Bien qu'il soit reparti à la baisse ces derniÚres semaines, le Bitcoin reste cependant largement haussier. Pourrait-il déjà s'envoler vers un nouveau record de prix malgré la correction qui est en cours ? Le point dans cette analyse BTC du vendredi 5 avril 2024.
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Le cours du Bitcoin est dans une phase de transition latĂ©rale sous son ATH depuis la mi-mars, une sĂ©quence habituelle et conforme Ă son cycle historique. Le halving et les actualitĂ©s autour du pivot de la FED vont continuer de crĂ©er lâaction des prix ces prochaines semaines, sans menacer la cible haussiĂšre de long terme des 100 000 dollars.
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De retour sur des niveaux qu'il n'avait plus revisités depuis novembre 2021, le Bitcoin va-t-il parvenir à regagner les 60 000 $ dans les prochains jours ? Le point dans cette analyse BTC du mardi 27 février 2024.
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Développé par Consensys, les développeurs du wallet MetaMask, Linea est un layer 2 pour Ethereum utilisant la technologie des zk-Rollups. Linea a lancé son mainnet en juillet 2023 et se prépare à introduire son token prochainement via un airdrop. Découvrez les spécificités de ce layer 2 valorisé à plus de 7 milliards de dollars.
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Qui de nous n'a jamais entendu dire du bitcoin que c'Ă©tait "un truc de fou" ?  En songeant Ă cette expression, j'ai dĂ©cidĂ© de ressortir de mes petits papiers une histoire un peu folle.Â
J'ai dit dans un prĂ©cĂ©dent billet pourquoi le bitcoin ne pouvait pas servir de monnaie de siĂšge. Ceci posĂ©, il reste deux hypothĂšses couramment Ă©voquĂ©es: celle de le voir servir en cas d'hyperinflation (j'y reviendrai) et celle de le voir servir de monnaie de nĂ©cessitĂ©. Â
Les monnaies de nécessité sont un champ immense, et il y en a eu de tous les types possibles. J'écrirai un jour sur celles qui furent émises par des "petits pouvoirs" (villes, chambres de commerces...) et sur celles qui jaillirent des usages d'une communauté plus ou moins isolée. Ici je voudrais simplement raconter une histoire un peu folle : celle d'une monnaie de fous.
L'or des fous...l'expression semble se perdre dans la nuit des temps, et peut-ĂȘtre dans l'alchimie, pour dĂ©signer ce que les chimistes dĂ©crivent comme un dissulfure de fer et que les Anciens nommĂšrent pyrite (du mot grec pyros qui dĂ©signe le feu) car la pyrite produit des Ă©tincelles lors des chocs.Â
Faudrait-il ĂȘtre fou ? Ma petite histoire commence un matin de juillet 1410, dans un village proche de Paris.
Peu à peu, chacun donnant son opinion, le glaisier et le peintre devinrent des charlatans, des princes... ou des fous ! Pour l'ingénieur Simon Lacordaire, auteur en 1982 d'un livre Histoire secrÚte du Paris souterrain, ce serait à compter de cet épisode que la pyrite aurait reçu le nom d'or des fous. Le fameux tableau disparut lors d'une reconstruction de la petite église.
Cette anecdote apparemment sans grande portée nous apprend cependant beaucoup de choses.
L'épisode (dont j'ai cherché en vain la source pendant des mois, l'auteur aujourd'hui décédé n'ayant pas mis de note en bas de page) est pour l'essentiel vraisemblable. Les glaisiers de Passy étaient de pauvres hÚres, pataugeant pieds dans l'eau, menacés de noyades souterraines, dans des galeries tellement humides que le bois y était perdu d'avance et que l'on donnait à ces galeries des dimensions invivables. Tout cela pour de la glaise. Les tenanciers des terrains remblayaient ensuite les fouilles et plantaient à leur emplacement des vignes dont une rue perpétue le souvenir. Et c'est probablement à proximité de cette rue des Vignes que travaillait mon glaisier, sans doute sur une petite exploitation personnelle, sans quoi il eût crié sa joie moins fortement.
Il n'a pu trouver à Passy que des pyrites : elles y abondaient trois siÚcles plus tard encore sous plusieurs formes, dont celle de cristaux cubiques brillants et inaltérables à l'air. Les a-t-il vraiment prises pour du vrai or ?  Il n'avait jamais vu de l'or que de loin (la dorure d'un ciboire à la grand-messe) et on peut penser que ses cris de joie furent sincÚres...
Et les autres protagonistes ? La monnaie d'or Ă©tait rĂ©servĂ©e aux trĂšs gros achats et la plupart des parisiens ne s'en servait jamais ou que trĂšs exceptionnellement. Un tailleur de talent, qui Ćuvrait dans le brocart et la soie, pourrait avoir dĂ©jĂ vu de l'or, en l'espĂšce un bel Ă©cu Ă la couronne de Charles VI, frappĂ© depuis 1385, pesant environ 4 grammes et valant 22 sols. On conserve les comptes d'un tailleur parisien, Colin de Lormoye, pour les annĂ©es 1423 Ă 1444. Ses factures pouvaient, par leurs montant, justifier des paiements en or.Â
Certes, depuis un demi-siÚcle exactement, l'impÎt (créé aprÚs le désastre de Poitiers pour payer la rançon du roi Jean le Bon) frappait la population et assÚchait le marché, dans un royaume qui avait toujours manqué cruellement de métaux précieux. Un tailleur voyait donc surtout des gros d'argent datant des rÚgnes précédents et pesant 3 à 4 grammes d'un métal de moins en moins blanc au fur et à mesure que l'on s'écartait des bons usages du saint roi Louis... Il reste cependant peu probable qu'un tailleur de luxe n'ait jamais vu de vrai or, ne serait-ce qu'en bijoux.
Or, soit il a fait crĂ©dit (ce qui Ă©tait alors extrĂȘmement courant, mĂȘme dans le commerce de dĂ©tail - mais Ă©videmment pas pour un gueux de Passy inconnu du bourgeois parisien), soit il s'est fait payer. En pyrites, forcĂ©ment. Et s'il n'a point protestĂ©, ni avant ni aprĂšs, est-ce par crainte du ridicule ou parce que d'autres derriĂšre lui ont acceptĂ© cette mĂȘme monnaie ?Â
Venons-en au peintre. Nul ne connait son nom, mais les plus grands chefs d'oeuvres de ce temps, fresques ou enluminures, sont souvent le fait de maĂźtres restĂ©s anonymes. Qu'il ait Ă©bahi les pauvres paroissiens d'Auteuil ne nous dit rien de son talent et de ses prix. Et mĂȘme... Van Gogh ou Modigliani ont bien cĂ©dĂ© pour le prix d'un repas des chefs d'oeuvre aujourd'hui inestimables...
Ce qui renvoie Ă une autre question : combien de pyrites pour un tableau? pour un manteau ? pour un verre de vin ? Un usurier (les Juifs viennent de subir en 1410 une nouvelle mesure d'expulsion) ou un changeur aurait immĂ©diatement rĂ©agi comme le fit l'orfĂšvre. C'est donc que le drapier (l'Ă©toffe Ă©tait souvent fournie par le client), le tailleur, peut-ĂȘtre le peintre, et Ă coup sĂ»r le cabaret du coin, ont acceptĂ© directement de l'or des fous en gage de paiement, pour ne pas dire  en monnaie...
Cette pyrite pÚse un peu plus de 400 grammes et on la trouvait en vente pour 740 euros sur ebay. C'est évidemment moins cher que son poids en vrai or, mais c'est décoratif. Toujours sur ebay, un petit cube de pyrite se vend le prix de deux cafés ou d'un verre de vin. Pourquoi un petit commerçant de 1410 n'aurait-il pas accepté une pyrite à la place d'un guenar (mot breton pour dire blanc) de mauvais argent alourdi de plomb, de deniers tournois ou parisis de moins d'un gramme d'un douteux billon, de menues monnaies noires ou de demi-deniers, nommés maille et qui au demeurant faisaient souvent défaut, leur frappe étant peu avantageuse pour le roi ?
AprÚs tout, malgré la suppression progressive des monnayages féodaux, des dizaines de piÚces de menue monnaie diverses circulaient pour les petits paiements, non sans d'incessantes disputes : certaines ont assez dégénéré pour que l'on en ait conservé la trace ! Le royaume connaßt alors à la fois le bimétallisme (qui permet toutes les spéculations) et la relative pénurie de métaux. Parfois on paye directement avec des petits bouts d'argent non monétaire, du fretin. Inversement, le chroniqueur connu comme le " Bourgeois de Paris" emploie le mot monnaie dans un sens bien large, en y incluant des médailles diverses.
Seul donc l'orfĂšvre qui, par dĂ©finition, ne travaillait que pour les riches a envoyĂ© au diable le pauvre fou et son or trouvĂ© dans la glaise.Â
Ceci nous conduit au contexte de l'histoire.
Restons un instant chez l'orfÚvre. Il connaßt l'or, le vrai, car il en voit beaucoup. Trop au goût du pouvoir royal, car le goût luxueux du temps conduit à une débauche d'orfÚvrerie qui assÚche l'indispensable circulation des métaux précieux qui sont alors la seule monnaie concevable. Les changeurs parisiens s'en plaignent justement en février 1409 au maßtre des Monnaies, citant nommément les princes et leurs commandes fastueuses. Le glaisier ne raisonne d'ailleurs pas différemment des princes : l'or est fait pour l'orfÚvrerie.
Dans la littĂ©rature concernant le bitcoin, il y a dĂ©jĂ de nombreuses publications annonçant le possible recours Ă cette monnaie sans Etat par des peuples dĂ©faillants, assiĂ©gĂ©s, ou dans une situation de ce type. M. VaroufĂĄkis lui mĂȘme n'est pas restĂ© Ă©tranger Ă ce sujet. Peut-ĂȘtre par jeu plus que par conviction.
Il n'est certes pas anormal, en passant en revue les solutions possibles, d'examiner si une devise radicalement nouvelle (le bitcoin en l'occurrence) ne pourrait pas servir de roue de secours, voire crĂ©er la divine surprise en cas de Grexit, ce mot qui est dĂ©sormais sur toutes les lĂšvres ! Mais de la mĂȘme façon on a pu lire que le bitcoin sert de monnaie de siĂšge aux sĂ©paratistes russophone de l'Ukraine.
Que la guerre soit économique et financiÚre comme dans cette Union Européenne dont on nous a tant vanté l'effet pacifique, ou bien qu'elle se fasse à coup de canons à ses marges déstabilisées à dessein... le bitcoin apparaßt systématiquement comme une possible « monnaie de siÚge ». La GrÚce n'est-elle pas d'une certaine façon "assiégée" par ses créanciers? Menacée d'un cordon sanitaire? du contrÎle des changes à ses frontiÚres?
Pourtant les derniers développements de la situation grecque indiquent bien plutÎt la possibilité d'un retour à la drachme, sous quelque nom qu'on la dissimule. Ce serait l'option suggérée par M. Schaeuble.
Le bitcoin est certainement utilisĂ© en GrĂšce. Ă fin d'Ă©vasion ou d'enfouissement, les deux soucis majeurs en cas de siĂšge. Mais rien n'indique qu'il s'y dĂ©veloppe particuliĂšrement comme moyen d'Ă©change, moins encore comme Ă©talon des transactions, et l'option d'un recours officiel au bitcoin en cas de "sortie de l'euro" n'est plus Ă©voquĂ©e. C'est peut-ĂȘtre par crainte de la nouveautĂ©. Cependant l'examen d'expĂ©riences monĂ©taires passĂ©es permet de mieux cerner les raisons de cet Ă©tat de fait.
Qu'est-ce au juste qu'une monnaie de siĂšge ?
En 1521 les troupes françaises assiégées par celles de Charles-Quint battront une trÚs éphémÚre monnaie portant au revers la légende explicite: moneta in obsidione tornacensi cusa, monnaie frappée durant le siÚge de Tournai.
Ce serait au siÚge de Leyde par les Espagnols (en 1574) qu'aurait été imprimée la premiÚre monnaie de siÚge, sur du papier arraché aux livres de messe parce que tout le cuir avait déjà été bouilli et mangé. Le débat fait évidemment rage parmi les experts pour savoir si de tels ersatz sont encore des piÚces ou déjà des billets. Ce n'est pas cela que je veux examiner.
Concentrons nous ici non sur la nature mais sur la circonstance de leur émission. L'impression des premiers billets, prudemment par la banque d'Angleterre, imprudemment par la Révolution française fut un acte de politique monétaire. La frappe de piécettes ou l'impression en catastrophe de billets dans une ville assiégée est un acte d'administration (militaire ou civile, en cas de guerre la différence est mince). Les numismates ont conservé l'appellation de monnaie « obsidionale » pour désigner ces émissions contraintes, fruits d'une nécessité soudaine et indépendante d'une volonté ou d'une politique monétaire.
Si l'on a de la vaisselle d'argent, comme ce fut le cas durant certains siÚges de la premiÚre révolution anglaise (vers 1650) on frappe des piÚces d'argent. C'est plutÎt rare. En 1708 , lors du siÚge soutenu contre les Alliés, le maréchal de Bouffiers fit frapper à Lille de modestes piÚces de cuivre, valant 5, 10 et 20 sols. Une noble devise, pour la défense de la ville et de la Patrie, sauvait les apparences avec un peu de latin.
Comme disait ma grand-mĂšre,"Ă la guerre come Ă la guerre"... Faute d'argent, les troupes françaises assiĂ©gĂ©es dans Anvers en 1814 frappĂšrent du bronze, du cuivre, du plomb et mĂȘme du laiton.
Il ne faut pas s'attacher à sa matérialité, mais d'abord noter que la monnaie de siÚge reste une monnaie d'Etat ou du moins une monnaie autoritaire.
La guerre, continuation de la politique selon Clausewitz, est une situation politique dans laquelle il n'y a pas dĂ©faut d'Etat, mais pourrait-on dire, trop-plein d'Etat. D'oĂč le dĂ©tail comique sur la monnaie d'Anvers en 1814 : les premiĂšres furent frappĂ©es Ă l'avers du N impĂ©rial, les derniĂšres, aprĂšs l'abdication Ă Fontainebleau, du monogramme de Louis XVIII. On ne toucha pas au revers...
Les armées sont en effet rarement privées et apolitiques. Elles sont le bras d'un Etat né, à naßtre, ou mourant, conquérant ou conquis. Pas une expression de la société civile. Une population assiégée mais démunie d'Etat hisse le drapeau blanc et vient à merci, comme firent les bourgeois de Calais en 1346, en chemise et la corde au cou. Elle ne fabrique pas de la monnaie.
Et si elle en fabrique, c'est qu'elle est animée d'une volonté politique. C'est ce que l'on vit au moment de la Commune de Paris. Avec une partie de l'argenterie impériale saisie aux Tuileries, l'atelier monétaire dirigée par Camélinat frappa des bonnes piÚces de 5 francs d'argent, ornées de la figure dite "Hercule" qui avait servi une génération plus tÎt pour la DeuxiÚme République. On les reconnaßt à la date, bien sûr, à la qualité assez médiocre, et au "différent" de Camelinat, le petit trident à cÎté du A qui indique une frappe parisienne.
La monnaie de siÚge, malgré les circonstances difficiles de sa naissance, reste donc une monnaie "autoritaire". Elle arbore des symboles d'Etat, régaliens ou patriotiques, qui ne sont pas là pour "faire joli".
Il est toujours implicite que l'Etat va revenir, que le projet politique perdure, non qu'il va ĂȘtre aboli ou subverti.
Ce billet d'une petite ville du Nord, occupĂ©e par les Allemands entre 1914 et 1918, porte bien mention d'une dĂ©cision officielle (celle du Conseil Municipal) et d'un cours forcĂ© (dans le canton). Mais il fait clairement mention de la "RĂ©publique française" comme entitĂ© symbolique garante. La monnaie de siĂšge a vocation Ă ĂȘtre remboursĂ©e en monnaie de paix.
Le bitcoin peut selon moi difficilement ĂȘtre une monnaie de siĂšge pour les Grecs, en raison de sa nature profondĂ©ment non-rĂ©galienne et non autoritaire. Et c'est M. VaroufĂĄkis lui-mĂȘme qui le dit.
Dans son article du 22 avril 2013 (voir liens ci-dessous) il Ă©voquait la "dangereuse fantaisie d'une monnaie apolitique" : non pas parce que trop libertarienne, mais parce que trop construite pour ĂȘtre un or digital et par consĂ©quent dĂ©flationniste, autrement dit suspecte de ne pouvoir accompagner le financement d'une grande Ă©conomie de marchĂ© moderne. Or pour VaroufĂĄkis la crĂ©ation de monnaie, politiquement dirigĂ©e, reste un outil impĂ©ratif.
Sans entrer dans le dĂ©bat, on notera que le raisonnement est un peu conduit sinon « par l'absurde »", du moins « par l'excĂšs » : Imagine a world that has shifted entirely to bitcoin..... Qui parle de cela? Ce ne sont ceux qui soulignent les faiblesses conceptuelles d'une monnaie unique europĂ©enne, qui vont raisonner comme si le recours au bitcoin devait ĂȘtre gĂ©nĂ©ral et exclusif !
Le 15 février 2014, M. Varoufåkis publiait sur son blog un nouveau billet consacré au bitcoin. Le risque de déflation y était nettement relativisé mais la critique essentielle était répétée : Bitcoin is a hard-core version of the Gold Standard. Sans débattre ce point, on conviendra qu'un état de siÚge n'est guÚre historiquement une situation de rétablissement de l'étalon-or. Mais M. Varoufåkis enfonçait le clou : du point de vue grec, le bitcoin a le défaut de l'or mais aussi celui de l'euro. Il ne lui offre pas de prise pour un guidage politique sur le terrain national.
C'est dans le mĂȘme article qu'il mettait cependant au clair l'hypothĂšse d'un "coin" assis sur ... les futures taxes. Ce FT-Coin, dont on a reparlĂ© Ă©pisodiquement, n'est Ă mon avis qu'un assignat cryptographique. On voit mal l'incentive qui ferait fonctionner la blockchain. On voit mal aussi le facteur politique qui soutiendrait le cours de cet assignat mieux qu'en 1791.
L'annonce d'une adoption soudaine du bitcoin par la GrĂšce se rĂ©vĂ©la ensuite n'ĂȘtre ... qu'un un poisson d'avril. Le Coin Telegraph annonça le 1er avril 2015 que la GrĂšce adoptait le bitcoin. Il ne fut d'ailleurs pas le seul Ă faire ce gag Ă deux satoshis, d'autant plus crĂ©dible que maints patrons de start-up en mal de pub avaient, depuis des semaines, vantĂ© chacun sa solution de monnaie complĂ©mentaire ou cryptographique comme Ă©tant le remĂšde miracle pour sauver la GrĂšce. Une obsession dĂ©cidĂ©ment planĂ©taire.
Les propos du ministre allemand auront au moins un effet : rappeler l'opportunité de possibles co-existences monétaires. Certes M. Scheuble pense à une coexistence euro/ néodrachme, bref papier fort / papier faible. Mais d'autres songent à une co-existence papier / crypto. M. Vences Casares, patron de Xapo le dit assez clairement : aucun gouvernement ne choisira le bitcoin, monnaie non inflationniste. Bitcoin is not a currency for a government; it is a global currency for the people. Bitcoin n'est pas pour un territoire donné ou circonscrit (voir la conclusion de mon billet 19) mais pour un Internet global et sans frontiÚre.
Pour aller plus loin (en anglais) :
Sur VaroufĂĄkis
Sur l'hypothĂšse du bitcoin en GrĂšce
et bien sûr :
Sur d'autres situations oĂč le bitcoin est Ă©voquĂ©
Â
Attention, je ne vais pas parler ici du poker, mais plutĂŽt du Carnaval !
Un bon nombre d'entrepreneurs qui s'intéressent aujourd'hui au bitcoin proviennent du gaming. Et certains du poker. Il y a d'innombrables raisons à cela. Il entre, dans beaucoup de jeux, un plaisir évident de gagner de la véritable monnaie en dehors des cadres légaux, voire illégalement - ce qui crée des lieux et des cercles secrets. à défaut, jouer permet de subvertir les hiérarchies sociales en brassant des richesses illusoires: c'est le cas de ces jeux que l'on désigne joliment en français comme les  jeux de société.
Autour d'un tapis ou d'un plateau (Board games en anglais..) et dans un code prĂ©cis on compte en points, on paye en jeton et on accumule fiĂšrement les piles de ceux -ci sur les rebords de la table. Les trois fonctions sont lĂ . Mais l'argent de Monopoly perd sa valeur quand la partie s'achĂšve, comme l'or du diable lorsque cesse le sortilĂšge. C'est une monnaie pour un temps autant que pour une fonction.Â
Dans la vie de nos ancĂȘtres, on peut repĂ©rer plusieurs pĂ©riodes hors du temps, c'est Ă dire hors de la norme sociale et politique : la peste, le siĂšge, le carnaval.Â
Je n'ai pas trouvé d'exemple de monnaie de peste. Il y a de nombreux exemples de monnaies dites obsidionales sur lesquels je reviendrai, désirant ici évoquer les curieuses monnaies de carnaval, dont l'usage a survécu, mais encadré officiellement, dans des anciennes colonies de tradition française, à la Nouvelle Orléans (en haut) ou au Quebec, ci-dessous.
L'Ă©mission, durant une assez longue pĂ©riode (en gros jusqu'aux guerres de Religion, qui mirent fin Ă ce genre de tolĂ©rance) de monnaies spĂ©ciales lors des FĂȘtes des Fous, pose de trĂšs nombreuses questions aux historiens.
La fĂȘte elle-mĂȘme est Ă©quivoque: le roi des fous n'est pas un fou du roi, mais est-il plus roi ou plus fou ? Quand on frappe une monnaie Ă son effigie, s'agit-il d'une dĂ©rision de la monnaie, ou d'une monnaie quand mĂȘme ?  Si l'argent des fous peut payer un beignet durant la fĂȘte, le peut-il encore le lendemain ? ou l'annĂ©e suivante ?
Si la loi du roi interdit certains jeux d'argent, ceux-ci deviennent-ils, pendant la fĂȘte, licite avec une monnaie de fĂȘte ? C'est ce qui se passait chez les romains, lors des saturnales...
Si les rois marquent leurs entrĂ©es dans leurs bonnes villes, et les nouveaux Ă©vĂȘques dans leur cathĂ©drale en jetant au bon peuple quelque menue piĂ©cette, roi des fous ou Ă©vĂȘques des innocents doivent-ils de mĂȘme jeter leurs piĂ©cettes Ă la foule ? Finalement, qui paye ?
La monnaie des fous Ă©tait le plus souvent de plomb. Ce mĂ©tal facile Ă modeler mais vil n'Ă©tait jamais employĂ© par les ateliers officiels - sauf en temps de siĂšge - mais seulement par les faussaires, personnes peu recommandables dont le crime mĂ©ritait un chĂątiment exceptionnel : ĂȘtre bouillis vifs.
Or les effigies que l'on retrouve sur les monnaies de fous qui nous sont parvenues ressemblent parfois Ă celles des monnayages royaux ou officiels, de mĂȘme que leurs lĂ©gendes et devises.Les rois des fous, Ă©vĂȘques des Innocents ou papes des sots faisaient en effet graver sur leurs monnaies leurs noms, des armoiries rĂ©elles ou supposĂ©es, la date de leur Ă©lection et parfois aussi des rĂ©bus ( j'y reviendrai) destinĂ©s Ă un peuple largement analphabĂšte.
Au total leur monnaie ressemblait donc moins Ă la vraie (celle du roi) qu'Ă la fausse. Sans leur valoir le chaudron !
C'est en tout cas ce que l'on peut extrapoler de la principale découverte, faite à Amiens au début du 19 Úme siÚcle, et qui a donné lieu à une premiÚre étude trÚs complÚte par Marcel Rigollot en 1837 et à une seconde publication par Alfred Demailly en 1910, dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie.
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L'historiographie ancienne a longtemps fantasmĂ© sur ce qui pouvait se passer durant la fĂȘte des fous, privilĂ©giant dans les sources les dĂ©nonciations par des clercs (Gerson, en Sorbonne, au dĂ©but du 15 Ăšme siĂšcle) des excĂšs de ces fĂȘtes, prĂ©sentĂ©es du coup comme potaches et contestataires, voire populaires, dĂ©bauchĂ©es et paĂŻennes.
Mais les historiens plus rĂ©cents (Max Harris, Sacred  Folly, a new history of the feast of the Fools, 2011) insistent davantage sur la participation de membres de l'institution ecclesiastique elle-mĂȘme. Il semble bien que certains (Ă©vĂȘques, abbĂ©s) finançaient au besoin la fĂȘte, la canalisaient aussi.
Une piĂšce ou mĂ©reau de la fĂȘte des fous d'Amiens en 1572 serait de nature, par sa qualitĂ© numismatique (et l'usage du cuivre plus onĂ©reux que le plomb) Ă soutenir cette idĂ©e.
VoilĂ bien le type de dĂ©bat qu'auront un jour les historiens sur l'attitude de l'institution vis Ă vis du bitcoin : condamnation? mise en garde? participation de banquiers d'affaires? rĂ©gulation? Dialogue ?Â
Depuis des mois ne manquent pas les condamnations du bicoin, monnaie excitante pour les uns, dangereuse pour les autres car libre (comme on disait jadis avoir des moeurs libres). Pourtant, dans le mĂȘme monde, certains se disent apparemment qu'il vaut mieux garder un oeil sur la chose.Â
Voir ainsi Jacques Attali, qui n'est pas typiquement un marginal ni une personnalitĂ© de l'underground, sollicitĂ© par les promoteurs français du bitcoin comme guest star de la ConfĂ©rence EuroBitcoin qui devait se tenir le 8 octobre laisse un peu perplexe. Jacques Attali a annoncĂ© le futur depuis 40 ans, mais, comme Jules Verne qui n'avait pas vu l'ordinateur, il ne semble pas avoir vu venir le bitcoin. Nul ne songerait Ă lui en faire grief ; mais il est permis de penser qu'il appartient Ă un monde et Ă l'Ă©lite d'un monde oĂč le besoin et le dĂ©sir de relations peer to peer sont bien faibles.Â
Le thĂšme de son introduction, telle qu'elle Ă©tait annoncĂ©e, Ă©tait la monnaie peut elle ĂȘtre libre ? Gageons que geeks, dĂ©veloppeurs, banquiers d'affaires et pontes de la finance ne mettent pas la mĂȘme chose sous ce mot. Quant Ă Madame Parisot, Ă©galement annoncĂ©e pour cette confĂ©rence (reportĂ©e) on sait ce qu'elle entend par libertĂ©.
Mon sentiment est que pour imaginer toutes les potentialitĂ©s d'une disruption majeure comme le bitcoin, il y a intĂ©rĂȘt Ă regarder dans toutes les directions. Je pense que les monnaies crypto ont sans doute quelque chose Ă voir avec les innombrables "monnaies locales complĂ©mentaires", mĂȘme si les tenants de celles-ci se mĂ©fient de celles-lĂ (voir mon billet n°4).
Sur le site de rĂ©fĂ©rence en France concernant les Monnaies Locales ComplĂ©mentaires (MLC) lâauteur Philippe Derudder a publiĂ© en juin une analyse critique Le Bitcoin, du cĂŽtĂ© du problĂšme, pas de la solution.
Je dois commencer en disant que jâai suivi depuis longtemps et avec intĂ©rĂȘt les publications de Philippe Derudder. Pourquoi ? Parce que cela fait un certain temps que je suis convaincu de lâopportunitĂ© que des circulations monĂ©taires ciblĂ©es offriraient en thĂ©orie Ă des communautĂ©s locales ou affinitaires.
En 2007, je mâĂ©tais ainsi rapprochĂ© de la CoopĂ©rative de Finances Solidaires de la Nef, cette SociĂ©tĂ© FinanciĂšre qui aspirait depuis longtemps et aspire encore Ă se transformer en banque, mais nâoffrait et nâoffre toujours Ă ses 30.000 coopĂ©rateurs que des produits co-brandĂ©s avec le CrĂ©dit CoopĂ©ratif (vraie banque et vrai concurrent) ou des livrets dignes des annĂ©es dâaprĂšs-guerre. Je leur proposais alors (en vain) de rĂ©flĂ©chir Ă ce que les nouveaux moyens de paiement (Ă lâĂ©poque essentiellement le RFID) pouvaient offrir tant comme moyen de sauter lâĂ©tape du chĂšque, que dâapporter une aide prĂ©cieuse aux MLC dont la Nef est un sponsor quasi officiel en France.
La prĂ©sentation par Derudder du bitcoin est dâun grand classicisme. Elle est aussi dâun grand conformisme. On ne possĂšde physiquement lâeuro pas davantage que le bitcoin : si on perd le billet il est perdu, si on perd son numĂ©ro de compte on a des problĂšmes, si la banque saute⊠etc. Les livres de compte sont gĂ©rĂ©s ailleurs et diffĂ©remment, mais lâeuro nâest pas une pĂ©pite.
Je nâĂ©piloguerai pas sur le faible intĂ©rĂȘt quâil y a de rappeler lâabsence de banque centrale pour Ă©mettre et gĂ©rer le bitcoin. Il aurait Ă©tĂ© plus amusant de souligner que, comme lâeuro cette fois, le bitcoin nâa pas non plus de gouvernement pour le soutenir (dans tous les sens que lâon voudra donner au mot soutenir) : lâĂ©tat amĂ©ricain (dont lâextravagante puissance militaire ne peut ĂȘtre omise quand on fait lâinventaire des caractĂ©ristiques du dollar) vient de rappeler que toute transaction en dollar est passible de Sa Justice. Les nains chĂątrĂ©s europĂ©ens ont baissĂ© le regard devant lâogre et lâaffaire ne profite quâau yuan. Lâeuro, en dĂ©pit des pompeuses promesses de 1992 Ă 2002 nâa jamais Ă©tĂ© quâune monnaie de petits vieux.
Mais puisque Derudder est platement aristotĂ©licien quand il en vient Ă considĂ©rer comme purement virtuel un protocole dâĂ©change dâinformations rĂ©pondant Ă une logique mathĂ©matique situĂ©e dans le ciel des IdĂ©es, pourquoi ne saisit-il pas ce qui, dans le bitcoin, rĂ©pond si directement Ă ce que dit lâauteur de lâEthique Ă Nicomaque (V,9) : c'est le besoin que nous avons les uns des autres qui, dans la rĂ©alitĂ©, est le lien commun de la sociĂ©tĂ© qu'il maintient. Sâil a bien vu que le bitcoin, Ă lâorigine, sâobtenait en Ă©change dâune partie de la puissance de calcul dâun ordinateur, il croit que câest au service de la rĂ©solution de sortes dâĂ©quations (soudain suffisamment existantes pour avoir des serviteurs) quand on pourrait tout aussi bien Ă©crire au service de la communautĂ© qui a adoptĂ© ce moyen dâĂ©change.
Reprenons Aristote lĂ oĂč nous lâavons interrompu : Si les hommes n'avaient point de besoins, ou s'ils n'avaient pas des besoins semblables, il n'y aurait pas d'Ă©change entre eux, ou du moins, l'Ă©change ne serait pas le mĂȘme.
Câest du cĂŽtĂ© de lâĂ©change que le bitcoin blesse Derudder.
Sa raretĂ© (relative) lui apparaĂźt suspecte, quand les supporters des MLC ne manquent pourtant jamais dâannoncer ou de suggĂ©rer que le systĂšme fondĂ© sur le dollar Ă gogo finira par sâeffondrer. La plupart des MLC ont des masses monĂ©taires tenant dans un tiroir dâĂ©picier.
La critique pourtant ne serait pas impertinente en soi. Il reste quâune monnaie abondante comme le sont, surtout depuis 2008, le dollar et lâeuro, peut ĂȘtre suffisamment mal rĂ©partie pour nourrir des bulles au lieu de nourrir des enfants. Aujourdâhui le problĂšme est bien davantage dans lâallocation et la circulation de la monnaie que dans sa masse totale.
Que le bitcoin ait connu de fortes variations (comme au demeurant lâor, lâargent ou dâautres commodities depuis 1945) nâimplique pas que son utilitĂ© soit uniquement spĂ©culative. Au vrai, ce reproche est surtout formulĂ© doctement par ceux qui, ayant bien levĂ© les yeux au ciel en marmonnant le nom de Ponzi en 2011 ou 2012, ont regrettĂ© en 2013 dâavoir Ă©tĂ© si peu spĂ©culatifs intellectuellement.
Le bitcoin sert, et continuera de servir, Ă deux usages rĂ©els. Le premier qui restera sans doute second, est de payer : on peut manger dans la plupart des capitales dĂ©veloppĂ©es avec du bitcoin sur son wallet. Certes le choix est encore imitĂ© (je recommande chaudement le 43 sur la Butte aux Cailles) mais il sâĂ©toffe. A GenĂšve on peut mĂȘme aller aux filles (comme a cru devoir me lâindiquer un anonyme qui avait lu un peu vite mon billet consacrĂ© aux monnaies des maisons closes). Cet exemple mis naturellement Ă part, payer en bitcoin est aujourdâhui un bon moyen de crĂ©er du lien, et avec son petit cĂŽtĂ© complot-techno, il peut sâinscrire sans trop dâeffort comme un objet transitionnel de Winnicot. Il est probable que Derruder juge ici la chose de lâextĂ©rieur.
Lâautre usage du bitcoin, essentiel, câest lâenvoi dâargent. Il a mĂȘme Ă©tĂ© conçu, me semble-t-il, fondamentalement autour de cette problĂ©matique, dans cette intention.
Quand Derudder dit que câest lâintention qui compte, il fait sourire. Le problĂšme des bonnes intentions, câest que le paradis de la finance alternative ou Ă©thique en est pavĂ©. Il y a loin des intentions affichĂ©es par celle-ci dans ses chartes Ă ses pratiques dans lâĂ©conomie rĂ©ellement existante. Parlons donc en termes dâefficacitĂ© : avec un billet papier dâune MLC dans une ville de quelques milliers dâhabitants on peut manger dans un restaurant de cette ville. Jâattends que les MLC communiquent clairement (dans la pĂ©tition de transparence qui est celle de toute la finance Ă©thique) non seulement sur les masses de ces monnaies mais sur leur circulation. Ce que chacun peut savoir minute par minute sur le bitcoin et mesurer les gros blocs (sans doute spĂ©culatifs) et les micro-paiements (cafĂ©s payĂ©s en bitcoins, petits transferts).
Je trouve donc bien tranchant le jugement de conclusion qui ne reconnaĂźt aucunement le potentiel de transformation socio-Ă©conomique des MLC au bitcoin.
Dâabord parce quâil appartient Ă chacun de penser plus important de faciliter les Ă©changes entre bobos et bios Ă Aubagne ou Ă Villefranche ou les virements de millions de travailleurs expatriĂ©s sur lesquels Western Union (82 milliards de dollars de transfert en 2013) se sert assez grassement (5,5 milliards de CA prĂ©levĂ© soit en moyenne 6,7% de frais, et beaucoup plus, bien sĂ»r, sur les petits montants,) pour sâoffrir dâobscĂšnes campagnes de publicitĂ© ensuite. On lira Ă ce sujet un article dĂ©jĂ un peu ancien, mais seuls les profits ont changĂ© depuis 2006.
Ensuite parce que le bitcoin est aussi une rĂ©volution mentale. Câest un bien commun de lâhumanitĂ©. Certes il faut le miner (comme lâor) mais on peut aussi ouvrir sa mine. Il existe plus de 200 crypto-monnaies. Pourquoi parler de raretĂ© ?
Si le bitcoin vous dĂ©plait, creusez une autre mine. Certaines, comme le Reddcoin affichent au demeurant des visĂ©es et des intentions sociales. PlutĂŽt quâune Ă©niĂšme collection de billets de Monopoly pour jouer Ă la marchande sur les foires bios, en collant des gommettes au dos des billets pour rĂ©inventer lâinflation, tandis que la contrepartie en euros git douillettement sur un compte de la Nef ou du CrĂ©dit CoopĂ©ratif (oĂč vous nâavez pas la moindre idĂ©e de ce quâil devient vraiment) regardez un peu ce que les Ă©volutions technologiques (et mathĂ©matiques !) vous offrent.
Les inventions techniques sont brevetables : faut-il rappeler que Western Union est issue de lâinvention du Morse ? Cependant les MLC pourraient quand mĂȘme sortir du papier et voir ce que des plateformes de transfert un peu ouvertes (possibilitĂ© de transferts entre pays banques et devises diffĂ©rentes) pourraient leur offrir comme opportunitĂ©s. Il est un peu pathĂ©tique de voir que les MLC en sont tout juste Ă patiner dans la montĂ©e pourtant bien balisĂ©e des cartes de paiement en plastique (le NU de Rotterdam semble avoir disparu comme le SOL) et que la Nef annonce des chĂ©quiers pour fin 2015.
Quant aux inventions mathĂ©matiques elles ne sont pas purement virtuelles comme Derruder le pense, mais elles sont non brevetables. Rien quâen cela, il y a un potentiel de transformation.
Le bitcoin nâest certes pas « la solution », mais il nâest en rien « du cĂŽtĂ© du problĂšme ». Certes ceux qui travaillent autour du bitcoin veulent gagner de lâargent : les gĂ©rants de Biocoop aussi ; le bitcoin monte en euro, mais câest peut-ĂȘtre que lâeuro (et donc les MLC qui ont un lien fixe Ă lâeuroâŠ) baissent, et les raisons de le penser ne manqueraient pas.
Dire que la valeur de la monnaie qui monte nâest appuyĂ©e sur aucune richesse rĂ©elle, câest soit admettre quâil nâexiste de richesse rĂ©elle concevable pour garantir une monnaie quâune encaisse dans une autre monnaie (revenons donc Ă lâor) ou une circulation de dettes (double problĂšme : les MLC non plus ne permettent pas le crĂ©dit, en lâĂ©tat, et les dettes en euros ou dollars ont aujourdâhui une valeur bien incertaine) soit enfin, et surtout, compter pour rien la richesse de la communautĂ© crĂ©Ă©e par lâĂ©change. Câest un jugement de physiocrate.
Retournons une derniĂšre fois vers Aristote : la monnaie n'existe pas dans la nature. Elle n'existe que par (selon) la Loi. Il ne tient qu'Ă nous de la changer et de la rendre inutile si nous le voulons.
Keynes, qui ne souhaitait pas le retour Ă une « richesse rĂ©elle » concluait quâon n'a jamais parlĂ© de si bon sens -avant ou aprĂšs.
De ce que la monnaie nâest pas forcĂ©ment lâor, on en est venu en quelques dĂ©cennies Ă conclure que câĂ©tait forcĂ©ment la dette. Money is what money does. La monnaie câest lâĂ©change, mĂȘme au comptant. La valeur n'est ni dans le billet de banque (euro ou MLC) , ni mĂȘme dans la piĂšce d'or, elle est dans la communautĂ© qui accepte et garantit cet Ă©change.
Nous avons déjà évoqué le parfum de soufre du bitcoin en traitant de l'usage de la monnaie dans les choses sacrées, qui suscitait bien des questions. Comme ont dû le faire certains Romains, sortons du temple et dirigeons-nous vers le lupanar, puisque les industries du vice ne sont pas les derniÚres à lorgner vers les monnaies cryptographiques. Le site de l'une d'entre elles, le Redcoin annonce : porn, gambling and everything naughty. Une monnaie pour le vice ? Depuis l'antiquité, les bordels ont battu monnaie...
Est-ce par respect pour César ou par précaution que l'on y inventa une monnaie affectée, comme nous dirions aujourd'hui ? En tout cas, si le premier bordel semble avoir été athénien (et bon marché) les premiers jetons de maisons closes datent de l'époque romaine. On les appelle tessÚres spintriennes ou spintriae d'un mot latin désignant la débauche.
Le mot tessera dĂ©signait en gĂ©nĂ©ral un jeton et il en existait de toutes sortes. Dans la ville qui garantissait au petit peuple du pain et des jeux, on distribuait en fait des tesserae de matiĂšres et de motifs divers, donnant droit Ă une entrĂ©e dans le Cirque ou Ă une ration de froment. Je ne dis pas que l'on ait distribuĂ© des bons pour une passe, mais l'usage du jeton pour entrer quelque part Ă©tait bien Ă©tabli. Effectivement, autant ne pas mettre la figure de CĂ©sar sur cela, mĂȘme si on se souvient que l'empereur Vespasien se moquait bien de voir sa monnaie transiter par les latrines ! Je reviendrai un autre jour sur les tessĂšres et autres jetons d'usage.
Ce jeton en pate de verre dont la réalisation est par ailleurs d'une grande qualité était sans aucun doute en usage dans un établissement huppé.
Notons que l'on n'a pas tenté de donner à la tessÚre une figure trop proche de la monnaie.
Plus grossiĂšres sont les spintriae de plomb que l'on retrouve un peu partout, et jusqu'en Angleterre.
On voit mal ces jetons servir de monnaie à l'extérieur comme nos tickets restaurants qui sont plus ou moins admis par les épiciers. Cependant leur aspect prend progressivement celui de piÚces, avec des chiffres au cÎté pile.
Quelle signification donner à ces chiffres? Certains connaisseurs imaginatifs ont prétendu que cela désignait le prix des différentes prestations, d'autres plus prosaïques y ont vu le numéro de la chambre, ou de la fille... mais le plus grand lupanar retrouvé à Pompei n'avait que 10 chambres, quand certaines séries de spintriae atteignent 16 modÚles.
Il m'apparaßt probable que ces objets ont été collectionnés indépendamment et parallÚlement à leur valeur d'usage. à l'appui de cette thÚse il y a l'évidente similitude avec d'autres émissions trÚs comparables, comme une série d'empereurs. Là aussi, on retrouve souvent le chiffre 16 comme nombre des spécimens.
Il est difficile de trancher le point quant à l'ordre des choses : les spintriae furent-elles une simple variante libertine des collections dédiées aux empereurs ou aux gladiateurs ? Des contrefaçons coquines de la monnaie, comme certaines piÚces de six euros aujourd'hui? Ou bien fabriquées à l'origine comme des jetons de passe ( achetés par le client à la maquerelle ? distribuées par le général à la troupe ? ) ont-elles été ensuite sciemment transformées en objet collectors ?
La question n'est pas innocente. Pas davantage que la pratique bien connue des Ă©diteurs de cartes diverses : autant les vignettes de l'Ă©quipe de France offertes jadis dans les boites de fromage avaient une faible et Ă©gale valeur dans les cours de rĂ©crĂ©ation, autant les vignettes vendues (trĂšs au-dessus de leur coĂ»t de revient rĂ©el) par des Ă©diteurs (comme l'italien Panini) peuvent, par leur inĂ©gale rĂ©partition dans les pochettes oĂč elles sont vendues, acquĂ©rir des valeurs diffĂ©rentes, et pour certaines trĂšs Ă©levĂ©es... L'Ă©dition de mĂ©dailles ou de cartes de collection permet de crĂ©er de la valeur et cela en parfaite lĂ©galitĂ© puisqu'Ă aucun moment on n'Ă©met de la monnaie. Dans les annĂ©es 90, j'ai cependant vu une directrice d'Ă©cole pourchasser les faux Pikatchu avec force - certes sans oser brandir le cĂ©lĂšbre article 139 du Code PĂ©nal - parce que ces faux avaient Ă©tĂ© monnayĂ©s contre de vrais francs français. Il est probable que l'on verra un jour des altcurrencies collectors du fait d'une quantitĂ© volontairement restreinte ou d'un gimmick quelconque.
Retournons Ă la maison close : bien des raisons pouvaient y justifier l'usage des jetons.
Quelque soit le statut des filles (esclaves antiques, débitrices, filles-mÚres, pauvresses...) pratiquer un change à la caisse évitait que ces filles ne touchent à la monnaie du dehors. C'est aussi l'une des raisons de l'usage des chips dans les maisons de jeux, sujet sur lequel je reviendrai un jour.
Cette prĂ©caution classique a perdurĂ© dans les maisons de passe, mais une chose forcĂ©ment significative doit ici ĂȘtre notĂ©e : alors que dans certaines industries on donne Ă ces monnaies internes un aspect ludique et le moins monĂ©taire possible ( les colliers de perle du Club Med ) , dans les bordels la coutume de donner un aspect monĂ©taire Ă l'objet s'est affirmĂ©e au cours des siĂšcles : tous les souverains du 19 Ăšme siĂšcle ( et pas seulement en France...) ont ainsi leurs effigies Ă l'avers de jetons dont les revers s'ornent de symboles les plus explicites. TrĂšs souvent ce sont des objets de plomb ou d'Ă©tain, assez grossiers. Il arrive toutefois que l'on trouve de lourdes piĂšces d'argent, probablement en usage dans les meilleurs Ă©tablissements parisiens.
( et cliquez ici pour voir aussi la cÎté poil, mais pour les impudiques seulement !)
Tant et si bien que des établissements plus modestes purent, inversement, se servir comme jetons de vieilles espÚces démonétisées et sans réelle valeur. J'ai découvert qu'à Arsonval, dans l'Aube, une petite maison de passe se servait avant la guerre de vieux liards en cuivre du temps de... Louis XV.
Etonnant destin de la monnaie d'un roi lui-mĂȘme notoirement portĂ© sur la fille publique !
Dans le monde crypto de mĂȘme, toutes les alt-currencies perdureront, mĂȘme dĂ©monĂ©tisĂ©es si leurs cours s'effondrent totalement : rien n'empĂȘche de leur imaginer d'Ă©tonnants destins, comme ceui des liards d'Arsonval.
Du coup certains vrais jetons se donnaient des petits airs de monnaies anciennes, comme ci-dessous, avec une figure de Louis XIII assez fantaisiste.
On trouve le mĂȘme usage Ă©quivoque des codes et symboles officiels en AmĂ©rique avec un jeu de mot salace : cent changĂ© en cunt (chatte mais aussi salope).
A la mĂȘme Ă©poque on gravait aussi des mots d'amours ou l'initiale d'un fiancĂ© sur les piĂšces, une coutume ancienne que les soldats de la guerre de SĂ©cession popularisĂšrent. Le bitcoin sera-t-il un jour Ă mĂȘme de porter (aussi) un message amoureux?
Malgré le jeu de mot permis par le slang, n'allons pas croire que le service ait été vendu pour one cent seulement : il fut pendant assez longtemps fixé à trois dollars, somme que l'on retrouvait sur de nombreux jetons.
Relique d'un monde sans inflation : il ne viendrait plus à l'idée d'écrire Bon pour un repas sur un ticket restaurant aujourd'hui. Les établissements du Nebraska sont d'ailleurs revenus à la pratique du token sans indication de valeur.
Les claques parisiens ont largement continué, passé le temps des rois, de singer les monnaies de la République et leurs divers symboles (Marianne, coq ..). C'est aussi que la République prenait sa part du profit, ce qui permet de comprendre certains atouts d'une monnaie de transaction affectée.
Le jeton a dĂ» servir d'instrument fiscal. Les maisons ne fabriquaient point elles-mĂȘmes de tels jetons, ce qui explique que les scĂšnes pornographiques au verso soient si souvent similaires. Il est probable que l'on pouvait savoir combien de jetons circulaient dans telle ou telle maison, et que cela faisait partie des diligences du PrĂ©fet (qui dĂ©livrait l'indispensable certificat de tolĂ©rance et faisait payer cher ses contrĂŽles, notamment sanitaires) et des renseignements connus du percepteur, qui en ces temps de fisc plus lĂ©ger que le nĂŽtre, prenait ici un confortable 50%.
Mais le jeton est aussi un instrument comptable : quand le client de la Belle Epoque achetait son jeton 5 francs, 2 francs 50 revenait à la fille, 2 francs étaient destinés à la maison le reste allant à diverses charges (on payait 25 centimes pour la serviette à la blanchisseuse par exemple). Tenir les comptes en jeton permet une comptabilité analytique aisée.
Allons plus loin : si la fille est le premier indicateur de la police contre la maquerelle, qui remplit ce rÎle contre les clients... d'un point de vue comptable on a ici, grùce au jeton, une ébauche de comptabilité en partie triple (client, caisse de la maquerelle, fille) avec la possibilité pour la communauté des filles de vérifier les comptes de la maquerelle. Cela ne vous évoque rien?