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Extrait :
Le NFT, pour Non Fungible Token, se traduit par «Jeton non-fongible». Cela signifie quâun jeton prĂ©sente des caractĂ©ristiques qui lui sont propres, uniques, qui empĂȘchent de le confondre avec un autre jeton. Les jetons fongibles sont Ă lâinverse des jetons interchangeables : un euro vaut un autre euro par exemple, tandis quâun NFT ne vaudra pas un autre NFT.Â
Pour illustrer ce concept, prenons lâexemple de Sorare, sociĂ©tĂ© française crĂ©ant un jeu Ă mi-chemin entre Mon Petit Gazon et les cartes Panini nativement numĂ©riques. La sociĂ©tĂ© propose lâachat de jetons reprĂ©sentant des joueurs de football Ă©mis en quantitĂ©s limitĂ©es. Les meilleures cartes se vendent Ă des prix Ă 4 voire 5 chiffres. Le NFT peut revĂȘtir diffĂ©rentes formes et ĂȘtre par exemple un objet («item») de jeux vidĂ©os, un actif immobilier ou une Ćuvre dâart Ă part entiĂšre.
En «jetonisant» un actif numĂ©rique, celui-ci profite des caractĂ©ristiques intĂ©ressantes des blockchains: il devient plus aisĂ©ment liquide, auditable et transparent afin de pouvoir contrĂŽler son Ă©mission. Par ailleurs, cela rend possible une «rĂ©elle» dĂ©tention pour le joueur recevant ou achetant une carte, Ă lâinverse dâune dĂ©tention fictive sur un serveur dâun tiers. Libre au dĂ©tenteur de lâenvoyer Ă un proche, de le vendre Ă une autre personne ou de lâutiliser sur des services tiers. Dans le cas de Sorare, cela permet au joueur de collectionner vĂ©ritablement les cartes de ses joueurs prĂ©fĂ©rĂ©s, ou encore de repĂ©rer Ă©ventuellement des joueurs prometteurs et les revendre au plus offrant.
Le NFT peut revĂȘtir diffĂ©rentes formes et ĂȘtre par exemple un objet («item») de jeux vidĂ©os, un actif immobilier ou une Ćuvre dâart Ă part entiĂšre. Les plateformes OpenSea ou Rarible proposent une place de marchĂ© permettant dâacheter ses Ćuvres numĂ©riques. Citons Pascal Boyart proposant des fresques bien rĂ©elles mais aussi une tokenization de son art qui propose Ă la vente la copie numĂ©rique de celles-ci.Â
Dans des univers numĂ©riques Ă la «Second Life», il devient dĂšs lors possible dâĂȘtre propriĂ©taire de terrains reprĂ©sentĂ©s par un NFT indiquant les coordonnĂ©es. Charge aux particuliers et aux entreprises de construire ensuite sur leurs parcelles un casino, un espace de discussion ou une Ă©cole. Depuis 2018, il sâest Ă©changĂ© pour plus de 20 millions de dollars de parcelles ou dâitems tokenizĂ©s sur la plateforme Decentraland. Ces NFT disposent donc dâun prix qui se fonde sur lâoffre et la demande. Certes moins liquides que des jetons traditionnels, les parcelles depuis 2018 sont restĂ©es relativement stables dans leur prix. On peut donc imaginer construire des services sur cette valeur.Â
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Ce matin j'ai publié un tweet indiquant que suite à la derniÚre communication de IBKR (Interactive Brokers) concernant le Bréxit j'avais pris la décision de solder toutes mes positions et de publier une vidéo et article explicatifs Depuis ce tweet, j'ai reçu de nombreuses réponses de personnes m'indiquant leur impatience de lire l'article et voir ma vidéo. Cela ...
Suite au succÚs de nos précédents webinars (Gaming, Immobilier, DeFi), Blockchain Partner organise le 24 novembre 2020 à 11h un webinar (gratuit) à destination des assureurs, sur le sujet blockchain & cryptoactifs.
Au programme :Â
1- Comprendre les blockchains et les cryptoactifs
2- Exemples dâapplications blockchain pour lâassurance : assurance indicielle, assurance P2P, polices dâassurance tokenisĂ©es, marchĂ©s prĂ©dictifs
3- Assurer les nouveaux risques liés aux cryptoactifs : un nouveau marché pour le secteur assurantiel
4- Questions & RĂ©ponses Â
Le webinar aura lieu sur Google Meet. Le nombre de places étant limité, inscrivez-vous pour y participer !
A ceux qui, comme moi-mĂȘme, pensent que Bitcoin est fondamentalement une « monnaie souveraine » la lecture du petit livre de Donatella Di Cesare apportera, malgrĂ© tout ce qu'il contient de lueurs de fin du monde de nature Ă rendre chagrin ses lecteurs, quelques pistes pour stimuler la rĂ©flexion.
Je n'entends pas tordre le propos de cette philosophe italienne qui, en se penchant sur les questions politiques et Ă©thiques Ă lâĂšre de la mondialisation, interroge des phĂ©nomĂšnes actuels comme celui de la terreur, face cachĂ©e de la guerre civile mondiale qu'elle perçoit, ou comme la souverainetĂ©, qu'elle examine Ă la lumiĂšre de Spinoza. Mais il se trouve que bien des choses qu'elle dit de ce virus qui se rit des frontiĂšres et des vieilles souverainetĂ©s construites Ă leur abri s'appliquent de façon trop troublante aux grandes cryptomonnaies pour que cela ne puisse pas ĂȘtre relevĂ©.
Donatella di Cesare note d'abord tout ce que le virus a dĂ©jĂ provoquĂ© : instauration d'une « dĂ©mocratie immunitaire » rĂ©gie par la mesure des distances physiques et par le contrĂŽle Ă©lectronique des corps, d'un gouvernement d'experts hors contrĂŽle, d'Ă©tats d'urgence qui ne sont plus des Ă©tats dâexception. Pour elle, le virus et les choix faits pour le combattre ont mis en Ă©vidence non seulement l'autoritarisme (partout dĂ©noncĂ©, et me semble-t-il, Ă juste titre) mais surtout ce qu'elle dĂ©crit comme l'intrinsĂšque cruautĂ© du capitalisme.
Contre la doxa qui, comme pour la précédente crise en 2008, assure sans vergogne qu'on ne pouvait rien prévoir, la philosophe assure que ce virus « était dans l'air depuis un moment » et elle en cite des preuves.
Elle rappelle qu'un Ă©vĂ©nement « n'est jamais une absolue singularitĂ©, ne serait-ce que parce qu'il s'inscrit dans la trame de l'histoire ». Cette derniĂšre rĂ©flexion je l'appliquerais volontiers Ă la publication du 1er novembre 2008, tandis que Donatella di Cesare met les crises financiĂšres et sanitaires dans une mĂȘme perspective, celle d'une aube du troisiĂšme millĂ©naire qui « se caractĂ©rise par une difficultĂ© Ă©norme pour imaginer le futur ».
Quand mĂȘme, ce n'est pas solliciter le texte que d'y voir des Ă©chos Ă nos propres prĂ©occupations : « le temps semble dĂ©jĂ consommĂ© avant mĂȘme qu'il ne soit accordĂ©. Nous sommes sur des escaliers roulants qui montent toujours plus vite ». DerriĂšre la proposition d'une monnaie non fondĂ©e sur de la dette, ne trouvons-nous pas la mise en cause de ce qu'elle critique : une « croissance devenue une excroissance incontrĂŽlable, sans mesure ni fin » et ce qu'elle appelle « l'extension du principe de l'endettement » ?
Si ce virus couronné est « souverain dÚs le nom », les souverainistes, eux, en prennent pour leur grade :
« Rien ne nous a protĂ©gĂ©s, pas mĂȘme les murs patriotiques, ni les frontiĂšres rogues et violentes des souverainistes ». Le virus « dĂ©masque partout les limites d'une gouvernance politique rĂ©duite Ă l'administration technique ». Ce n'est d'ailleurs pas un hasard, ajoute-t-elle, si les Ătats se dĂ©lĂ©gitiment les uns les autres.
Sommes-nous en guerre?
Beaucoup de gens ont trouvĂ© le terme impropre, destinĂ© Ă justifier des mesures odieuses dans une rhĂ©torique typiquement française d'exaltation de la puissance armĂ©e. Il est vrai aussi que la prise systĂ©matique des dĂ©cisions en « Conseil de DĂ©fense » offre un havre juridique aux dirigeants demi-courageux. Mais s'il faut le prendre au sĂ©rieux ce terme de guerre, c'est soit que le virus est souverain (la guerre est thĂ©oriquement un privilĂšge de souverain) soit qu'il Ćuvre comme les terroristes avec lesquels nous sommes aussi « en guerre » et qui, eux, font allĂ©geance Ă un Ătat souverain fantasmĂ©. Dans les deux cas, qu'il me soit permis de penser que ladite guerre est mal engagĂ©e.
Clemenceau, si facilement invoquĂ© de nos jours, eĂ»t peut-ĂȘtre bougonnĂ© que la guerre au virus est chose trop sĂ©rieuse pour ĂȘtre pilotĂ©e par de supposĂ©s « savants », apparaissant et disparaissant, Ćuvrant ou tranchant hors tout contrĂŽle dĂ©mocratique, mais pas forcĂ©ment hors des enjeux de carriĂšre et d'intĂ©rĂȘt. Bref ce qu'on a vu Ă©merger depuis des dĂ©cennies en matiĂšre de gestion des monnaies dites « souveraines ». Si au moins, a-t-on envie de persifler, cela s'avĂ©rait efficace !
Pourquoi faut-il indĂ©finiment rĂ©itĂ©rer nos erreurs stratĂ©giques ? Citons ici un autre philosophe, Jean-Loup Bonnamy : « le confinement nâest pas trĂšs efficace pour sauver des vies et dĂ©sengorger le hĂŽpitaux. Câest un remĂšde passĂ©iste et archaĂŻque, une sorte de ligne Maginot. Au dĂ©but du 19Ăšme siĂšcle, le grand Ă©crivain Pouchkine dĂ©crivait dĂ©jĂ le confinement imposĂ© par les autoritĂ©s russes pour lutter (sans succĂšs) contre lâĂ©pidĂ©mie de cholĂ©ra. Je suis assez surpris quâen 2020, Ă lâĂ©poque dâInternet, dans un pays moderne qui se trouve ĂȘtre la sixiĂšme puissance mondiale, on utilise un remĂšde qui fait davantage penser au dĂ©but du 19Ăšme siĂšcle quâĂ lâĂšre du big data  ».
Pour moi, l'erreur est moins celle de Maginot avec sa « ligne » que celle de NapolĂ©on avec son  « blocus » : on peut ĂȘtre en guerre.. et se tromper de terrain, surtout si le combat se livre sur un terrain de nature diffĂ©rente.
Qui va la perdre, cette guerre ?
La philosophe ne prĂ©dit pas l'avenir avec certitude : « peut-ĂȘtre le virus souverain finira-t-il par dĂ©stabiliser la souverainetĂ© de l'Ătat ». J'avais Ă©mis cette hypothĂšse, mais seulement Ă titre d'hypothĂšse, dans un podcast publiĂ© par la Tribune en mai dernier et que l'on peut (rĂ©Ă©couter ici).
La souverainetĂ© europĂ©enne ne devrait, elle non plus, pas sortir magnifiĂ©e de l'Ă©preuve. Le cadre qui nous a Ă©tĂ© donnĂ© depuis des dĂ©cennies comme espace politique et rempart stratĂ©gique s'est rĂ©vĂ©lĂ© inconsistant, inopĂ©rant, inexistant : « une assemblĂ©e de copropriĂ©taires tumultueuse, un amas de nations qui se disputent l'espace Ă coups de compromis chancelants pour dĂ©fendre leurs propres intĂ©rĂȘts. Aucun sens du commun, aucune pensĂ©e de la communautĂ© » dit Donatella Di Cesare. Et c'est sur ce mot creux (et sur un pacte militaire avec les USA et la Turquie) que repose, en derniĂšre analyse, la soliditĂ© de notre monnaie lĂ©gale... Notons en passant que, du point de vue des cryptomonnaies, cette cacophonie est une apprĂ©ciable aubaine !
Bien sĂ»r l'hypothĂšse inverse, celle d'une extension Ă l'infini des « pleins pouvoirs » que s'arrogent les wartime presidents est Ă©galement possible. Selon l'auteur, cela tient Ă ce que le pouvoir « ne sait plus parler Ă une communautĂ© dĂ©sagrĂ©gĂ©e qu'en faisant appel Ă la peur ». La rapiditĂ© un peu gĂȘnante avec laquelle, par exemple, un ministre français se saisit d'un attentat terrorisant pour demander une mesure de rĂ©gulation des cryptomonnaies (mesure dĂ©jĂ prĂ©vue et que l'Ă©vĂ©nement permet juste de faire passer) est assez emblĂ©matique de la convergence de la gouvernance par la peur et de la gouvernance par la dette. Mais ça, ce n'est pas absolument nouveau...
Ce que le virus nous apprend du cyberespace comme terrain de guerre
Donatella Di Cesare ne s'en rĂ©jouit pas, mais elle perçoit un changement dans « le McMonde, l'espace Ă©norme du rĂ©seau, oĂč chacun a dĂ©sormais acquis une citoyennetĂ© supplĂ©mentaire », mĂȘme si pour elle (et je pense qu'elle se trompe pour partie) « ce n'est pas sur le scĂ©nario rĂ©ticulaire que se fonde le nous de la communautĂ© politique ». Seulement, si ce n'est pas lĂ , la lecture de son ouvrage ne laisse pas entrevoir de refuge ni de scĂ©nario alternatif.
Bien sûr, il y a toujours eu, moins avouable que le goût de la liberté ou que l'enthousiasme mathématico-technologique, un fond de noir pessimisme dans l'idéologie qui sert d'humus à Bitcoin. Et il faut bien dire que la lecture de ce petit ouvrage n'est pas de nature à dissiper nos humeurs sombres. Quand on a parcouru son chapitre sur ce qu'elle appelle le « lockdown des victimes », avec ses morgues et ses corps traités comme de purs déchets, il est bien difficile d'avaler la soupe servie à tous les repas par nos derniers hommes politiques, le potage de « valeurs républicaines ». Et ce ne sont pas les dessins tristes et sales du néoCharlie, instaurés en icÎnes de la Déesse Raison, qui nous rendront le sourire ou le courage.
Que le scénario soit seulement et techniquement « réticulaire », qu'il soit empreint d'une dose de survivalisme ou d'une pointe de millénarisme il s'y passe bien des choses. Que ce qui advient ne soit pas une « communauté politique » au sens moderne du terme est possible, mais quoi ? L'émergence de Bitcoin est selon moi la preuve que ce qui y germe n'est pas dépourvu de « souveraineté », puisque jusqu'à preuve du contraire, nulle puissance de ce monde n'a pu stopper Bitcoin, quoi que l'envie n'ait pas dû manquer.
Ce que le virus nous a appris, c'est d'abord que le cyberespace est un terrain particuliÚrement propre à la résilience, j'entends la résistance à ce type de choc. Et pas seulement parce que le virus (à la différence, par exemple, d'un bombardement) affecte peu les infrastructures matérielles du Cloud ou des entrepÎts robotisés. Mais parce que le cyberespace est mondial, ce qui s'y déroule n'est pas, ou est peu, suspendu aux inévitables contradictions locales, aux débats byzantins sur ce qui est essentiel ou pas (l'huile oui, les huiles essentielles non), interdit à Strasbourg ou permis à Kehl, aux atermoiements ou aux arbitrages du cher dirigeant bien-aimé. Bien sur il y a des problÚmes « à la sortie », au point de contact avec the real life. Mais la nature du cyberespace permet à ses champions de développer deux avantages en apparence contradictoires : la puissance du mastodonte et le caractÚre furtif de l'oiseau, caractéristiques auxquelles Andreas Antonopoulos ajoute, dans le cas de Bitcoin, la résistance immunitaire d'une horde de rats d'égout !
Amazon livre tout, peut-ĂȘtre ce qui est interdit, en tout cas mĂȘme ce qui n'est pas jugĂ© essentiel. Il le fait comme l'Ă©picier roulant de jadis, mais il le fait dĂšs le lendemain, parce qu'Ă l'heure oĂč la FNAC n'a plus de livres en rayon, Amazon a mĂȘme une grammaire grecque ancienne en stock, et qu'il est aussi le seul Ă avoir en stock la gamme de tous les cordons de connexion possibles. Personne ne songe vraiment Ă l'empĂȘcher de livrer, avec sa flotte ou avec celle de ses innombrables et furtifs auto-entrepreneurs. Too big...
En regard, les Ătats (qui semblent parfois mieux anticiper les achats de lacrymogĂšnes que ceux de masques ou de tests) ne sont pas puissants (ce dont attestent la litanie de ce qu'ils n'ont pas en stock disponibles avant de longues semaines mais aussi la petitesse et l'obsolescence de leurs infrastructures ) mais ils ne sont pas non plus furtifs. On l'a bien vu avec le navrant Ă©pisode StopCovid, oĂč l'on a attendu des semaines au pied de la montagne sainte l'inĂ©vitable souris, inutile, mal conçue, non compatible avec les applications de nos voisins, et finalement pas mĂȘme indĂ©pendante des GAFAM.
Aujourd'hui, une chose me frappe : tout le bien qui est dit de #TousAntiCovid est dit par des autoritĂ©s centrales, tout le mal qui en est dit, toutes les critiques sont sur les rĂ©seaux. C'est dire : fondamentalement l'Ătat ne comprend pas la « viralitĂ© ». Dans le vocabulaire officiel « viral » reste un mot grossier, la rĂ©putation ne peut ne fonder que sur des cocardes tricolores (sur Twitter, elles ont quelque chose d'incongru) et ce que l'Ătat ne perçoit pas, ne comprend pas, ne sait pas, est accusĂ© de « passer sous les radars », mĂ©taphore guerriĂšre et tout de mĂȘme un peu datĂ©e !
Et le souverain Bitcoin ?
Pourquoi monte-t-elle cette monnaie qui « passe sous les radars », ne suscite de communication bleu-blanc-rouge que pour dire « méfiez vous, n'en achetez pas » et n'est évoquée par les économistes stipendiés que comme « une folie complÚte » ?
Je ne répondrai pas ici à la question. Le virus en est-il responsable ? Je n'en sais rien et je n'y crois guÚre.
Mais d'une certaine façon si la presse mainstream qui avait si bien enterrĂ© Bitcoin n'hĂ©site pas Ă attribuer sa remontada au virus, n'est-ce pas implicitement qu'aux yeux des noobs sidĂ©rĂ©s, seul le souverain virus peut ainsi donner valeur Ă l'incomprĂ©hensible monnaie qui monte insolemment face aux monnaies de ces Ătats qu'il tient en Ă©chec ? Bref cela nous en apprend plus sur eux que sur Bitcoin...
Post scriptum qui n'a rien Ă voir (comme disait Delfeil de Ton, qui fut des fondateurs du vrai Charlie, et pour marquer un anniversaire qui n'est pas sans rapport)
Bitcoin, souverain, pourrait bien s'exprimer comme notre dernier grand monarque, du moins dans les mots que lui prĂȘtait un humoriste du temps ...
Un prix incroyable !
Et non, ce titre racoleur ne va pas me conduire, en ce 5 novembre, Ă ne parler que de Bitcoin !
Je veux parler d'une piĂšce d'or vieille de plus de 2000 ans et dont le prix a atteint 2.700.000 ÂŁ pour 8 grammes d'or. Une piĂšce d'or assez Ă©tonnante, tant par son extrĂȘme raretĂ© que par son motif : la cĂ©lĂ©bration de l'un des plus cĂ©lĂšbres assassinats politiques de tous les temps.
Il s'agit du lot 463 de la vente menée le 29 octobre dernier par la maison ROMA NUMISMATICS, 20 Fitzroy Square, Londres (métro Warren Street). CÎté face le visage de l'assassin Brutus, cÎté pile son poignard et celui de son complice Cassius entourant le bonnet phrygien, antique symbole républicain, au-dessus de la légende EID MAR (Eidibus Martiis : AUX IDES DE MARS).
L'attention des non-numismates avait été attirée sur ce magnifique objet par le blog de Pierre Jovanovic avec une présentation spectaculaire, mais un peu expéditive.
« C'est totalement fascinant qu'une telle piÚce existe, qu'elle soit parvenue jusqu'à nous et qu'il existe dans le monde des passionnés capables d'y mettre des millions » s'extasiait P. Jovanovic. Sur le fait que des piÚces antiques parviennent jusqu'à nous, on a envie de dire que ce n'est pas la seule ! Le catalogue de la vente est bluffant, et il y a des centaines de ventes numismatiques chaque année dans le monde.
Les reliques du passĂ© sont non seulement en elles-mĂȘmes prĂ©cieuses, mais les rĂ©flexions qu'elles inspirent sont Ă©clairantes et peuvent susciter la mĂ©ditations des bitcoineurs : la valeur des piĂšces de monnaies antiques, comme des statues, des peintures et des autres oeuvres d'art est liĂ©e de façon inextricable Ă leur valeur intrinsĂšque (souvent faible), Ă leur raretĂ©, Ă leur histoire et Ă la longue « tradition » qui est la leur.
Ceux qui iront lire en dĂ©tail la rubrique 463 du catalogue de vente en ligne verront que cet exemplaire (qui n'est pas unique) a une histoire assez bien documentĂ©e depuis pas loin de 2 siĂšcles ; et surtout que l'examen minutieux de l'Ă©tat de la piĂšce permet de la situer dans une sĂ©rie qui est elle-mĂȘme ici plus que restreinte : on pense qu'il reste peut-ĂȘtre une centaine en argent (des denarii ou deniers) et sans doute pas plus de 3 exemplaires en or (des aurei). Il va sans dire qu'aprĂšs des siĂšcles de passion numismatique et d'ardeur archĂ©ologique, la dĂ©couverte de nouveaux exemplaires dans un tel Ă©tat de conservation reste assez faible pour conforter la raretĂ© de la chose !
Ce qui va fasciner, cependant, c'est l'idée d'une émission commémorative de l'assassinat de l'homme qui voulut, le premier à Rome depuis des siÚcles, se faire roi.
La monnaie, prérogative régalienne nous dit-on, pourrait célébrer ce genre d'acte séditieux ?
CĂ©sar est dictateur dans des formes ou plutĂŽt dans des apparences de formes lĂ©gales subsistant aprĂšs plusieurs guerres civiles. Ce n'est pas nous, grĂȘlĂ©s d'Ă©tats d'urgence et de lois d'exception pour bien moins que cela qui allons chipoter les entorses romaines. Ce qui semble Ă©tabli, en revanche, c'est qu'il jouit, lui, d'un solide appui des classes populaires. Et que les conjurĂ©s, de leur cĂŽtĂ©, sont des sĂ©nateurs, des privilĂ©giĂ©s. Ce qui n'interdit pas de leur supposer des intentions diverses, voire le goĂ»t de la libertĂ© antique.
Ceci posĂ©, la raretĂ© mĂȘme de la piĂšce amĂšne sans doute Ă ne pas « trop » solliciter sa signification : Rome n'a pas cĂ©lĂ©brĂ© les assassins de CĂ©sar et cette piĂšce n'a pas Ă©tĂ© frappĂ©e dans les ateliers monĂ©taires du Capitole, dans le temple de Junon Moneta car lors de sa frappe (en -43 ou -42) la Ville Ă©ternelle est au pouvoir des hĂ©ritiers de CĂ©sar. Brutus et ses partisans ont pu se servir d'un atelier monĂ©taire militaire « de campagne », comme cela existait assez couramment, ou bien transporter avec eux les « coins » et faire main-basse sur un trĂ©sor de temple dans l'une des villes de GrĂšce ou d'Asie oĂč ils regroupĂšrent un temps leurs partisans.
Les vrais paradoxes de cette monnaie sont assez différents d'une simple apologie du tyrannicide.
Longtemps trĂšs strictement encadrĂ©es, les reprĂ©sentations figurĂ©es sur les piĂšces romaines s'Ă©taient considĂ©rablement enrichies dans les derniĂšres dĂ©cennies de la RĂ©publique, multipliant les allusions, ycompris pour cĂ©lĂ©brer tel haut fait ou telle famille. Mais un tabou demeurait : celui du portrait d'une personnalitĂ© vivante. Pour des raisons religieuses (dans l'antiquitĂ© la monnaie est « garantie » symboliquement par les divinitĂ©s de la citĂ©) mais aussi, Ă©videmment, politiques, car l'effigie d'un vivant ne pouvait ĂȘtre que celle d'un despote, comme cela Ă©tait patent en Orient, et contrevenait donc Ă la vieille Ă©thique rĂ©publicaine.
Le tabou fut brisé par... le divin Jules, descendant direct de Vénus, comme chacun sait et que cette éthique-là n'étouffait pas trop. Il fut figuré couronné comme un roi et voilé, non par humilité mais à l'image de la déesse Vesta.
Le paradoxe est donc que sur la piĂšce cĂ©lĂ©brant clairement le geste du 15 mars -44 (les ides de mars) le tabou ait Ă©tĂ© pareillement brisĂ© par celui qui avait dĂ©pĂȘchĂ© le tyran ad patres. Tout au plus notera-t-on que ce bon rĂ©publicain est figurĂ© tĂȘte nue alors que celle de CĂ©sar s'ornait d'une couronne.
Les piĂšces en or, on le sait circulaient (beaucoup) moins que celles d'argent, ce qui nous prive d'un facteur assez prĂ©cieux d'Ă©valuation : leur usure. En revanche, les deniers d'argent frappĂ©s avec les mĂȘmes motifs semblent avoir beaucoup circulĂ©. Ce qui implique qu'ils aient inspirĂ© une certaine confiance (bon aloi) et qu'ils aient Ă©tĂ© assez nombreux pour ne pas intriguer. On a dit qu'il en restait peut-ĂȘtre une centaine. Mais un historien qui a Ă©tudiĂ© de prĂšs cette Ă©mission d'argent estime Ă une trentaine le nombre de paires de « coins », diffĂ©rents. En comptant 15.000 piĂšces pour chaque paire, cela ferait 450.000 deniers, ou 1735 kilogrammes d'argent. Cela fait beaucoup de piĂšces, et, vu l'usure de celles que l'on a retrouvĂ©es, beaucoup de piĂšces qui ont rĂ©ellement circulĂ©. Mais en mĂȘme temps cela n'en fait pas tant que cela : en kilogrammes, c'est le trĂ©sor d'un temple, guĂšre plus.
Sic semper Tyrannis ?
La phrase attribuĂ©e Ă Brutus, et traduite de maniĂšre elliptique par « mort aux tyrans » court de maniĂšre plus ou moins souterraine dans l'histoire, et pas seulement comme devise de l'Ătat de Virginie. RĂ©gicides, tyrannicides, attentats... certains changĂšrent l'histoire, d'autres confortĂšrent la tyrannie. AprĂšs Brutus, Auguste. Et, comme chez nous, les sĂ©quences du genre Caligula, Claude, NĂ©ron...
Sur les monnaies, les effigies se succĂšdent. Aujourd'hui, certes elles ont disparu. Nul n'a besoin de connaĂźtre le visage de Big Brother ou celui des petits hommes gris.
D'autres alternatives existent. Bitcoin n'a pas pour rien été baptisée par de sulfureux auteurs « la Monnaie acéphale ».
NOTES
LâEurope commence Ă sâactiver sur son projet dâeuro numĂ©rique, or celle-ci pourrait se faire supplanter par les Ătats-Unis ou Chine Ă cause des freins Ă lâinnovation dont souffre lâĂ©cosystĂšme des crypto-actifs.
Cette tribune a été initialement publiée dans 21 Millions, la newsletter crypto de Capital spécialisée dans les cryptomonnaies.
Par Claire Balva, CEO de Blockchain Partner.
Les stablecoins sont depuis longtemps un outil connu des traders français de crypto-actifs, leur permettant de se protĂ©ger de la volatilitĂ© des cours rapidement et sans crĂ©er dâĂ©vĂ©nements fiscaux. Mais la nĂ©cessitĂ© de ces actifs mimant le cours dâune monnaie traditionnelle dĂ©passe aujourdâhui largement le simple cadre de la fiscalitĂ©.Â
En effet, si le cours des stablecoins est thĂ©oriquement stable, lâoffre de stablecoins, elle, connaĂźt depuis maintenant 3 mois une croissance fulgurante. Le 3 septembre, le fondateur de Coin Metrics, Nic Carter, indiquait ainsi que lâoffre des stablecoins avait augmentĂ© de prĂšs de 100 millions de dollars par jour en juillet et aoĂ»t 2020. Lâessor de la finance dĂ©centralisĂ©e (DeFi), qui explique en partie cette hausse, en a fait des instruments financiers essentiels au fonctionnement de nouveaux produits financiers crypto. Sans stablecoin, des projets comme Curve, Aave ou Yearn nâauraient pas le mĂȘme succĂšs.
En pratique, il est devenu facile de lancer un stablecoin : il âsuffitâ par exemple de bloquer sur un compte bancaire le montant que lâon souhaite Ă©mettre, et de crĂ©er des jetons sur Ethereum, en programmant les fonctionnalitĂ©s souhaitĂ©es (Ă©tablissement dâune liste blanche des comptes autorisĂ©s, rĂ©duction ou augmentation de lâoffre monĂ©taire, etc.). Les banques commerciales ou les grandes entreprises privĂ©es ont donc tout Ă fait la capacitĂ© technique et financiĂšre dâĂ©mettre des stablecoins. Mais derriĂšre cette apparente facilitĂ© se cache en rĂ©alitĂ© un problĂšme politique.
La quasi-totalitĂ© des stablecoins est aujourdâhui indexĂ©e sur la valeur du dollar amĂ©ricain : ainsi la capitalisation du stablecoin le plus utilisĂ©, lâUSDT (Tether) dĂ©passe les 15 milliards de dollars. Il nâest pas surprenant que ceux-ci connaissent donc un essor particuliĂšrement important aux Etats-Unis, qui ont compris que ces instruments pouvaient devenir une extension du domaine de la lutte monĂ©taire. On assiste Ă un vĂ©ritable tournant outre-atlantique : les banques commerciales amĂ©ricaines sont dĂ©sormais en capacitĂ© juridique dâĂ©mettre des stablecoins.Â
Ainsi, ces instruments sont devenus une porte dâentrĂ©e pour les acteurs financiers traditionnels, les conduisant naturellement vers le monde des crypto-actifs. Certaines banques amĂ©ricaines ont depuis quelques mois complĂštement changĂ© de discours sur le secteur crypto, comme JP Morgan qui, trois ans aprĂšs le discours accusateur de son PDG sur Bitcoin, Ă©tend dĂ©sormais ses services Ă cette mĂȘme cryptomonnaie. Dâautres banques comme Goldman Sachs semblent Ă©galement sâengager dans cette voie.
LâEurope, de son cĂŽtĂ©, paraĂźt significativement moins avancĂ©e sur le sujet. Il nâexiste pas de stablecoin euro actuellement Ă mĂȘme de concurrencer ceux indexĂ©s sur le dollar. Les Ă©bauches actuelles de rĂ©glementation concernant les stablecoins sont peu enclines Ă stimuler lâĂ©cosystĂšme autour de la crĂ©ation dâun stablecoin euro, que celui-ci soit centralisĂ© et Ă©mis par un acteur privĂ©, ou dĂ©centralisĂ© (lâon pourrait imaginer un Ă©quivalent du DAI indexĂ© sur lâEuro comme avec Stablecredit dâAndrĂ© Cronje). En outre, malgrĂ© de nombreux points intĂ©ressants, le projet de rĂ©glementation publiĂ© il y a quelques jours par la commission europĂ©enne propose Ă©galement un encadrement trĂšs strict â trop strict ? â des Ă©missions de stablecoins, imposant lâobtention dâagrĂ©ments nationaux, encore Ă dĂ©finir, pour obtenir le droit dâen Ă©mettre.Â
Cet encadrement frileux, dont les objectifs sont certes louables, risque de freiner lâĂ©mergence de projets de stablecoins innovants dans la zone euro.Â
Les options sont pourtant multiples pour faire Ă©merger un ou plusieurs stablecoins euro. La piste qui semble privilĂ©giĂ©e par les instances europĂ©ennes Ă lâheure actuelle consiste Ă faire collaborer les banques centrales de la zone euro, dans le but de crĂ©er un euro numĂ©rique et programmable sur blockchain privĂ©e et DLT (voir quelques signaux allant dans ce sens). Cette option prĂ©sente nĂ©anmoins de nombreux risques :Â
Dâautres solutions existent. PremiĂšrement, de maniĂšre Ă©vidente, Ă lâinstar de ce qui est fait aux Etats-Unis, il serait possible de permettre aux banques commerciales europĂ©ennes dâĂ©mettre simplement un stablecoin dans la zone euro, en utilisant une blockchain publique existante. DeuxiĂšmement, il  pourrait ĂȘtre intĂ©ressant dâopter pour la crĂ©ation dâun bac Ă sable limitĂ© dans le temps (2 ans ?), possibilitĂ© que lâEurope a dâailleurs rĂ©cemment ouverte pour les STO (introductions en bourse via des crypto-actifs). Ce bac Ă sable permettrait de faire Ă©merger des stablecoins indexĂ©s sur lâeuro et ainsi de multiplier les chances dâavoir un outil largement utilisĂ© et adoptĂ© dâici quelques annĂ©es mais aussi dâavoir une approche rĂ©glementaire Ă©quilibrĂ©e forte de ce test grandeur nature
Lâurgence est bel et bien Ă lâinnovation. Si lâUE ne se positionne pas sur ce sujet rapidement, elle en paiera le prix dans quelques annĂ©es, probablement en perdant du terrain face aux Etats-Unis en termes de souverainetĂ© monĂ©taire. Nous risquons en effet dâĂȘtre â encore une fois â soumis aux politiques dâextraterritorialitĂ© juridique amĂ©ricaines. Si les plus grands stablecoins sont ceux indexĂ©s sur le dollar, cela augmente lâutilisation de cette monnaie hors du territoire amĂ©ricain, soumettant ainsi des acteurs europĂ©en Ă la rĂ©glementation amĂ©ricaine, Ă leur politique monĂ©taire, et au risque de change entre dollar et euro.
Bourse, investissement responsable et rentable . Avez vous profitez du mégaboom des énergies renouvelables ?  Depuis la crise du covid chaque semaine lors des mes revues de marché ichimoku consacrées au marché des actions j'alerte sur les opportunités d'investissement dans des actions liées au secteur des énergies renouvelables. Voir la playlist de mes revues de ...
Merci Ă Laurent Benichou, qui a initialement Ă©crit cet article en langue anglaise. Pour voir la version originale de lâarticle, câest par ici.
RĂ©unir le monde de lâassurance et celui de la blockchain a jusquâĂ prĂ©sent Ă©tĂ© la mission la plus difficile de ma carriĂšre. Dâun cĂŽtĂ©, ces deux concepts devraient bien fonctionner ensemble : lâassurance et la blockchain appartiennent toutes les deux Ă la famille des services financiers ; dans les deux cas, il sâagit de flux monĂ©taires, et les deux peuvent compenser vos pertes si un malheur arrive Ă vos actifs.
Pourtant, de grands obstacles se dressent entre ces deux mondes : les technologies blockchain, les cryptomonnaies et la finance décentralisée sont des innovations trÚs récentes, tandis que le travail actuarial implique de pouvoir bénéficier de longues séries historiques pour prendre un risque.
Les crypto-ventures sont promptes Ă prendre des risques, tandis que les compagnies dâassurances cĂšdent la majoritĂ© du risque quâelles prennent. Les dĂ©veloppeurs blockchain commencent sur une architecture neuve alors que lâassurance a beaucoup de dette technique. Les entreprises blockchain inventent des modĂšles non rĂ©gulĂ©s tandis que les assureurs doivent ĂȘtre particuliĂšrement attentifs Ă leur conformitĂ© rĂ©glementaire. Enfin, les assureurs se basent sur la confiance du consommateur (quâil sera indemnisĂ© en cas de perte) tandis que la devise de lâĂ©cosystĂšme blockchain est âdonât trust, verifyâ (ne faites pas confiance, vĂ©rifiez)
La blockchain est pleine de potentiel pour les assureurs, mais sĂ©lectionner les meilleures opportunitĂ©s et savoir comment sây atteler est une tĂąche difficile pour les dĂ©cideurs du secteur. Les meilleurs opportunitĂ©s sont en effet la plupart du temps les plus risquĂ©es, les moins rĂ©gulĂ©es et/ou les plus difficiles Ă mettre en place. Avant de sâattarder sur ces opportunitĂ©s, je souhaite commencer par Ă©voquer quelques erreurs que jâai observĂ©es en voyant le dĂ©veloppement, lâaccĂ©lĂ©ration ou lâarrĂȘt de âprojets blockchainâ dans lâassurance.
Bitcoin a Ă©tĂ© crĂ©Ă© pour Ă©changer de la valeur sans tiers centralisateur. Lâobjectif mĂȘme de Bitcoin Ă©tait de crĂ©er un actif numĂ©rique pour permettre son Ă©change incensurable. On peut donc par principe douter que la âtechnologie blockchainâ soit la meilleure rĂ©ponse Ă des objectifs trop Ă©loignĂ©s du principe dâĂ©change dĂ©centralisĂ© de valeur numĂ©rique. Lorsquâon est face Ă un projet blockchain sans token, la valeur ajoutĂ©e de la blockchain sâavĂšre la plupart du temps au minimum sujette Ă dĂ©bat, et se conclut souvent par un examen technique des diffĂ©rences entre une blockchain privĂ©e et une base de donnĂ©es partagĂ©e. En dâautres termes, on dĂ©marre avec la volontĂ© de sauter dâun grand pas dans la modernitĂ© avec la blockchain, et on termine par une discussion technique sur les moyens dâamĂ©liorer lĂ©gĂšrement son SI.
Le caractĂšre nouveau de la blockchain la rend incompatible ou difficilement connectable Ă dâanciens systĂšmes. On peut mĂȘme ajouter que la philosophie de blockchain dans son premier avatar, le bitcoin, est plutĂŽt de se substituer Ă dâanciens systĂšmes. Et il faut beaucoup dâefforts de gens talentueux (propriĂ©taires de plateformes dâĂ©change, fournisseurs de services, rĂ©gulateurs) pour relier le âmonde cypherâ avec lâancien monde et apporter une valeur ajoutĂ©e Ă ce dernier, parfois sous la critique des dĂ©fenseurs les plus intransigeants et les plus radicaux de la sphĂšre crypto.
Si vous voulez extraire de la valeur de la blockchain, vous devez vous y adapter. Câest pourquoi penser quâun assureur peut siffler la blockchain Ă lâaide et voir soudainement apparaĂźtre un magicien amĂ©liorant les processus de lâassurance nâest quâune chimĂšre. Vous ne pouvez pas tirer de la valeur de la blockchain si vous voulez conserver tous vos anciens systĂšmes, tous vos processus, toute la complexitĂ© dont vous devriez vous dĂ©barrasser.
Le secteur de lâAssurance comprendra bientĂŽt que les opportunitĂ©s les plus immĂ©diates ne sont pas liĂ©es Ă la maniĂšre dont la Crypto peut soutenir lâAssurance, mais Ă la maniĂšre dont lâAssurance peut soutenir la Crypto. Le secteur des cryptomonnaies est dĂ©sormais bien rĂ©el, avec des milliards de dollars Ă©changĂ©s chaque jour. Ce secteur a besoin dâassurances pour les portefeuilles et les dĂ©positaires et a vu des produits Ă©merger Ă des prix Ă©levĂ©s. Lâassurance finira certainement par faire son travail habituel (Ă©valuation et couverture des risques) sur cette nouvelle surface (Bitcoin et toutes les autres cryptomonnaies). Certains courtiers (Marsh, AON) et assureurs (Arch Insurance) se sont engagĂ©s dans cette premiĂšre Ă©tape, et pourront ainsi rapidement lancer une activitĂ© autour de lâassurance Blockchain. Plus ces acteurs acquerront de connaissances, plus il sera difficile pour les suivants de les rattraper.
Les assureurs investissent le produit des primes dâassurance sur les marchĂ©s financiers. Ils le font avec prudence et investissent dans des actifs Ă faible risque, gĂ©nĂ©ralement des obligations souveraines ou des actions dĂ©fensives [NDLR: action qui fournissant un dividende rĂ©gulier et des bĂ©nĂ©fices stables quel que soit lâĂ©tat du marchĂ© boursier global], afin de pouvoir indemniser les crĂ©ances dâassurance (le respect de la rĂ©glementation SolvabilitĂ© II les contraint Ă©galement dans cette direction). La thĂ©orie moderne du portefeuille de Markowitz enseignant de ne jamais âmettre tous ses Ćufs dans le mĂȘme panierâ afin de rĂ©duire le risque pour une mĂȘme attente de rendement, les gestionnaires de trĂ©sorerie des compagnies dâassurance optent pour la diversification entre les obligations souveraines de diffĂ©rents pays, les obligations Ă long et Ă court terme, et ajoutent les obligations dâentreprises et dâautres classes dâactifs.
Mon avis personnel est quâil serait Ă©galement judicieux dâinvestir une toute petite part de leurs fonds dans un ânouvelâ actif, appelĂ© bitcoin, aujourdâhui :
â Investir une petite partie des primes dâassurance dans le bitcoin permet de se couvrir contre lâhyperinflation fiat en cas de dĂ©faut de crĂ©dit souverain ou de faillite bancaire (nâoubliez pas que les assureurs nâindemnisent pas seulement en espĂšces, mais parfois avec des services qui peuvent aussi ĂȘtre soumis Ă une forte augmentation des prix en cas dâhyperinflation)
â Lâengagement dâune partie de leurs rĂ©serves en bitcoin comme rĂ©serve de valeur, comme Microstrategy a dĂ©cidĂ© de le faire il y a quelques semaines, est une couverture contre les turbulences des monnaies souveraines
Michael J. Saylor, PDG, MicroStrategy Incorporated : âCet investissement reflĂšte notre conviction que Bitcoin, en tant que cryptomonnaie la plus largement adoptĂ©e dans le monde, est une rĂ©serve de valeur fiable et un actif dâinvestissement attrayant avec un potentiel dâapprĂ©ciation Ă long terme plus important que la dĂ©tention de liquiditĂ©sâ.
Une chose est certaine Ă propos de la Blockchain, câest la vitesse de changement de lâindustrie. Forks, ICOs, stablecoins, DeFi, flash loans: chaque trimestre apporte un nouveau sujet et il est de plus en plus difficile de rattraper les connaissances non acquises. De plus, les blockchains donnent naissance Ă des projets qui ne cadrent pas bien avec lâidĂ©e que âles assureurs investiront plus tard, lorsque le secteur sera stabilisĂ©â. Il ne sera pas possible pour les assureurs dââacheter la Blockchain gagnanteâ car elle sera beaucoup trop chĂšre ; il ne sera pas possible pour les assureurs dâĂ©liminer les pools de liquiditĂ© car ils sont dĂ©centralisĂ©s ; il ne sera pas possible pour les assureurs dâassurer le secteur de la crypto quand des smart contrats alimentĂ©s par des capitaux dĂ©centralisĂ©s le feront de maniĂšre autonome. Le risque pour lâassurance nâest pas seulement celui dâopportunitĂ©s perdues, mais aussi celui de menaces pour les activitĂ©s actuelles.
Portefeuilles, contrats intelligents, ICO, dĂ©positaires, solutions de sĂ©curitĂ©, actifs tokenisĂ©s⊠La beautĂ© de lâassurance est que tout nouveau secteur ou activitĂ© crĂ©Ă© dans le monde reprĂ©sente souvent une nouvelle surface dâapplication dâassurance. Le besoin dâassurance est dâautant plus fort pour les cryptomonnaies que le vol digital ne peut par construction pas ĂȘtre âannulĂ©â par un pouvoir central administrant le systĂšme. La bonne nouvelle pour lâassurance est quâelle suppose une premiĂšre Ă©tape dâĂ©valuation des risques crypto, qui elle-mĂȘme fournit dĂ©jĂ beaucoup de âconnaissances sur la blockchainâ Ă une compagnie dâassurance. Ensuite vient lâassurance elle-mĂȘme, et la perte liĂ©e aux premiers piratages couverts permet aux assureurs
1. Dâaffiner leur Ă©valuation des risques et dâadapter les couvertures
2. Dâidentifier les points faibles du secteur de la crypto qui pourraient constituer de nouvelles opportunitĂ©s commerciales pour les assureurs.
Alors que les primes dâassurance investies sur les marchĂ©s financiers reprĂ©sentaient autrefois une grande partie des bĂ©nĂ©fices des assureurs, ce nâest plus le cas dans un contexte de taux dâintĂ©rĂȘt faibles voire nĂ©gatifs. De plus, la rĂ©cession Ă©conomique attendue aprĂšs la crise, combinĂ©e Ă de fortes mesures dâassouplissement quantitatif, pourrait conduire Ă des Ă©pisodes dâhyperinflation, potentiellement favorisĂ©s par la dĂ©fiance des investisseurs Ă lâĂ©gard de la dette souveraine et des entreprises. Il sâagit dâun risque que les assureurs pourraient couvrir en investissant dans de la « hard monnaie »: ils peuvent suivre Berkshire Hathaway et investir dans lâor, ou suivre des Ă©conomistes autrichiens comme Saifedean Ammous et investir dans Bitcoin.
MĂȘme sâil nây a pas dâeffondrement complet des systĂšmes de devises souveraines, la structure de Bitcoin (Ă©mission programmĂ©e, rĂ©duction de lâĂ©mission au fil du temps, offre maximale fixe) rassurera les investisseurs en leur montrant quâil sâagit dâun actif qui a le pouvoir de dĂ©tenir plus de valeur Ă moyen et long terme que les actifs Ă taux fixe, et qui constitue donc une couverture claire contre la chute des valeurs des devises souveraines. Et ce, quoi quâen disent les critiques sur la âvolatilitĂ© des bitcoinsâ.
La logique qui sous-tend un investissement dans Bitcoin est triple :
1. Augmenter la diversification (et donc réduire le risque pour un objectif de rendement des capitaux propres)
2. Repenser le risque dâallocation dans un monde oĂč les risques de dĂ©faut souverain amĂ©ricain, allemand ou suisse ne peuvent plus ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme les risques les plus faibles
3. Pouvoir survivre dans un monde oĂč les monnaies souveraines sâeffondrent
LâidĂ©e que lâassurance ne peut ĂȘtre fournie que par les assureurs est de plus en plus contestĂ©e par les nouvelles technologies et les nouveaux acteurs du numĂ©rique. Les barriĂšres traditionnelles Ă lâentrĂ©e du secteur de lâassurance sâeffondrent : lâexpertise actuarielle est contestĂ©e par de nouvelles armĂ©es de âdata scientistsâ ; la gestion des sinistres devient inutile avec lâassurance paramĂ©trique et lâinternet des objets ; les âsmart contractsâ publics Ă©liminent la nĂ©cessitĂ© de faire confiance Ă une grande marque financiĂšre sur la promesse dâun paiement futur ; le capital peut ĂȘtre accumulĂ© par le biais de pools de liquiditĂ© et la rĂ©glementation devient inutile et impuissante pour rĂ©guler les protocoles dĂ©centralisĂ©s et les flux monĂ©taires. Dans ce nouveau contexte, le secteur de lâassurance doit se rĂ©inventer, se renouveler avant dâĂȘtre dĂ©pasĂ© et trouver de nouveaux domaines oĂč il peut apporter de la valeur.
Si nous regardons en arriĂšre, voici quelles sont les opportunitĂ©s que les assureurs ont dĂ©jĂ laissĂ©es Ă dâautres : ĂȘtre un oracle (Chainlink), ĂȘtre un dĂ©positaire de cryptomonnaie (BitGo), assurer des places de marchĂ© de cryptomonnaies (SAFU de Binance), inventer des protocoles dâassurance distribuĂ©e (Etherisc), crĂ©er des pools de liquiditĂ© dĂ©centralisĂ©s (Uniswap), assurer la finance dĂ©centralisĂ©e / offrir de la couverture de prix en finance dĂ©centralisĂ©e (Nexus Mutual, Opyn)⊠On peut bien sĂ»r dĂ©battre de la proximitĂ© de ces opportunitĂ©s avec le secteur de lâassurance aujourdâhui, mais elles pourraient constituer les Ă©lĂ©ments de base de la prochaine gĂ©nĂ©ration dâassurance.
Il en va de mĂȘme pour la finance. La capacitĂ© des assureurs Ă saisir les opportunitĂ©s de la finance dĂ©centralisĂ©e ne dĂ©pend pas du fait que les banques ou autres institutions financiĂšres les laissent faire (notez que la liste ci-dessus nâest composĂ©e que de nouveaux acteurs) mais de la capacitĂ© des assureurs Ă fournir les services dĂ©centralisĂ©s que les amateurs de crypto recherchent. Tout est possible pour les assureurs, pour autant quâils respectent les âprincipes de la cryptoâ (open source, dĂ©centralisation, confiance prouvĂ©e, transparence et respect de la vie privĂ©e dans une certaine mesure). Il ne sâagit pas tant de savoir si les compagnies dâassurance ont les ressources nĂ©cessaires pour contribuer, mais si leur culture leur permettra ou non de contribuer, et de le faire de la bonne maniĂšre.
La modernisation des processus dâassurance implique lâajout de dĂ©cisions simples mais difficiles Ă mettre en Ćuvre : passage des processus de courriers et dâappels tĂ©lĂ©phoniques Ă des logiciels, numĂ©risation et suivi. Dans le domaine du suivi, quâil sâagisse de lâengagement de lâassureur/rĂ©assureur, de la relation entre le âfronterâ et le porteur de risque, des conditions contractuelles de lâentreprise ou du contrĂŽle du fret, la Blockchain peut apporter une certaine valeur grĂące Ă lâhorodatage des actions et au rapprochement automatisĂ© des Ă©vĂ©nements. Ce nâest certainement pas la maniĂšre la plus rĂ©volutionnaire de tirer parti de la Blockchain pour les assureurs, mais câest une maniĂšre opportune car les assureurs dâune pĂ©riode post-COVID devront Ă©liminer les frictions, les litiges coĂ»teux et le temps perdu dans le rapprochement manuel.
Câest, jâen conviens, une exception Ă lâerreur n° 1 dĂ©crite ci-dessus.
Alexandre Stachtchenko, associĂ© cofondateur de Blockchain Partner, a Ă©tĂ© interrogĂ© parmi 57 dirigeants et personnalitĂ©s par le magazine Investir Ă lâoccasion dâun numĂ©ro spĂ©cial, sorti le 11 juillet. Nous publions ci-dessous la version texte de ses propos, articulĂ©s autour dâune idĂ©e : la blockchain et Bitcoin pour renouer avec la rĂ©silience et la souverainetĂ©.
« La pandĂ©mie de Covid 19 a eu le mĂ©rite de remettre certains sujets sur le devant de la scĂšne, et en particulier celui de rĂ©silience. Il est en effet apparu clairement ces derniers mois que la tendance Ă la recherche permanente dâefficience a menĂ© Ă une complexification des systĂšmes Ă©conomiques, au point de mener Ă de sĂ©rieuses pannes, voire des arrĂȘts, lorsque lâun des maillons est dĂ©faillant.
Efficience et rĂ©silience sont deux modĂšles gĂ©nĂ©ralement opposĂ©s, le premier Ă©tant celui privilĂ©giĂ© par dĂ©faut depuis des dĂ©cennies. Ils forment souvent un dilemme au moment dâeffectuer le choix de lâarchitecture dâun systĂšme. Plus lâon privilĂ©gie lâefficience dâune chose, moins lâon privilĂ©gie sa rĂ©silience, câest-Ă -dire sa capacitĂ© Ă rĂ©sister aux modifications et chocs de son environnement.
Ce choix clef se retrouve notamment dans les architectures informatiques. Si, par exemple, vous choisissez un modĂšle centralisĂ© (un seul serveur faisant fonctionner tout un service), il sera gĂ©nĂ©ralement efficient : il atteindra son but en consommant le moins de ressources possibles. Mais coupez lâaccĂšs Ă Internet Ă ce serveur, et câest lâensemble du service qui ne fonctionne plus.
La blockchain par essence est Ă qualifier de systĂšme plutĂŽt rĂ©silient quâefficient. Lâexemple phare en est sa capacitĂ© de transaction : lĂ oĂč Bitcoin, la blockchain la plus connue et sĂ©curisĂ©e, est capable de gĂ©rer sept transactions par seconde maximum, le nombre monte Ă plus de 20 000 pour Visa. Mais si un nĆud (serveur) tombe, aucun problĂšme sĂ©rieux ne se pose pour le rĂ©seau. La base de donnĂ©es est en effet rĂ©pliquĂ©e en des dizaines de milliers dâendroits. Câest lâincarnation dâun systĂšme dĂ©centralisĂ©.
Ces derniĂšres annĂ©es, les technologies blockchain se sont heurtĂ©es Ă ce modĂšle de pensĂ©e dominant favorisant lâefficience. Le premier rĂ©flexe des professionnels dĂ©couvrant ces technologies a Ă©tĂ© de chercher Ă faire rentrer un carrĂ© dans un rond : « dâaccord pour la blockchain, mais si possible dans mon propre serveur, en plus rapide, et moins Ă©nergivore ». Peu comprenaient alors que ce quâils interprĂ©taient comme des dĂ©savantages Ă©taient en rĂ©alitĂ© des caractĂ©ristiques essentielles de ces systĂšmes : câest ce qui leur permet dâĂȘtre plus rĂ©silients. Aujourdâhui, avec le retour en grĂące du concept de rĂ©silience, les mentalitĂ©s Ă©voluent peu Ă peu, fort heureusement.
Réduire la dépendance au dollar américain
Car ĂȘtre plus rĂ©silient câest aussi souvent renforcer sa souverainetĂ©. Bitcoin a ici des arguments Ă faire valoir. Loin des politiques monĂ©taires de la FED et de la BCE, qui ont mis sous perfusion les marchĂ©s financiers dans une sorte de fuite en avant gĂ©ante et inhĂ©rente Ă ces politiques, Bitcoin constitue la monnaie de la raretĂ©. En sâappuyant sur une politique monĂ©taire dĂ©flationniste, transparente, et trĂšs difficilement altĂ©rable, Bitcoin se comporte comme lâĂ©talon-or de lâespace numĂ©rique. Un or amĂ©liorĂ© : facilement stockable, transmissible, et divisible, lâutilisation du bitcoin ne connaĂźt pas de frontiĂšres. Une potentielle monnaie qui permettrait de sâĂ©manciper de la domination amĂ©ricaine du dollar. En effet, pour les amĂ©ricains, « il est facile de sâendetter dans une monnaie quâil ne tient quâĂ soi dâĂ©mettre » prophĂ©tisait De Gaulle peu avant la fin des accords de Bretton-Woods. Avec une monnaie devenue le standard des Ă©changes internationaux, et dĂ©tenue par de multiples pays comme rĂ©serve de valeur (dont en particulier la Chine), les Etats-Unis peuvent sans limite crĂ©er de la monnaie pour leurs propres marchĂ©s financiers, au dĂ©triment des autres pays, qui sâappauvrissent par lâinflation.
Bitcoin est cependant une maniĂšre Ă la fois de renforcer lâindĂ©pendance des Etats et de lâamoindrir. De la mĂȘme façon que lâor, qui dans un certain sens nuisait Ă la souverainetĂ© des banques centrales en limitant leur pouvoir dâaction, un Ă©talon-bitcoin produirait les mĂȘmes effets. Mais nâest-ce pas un prix honnĂȘte Ă payer pour rĂ©duire le dĂ©sĂ©quilibre massif de puissance entre les banques centrales, et faire valoir ainsi leur indĂ©pendance ? En douze ans, les Etats-Unis ont multipliĂ© par six leur base monĂ©taire, alors que leur PIB nâa Ă©voluĂ© « que » dâenviron 20%. Cette illusion collective nâa que trop durĂ©.
RĂ©silience, monnaie, souveraineté⊠Autant de concepts, sous le feu nouveau des projecteurs, qui portent les technologies blockchain et du web dĂ©centralisĂ©. Les entreprises ne sây trompent pas : pensons ces derniers mois aux annonces de la SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale (actions reprĂ©sentĂ©es sur blockchain), de Samsung (portefeuilles numĂ©riques intĂ©grĂ©s aux smartphones, ainsi quâaccĂšs direct Ă des bourses en ligne de cryptomonnaies), ou encore plus rĂ©cemment dâUbisoft (items numĂ©riques collectionnables uniques sur blockchain). Les projets blockchains deviennent plus concrets, crĂ©dibles, ambitieux. Gageons quâil ne sâagit lĂ que dâun dĂ©but. »
â Alexandre Stachtchenko
Un an aprĂšs le dĂ©voilement de Libra par Facebook, quels enseignements peut-on tirer ? DĂ©couvrez ci-dessous lâanalyse de ClĂ©ment Jeanneau et Alexandre Stachtchenko publiĂ©e aujourdâhui dans LâExpress :
« CâĂ©tait il y a un an : Facebook annonçait en grande pompe le lancement Ă venir de Libra, son projet de monnaie numĂ©rique fondĂ©e sur un panier de devises traditionnelles. Lâambition Ă©tait immense : imposer Libra comme la monnaie de rĂ©fĂ©rence dans lâespace numĂ©rique â autrement dit dans ce qui constitue lâĂ©conomie de demain et de plus en plus dâaujourdâhui.
Douze mois plus tard, la tonalitĂ© est toute autre. Mark Zuckerberg, parfois prĂ©sentĂ© comme le dirigeant dâun proto-Etat en puissance, a dĂ» revoir sa copie : avant de viser la rĂ©volution monĂ©taire, il sâattellera dâabord plus modestement Ă faire naĂźtre diffĂ©rentes monnaies numĂ©riques fondĂ©es sur leurs Ă©quivalents physiques : e-euro, e-dollar, etc.
Plusieurs leçons peuvent dĂ©jĂ ĂȘtre tirĂ©es.
La premiĂšre tient Ă lâĂ©cart spectaculaire entre lâannonce tonitruante du dĂ©part et la confrontation Ă la rĂ©alitĂ©. Beaucoup voyaient dans Libra le parachĂšvement de la domination des GAFA sur les Etats. Ici, les Etats, les vrais, ont gagnĂ© la bataille â et probablement avant tout les Etats-Unis.
La mĂȘme remarque vaut pour Telegram. En 2017, lâapplication de messagerie aux 400 millions dâutilisateurs avait fait, elle aussi, une entrĂ©e fracassante dans lâunivers des cryptomonnaies, quâelle voulait rĂ©volutionner de fond en comble. Telegram projetait de crĂ©er un systĂšme de paiement alternatif Ă Visa et Mastercard et une multitude dâapplications dĂ©centralisĂ©es vouĂ©es Ă devenir leaders dans leur domaine.
Trois ans et une levĂ©e de fonds de 1,7 milliards de dollars (!) plus tard, lâampleur de la chute est Ă la hauteur de lâambition du projet : celui-ci ne verra en rĂ©alitĂ© jamais le jour, en raison dâun imbroglio juridique qui aura traĂźnĂ© en longueur jusquâau couperet final. Câest le plus grand Ă©chec de lâhistoire â jeune mais dĂ©jĂ mouvementĂ©e â des cryptomonnaies.
Les exemples de Facebook et de Telegram sont emblĂ©matiques. LĂ oĂč les deux gĂ©ants avaient fait de la technologie le moteur de leur initiative, la rĂ©alitĂ© est venue rappeler quâen matiĂšre monĂ©taire, le dĂ©fi est avant tout rĂ©glementaire et politique. En venant sâattaquer Ă la souverainetĂ© des Etats, Facebook a franchi une ligne rouge. PlutĂŽt que le passage en force, Mark Zuckerberg a prĂ©fĂ©rĂ© reculer.
Pour un groupe valorisĂ© 236 milliards de dollars, qui nâest plus depuis longtemps une startup prĂȘte Ă prendre tous les risques, ce choix Ă©tait logique. Mais en creux, cet Ă©chec et celui de Telegram viennent valoriser ce qui constitue encore aujourdâhui la seule monnaie numĂ©rique mondiale de rĂ©fĂ©rence : le bitcoin, lancĂ© en 2009 par un anonyme sans demande dâautorisation prĂ©alable.
MalgrĂ© ses limites, suffisamment dĂ©crites par ailleurs, cet ovni monĂ©taire poursuit ses avancĂ©es depuis plus dâune dĂ©cennie sans discontinuer, comme un pied de nez aux multiples Ă©conomistes qui nâont cessĂ© dâannoncer sa mort imminente et qui nâont, en vĂ©ritĂ©, jamais acceptĂ© de prendre au sĂ©rieux les cryptomonnaiesâŠjusquâĂ aujourdâhui.
Câest lĂ lâironie de la situation actuelle : il aura fallu la menace du Libra pour que le sujet des cryptomonnaies, sur la table depuis des annĂ©es, soient enfin pris au sĂ©rieux par les plus grands experts et les institutions les plus prestigieuses, Ă commencer par les banques centrales. A posteriori, lâimpact le plus fort du Libra tiendra peut-ĂȘtre Ă ce rĂŽle dâaccĂ©lĂ©rateur des mentalitĂ©s.
Depuis un an, les rapports sâenchaĂźnent sur ce qui est pudiquement dĂ©signĂ© comme « actifs numĂ©riques ». Une notion en particulier suscite les dĂ©bats : les « stablecoins », ces cryptomonnaies indexĂ©es le plus souvent Ă des monnaies traditionnelles. Les stablecoins apparaissent, pour les acteurs traditionnels, comme une façon de mettre un pied dans ce monde mystĂ©rieux des actifs numĂ©riques tout en restant arrimĂ©s Ă leur champ de connaissances â une sorte dâ« en mĂȘme temps » adaptĂ© Ă ce nouvel univers.
Ce faisant, les cryptomonnaies, si peu considĂ©rĂ©es jusquâici, ont gagnĂ© en lĂ©gitimitĂ©. Bien sĂ»r, elles restent regardĂ©es avec mĂ©fiance. Mais lâĂ©volution est notable. Il est tout sauf anodin, entre autres exemples, que JP Morgan, dont le PDG dĂ©signait bitcoin comme une « fraude » en 2017, ait dĂ©cidĂ© cette annĂ©e dâĂ©tendre ses services bancaires aux plateformes dâĂ©changes de cryptomonnaies. Dâinnovations Ă Ă©touffer, celles-ci reprĂ©sentent maintenant la nouvelle donne Ă laquelle il faut sâadapter.
A quoi sâattendre pour la suite ? Suite au recul de Facebook, les Etats auraient tort de croire que la guerre est gagnĂ©e. En rĂ©alitĂ©, il ne sâagissait que du premier acte. Lâerreur serait de se centrer uniquement sur la numĂ©risation des processus monĂ©taires existants sans percevoir quâil ne sâagit lĂ que dâinnovation incrĂ©mentale, insuffisante face lâinnovation de rupture qui frappe Ă notre porte.
Par innovation de rupture, il faut notamment comprendre cette capacitĂ© inĂ©dite Ă rendre les actifs financiers programmables, interopĂ©rables, et ouverts Ă tous. Câest la proposition de valeur dâune plateforme comme Ethereum, dont lâattractivitĂ© ne cesse de grandir. Un brevet pour un dollar digital utilisant Ethereum a du reste Ă©tĂ© dĂ©posĂ© rĂ©cemment parâŠVisa.
Le parallĂšle entre les Ă©checs de Libra et de Telegram dâune part, et lâattractivitĂ© de Bitcoin et dâEthereum dâautre part, devraient inciter les acteurs existants Ă plus dâhumilitĂ© face Ă la crypto-Ă©conomie. Facebook semble lâavoir compris. Si lâentreprise a reculĂ©, câest pour mieux revenir demain. Elle vient de placer Ă la tĂȘte de Libra un expert de la rĂ©glementation, ex-directeur juridique de HSBC passĂ© par le TrĂ©sor amĂ©ricain. Quant au cofondateur de Libra, David Marcus, il ne cesse dâinsister dans ses interviews sur lâargent programmable.
Une immense vague dâinnovations est en prĂ©paration. Elle pourrait demain bousculer un monde financier et monĂ©taire qui nâa pas encore connu de transformation numĂ©rique de rupture. Les banques centrales, qui ont ici lâopportunitĂ© de retisser un lien avec le citoyen quâelles avaient en partie perdu au profit des banques commerciales, seraient mal avisĂ©es de faire la sourde oreille. Et Ă lâheure oĂč lâon reparle de souverainetĂ©, en toile de fond se profile une question fondamentale, qui devrait importer Ă tout citoyen : celle de savoir si lâeuro programmable de demain sera pilotĂ© par un acteur publicâŠou par un gĂ©ant privĂ©. »
Le Conseil National du NumĂ©rique a publiĂ© lundi la synthĂšse de ses travaux sur les « identitĂ©s numĂ©riques » comme « clĂ©s de voĂ»te de la citoyennetĂ© numĂ©rique ». Le groupe de travail, composĂ© de Karine Dognin-Sauze, Mohammed Boumediane, Jean-Michel Mis, Gilles Babinet, Olivier Clatz et GaĂ«l Duval, a conduit ses travaux de janvier 2019 Ă mars 2020 et a prĂ©sentĂ© son rapport Ă CĂ©dric O, SecrĂ©taire dâEtat chargĂ© du numĂ©rique.
Nous relevons avec intĂ©rĂȘt que le CNNum plaide pour « offrir des moyens de vĂ©rification dâinformations sans diffusion des donnĂ©es dâidentitĂ© des citoyens Ă travers des solutions sâappuyant sur le zero knowledge proof » (ZKP).
Les ZKP sont effectivement trĂšs prometteuses dans le cadre de lâidentitĂ© numĂ©rique : câest le sens de nos travaux de R&D sur le sujet, entamĂ©s lâan dernier et prĂ©sentĂ©s dans notre synthĂšse intitulĂ©e « Vers une identitĂ© numĂ©rique private by design ».
Le sujet est particuliĂšrement dâactualitĂ© avec le dĂ©bat autour du contrĂŽle de lâĂąge concernant les sites pour adultes, qui a Ă©tĂ© approuvĂ© par lâAssemblĂ©e nationale et le SĂ©nat. La question de la mĂ©thode de vĂ©rification de lâĂąge peut se prĂȘter Ă lâexploration des ZKP.
Lâexemple britannique a montrĂ© que cette volontĂ© de contrĂŽler lâĂąge des visiteurs des sites pornographiques est condamnĂ©e Ă rester un vĆu pieux tant quâelle nâest pas accompagnĂ©e dâune solution technique crĂ©dible pour prĂ©server la confidentialitĂ© des internautes. Les ZKP, couplĂ©es aux technologies blockchain, pourraient rĂ©pondre Ă ce problĂšme : Ă tout le moins, elles mĂ©riteraient dâĂȘtre Ă©tudiĂ©es et testĂ©es comme solution potentielle.
Nous sommes donc heureux de constater que les rĂ©flexions autour de lâusage des ZKP pour lâidentitĂ© essaiment, et espĂ©rons pouvoir approfondir et mettre en pratique ces travaux au cours des prochains mois, comme nous avons commencĂ© Ă le faire avec certains acteurs publics. Nous sommes Ă disposition pour avancer sur le sujet.
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Ci-dessous, retrouvez le passage entier du rapport du CNNum sur lâusage des ZKP pour lâidentitĂ© numĂ©rique (page 89 du document) :
« Afin que lâidentitĂ© numĂ©rique rĂ©ponde aux besoins des citoyens en termes de protection de la vie privĂ©e, et pour quâelle puisse faire Ă©merger des nouveaux usages respectueux, celle-ci doit pouvoir offrir des moyens de vĂ©rification dâinformation sans une diffusion complĂšte des donnĂ©es dâidentitĂ© des citoyens Ă travers des solutions sâappuyant sur le zero knowledge proof (ZKP, en français : preuve Ă divulgation nulle de connaissance). Il sâagit dâun prĂ©requis pour rĂ©pondre au principe de proportionnalitĂ© et Ă lâidĂ©e de frugalitĂ© des donnĂ©es.
En effet, le choix dâinclure ce type de technologies dans lâidentitĂ© numĂ©rique permettrait dâamĂ©liorer le rapport de confiance quâont les individus Ă lâidentitĂ© numĂ©rique, rĂ©pondant aux craintes de surveillance et au nĂ©cessaire besoin dâespace de vie privĂ©e. CombinĂ© Ă une CNIe, lâutilisation du ZKP permettrait aux usagers dâaccĂ©der Ă certains services sans avoir Ă donner lâensemble de leur identitĂ©, qui est une information non pertinente pour lâusage visĂ©. Par exemple, obtenir des tarif dâaccĂšs prĂ©fĂ©rentiels aux Ă©quipements sportifs pour les habitants dâune collectivitĂ© locale sans avoir Ă rĂ©vĂ©ler lâensemble de leurs donnĂ©es dâidentitĂ©. »