.

Place de marché eCash EShop FireCloud Solutions 1995

Bien que rare, l'utilisation des cyberbucks Ă©tait bien rĂ©elle. Hal Finney offrait un prix en cyberbucks pour son concours de programmation (problĂšme rĂ©solu par Damien Doligez). Adam Back proposait Ă  la vente des t-shirts sur lesquels Ă©tait imprimĂ© du code d'un algorithme de chiffrement (algorithmes alors considĂ©rĂ©s comme des munitions par l'État fĂ©dĂ©ral des États-Unis), dont un exemplaire a Ă©tĂ© achetĂ© par Mark Grant le 17 aoĂ»t 1995. Bryce Wilcox (devenu aujourd'hui Zooko Wilcox-O'Hearn) proposait de vendre son logiciel facilitant l'utilisation de PGP pour 10 cyberbucks.

Jim Crawley résumait l'état des lieux le 11 juillet 1995, dans une courte chronique pour la revue en ligne The Computists' Weekly :

Pouvez-vous crĂ©er de la valeur rĂ©elle sur la toile simplement en Ă©mettant une monnaie Ă©trange ? Apparemment oui. Digicash a distribuĂ© 1 M d'ecash, 100 e$ par utilisateur. Quelques marchands ont acceptĂ© les cyberbucks pour des partagiciels ou des produits d'information, et Adam Back en Grande-Bretagne vous vendra un T-shirt cryptographique "export-interdit" pour 250 e$ (ou 8 ÂŁ, qui met en place un taux de change diffĂ©rent). Le premier Ă©change connu vers la devise amĂ©ricaine a eu lieu lorsque Lucky Green a acceptĂ© le mois dernier de vendre ses 100 e$ pour 5 $. Cela Ă©tablit un prix de vente de 50 000 $ pour l'Ă©mission de Digicash, bien qu'il soit possible que l'Ă©dition limitĂ©e ait une valeur beaucoup plus Ă©levĂ©e en tant qu'article de collection. Selon l'analyste du commerce en ligne, Robert Hettinga, « le prix dont nous parlons ici est la valeur marginale du concept d'e$ lui-mĂȘme : anonymat, fluiditĂ© de transfert, commoditĂ©, ce que vous voulez. »

Cependant, tout n'était pas parfait pour les utilisateurs de cyberbucks et certains se posaient des question sur la pérennité du systÚme, à l'instar de Nathan Loofbourrow qui évoquait dans un courriel du 23 août la dépendance du systÚme vis-à-vis de DigiCash :

Je n'ai pas encore vu de date, mais Digicash déclare à plusieurs reprises dans ses communiqués de presse que les Cyberbucks ne sont qu'une monnaie d'essai et qu'à un moment donné dans le futur, l'essai prendra fin. Est-ce que cela signera le fin du marché pour les c$ à ce moment-là ? Sans Digicash pour authentifier la monnaie, il semblerait impossible d'échanger les piÚces de c$. [...] Afin de préserver la valeur de la nouvelle monnaie électronique, [...] nous avons besoin de l'assurance que la masse monétaire ne connaßtra pas une croissance déraisonnable. L'essai de ecash bénéficie de la promesse de Digicash d'un plafond de 1 million de c$ ; cette confiance a-t-elle un poids suffisant pour que le Cyberbuck ou son successeur garde une quelconque valeur pour l'utilisateur ?

Malheureusement, sa prĂ©diction est rapidement devenue rĂ©alitĂ©. En octobre 1995, la Mark Twain Bank lançait sa propre version de eCash en partenariat avec DigiCash, et, contrairement Ă  l'essai prĂ©cĂ©dant, l'unitĂ© Ă©changĂ©e Ă©tait adossĂ©e au dollar Ă©tasunien. Bien que l'expĂ©rience des cyberbucks ne se soit pas arrĂȘtĂ©e lĂ , leur valeur s'est effondrĂ©e Ă  cause de cette nouvelle. Le sort des cyberbucks a finalement Ă©tĂ© scellĂ© lorsque Digicash a fait faillite en septembre 1998.

 

Conclusion

Ainsi, que ce soit avec le Hawthorne Exchange, Magic Money ou eCash, on a pu voir des unitĂ©s numĂ©riques ĂȘtre valorisĂ©es sans ĂȘtre adossĂ©e Ă  une monnaie existante. Pourquoi ? Parce que leur fonction -- transfĂ©rer de la valeur sur internet -- Ă©tait trĂšs demandĂ©e, notamment par les cypherpunks dans le but de rĂ©aliser leur idĂ©al. NĂ©anmoins, toutes ces expĂ©riences reposaient sur un tiers de confiance, et se sont dĂ©finitivement arrĂȘtĂ©es lorsque le tiers en question a cessĂ© ses activitĂ©s. Le Thorne, le Tacky Token et le cyberbuck n'Ă©taient ni durables ni rares, et ne pouvaient donc pas devenir des monnaies plus largement acceptĂ©es.

Satoshi Nakamoto le reconnaissait lui-mĂȘme. Dans un courriel adressĂ© Ă  la liste de diffusion p2p-research, il rĂ©agissait Ă  la comparaison entre Bitcoin et eCash en disant :

Bien sûr, la plus grande différence est l'absence de serveur central. C'était le talon d'Achille des systÚmes chaumiens ; lorsque l'entreprise centrale fermait ses portes, la monnaie disparaissait.

À la suite des expĂ©riences des annĂ©es 1990, l'idĂ©e de crĂ©er un argent liquide numĂ©rique sans valeur intrinsĂšque s'est faite plus rare, pour laisser la place Ă  des systĂšmes oĂč les unitĂ©s Ă©taient indexĂ©es sur l'or (e-gold) ou le dollar (Liberty Reserve). Quelques cypherpunks ont bien tentĂ© d'imaginer des systĂšmes dĂ©centralisĂ©s, comme b-money, bit gold ou RPOW, mais ceux-ci ont Ă©tĂ© immĂ©diatement jugĂ©s trop peu robustes. Ce n'est qu'avec l'apparition de Bitcoin en 2008 que la malĂ©diction a Ă©tĂ© levĂ©e et qu'un vrai argent liquide numĂ©rique a pu voir le jour.

 


Sources

John Paul Koning, The bootstrapping of Thorne, Magic Money, and Cyberbucks: three pre-Bitcoin monetary experiments, 6 novembre 2017.
Extropians (mailing list), 1993 - 1994.
Cyperpunks (mailing list), 1992 - 1998.

Les enseignements des monnaies numériques de Facebook et Telegram

June 19th 2020 at 09:25

Un an aprĂšs le dĂ©voilement de Libra par Facebook, quels enseignements peut-on tirer ? DĂ©couvrez ci-dessous l’analyse de ClĂ©ment Jeanneau et Alexandre Stachtchenko publiĂ©e aujourd’hui dans L’Express :

« C’était il y a un an : Facebook annonçait en grande pompe le lancement Ă  venir de Libra, son projet de monnaie numĂ©rique fondĂ©e sur un panier de devises traditionnelles. L’ambition Ă©tait immense : imposer Libra comme la monnaie de rĂ©fĂ©rence dans l’espace numĂ©rique – autrement dit dans ce qui constitue l’économie de demain et de plus en plus d’aujourd’hui.

Douze mois plus tard, la tonalitĂ© est toute autre. Mark Zuckerberg, parfois prĂ©sentĂ© comme le dirigeant d’un proto-Etat en puissance, a dĂ» revoir sa copie : avant de viser la rĂ©volution monĂ©taire, il s’attellera d’abord plus modestement Ă  faire naĂźtre diffĂ©rentes monnaies numĂ©riques fondĂ©es sur leurs Ă©quivalents physiques : e-euro, e-dollar, etc.

Plusieurs leçons peuvent dĂ©jĂ  ĂȘtre tirĂ©es.

La premiĂšre tient Ă  l’écart spectaculaire entre l’annonce tonitruante du dĂ©part et la confrontation Ă  la rĂ©alitĂ©. Beaucoup voyaient dans Libra le parachĂšvement de la domination des GAFA sur les Etats. Ici, les Etats, les vrais, ont gagnĂ© la bataille – et probablement avant tout les Etats-Unis.

La mĂȘme remarque vaut pour Telegram. En 2017, l’application de messagerie aux 400 millions d’utilisateurs avait fait, elle aussi, une entrĂ©e fracassante dans l’univers des cryptomonnaies, qu’elle voulait rĂ©volutionner de fond en comble. Telegram projetait de crĂ©er un systĂšme de paiement alternatif Ă  Visa et Mastercard et une multitude d’applications dĂ©centralisĂ©es vouĂ©es Ă  devenir leaders dans leur domaine.

Trois ans et une levĂ©e de fonds de 1,7 milliards de dollars (!) plus tard, l’ampleur de la chute est Ă  la hauteur de l’ambition du projet : celui-ci ne verra en rĂ©alitĂ© jamais le jour, en raison d’un imbroglio juridique qui aura traĂźnĂ© en longueur jusqu’au couperet final. C’est le plus grand Ă©chec de l’histoire – jeune mais dĂ©jĂ  mouvementĂ©e – des cryptomonnaies.

Les exemples de Facebook et de Telegram sont emblĂ©matiques. LĂ  oĂč les deux gĂ©ants avaient fait de la technologie le moteur de leur initiative, la rĂ©alitĂ© est venue rappeler qu’en matiĂšre monĂ©taire, le dĂ©fi est avant tout rĂ©glementaire et politique. En venant s’attaquer Ă  la souverainetĂ© des Etats, Facebook a franchi une ligne rouge. PlutĂŽt que le passage en force, Mark Zuckerberg a prĂ©fĂ©rĂ© reculer.

Pour un groupe valorisĂ© 236 milliards de dollars, qui n’est plus depuis longtemps une startup prĂȘte Ă  prendre tous les risques, ce choix Ă©tait logique. Mais en creux, cet Ă©chec et celui de Telegram viennent valoriser ce qui constitue encore aujourd’hui la seule monnaie numĂ©rique mondiale de rĂ©fĂ©rence : le bitcoin, lancĂ© en 2009 par un anonyme sans demande d’autorisation prĂ©alable.

MalgrĂ© ses limites, suffisamment dĂ©crites par ailleurs, cet ovni monĂ©taire poursuit ses avancĂ©es depuis plus d’une dĂ©cennie sans discontinuer, comme un pied de nez aux multiples Ă©conomistes qui n’ont cessĂ© d’annoncer sa mort imminente et qui n’ont, en vĂ©ritĂ©, jamais acceptĂ© de prendre au sĂ©rieux les cryptomonnaies
jusqu’à aujourd’hui.

C’est lĂ  l’ironie de la situation actuelle : il aura fallu la menace du Libra pour que le sujet des cryptomonnaies, sur la table depuis des annĂ©es, soient enfin pris au sĂ©rieux par les plus grands experts et les institutions les plus prestigieuses, Ă  commencer par les banques centrales. A posteriori, l’impact le plus fort du Libra tiendra peut-ĂȘtre Ă  ce rĂŽle d’accĂ©lĂ©rateur des mentalitĂ©s.

Depuis un an, les rapports s’enchaĂźnent sur ce qui est pudiquement dĂ©signĂ© comme « actifs numĂ©riques ». Une notion en particulier suscite les dĂ©bats : les « stablecoins », ces cryptomonnaies indexĂ©es le plus souvent Ă  des monnaies traditionnelles. Les stablecoins apparaissent, pour les acteurs traditionnels, comme une façon de mettre un pied dans ce monde mystĂ©rieux des actifs numĂ©riques tout en restant arrimĂ©s Ă  leur champ de connaissances – une sorte d’« en mĂȘme temps » adaptĂ© Ă  ce nouvel univers.

Ce faisant, les cryptomonnaies, si peu considĂ©rĂ©es jusqu’ici, ont gagnĂ© en lĂ©gitimitĂ©. Bien sĂ»r, elles restent regardĂ©es avec mĂ©fiance. Mais l’évolution est notable. Il est tout sauf anodin, entre autres exemples, que JP Morgan, dont le PDG dĂ©signait bitcoin comme une « fraude » en 2017, ait dĂ©cidĂ© cette annĂ©e d’étendre ses services bancaires aux plateformes d’échanges de cryptomonnaies. D’innovations Ă  Ă©touffer, celles-ci reprĂ©sentent maintenant la nouvelle donne Ă  laquelle il faut s’adapter.

A quoi s’attendre pour la suite ? Suite au recul de Facebook, les Etats auraient tort de croire que la guerre est gagnĂ©e. En rĂ©alitĂ©, il ne s’agissait que du premier acte. L’erreur serait de se centrer uniquement sur la numĂ©risation des processus monĂ©taires existants sans percevoir qu’il ne s’agit lĂ  que d’innovation incrĂ©mentale, insuffisante face l’innovation de rupture qui frappe Ă  notre porte.

Par innovation de rupture, il faut notamment comprendre cette capacitĂ© inĂ©dite Ă  rendre les actifs financiers programmables, interopĂ©rables, et ouverts Ă  tous. C’est la proposition de valeur d’une plateforme comme Ethereum, dont l’attractivitĂ© ne cesse de grandir. Un brevet pour un dollar digital utilisant Ethereum a du reste Ă©tĂ© dĂ©posĂ© rĂ©cemment par
Visa.

Le parallĂšle entre les Ă©checs de Libra et de Telegram d’une part, et l’attractivitĂ© de Bitcoin et d’Ethereum d’autre part, devraient inciter les acteurs existants Ă  plus d’humilitĂ© face Ă  la crypto-Ă©conomie. Facebook semble l’avoir compris. Si l’entreprise a reculĂ©, c’est pour mieux revenir demain. Elle vient de placer Ă  la tĂȘte de Libra un expert de la rĂ©glementation, ex-directeur juridique de HSBC passĂ© par le TrĂ©sor amĂ©ricain. Quant au cofondateur de Libra, David Marcus, il ne cesse d’insister dans ses interviews sur l’argent programmable.

Une immense vague d’innovations est en prĂ©paration. Elle pourrait demain bousculer un monde financier et monĂ©taire qui n’a pas encore connu de transformation numĂ©rique de rupture. Les banques centrales, qui ont ici l’opportunitĂ© de retisser un lien avec le citoyen qu’elles avaient en partie perdu au profit des banques commerciales, seraient mal avisĂ©es de faire la sourde oreille. Et Ă  l’heure oĂč l’on reparle de souverainetĂ©, en toile de fond se profile une question fondamentale, qui devrait importer Ă  tout citoyen : celle de savoir si l’euro programmable de demain sera pilotĂ© par un acteur public
ou par un gĂ©ant privĂ©. »

Les enseignements des monnaies numériques de Facebook et Telegram

June 19th 2020 at 09:25

Un an aprĂšs le dĂ©voilement de Libra par Facebook, quels enseignements peut-on tirer ? DĂ©couvrez ci-dessous l’analyse de ClĂ©ment Jeanneau et Alexandre Stachtchenko publiĂ©e aujourd’hui dans L’Express :

« C’était il y a un an : Facebook annonçait en grande pompe le lancement Ă  venir de Libra, son projet de monnaie numĂ©rique fondĂ©e sur un panier de devises traditionnelles. L’ambition Ă©tait immense : imposer Libra comme la monnaie de rĂ©fĂ©rence dans l’espace numĂ©rique – autrement dit dans ce qui constitue l’économie de demain et de plus en plus d’aujourd’hui.

Douze mois plus tard, la tonalitĂ© est toute autre. Mark Zuckerberg, parfois prĂ©sentĂ© comme le dirigeant d’un proto-Etat en puissance, a dĂ» revoir sa copie : avant de viser la rĂ©volution monĂ©taire, il s’attellera d’abord plus modestement Ă  faire naĂźtre diffĂ©rentes monnaies numĂ©riques fondĂ©es sur leurs Ă©quivalents physiques : e-euro, e-dollar, etc.

Plusieurs leçons peuvent dĂ©jĂ  ĂȘtre tirĂ©es.

La premiĂšre tient Ă  l’écart spectaculaire entre l’annonce tonitruante du dĂ©part et la confrontation Ă  la rĂ©alitĂ©. Beaucoup voyaient dans Libra le parachĂšvement de la domination des GAFA sur les Etats. Ici, les Etats, les vrais, ont gagnĂ© la bataille – et probablement avant tout les Etats-Unis.

La mĂȘme remarque vaut pour Telegram. En 2017, l’application de messagerie aux 400 millions d’utilisateurs avait fait, elle aussi, une entrĂ©e fracassante dans l’univers des cryptomonnaies, qu’elle voulait rĂ©volutionner de fond en comble. Telegram projetait de crĂ©er un systĂšme de paiement alternatif Ă  Visa et Mastercard et une multitude d’applications dĂ©centralisĂ©es vouĂ©es Ă  devenir leaders dans leur domaine.

Trois ans et une levĂ©e de fonds de 1,7 milliards de dollars (!) plus tard, l’ampleur de la chute est Ă  la hauteur de l’ambition du projet : celui-ci ne verra en rĂ©alitĂ© jamais le jour, en raison d’un imbroglio juridique qui aura traĂźnĂ© en longueur jusqu’au couperet final. C’est le plus grand Ă©chec de l’histoire – jeune mais dĂ©jĂ  mouvementĂ©e – des cryptomonnaies.

Les exemples de Facebook et de Telegram sont emblĂ©matiques. LĂ  oĂč les deux gĂ©ants avaient fait de la technologie le moteur de leur initiative, la rĂ©alitĂ© est venue rappeler qu’en matiĂšre monĂ©taire, le dĂ©fi est avant tout rĂ©glementaire et politique. En venant s’attaquer Ă  la souverainetĂ© des Etats, Facebook a franchi une ligne rouge. PlutĂŽt que le passage en force, Mark Zuckerberg a prĂ©fĂ©rĂ© reculer.

Pour un groupe valorisĂ© 236 milliards de dollars, qui n’est plus depuis longtemps une startup prĂȘte Ă  prendre tous les risques, ce choix Ă©tait logique. Mais en creux, cet Ă©chec et celui de Telegram viennent valoriser ce qui constitue encore aujourd’hui la seule monnaie numĂ©rique mondiale de rĂ©fĂ©rence : le bitcoin, lancĂ© en 2009 par un anonyme sans demande d’autorisation prĂ©alable.

MalgrĂ© ses limites, suffisamment dĂ©crites par ailleurs, cet ovni monĂ©taire poursuit ses avancĂ©es depuis plus d’une dĂ©cennie sans discontinuer, comme un pied de nez aux multiples Ă©conomistes qui n’ont cessĂ© d’annoncer sa mort imminente et qui n’ont, en vĂ©ritĂ©, jamais acceptĂ© de prendre au sĂ©rieux les cryptomonnaies
jusqu’à aujourd’hui.

C’est lĂ  l’ironie de la situation actuelle : il aura fallu la menace du Libra pour que le sujet des cryptomonnaies, sur la table depuis des annĂ©es, soient enfin pris au sĂ©rieux par les plus grands experts et les institutions les plus prestigieuses, Ă  commencer par les banques centrales. A posteriori, l’impact le plus fort du Libra tiendra peut-ĂȘtre Ă  ce rĂŽle d’accĂ©lĂ©rateur des mentalitĂ©s.

Depuis un an, les rapports s’enchaĂźnent sur ce qui est pudiquement dĂ©signĂ© comme « actifs numĂ©riques ». Une notion en particulier suscite les dĂ©bats : les « stablecoins », ces cryptomonnaies indexĂ©es le plus souvent Ă  des monnaies traditionnelles. Les stablecoins apparaissent, pour les acteurs traditionnels, comme une façon de mettre un pied dans ce monde mystĂ©rieux des actifs numĂ©riques tout en restant arrimĂ©s Ă  leur champ de connaissances – une sorte d’« en mĂȘme temps » adaptĂ© Ă  ce nouvel univers.

Ce faisant, les cryptomonnaies, si peu considĂ©rĂ©es jusqu’ici, ont gagnĂ© en lĂ©gitimitĂ©. Bien sĂ»r, elles restent regardĂ©es avec mĂ©fiance. Mais l’évolution est notable. Il est tout sauf anodin, entre autres exemples, que JP Morgan, dont le PDG dĂ©signait bitcoin comme une « fraude » en 2017, ait dĂ©cidĂ© cette annĂ©e d’étendre ses services bancaires aux plateformes d’échanges de cryptomonnaies. D’innovations Ă  Ă©touffer, celles-ci reprĂ©sentent maintenant la nouvelle donne Ă  laquelle il faut s’adapter.

A quoi s’attendre pour la suite ? Suite au recul de Facebook, les Etats auraient tort de croire que la guerre est gagnĂ©e. En rĂ©alitĂ©, il ne s’agissait que du premier acte. L’erreur serait de se centrer uniquement sur la numĂ©risation des processus monĂ©taires existants sans percevoir qu’il ne s’agit lĂ  que d’innovation incrĂ©mentale, insuffisante face l’innovation de rupture qui frappe Ă  notre porte.

Par innovation de rupture, il faut notamment comprendre cette capacitĂ© inĂ©dite Ă  rendre les actifs financiers programmables, interopĂ©rables, et ouverts Ă  tous. C’est la proposition de valeur d’une plateforme comme Ethereum, dont l’attractivitĂ© ne cesse de grandir. Un brevet pour un dollar digital utilisant Ethereum a du reste Ă©tĂ© dĂ©posĂ© rĂ©cemment par
Visa.

Le parallĂšle entre les Ă©checs de Libra et de Telegram d’une part, et l’attractivitĂ© de Bitcoin et d’Ethereum d’autre part, devraient inciter les acteurs existants Ă  plus d’humilitĂ© face Ă  la crypto-Ă©conomie. Facebook semble l’avoir compris. Si l’entreprise a reculĂ©, c’est pour mieux revenir demain. Elle vient de placer Ă  la tĂȘte de Libra un expert de la rĂ©glementation, ex-directeur juridique de HSBC passĂ© par le TrĂ©sor amĂ©ricain. Quant au cofondateur de Libra, David Marcus, il ne cesse d’insister dans ses interviews sur l’argent programmable.

Une immense vague d’innovations est en prĂ©paration. Elle pourrait demain bousculer un monde financier et monĂ©taire qui n’a pas encore connu de transformation numĂ©rique de rupture. Les banques centrales, qui ont ici l’opportunitĂ© de retisser un lien avec le citoyen qu’elles avaient en partie perdu au profit des banques commerciales, seraient mal avisĂ©es de faire la sourde oreille. Et Ă  l’heure oĂč l’on reparle de souverainetĂ©, en toile de fond se profile une question fondamentale, qui devrait importer Ă  tout citoyen : celle de savoir si l’euro programmable de demain sera pilotĂ© par un acteur public
ou par un gĂ©ant privĂ©. »

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