(les illustrations proviennent toutes de l'album Nope en Stock)
Est-ce un effet du hasard si lâincroyable sĂ©quence laĂŻciste que nous vivons depuis des semaines, avec sa rĂ©affirmation emphatique de « principes rĂ©publicains » taillĂ©s sur mesure, coĂŻncide avec les dĂ©clamations ministĂ©rielles visant Ă dĂ©fendre la monnaie de lâĂtat en rĂ©glementant Ă outrance tout ce qui de prĂšs ou de loin en menacerait son monopole absolu ? Je ne le crois pas.
Une rĂ©action superficielle aux derniers exploits rĂ©gulatoires de nos ministres consiste Ă incriminer leurs hymnes hypocrites Ă la Blockchain-Nation, dont la France serait un parangon, pour les mettre en rapport avec la cerfa-ration quotidienne de rĂšgles absurdes quâils nous imposent (1), mais aussi avec une prĂ©tentieuse inculture technologique, plaisamment rĂ©sumĂ©e par le nouveau hashtag #3615crypto.
Je propose ici de prendre un satanĂ© recul, jusquâen novembre 1789, pour examiner les choses dans une perspective longue, et voir ce que la rhĂ©torique laĂŻque et la rĂ©gulation monĂ©taire nous disent toutes deux de « nos valeurs » comme disent ceux qui parlent pour les autres, mais aussi pour voir ce que la logique de « sĂ©paration » pourrait signifier.
Les séparations françaises
Il arrive Ă lâoccasion que certains de mes amis cryptos Ă©voquent la nĂ©cessitĂ© d'une « sĂ©paration de la Monnaie et de lâĂtat », expression doublement dĂ©tournĂ©e de celle de 1905, parce qu'il ne s'agit plus de tracer une frontiĂšre avec les choses spirituelles mais aussi parce que le problĂšme, dĂ©sormais, serait... du cĂŽtĂ© de l'Ătat. L'hypothĂšse que je vais prĂ©senter est que le problĂšme a toujours Ă©tĂ©, d'une certaine façon, du cĂŽtĂ© de notre Ătat français, spĂ©cifiquement.
Lâordonnance prĂ©sentĂ©e le 9 dĂ©cembre par MM. Le Maire, Dussopt et Lecornu visant au « renforcement du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme applicable aux actifs numĂ©riques » se distingue Ă plusieurs Ă©gards des dizaines dâoukases antĂ©rieurs :
- par la mauvaise foi, car il ne sâagit que de faire un peu de spectacle tout en se mettant en conformitĂ© avec des recommandations antĂ©rieures du GAFI, avant le prochain round dâĂ©valuation de la France ;
- par la sottise, puisquâon ne trouve rien dâautre Ă invoquer pour justifier cela quâune bien mince affaire rĂ©cente de « financement terroriste » et prĂ©cisĂ©ment celle oĂč la traçabilitĂ© des opĂ©rations en Bitcoin a justement permis de dĂ©manteler la filiĂšre, comme le montre une belle enquĂȘte de 21 millions qui ramĂšne cette affaire mineure Ă ses justes proportions ;
- par la maladresse consistant Ă exiger une authentification par virement SEPA qui enferme les plateformes françaises dans un mĂ©canisme rĂ©gional que les fonctionnaires europĂ©istes pensent universel, au moment oĂč la Suisse s'affirme comme la vraie nation crypto d'Europe, Ă bien des Ă©gards et mĂȘme par l'attitude de ses banques.
On trouvera ici les liens vers les analyses de Bitcoin.fr, des responsables de Blockchain Partners ou de lâADAN. MĂȘme un dĂ©putĂ© de la majoritĂ© a Ă©mis une pertinente critique de cette initiative incongrue qui, Ă force de vouloir tout rĂ©gir, fait sans doute sortir la "Blockchain Nation" du jeu.
Est-il juste de mettre cela en parallĂšle avec lâoffensive bruyamment menĂ©e pour dĂ©fendre notre conception de la laĂŻcitĂ© ?
Cette merveille unique est tellement incomprise Ă lâĂ©tranger que M. Macron en vient Ă se quereller publiquement avec la presse amĂ©ricaine comme avec le prĂ©sident Ă©gyptien. La sĂ©paration des Ă©glises et de lâĂtat serait, nous dit-on, consubstantielle Ă la forme rĂ©publicaine de notre pays (la loi ne date pourtant que de 1905) et ferait partie du socle de « nos valeurs ». Tant et si bien que ceux qui refusent cette sĂ©paration deviennent des... « sĂ©paratistes », ce qui implique une certaine gymnastique conceptuelle.
On peut sâinterroger sur la gĂ©omĂ©trie du « nous » dont on parle, quand une part non nĂ©gligeable de citoyens français eux-mĂȘmes expriment des rĂ©serves sur lesdites valeurs. Mais surtout cette obsession franco-française rend intenable lâillusion d'une Nation auto-proclamĂ©e porteuse de valeurs universelles et nous enferme dans une singularitĂ© oĂč se complait le narcissisme hexagonal.
Aux racines de nos singularités
Ce serait, pour parler comme M. Macron « comme cela que la France sâest construite ». Je veux bien, mais Ă condition de commencer par une Ă©vidence oubliĂ©e : lâĂtat, en France, nâa pas eu Ă livrer un combat de titan pour se libĂ©rer des puissantes serres de lâĂglise. Câest lui qui sâest introduit avec sa brutalitĂ© et sa dĂ©sinvolture ordinaires dans les affaires de celle-ci.
Le 2 novembre 1789, lâAssemblĂ©e constituante dĂ©crĂ©tait que « tous les biens ecclĂ©siastiques sont Ă la disposition de la Nation, Ă la charge de pourvoir, d'une maniĂšre convenable, aux frais du culte, Ă l'entretien de ses ministres, et au soulagement des pauvres, sous la surveillance et d'aprĂšs les instructions des provinces ». Rappelons que les Ătats-GĂ©nĂ©raux avaient Ă©tĂ© rĂ©unis pour rĂ©tablir les finances de la monarchie. La solution adoptĂ©e (Ă lâinstigation de Talleyrand) a le mĂ©rite de la simplicitĂ© : lâĂtat a environ 4 milliards de dettes, les biens du ClergĂ© doivent bien valoir autant. Et voilĂ .
Seulement cette solution, quâun Conseil constitutionnel contemporain serait peut-ĂȘtre gĂȘnĂ© de justifier, nâavait rigoureusement aucun autre mĂ©rite que son simplisme, et nâoffrait que des dĂ©fauts :
- elle augmentait la subordination (dĂ©jĂ rĂ©elle sous les rois) de lâĂglise française Ă un pouvoir nouveau, que lâon ne pouvait exonĂ©rer du soupçon de malveillance, accroissant le tiraillement permanent entre lâallĂ©geance au roi et celle qui est due par les catholiques au pape ;
- elle suscita donc de ce cÎté une condamnation étrangÚre (on ne parle pas encore de séparatisme) qui, mettant à mal la conscience de nombreux français, inaugurait un fossé jamais totalement comblé entre nous ;
- en heurtant la conscience du roi Louis XVI elle portait le germe de lâĂ©chec de la tentative dâinstaurer une monarchie constitutionnelle, ce qui Ă©tait pourtant le vĆu le plus large et le plus sage Ă ce moment, nous condamnant Ă deux siĂšcles dâerrances politiques pour en arriver au rĂ©gime actuel, bien moins Ă©quilibrĂ© que ce que lâon souhaitait alors ;
- enfin elle mit en branle un dĂ©sastre financier collectif. On ne monĂ©tise pas ainsi des murs, des champs ou des forĂȘts reprĂ©sentant peut-ĂȘtre 3 milliards de livres ou 10 fois le budget annuel du royaume. La planche Ă billet, symboliquement incriminĂ©e dans le naufrage des assignats, fut moins coupable que la duplicitĂ© dâune bourgeoisie qui ne voulait pas payer dâimpĂŽt mais ne rechignait pas Ă se goinfrer de biens volĂ©s puis bradĂ©s.
Cinq ans plus tard la promesse faite au clergĂ© (« pourvoir dâune maniĂšre convenable... ») Ă©tait violĂ©e, les Assignats nâavaient plus de valeur depuis longtemps et la confiance du public dans quoi que ce soit Ă©tait Ă zĂ©ro. Advint NapolĂ©on, qui rĂ©tablit la paix avec le pape, lâĂ©quilibre budgĂ©taire, y compris par l'impĂŽt, et enfin la valeur de la monnaie. Les Français du temps ont plutĂŽt apprĂ©ciĂ© ! Mais NapolĂ©on ne restitua pas pour autant les monuments confisquĂ©s : il suffit de se promener en France pour voir que prĂ©fectures, mairies, musĂ©es, lycĂ©es ou prisons sont souvent des bĂątiments religieux (2). Il se mĂȘla assez lourdement de la vie de lâĂglise, redessinant les diocĂšses, dĂ©plaçant les siĂšges Ă©piscopaux, rĂ©digeant le nouveau catĂ©chisme, etc. Il sâen alla enfin, mais le roi restaurĂ© ne se montra pas plus discret, ni aucun rĂ©gime aprĂšs lui, y compris les plus rĂ©cents qui se sont mis en tĂȘte l'idĂ©e absurde et largement contreproductive (3) de façonner un « islam de France », voire « des LumiĂšres ».
MĂȘme et surtout devenue « laĂŻque », la RĂ©publique est religieuse ; mais elle lâest trĂšs mal.
Il y a d'abord beaucoup de risible maladresse : entendre M. Hollande prĂŽner que « lâislam est une religion de paix » ou M. Castaner expliquer que « la priĂšre n'a pas forcĂ©ment besoin de lieu de rassemblement » illustre lâĂ©tendue des compĂ©tences que nos Ă©lites, pourtant peu instruites de ces choses, sâattribuent en matiĂšre religieuse.
Au-delĂ de ces maladresses, la RĂ©publique est une DĂ©esse qui a perdu la Raison. RĂ©pĂ©ter en boucle que « la religion est une affaire privĂ©e » indique seulement que lâorateur nâa pas de religion, sinon peut-ĂȘtre une vague spiritualitĂ© new age. AssĂ©ner soir et matin que la loi de la RĂ©publique est supĂ©rieure Ă la loi de Dieu, voire dans la variante Darmanin « plus forte que la loi des dieux » histoire dâintimider aussi les quelques terroristes polythĂ©istes qui se cacheraient encore parmi nous, ne dĂ©montre rien. Ce nâest quâun principe hypothĂ©tique, rationnellement indĂ©cidable. Celui qui craint l'enfer se moque des amendes. Et rĂ©pondre aux fanatiques religieux par un fanatisme politique, idolĂątrer la RĂ©publique, de quoi est-ce le signe ? Comme pour tout fanatisme, câest le signe dâun manque, dâun creux.
Car enfin, ces fameuses valeurs, quelles sont-elles ?
Il nâen existe pas de liste officielle, et on peinerait Ă en faire un bouquet trĂšs garni. En gros, il y en a trois qui surnagent des mĂ©diocres discours actuels, mais ce ne sont pas celles qu'un homme de 1789 aurait attendues.
D'abord « lâĂ©galitĂ© de lâhomme et de la femme » alors que notre Constitution mentionne « l'Ă©gal accĂšs des femmes et des hommes aux mandats Ă©lectoraux et fonctions Ă©lectives, ainsi qu'aux responsabilitĂ©s professionnelles et sociales ». Que ce soit un bon angle dâattaque contre les islamistes, on en conviendra. Que cela rĂ©sume lâĂąme de notre peuple et lâhistoire du seul royaume dont les femmes ne pouvaient hĂ©riter et oĂč elles furent parmi les derniĂšres Ă voter est une autre affaire.
Vient ensuite une laĂŻcitĂ© qui met dĂ©sormais Ă l'honneur de dĂ©chirer le sage compromis de 1905 et d'oublier aussi tout ce qui devrait lui permettre de s'Ă©panouir autrement que dans la hargne (4). Les imprĂ©cations de petits-instruits comme Mme Schiappa ou M Valls peuvent-elles sĂ©rieusement rĂ©unir une large partie de lâopinion française pour « consolider » les « valeurs » de la « citoyenneté » ? PrĂ©tendre quâune posture qui est aussi loin de faire lâunanimitĂ© (mĂȘme dans un seul camp politique) serait celle de toute une Nation est une imposture.
Et enfin il y a la tolĂ©rance, rebaptisĂ©e « Charlie ». Un mot qui dit tout. Charlie a Ă©videmment le droit de blasphĂ©mer mais nous aurions, en tant que citoyens, une sorte de devoir de regarder ses petites saletĂ©s. Ses caricatures sont projetĂ©es sur les façades, reproduites dans les manuels, brandies comme des icĂŽnes dont la seule vue devrait entraĂźner lâadhĂ©sion Ă la philosophie voltairienne, diffuser la raison chez les adultes les moins instruits et provoquer dans les Ă©coles de fructueux dĂ©bats Ă une voix. « Il faut surtout continuer, montrer cela et expliquer que câest lâĂąme de la France que dâautoriser le blasphĂšme » dixit Roselyne Bachelot. Ceux qui ont des doutes sur la mĂ©thode, quâils soient archevĂȘques ou professeurs de facultĂ©, se voient intimer le silence au nom de nos valeurs, voire traiter de collabos dans le cadre de lâĂ©tat de guerre permanent. Le niveau de nos enfants en calcul (ou « en mathĂ©matiques » encore un grand mot) s'effondre, les Bac+5 font une faute d'orthographe par ligne, mais on doit passer des heures sur ces sottises.
En regard de ce bullshit politique, je nâai pas entendu depuis des annĂ©es un seul gouvernant, parlant de « nos » sacrĂ©es valeurs, oser les trois grands mots qui ornent pourtant nos frontons. Chacun verrait trop bien, soudain, que notre libertĂ© est chaque jour rognĂ©e (5), que lâinĂ©galitĂ© ronge la sociĂ©tĂ© et que la fraternitĂ© nâest plus quâun mot vide de sens, tant et si bien quâon doit dĂ©sormais lĂ©gifĂ©rer « contre la haine ».
Aussi creux que le mot « valeurs », le mot « confiance » est invoqué pour à peu prÚs tout ce dont un homme avisé se méfierait.
Les mĂ©dias tournent autour du mot, Ă©voquant â notamment depuis les gilets jaunes - une « certaine forme de mĂ©fiance de certains citoyens vis Ă vis de nos institutions ». Le pouvoir tourne autour du mot, parlant de « consolider le lien de confiance » entre « notre » police et les français. Les banques tournent autour du mot, invoquant notre confiance dans notre monnaie et dans nos banques, de façon presquâhypnotique. Lâaffaire des vaccins, en ce quâelle va permettre de mesurer rĂ©ellement la confiance des français dans tous ces prĂ©dicateurs, les fait dĂ©jĂ frĂ©mir.
La proposition de valeur de Bitcoin et des cryptomonnaies appuie donc exactement lĂ oĂč ça fait mal aujourdâhui dans le systĂšme rĂ©galien.
Bitcoin repose sur la confiance, mais sur une forme de confiance qui ressemble bien plus Ă celle que lâon a dans un bon instrument quâĂ celle quâinvoque le serpent Kaa. Bitcoin a une valeur qui tient Ă sa raretĂ© et au caractĂšre onĂ©reux de son minage, non Ă une supposĂ©e convention politique. Bitcoin est libre, son adoption se fait sans coercition, alors que plus rien de ce que propose le gouvernement ne tiendrait une journĂ©e sans coercition.
Bitcoin nâeffraie pas encore les gouvernants. Il est mĂȘme assez commode pour eux, pour donner des coups de menton aprĂšs un attentat. En petit comitĂ©, les banquiers centraux avouent ne pas avoir la moindre peur de Bitcoin, et ne redouter sĂ©rieusement que Libra. Ils nâont pas encore peur du JPM Coin, probablement du fait de douteuses connivences, ou parce quâils nâont pas saisi la menace. Mais aprĂšs tout, la monnaie de Facebook comme celle de JP Morgan restent des formes privĂ©es du dollar, la seule vraie « fiat » du monde. La question qui se pose est justement celle du « fiat », un mot biblique faut-il le rappeler. Et elle commence Ă se poser, mĂȘme chez Morgan Stanley.
Câest en rĂ©alitĂ© le vide et lâabsence de base de leur systĂšme qui fait obligation aux dirigeants de mener leurs guerres.
Cela se voit trop cruellement au creux des arguments dont ils usent dans leurs combats.
Quand M. Darmanin nous affirme que « jamais en aucun moment Allah nâest supĂ©rieur Ă la RĂ©publique (âŠ) la RĂ©publique transcende tout » on a envie de demander si cette surĂ©minence est le propre de la RĂ©publique française, et par quel miracle si jâose dire cette crĂ©ature somme toute rĂ©cente a pu se hisser Ă un tel degrĂ© de majestĂ©.
Monsieur Darmanin, dont on nous dit par ailleurs quâil est catholique, refuse donc lâidĂ©e que Dieu soit plus grand, ce que signifie exactement « Ù±ÙÙÙÙÙ°ÙÙ ŰŁÙÙÙŰšÙŰ±Ù Â» mais quâa-t-il alors en tĂȘte quand il rĂ©cite dans le Gloria : « Toi seul est Seigneur » ? Les croyants (tous) peuvent, et il me semble doivent aimer la France et prier pour elle (on le faisait dĂ©jĂ du temps des rois) et mĂȘme pour la RĂ©publique (comme le font notamment les juifs Ă chaque Shabbat, avec une priĂšre particuliĂšrement belle et Ă©mouvante) mais pas un seul, il faut le comprendre, ne mettra jamais lâobjet pour lequel il prie au-dessus de Celui Ă qui il adresse sa priĂšre, et qui n'est pas un compagnon tranquille du foyer, un petit dieu Lare de romain antique. On a le droit dâĂȘtre croyant ou athĂ©e, on nâa pas le droit dâĂȘtre idiot. En cas de conflit, sâimposerait Ă l'esprit du croyant la rĂ©ponse de JĂ©sus Ă Pilate : « tu nâaurais sur moi aucun pouvoir sâil ne tâavait Ă©tĂ© donnĂ© d'en haut ».
Revenons Ă Bitcoin : quand on entend dire qu'il ne sera jamais une monnaie car personne nâen garantit la valeur, câest je crois le mĂȘme type de sottise qui est profĂ©rĂ©, par des gens qui hiĂ©rarchisent beaucoup mais qui analysent peu .
Jâai entendu un banquier expliquer gravement que « si vous perdez un bitcoin, personne ne pourra vous le rendre » : dans la salle nous Ă©tions quelques-uns tentĂ©s de lui demander ce quâil ferait pour ceux qui avaient perdu un billet de banque dans le mĂ©tro. Fondamentalement, ce sont les piĂšces dâor qui font le banquier riche et lui permettent de garantir ce quâil entend garantir. Ce nâest que parce que lâon fabrique aujourdâhui de la monnaie avec du vent que lâon a besoin dâune garantie, de nature un peu mystique au demeurant. Aux yeux du bitcoineur, ce n'est pas Bitcoin qui monte, ce sont les monnaies de papier qui s'effondrent. L'Ă©change avec les hommes du « fiat » peut rester courtois, mais il a peu de chance d'ĂȘtre trĂšs fructueux.
J'ai donc la conviction qu'on ne peut rien fonder de crĂ©dible, dâaimable, de durable sur des sottises et qu'il serait temps que les gens de pouvoir en France le comprennent.
Le terrorisme frappe hĂ©las de nombreux pays sans que lâon y parte en guerre idĂ©ologique, en se demandant si Dieu (pour lâappeler par son nom en notre langue) est au-dessus ou au-dessous de la RĂ©publique. Les difficultĂ©s financiĂšres nâĂ©pargnent pas non plus de nombreux pays qui s'assignent d'autres prioritĂ©s que de chasser les bitcoineurs comme Louis XIV chassa bien sottement des protestants.
L'un des principaux acquis de la loi de 1905 , mais aussi de celle de 1901 par-delĂ leurs diffĂ©rences (6) a Ă©tĂ© de voir la RĂ©publique donner des cadres juridiques assez pratiques Ă l'usage et, du moins Ă l'origine, assez libĂ©raux. Pourquoi n'instaurerait-elle pas une telle libertĂ© dâassociation dĂ©centralisĂ©e, Ă©ventuellement assortie du droit dâĂ©mission dĂ©centralisĂ©e de jetons de valeurs par ces associations, les formalitĂ©s n'Ă©tant nĂ©cessaires que pour une Ă©ventuelle admission Ă la cote officielle dans son ressort territorial ?
Ce que demandent la plupart des cryptos - ceux qui ne sont ni juristes en mal de fonds de commerce ni start-upers en levĂ©e de fonds- câest quâon les laisse en paix, exempts de soupçons, mais soumis au chĂątiment des crimes dans le cadre du droit applicable Ă tous. Ils n'ont pas la moindre illusion de voir l'Ătat amĂ©liorer quoi que ce soit par son action. Ils se rĂ©jouiraient de le voir borner son rĂŽle Ă reconnaĂźtre le simple fait que Bitcoin existe en tant que tel, sans encombrer quiconque de son avis sur la chose et de son illusoire garantie : une sĂ©paration.
NOTES
(1) En France, durant le couvre-feu, il faut signer un bout de papier attestant que l'on promÚne son chien : la simple présence du chien ne suffit pas.
(2) Je ne résiste pas au plaisir de rappeler que le Centre des Finances Publiques place Saint-Sulpice à Paris est installé dans les murs de l'ancien séminaire, et que le projet de restitution fut abandonné en 1924.
(3) Bel article dans le Figaro sur cette illusion inutile.
(4) Intéressante mise au point sur la laïcité par l'universitaire Charles Coutel, dans une tribune chez Marianne.
(5) Ă tel point, comme le dit MaĂźtre Yann Padova, ex SG de la CNIL dans une tribune publiĂ©e par Les Ăchos, que « Telle une peau de chagrin, ce qui hier constituait la norme politique et notre identitĂ© culturelle subissent une attrition progressive et insensible gouvernĂ©e par la peur ».
(6) sur les deux statuts fixés par ces deux lois, voir l'intéressant article paru dans Libération.