Le concept de Bitcoin a fait son apparition dans le monde le 31 octobre 2008. Dans un court document technique de 9 pages, le livre blanc, le mystérieux Satoshi Nakamoto décrivait les principes de base de ce qui deviendrait par la suite un phénomÚne économique d'envergure mondiale. Le titre de ce livre blanc ? « Bitcoin : un systÚme d'argent liquide électronique pair-à -pair ». Ce projet s'inscrivait donc dans une lignée bien définie : celle des tentatives de créer une monnaie numérique fonctionnant de maniÚre indépendante sur internet.
L'idĂ©e de monnaie numĂ©rique n'est pas une idĂ©e particuliĂšrement nouvelle. Celle-ci remonte en effet au dĂ©veloppement des moyens de communication modernes et est Ă©voquĂ©e dans de nombreuses Ćuvres de science-fiction, notamment sous la forme de « crĂ©dits ». Avec l'Ă©mergence d'internet dans les annĂ©es 1980, cette idĂ©e devenait rĂ©alisable. De mĂȘme qu'il existait un courrier Ă©lectronique (e-mail), il pouvait y avoir une monnaie Ă©lectronique (e-money). NĂ©anmoins, une interrogation subsistait : la question de savoir s'il Ă©tait possible de transposer les propriĂ©tĂ©s de l'argent liquide au cyberespace. Pouvait-on construire une monnaie entiĂšrement numĂ©rique qui pouvait se transmettre facilement, de personne Ă personne et de maniĂšre anonyme ? Ou devait-on se rĂ©signer Ă simplement Ă©tendre le fonctionnement du systĂšme bancaire Ă internet ?
Le concept d'argent liquide numérique a été formalisé pour la premiÚre fois en 1982 par le cryptographe américain David Chaum dans son papier académique intitulé « Blind signatures for untraceable payments ». Dans ce papier il décrivait un procédé de signatures aveugles qui permettait théoriquement d'envoyer des paiements de maniÚre anonyme. David Chaum a par la suite étoffé cette idée et a travaillé à l'implémenter par le biais de sa société DigiCash, créée en 1989 pour l'occasion.
L'idée a ensuite été reprise par le mouvement cypherpunk, formé en 1992, dont le but était d'établir une forme d'anarchie dans le cyberespace grùce à la cryptographie et à la technologie. Pour réaliser leur objectif, un argent liquide numérique constituait un élément central, car c'était lui qui pouvait permettre le développement de marchés indépendants en ligne. Eric Hughes, l'un des fondateurs du mouvement, écrivait par exemple dans son Manifeste d'un cypherpunk en mars 1993 :
Nous, les cypherpunks, nous consacrons à construire des systÚmes anonymes. Nous défendons notre confidentialité avec la cryptographie, avec les systÚmes anonymes de transfert de courriels, avec les signatures numériques, et avec la monnaie électronique.
Cependant, pour qu'une telle monnaie soit vraiment indĂ©pendante, il fallait qu'elle possĂšde une valeur sans ĂȘtre adossĂ©e Ă un autre bien. En effet, adosser sa monnaie Ă des rĂ©serves prĂ©sentes Ă un endroit donnĂ© revenait Ă jouer le rĂŽle d'une banque, ce qui Ă©tait trĂšs peu compatible avec l'idĂ©al des cypherpunks. C'est dans ce contexte qu'ont eu lieu les premiĂšres tentatives d'amorçage de systĂšmes d'argent liquide numĂ©rique.
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La premiÚre expérience que l'on peut citer n'est pas un systÚme de monnaie numérique à proprement parler puisque son rÎle initial n'était pas l'échange commercial. Il s'agit du Hawthorne Exchange, un systÚme de jetons de réputation utilisé pour la liste de diffusion extropienne.
Les extropiens Ă©taient des futuristes transhumanistes optimistes qui envisageaient l'Ă©volution technologique comme un moyen de libĂ©ration de l'individu. Ils avaient avait donc des centres intĂ©rĂȘts en commun avec les cypherpunks (le mouvement extropien avait Ă©tĂ© fondĂ© 4 ans aurapavant), et beaucoup de personnes faisaient partie des deux mouvements comme Timothy C. May, Nick Szabo ou encore Hal Finney. La liste de diffusion extropienne Ă©tait une liste de distribution de courrier Ă©lectronique privĂ©e, par laquelle les extropiens communiquaient sur internet et pouvaient discuter de nombreux sujets.
Le Hawthorne Exchange (couramment abrégé en HEx
) a Ă©tĂ© lancĂ© le 24 mars 1993 par un individu du nom de Brian Holt Hawthorne comme un marchĂ© de rĂ©putation pour les membres de la liste de diffusion. Le systĂšme se basait sur un serveur qui gĂ©rait les courriels de maniĂšre automatique. Chaque membre de la liste de diffusion pouvait s'incrire pour acquĂ©rir des parts liĂ©es Ă son identitĂ©, ainsi que des parts de la plateforme possĂ©dant le sigle boursier HEX. Chaque part pouvait ensuite ĂȘtre Ă©changĂ©e sur le marchĂ© selon l'offre et la demande, ce qui permettait thĂ©oriquement d'Ă©valuer la rĂ©putation des membres de la liste. Le principe de base Ă©tait que si un membre considĂ©rait que quelqu'un avait contribuĂ© positivement Ă la liste de diffusion, il achetait des parts de cette personne, et que dans le cas inverse il revendait ces parts.
L'unité native pour effectuer ces échanges était le Thorne, et avait pour symbole ð
ou p
. La quantité monétaire émise au tout début était d'un million de Thornes et était détenue par le serveur. La distribution initiale se faisait lors de l'inscription : au moment de leur entrée dans le systÚme, les participants recevait, en plus de leurs parts représentant leur réputation, 100 HEX chacun (les parts du systÚme d'échange) qu'ils pouvaient vendre au serveur pour un prix de 100 Thornes piÚce, et donc obtenir au moins 10 000 Thornes chacun.
Le systĂšme Ă©tait trĂšs expĂ©rimental et beaucoup de membres de la liste de diffusion Ă©taient sceptiques (Ă raison) sur sa pĂ©rennitĂ©. NĂ©anmoins, certains se sont tout de mĂȘme inscrits comme Hal Finney (il Ă©tait l'un des premiers Ă s'inscrire et possĂ©dait la part HFINN
), Perry E. Metzger (P
) ou Nick Szabo (N
) qui disait essayer pour « le plaisir du jeu » malgré ses réticences.
AprÚs une période de développement plus longue que prévue, les échanges ont pu débuter le 28 juin 1993. Les opérations étaient rares mais elles avaient lieu. Voici à quoi ressemblaient le cours des différentes parts dans le rapport du 22 juillet :
Plusieurs problĂšmes ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©s dĂšs le dĂ©but. Le premier Ă©tait le manque de liquiditĂ© du marchĂ©. Un groupe restreint de personnes possĂ©dait la majeure partie des Thornes et ne les faisaient pas bouger, ce qui n'aidait pas les autres Ă s'en procurer. Des propositions ont Ă©tĂ© faites pour amĂ©liorer les choses. Ainsi, le 6 juillet, un membre de la liste nommĂ© Derek Zahn proposait d'augmenter drastiquement la quantitĂ© de Thrones en circulation. Suite Ă cette proposition, Perry Metzger rĂ©torquait que les gens oubliaient que « la taille de la masse monĂ©taire [n'avait] pas d'importance » et que « les valeurs [pouvaient] augmenter indĂ©finiment mĂȘme avec une masse monĂ©taire fixe ». NĂ©anmoins, il fallait pour cela que l'unitĂ© soit rendu divisible, chose qu'a faite Brian Hawthorne le 16 juillet en ajoutant deux chiffres aprĂšs la virgule dans la reprĂ©sentation des Thornes.
Le deuxiÚme problÚme était la valorisation du Thorne et des jetons de réputation. Certaines personnes montraient en effet un certain scepticisme à propos de la mise en route du systÚme, à l'instar de Hal Finney qui déclarait le 27 juillet :
De nombreuses personnes ont observĂ© que les parts Hex ont peu ou pas de valeur intrinsĂšque. Cela remet en question toute la prĂ©misse de la place de marchĂ©, Ă savoir que les valeurs des parts sont censĂ©es reprĂ©senter d'une maniĂšre ou d'une autre la rĂ©putation des gens. Mais il n'y a aucune raison pour que la valeur des parts corresponde de quelque maniĂšre que ce soit Ă la rĂ©putation des gens, si ce n'est le fait qu'on se dit qu'il devrait en ĂȘtre ainsi. Il s'agit d'une tentative de crĂ©er une prophĂ©tie auto-rĂ©alisatrice, oĂč si tout le monde croit X, alors tout le monde agit comme si X Ă©tait vrai, et cela rend X vrai. [...] Il est important de comprendre que les Thornes ne sont pas comme les dollars. Ă moins que les parts HeX ne puissent recevoir une base autre que le caprice de leurs propriĂ©taires, le marchĂ© s'effondrera sĂ»rement, car il n'y a rien pour le soutenir.
Plusieurs personnes ont réagi à cette conception. Ainsi, Dave Krieger a répondu à Hal Finney que les dollars fonctionnaient déjà comme cela. Perry Metzger, lui, a été plus loin en invoquant la conception subjective de la valeur :
L'une des grandes avancĂ©es de la thĂ©orie Ă©conomique autrichienne est la notion que toute valeur est complĂštement subjective - c'est tout simplement ce que les gens sont prĂȘts Ă payer pour la chose valorisĂ©e. [...] Toute monnaie est psychologique.
HEx n'a jamais rĂ©ellement fonctionnĂ© en tant que systĂšme de rĂ©putation car il n'y avait pas de sens Ă Ă©valuer la rĂ©putation comme cela, et l'activitĂ© Ă©tait de toute maniĂšre trop timide. NĂ©anmoins, le Thorne lui a commencĂ© Ă ĂȘtre utilisĂ© comme monnaie d'Ă©change. Par consĂ©quent, bien que Brian Hawthorne lui-mĂȘme avait dĂ©clarĂ© que HEx n'Ă©tait pas « un systĂšme d'argent liquide numĂ©rique » et n'avait « aucune prĂ©tention Ă l'ĂȘtre », les personnes prĂ©sentes sur la liste se sont mises naturellement Ă effectuer des Ă©changes contre du Thorne.
Le premier achat d'un service a eu lieu le 31 août 1993 lorsque Dave Krieger a proposé à John McPherson de lui donner 1000 Thornes s'il recopiait et publiait une présentation de Vernor Vinge réalisée par The San Diego Union-Tribune. John McPherson a accepté dans la soirée, heure de Californie, concluant ainsi l'échange.
Nick Szabo vendait quelques services contre du Thorne, et avait été jusqu'à mettre au point son propre catalogue de textes en tous genres, appelé « Nick's Catalog ».
Quelques paris étaient réalisés sur la liste de diffusion. De son cÎté, Tim May mettait à disposition des dossiers d'informations contre des Thornes, dans le cadre de son projet de BlackNet.
Au cours du temps, le Thorne a aussi acquis un prix en dollars. Brian Hawthorne vendait du Thorne à un prix de 0,01 $ piÚce. Cependant, la demande pour le Thorne était moins forte que cela et la plupart des gens acceptaient d'acheter du Thorne un prix de 0,001 $. Tim May en particulier cherchait à se procurer plus de Thornes : il a par exemple acheté 10 000 Thornes à Edgar W. Swank pour 10 $ en liquide. Le but de Tim May était d'« accumuler plus de Thornes » dans l'espoir que le systÚme persiste et que Brian Hawthorne n'ait pas « l'intention de dévaloriser le Thorne en imprimant plus », chose que ce dernier confirmera :
Je vais répéter ce que j'ai déclaré publiquement auparavant. Il y a exactement un million de Thornes en circulation. Je n'en imprimerai pas plus.
Cet amorçage du Thorne a étonné certains membres de la liste, et ce d'autant plus que cette utilisation n'était pas la vocation initiale du systÚme. Ainsi, David Murray expliquait le 28 septembre :
Quand HEX a débuté, je ne pensais pas que le thorn[e] pouvait spontanément acquérir de la valeur. Je n'en suis plus si sûr maintenant. Les thorn[e]s offrent un avantage distinct par rapport aux dollars ici sur la toile : ils sont électroniques et échangeables électroniquement. Cette marge d'efficacité peut suffire à leur permettre d'acquérir de la valeur, avec un peu d'aide (spontanée).
Cela a Ă©galement inquiĂ©tĂ© Brian Hawthorne, qui voyait son systĂšme ĂȘtre utilisĂ© comme monnaie, et qui ne voulait pas subir les poursuites Ă©tatiques que subissait Ă l'Ă©poque le crĂ©ateur de PGP, Philip Zimmermann :
Avertissement officiel, de sorte Ă ce que je ne me retrouve pas dans la mĂȘme situation que Phil Zimmermann : Le Hawthorne Exchange est un marchĂ© de rĂ©putation, pas un marchĂ© d'actions, de matiĂšres premiĂšres, de devises ou d'obligations. Le Thorne est un jeton avec lequel Ă©changer des rĂ©putations. Le Hawthorne Exchange dĂ©cline toute responsabilitĂ© quant Ă l'utilisation de Thornes comme monnaie rĂ©elle par ses clients.
Toutefois, cette expérience est lentement tombée dans l'oubli et l'activité a commencé à décliner vers la fin de l'année 1993. Le 21 janvier 1994, Brian Hawthorne a mis le Hawthorne Exchange en vente, n'ayant plus le temps de s'en occuper. Il avait en effet lancé la chose de maniÚre plus ou moins ironique et ne s'attendait pas à ce que les gens la prennent autant au sérieux. La plateforme a été rachetée par Bill Garland, qui a déclaré par la suite que « HEx [avait été mis] en sommeil et qu'il le resterait encore un peu » (HEx is now dormant and will be for a little while yet). Le Hawthorne Exchange n'a jamais réapparu et par conséquent le Thorne a fini par perdre sa valeur.
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à l'instar de la liste extropienne, la mailing list cypherpunk a également connu son expérience d'argent liquide numérique. Il s'agissait du protocole Magic Money qui permettait à chacun de créer sa propre devise numérique. Celui-ci a été présenté sur la liste de diffusion cypherpunk le 4 février 1994, par un anonyme qui utilisait PGP pour s'identifier. Le créateur de Magic Money, Pr0duct Cypher
, décrivait son systÚme comme suit :
Magic Money est un systĂšme d'argent liquide numĂ©rique conçu pour ĂȘtre utilisĂ© par courrier Ă©lectronique. Le systĂšme est en ligne et intraçable. « En ligne » signifie que chaque transaction implique un Ă©change avec un serveur, pour Ă©viter les doubles dĂ©penses. « Intraçable » signifie qu'il est impossible pour quiconque de retracer les transactions, de faire correspondre un retrait avec un dĂ©pĂŽt, ou de faire correspondre deux piĂšces de quelque maniĂšre que ce soit.
Tout comme le Hawthorne Exchange, Magic Money nĂ©cessitait par un serveur qui analysait des courriels pour faire fonctionner la chose. Magic Money Ă©tait un protocole et par consĂ©quent nĂ©cessitait que la personne qui dĂ©sirait crĂ©er une nouvelle devise numĂ©rique fasse fonctionner son propre serveur. Pour ĂȘtre intraçable, le systĂšme se fondait sur les signatures aveugles de David Chaum, une technologie brevetĂ©e, ce qui faisait que Magic Money Ă©tait avant tout un prototype expĂ©rimental.
à la fin de sa présentation initiale, Pr0duct Cypher
ajoutait la remarque suivante à propos de la valorisation des jetons créés avec son systÚme :
Maintenant, si vous ĂȘtes toujours rĂ©veillĂ©, vient la partie amusante : comment introduire une valeur rĂ©elle dans votre systĂšme digicash ? Comment, d'ailleurs, faites-vous mĂȘme en sorte que les gens jouent avec ?
Qu'est-ce qui rend l'or précieux ? Il a quelques propriétés utiles : c'est un bon conducteur, il résiste à la corrosion et aux produits chimiques, etc. Mais celles-ci ne sont devenus importantes que récemment. Pourquoi l'or a-t-il été précieux pendant des milliers d'années ? C'est joli, c'est brillant et surtout, c'est rare.
Digicash est joli et brillant. Les gens en parlent depuis des années, mais peu l'ont utilisé. Vous pouvez rendre votre cash plus intéressant en donnant à votre serveur un nom provocateur. Le faire passer par un service de repostage pourrait lui donner une touche « underground » qui attirerait les gens.
Votre digicash devrait ĂȘtre rare. Ne le donnez pas en grande quantitĂ©. Demandez Ă certaines personnes de jouer avec votre serveur, en vous faisant passer des piĂšces. Organisez un concours - la premiĂšre personne qui casse ce code, rĂ©pond Ă cette question, etc. gagne de l'argent numĂ©rique. Une fois que les gens commenceront Ă s'y intĂ©resser, votre monnaie numĂ©rique sera demandĂ©e. Assurez-vous que la demande dĂ©passe toujours l'offre.
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Suite à cette présentation, les réactions ont été enthousiastes. Hal Finney a répondu dans la foulée : « Wow ! Génial ! ». Francis Barrett, lui, affirmait que c'était « la chose la plus géniale [qu'il avait] lue depuis longtemps ».
Le premier serveur a été mis en place par Mike Duvos le 25 février 1994. Ses piÚces étaient appelés les « Tacky Tokens », ou « jetons poisseux », et elles étaient émises en dénominations de 1, 2, 5, 10, 20, 50, et 100 unités. En guise d'incitation à essayer le systÚme, il distribuait 100 Tacky Tokens aux 10 premiÚres personnes qui envoyaient un courriel au serveur.
Quelques tentatives d'utiliser les Tacky Tokens comme monnaie d'échange sont apparues comme la proposition de vente d'un GIF de qualité contre 5 Tacky Tokens, mais cependant cela n'a pas pris comme les cypherpunks l'imaginaient. Cet échec a fait réfléchir certains d'entre eux sur le problÚme de l'amorçage.
Dans son essai Why Digital Cash is Not Being Used, Tim May relevait diffĂ©rentes raisons pour lesquelles Magic Money / Tacky Tokens ne gagnait pas en traction, dont les trois principales Ă©taient qu'il n'y avait quasiment rien Ă acheter, que l'utilisation Ă©tait difficile techniquement et que le systĂšme n'offrait aucun intĂ©rĂȘt particulier. May recommandait donc une liste de marchĂ©s qui pourraient ĂȘtre avantageux pour les systĂšme d'argent liquide numĂ©rique comme les cartes de tĂ©lĂ©phone, les routes Ă pĂ©age, les marchĂ©s illĂ©gaux, les marchĂ©s de paris et les services numĂ©riques de repostage.
Pr0duct Cypher
, dans un texte intitulé Giving Value to Digital Cash, écrivait :
Quelqu'un m'a rĂ©cemment rappelĂ© mes mots de l'intro de Magic Money, dans laquelle j'ai prĂ©dit que l'argent liquide numĂ©rique pouvait prendre de la valeur par lui-mĂȘme. Je savais quand j'ai Ă©crit le programme que donner la valeur au systĂšme serait la partie la plus difficile. [...] La plupart des grandes Ă©conomies utilisent aujourd'hui une monnaie fiduciaire, il est donc clair que la monnaie fiduciaire fonctionnera. Mais vous ne pouvez pas crĂ©er une nouvelle Ă©conomie avec de la monnaie fiduciaire. La monnaie doit commencer par avoir une valeur et une convertibilitĂ© dans le monde rĂ©el. AprĂšs avoir Ă©tĂ© en circulation pendant un certain temps, elle peut ĂȘtre « dĂ©couplĂ©e » des Ă©talons extĂ©rieurs.
Il y a trois problĂšmes qui interviennent.
1> Faire en sorte que les gens s'y mettent, de l'ignorance totale à la présence d'un client Magic Money opérationnel sur leurs systÚmes.
2> Distribuer vos piÚces numériques.
3> Ăchanger vos piĂšces numĂ©riques contre quelque chose ayant de la valeur.
On note qu'il revenait alors sur sa position initiale, pour rejoindre la conclusion du théorÚme de régression de Mises : la valeur de la monnaie devait remonter à une valeur d'usage non monétaire, si besoin par le biais d'adossements successifs.
à la suite de ces discussions, d'autres implémentations de Magic Money ont vu le jour : les GhostMarks ou « marks fantÎmes » ; les DigiFrancs ou « francs numériques », prétendument adossés à 10 caisses de Cola-Cola Light conservés dans un coffre ; ou encore les NexusBucks ou « dollars de liaison », créés par un dénommé Sameer qui souhaitait rémunérer du travail de développement informatique grùce à ces jetons.
Cependant, toutes ces unités numériques à l'utilité trÚs limitée ont disparu progressivement. à la mi-août 1994, Mike Duvos, l'opérateur du serveur gérant les Tacky Tokens, déclarait :
Je n'ai pas vu de Tacky Token depuis des mois, bien qu'il y avait pas mal d'activité lorsque j'ai rendu mon serveur disponible au début.
La cause de cette désertion était l'apparition d'un autre systÚme d'argent liquide numérique : eCash et ses cyberbucks.
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Comme on l'a dit en introduction, David Chaum est l'un des fondateurs de l'argent liquide numérique. C'est donc tout naturellement qu'il a essayé de mettre en application son idée, par l'intermédiaire de eCash. AprÚs avoir fondé sa société (DigiCash) en 1989, et avoir travaillé sur le sujet pendant plusieurs années, il a fini par mettre au point un prototype et à le présenter au monde le 27 mai 1994 lors de la premiÚre conférence internationale sur le World Wide Web au CERN à GenÚve.
eCash a par la suite mis en route, sous la forme d'un essai réalisé avec la participation de volontaires. Cet essai a été annoncé en juillet et a débuté le 19 octobre. Les unités émises pour l'occasion étaient appelés les cyberbucks, ou « dollars d'internet », et avaient pour symbole cb$
, c$
ou e$
selon les individus. Puisqu'il s'agissait d'un test, les cyberbucks ne bénéficiaient d'aucun adossement au dollar et possédait donc un prix flottant.
L'avantage que possédait eCash est que le systÚme était développé par une entreprise reconnue, qui savait communiquer et qui savait comment démarrer un nouveau projet. La distribution initiale a ainsi été mise à profit pour encourager l'utilisation du systÚme : 100 cyberbucks étaient en effet distribués à chaque nouvel utilisateur. Cela fait que l'expérience des cyberbucks s'est retrouvé avec des centaines d'utilisateurs et des dizaines de commerçants dÚs ses débuts.
En janvier 1995, l'essai jusqu'alors rĂ©servĂ© aux Ătats-Unis s'Ă©tendait au monde entier.
Le premier échange en cyberbucks aurait eu lieu dÚs octobre : ils s'agissait de l'achat d'une carte postale par Marcel van der Peijl, un employé de DigiCash, auprÚs de la société Global-X-Change.
eCash connaissait Ă©galement un certain succĂšs dans la communautĂ© cypherpunk, et Ă©tait souvent Ă©voquĂ© sur la liste de diffusion. Certains cypherpunks ont mĂȘme fini par travailler pour DigiCash, comme Nick Szabo.
Le cyberbuck a lui aussi acquis un prix. Il existait une liste de diffusion spĂ©cialisĂ©e qui servait Ă rĂ©aliser des Ă©changes : appelĂ©e ECM (pour Electronic Cash Market), celle-ci avait Ă©tĂ© dĂ©marrĂ©e le 24 juin 1995 par Rich Lethin. Il y avait Ă©galement d'autres endroits oĂč Ă©changer des dollars contre des cyberbucks et inversement, comme l'Eshop de FireCloud Solutions (voir l'image ci-dessous). En 1995, le prix du cyberbuck Ă©tait de quelques centimes de dollar.
Bien que rare, l'utilisation des cyberbucks Ă©tait bien rĂ©elle. Hal Finney offrait un prix en cyberbucks pour son concours de programmation (problĂšme rĂ©solu par Damien Doligez). Adam Back proposait Ă la vente des t-shirts sur lesquels Ă©tait imprimĂ© du code d'un algorithme de chiffrement (algorithmes alors considĂ©rĂ©s comme des munitions par l'Ătat fĂ©dĂ©ral des Ătats-Unis), dont un exemplaire a Ă©tĂ© achetĂ© par Mark Grant le 17 aoĂ»t 1995. Bryce Wilcox (devenu aujourd'hui Zooko Wilcox-O'Hearn) proposait de vendre son logiciel facilitant l'utilisation de PGP pour 10 cyberbucks.
Jim Crawley résumait l'état des lieux le 11 juillet 1995, dans une courte chronique pour la revue en ligne The Computists' Weekly :
Pouvez-vous crĂ©er de la valeur rĂ©elle sur la toile simplement en Ă©mettant une monnaie Ă©trange ? Apparemment oui. Digicash a distribuĂ© 1 M d'ecash, 100 e$ par utilisateur. Quelques marchands ont acceptĂ© les cyberbucks pour des partagiciels ou des produits d'information, et Adam Back en Grande-Bretagne vous vendra un T-shirt cryptographique "export-interdit" pour 250 e$ (ou 8 ÂŁ, qui met en place un taux de change diffĂ©rent). Le premier Ă©change connu vers la devise amĂ©ricaine a eu lieu lorsque Lucky Green a acceptĂ© le mois dernier de vendre ses 100 e$ pour 5 $. Cela Ă©tablit un prix de vente de 50 000 $ pour l'Ă©mission de Digicash, bien qu'il soit possible que l'Ă©dition limitĂ©e ait une valeur beaucoup plus Ă©levĂ©e en tant qu'article de collection. Selon l'analyste du commerce en ligne, Robert Hettinga, « le prix dont nous parlons ici est la valeur marginale du concept d'e$ lui-mĂȘme : anonymat, fluiditĂ© de transfert, commoditĂ©, ce que vous voulez. »
Cependant, tout n'était pas parfait pour les utilisateurs de cyberbucks et certains se posaient des question sur la pérennité du systÚme, à l'instar de Nathan Loofbourrow qui évoquait dans un courriel du 23 août la dépendance du systÚme vis-à -vis de DigiCash :
Je n'ai pas encore vu de date, mais Digicash déclare à plusieurs reprises dans ses communiqués de presse que les Cyberbucks ne sont qu'une monnaie d'essai et qu'à un moment donné dans le futur, l'essai prendra fin. Est-ce que cela signera le fin du marché pour les c$ à ce moment-là ? Sans Digicash pour authentifier la monnaie, il semblerait impossible d'échanger les piÚces de c$. [...] Afin de préserver la valeur de la nouvelle monnaie électronique, [...] nous avons besoin de l'assurance que la masse monétaire ne connaßtra pas une croissance déraisonnable. L'essai de ecash bénéficie de la promesse de Digicash d'un plafond de 1 million de c$ ; cette confiance a-t-elle un poids suffisant pour que le Cyberbuck ou son successeur garde une quelconque valeur pour l'utilisateur ?
Malheureusement, sa prĂ©diction est rapidement devenue rĂ©alitĂ©. En octobre 1995, la Mark Twain Bank lançait sa propre version de eCash en partenariat avec DigiCash, et, contrairement Ă l'essai prĂ©cĂ©dant, l'unitĂ© Ă©changĂ©e Ă©tait adossĂ©e au dollar Ă©tasunien. Bien que l'expĂ©rience des cyberbucks ne se soit pas arrĂȘtĂ©e lĂ , leur valeur s'est effondrĂ©e Ă cause de cette nouvelle. Le sort des cyberbucks a finalement Ă©tĂ© scellĂ© lorsque Digicash a fait faillite en septembre 1998.
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Ainsi, que ce soit avec le Hawthorne Exchange, Magic Money ou eCash, on a pu voir des unitĂ©s numĂ©riques ĂȘtre valorisĂ©es sans ĂȘtre adossĂ©e Ă une monnaie existante. Pourquoi ? Parce que leur fonction -- transfĂ©rer de la valeur sur internet -- Ă©tait trĂšs demandĂ©e, notamment par les cypherpunks dans le but de rĂ©aliser leur idĂ©al. NĂ©anmoins, toutes ces expĂ©riences reposaient sur un tiers de confiance, et se sont dĂ©finitivement arrĂȘtĂ©es lorsque le tiers en question a cessĂ© ses activitĂ©s. Le Thorne, le Tacky Token et le cyberbuck n'Ă©taient ni durables ni rares, et ne pouvaient donc pas devenir des monnaies plus largement acceptĂ©es.
Satoshi Nakamoto le reconnaissait lui-mĂȘme. Dans un courriel adressĂ© Ă la liste de diffusion p2p-research
, il réagissait à la comparaison entre Bitcoin et eCash en disant :
Bien sûr, la plus grande différence est l'absence de serveur central. C'était le talon d'Achille des systÚmes chaumiens ; lorsque l'entreprise centrale fermait ses portes, la monnaie disparaissait.
Ă la suite des expĂ©riences des annĂ©es 1990, l'idĂ©e de crĂ©er un argent liquide numĂ©rique sans valeur intrinsĂšque s'est faite plus rare, pour laisser la place Ă des systĂšmes oĂč les unitĂ©s Ă©taient indexĂ©es sur l'or (e-gold) ou le dollar (Liberty Reserve). Quelques cypherpunks ont bien tentĂ© d'imaginer des systĂšmes dĂ©centralisĂ©s, comme b-money, bit gold ou RPOW, mais ceux-ci ont Ă©tĂ© immĂ©diatement jugĂ©s trop peu robustes. Ce n'est qu'avec l'apparition de Bitcoin en 2008 que la malĂ©diction a Ă©tĂ© levĂ©e et qu'un vrai argent liquide numĂ©rique a pu voir le jour.
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John Paul Koning, The bootstrapping of Thorne, Magic Money, and Cyberbucks: three pre-Bitcoin monetary experiments, 6 novembre 2017.
Extropians (mailing list), 1993 - 1994.
Cyperpunks (mailing list), 1992 - 1998.
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Bonjour Ă tous,
Je vous partage cet article, je trouve ça dingue que cela puisse encore arriver en 2021.
Le lien de lâarticle : https://bitcoin.fr/le-cic-cloture-le-compte-bancaire-de-bitcoin-avenue-moins-de-dix-jours-apres-son-enregistrement-en-tant-que-psan/?fbclid=IwAR0Q-16Okt0van_9dgHgePZpD1o7vXxGpVixMRuE48IubKJ7bwKL_MPlyJg
Le lien du site de Bitcoin Avenue en soutien : https://www.bitcoin-avenue.com/
Salut !
On lance Interlude, la chasse au trĂ©sor dĂ©centralisĂ©e : des devs du monde entier cachent des clĂ©s sur le web et dans des jeux vidĂ©o, et les joueurs partent Ă la chasse aux clĂ©s. Le SHELL est minĂ© Ă chaque fois quâun joueur trouve une clĂ©.
La démo sera bientÎt live. Suivez-nous sur les réseaux pour avoir les news :
Website : https://interlude.gg/
Twitter: https://twitter.com/ProjInterlude
Discord: https://discord.com/invite/RKhtskPYhv
Telegram: https://t.me/joinchat/5Knen4TGonIzNjQ8
Facebook : https://www.facebook.com/Interlude-102642991609557
LinkedIn : https://www.linkedin.com/company/71539349/
âŠet merci dâavance pour vos retours !
Bitcoin est un systÚme décentralisé qui gÚre l'émission et les transferts d'une unité de compte numérique, appelée le bitcoin. Cette unité s'échange librement sur Internet et possÚde donc un prix, qui fluctue selon l'offre et la demande et qui a connu au cours de la derniÚre décennie une hausse fulgurante. En effet, celui-ci est passé de 0,001 $ en octobre 2009 à 1 $ en 2011, puis 1000 $ en 2013 et enfin plus de 50 000 $ aujourd'hui.
Le prix du bitcoin est une composante est trÚs connue du grand public puisqu'elle est discutée dans les différents médias à chaque fois qu'un fort mouvement spéculatif a lieu. C'est lui qui pousse les gens à s'intéresser plus en profondeur à Bitcoin, constituant ainsi une force de recrutement non négligeable. Mais surtout, il remet au goût du jour la question cruciale de l'origine de la valeur, impactant au passage une position de l'école autrichienne d'économie : le théorÚme de régression.
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Le bitcoin n'a pas vraiment de valeur intrinsĂšque, dans le sens oĂč il n'est pas valorisĂ© pour des propriĂ©tĂ©s objectives, comme le sel peut l'ĂȘtre pour ses caractĂ©ristiques d'assaisonnement et de conservation des aliments, ou l'or pour sa rĂ©sistance Ă la corrosion et Ă l'oxydation. De plus, il n'est indexĂ© sur aucun autre bien et n'a jamais reprĂ©sentĂ© autre chose que lui-mĂȘme. La valeur du bitcoin est donc extrinsĂšque et ne provient que de son utilisation en tant que monnaie : les gens le valorisent uniquement parce qu'ils savent que d'autres l'accepteront en l'Ă©change de quelque chose d'autre.
Cependant, ceci pose un problÚme philosophique : comment a-t-il été valorisé en premier lieu, lorsqu'il n'y avait aucun utilisateur ? En d'autres termes : comment Bitcoin a-t-il été amorcé ?
Le problĂšme de l'amorçage a Ă©tĂ© Ă©noncĂ© dĂšs les dĂ©but de Bitcoin par Hal Finney, l'une des premiĂšres personnes Ă avoir fait fonctionner un nĆud aprĂšs Satoshi Nakamoto. Le 11 janvier 2009, dans un courriel rĂ©pondant Ă l'annonce de la premiĂšre version du logiciel, il dĂ©clarait :
Un des problĂšmes immĂ©diats avec n'importe quelle nouvelle devise est de savoir comment la valoriser. MĂȘme en ignorant le problĂšme pratique liĂ© au fait que quasiment personne ne l'acceptera au dĂ©but, il est toujours difficile de trouver un argument raisonnable en faveur d'une valeur particuliĂšre non nulle pour les piĂšces.
La question Ă l'Ă©poque Ă©tait donc de savoir s'il Ă©tait possible de lancer avec succĂšs une nouvelle monnaie numĂ©rique sans qu'elle n'ait de valeur prĂ©dĂ©finie, et surtout de savoir si cela pouvait ĂȘtre pĂ©renne.
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La premiĂšre valorisation de la monnaie est loin d'ĂȘtre quelque chose d'Ă©vident. Il va de soi que dans un contexte antagoniste, les ĂȘtres humains ne pouvaient pas choisir n'importe quoi pour servir d'instrument d'Ă©change entre tribus par exemple. Ainsi, toutes les proto-monnaies prĂ©cĂ©dant le dĂ©veloppement de l'Ătat se sont basĂ©es en premier lieu sur des biens ayant une valeur d'usage non monĂ©taire : des coquillages pour leur attrait esthĂ©tique, du sel pour son usage alimentaire, du bĂ©tail ou du blĂ© pour leur valeur nutritive, ou des mĂ©taux prĂ©cieux pour leur beautĂ©. Comme l'expliquait l'Ă©conomiste autrichien Carl Menger dans son essai de 1892 sur l'origine de la monnaie, ces biens ont ensuite Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©s selon leur cessibilitĂ©, câest-Ă -dire la facilitĂ© avec laquelle ils pouvaient ĂȘtre Ă©changĂ©s sur le marchĂ©, que cette cessibilitĂ© s'applique dans l'espace (portabilitĂ©), dans le temps (durabilitĂ©, raretĂ©) ou Ă l'Ă©chelle (divisibilitĂ©, fongibilitĂ©). C'est pourquoi, de tous les biens qui se concurrençaient, ce sont les mĂ©taux prĂ©cieux qui ont Ă©tĂ© finalement utilisĂ©s comme monnaie : parce qu'ils avaient la plus grande cessibilitĂ©.
De cette observation sur l'origine de la monnaie, Ludwig von Mises en a tiré un théorÚme, le théorÚme de régression, qui affirme que toute monnaie généralement acceptée par la population a dû avoir en premier lieu une valeur d'usage non monétaire. Tel qu'il l'écrivait dans sa Théorie de la monnaie et du crédit publiée en 1912 :
Si la valeur d'Ă©change objective de la monnaie doit toujours ĂȘtre reliĂ©e Ă un rapport d'Ă©change du marchĂ© prĂ©existant entre la monnaie et les autres biens Ă©conomiques (car, sinon, les individus ne pourraient estimer la valeur de la monnaie), il s'ensuit qu'un objet ne peut ĂȘtre utilisĂ© comme monnaie s'il ne possĂšde pas dĂ©jĂ , au moment oĂč il commence Ă ĂȘtre utilisĂ© comme monnaie, une valeur d'Ă©change objective basĂ©e sur un autre usage. Ceci fournit Ă la fois une rĂ©futation des thĂ©ories qui font dĂ©couler l'origine de la monnaie d'un accord gĂ©nĂ©ral qui aurait attribuĂ© des valeurs fictives Ă des choses intrinsĂšquement sans valeur, et une confirmation des hypothĂšses de Menger sur l'origine de l'utilisation de la monnaie.
Il poursuivait en disant qu'il Ă©tait de cette maniĂšre possible de faire remonter la valeur de la monnaie Ă une valeur intrinsĂšque originelle :
La thĂ©orie de la valeur de la monnaie en tant que telle peut faire remonter la valeur d'Ă©change objective seulement jusqu'au point oĂč elle cesse d'ĂȘtre la valeur de la monnaie et devient uniquement la valeur d'une marchandise. [...] Si de cette façon nous retournons de façon continuelle en arriĂšre, nous devons arriver Ă un point oĂč nous ne trouvons plus aucune composante dans la valeur d'Ă©change objective qui provienne des Ă©valuations basĂ©es sur la fonction de la monnaie comme moyen d'Ă©change commun ; un point oĂč la valeur de la monnaie n'est rien d'autre que la valeur de l'objet qui est utile d'une autre façon que comme monnaie.
Ainsi, on peut retracer l'histoire de la monnaie actuellement utilisĂ©e en Occident Ă l'or. Autrefois l'or et l'argent Ă©taient utilisĂ©s comme moyen d'Ă©change de main Ă main. Puis avec l'Ă©volution bancaire, les gens ont commencĂ© Ă utiliser des billets Ă©changeables en or pour leur facilitĂ© d'usage : l'or Ă©tait conservĂ© dans un coffre et les billets jouaient le rĂŽle de monnaie reprĂ©sentative. Ensuite, au cours du XIXĂšme siĂšcle, les Ătats ont commencĂ© Ă imposer des restrictions plus strictes et ont imposĂ© un Ă©talon-or contrĂŽlĂ© par leurs banques nationales respectives. Enfin, comme on le sait tous, cette convertibilitĂ© a Ă©tĂ© suspendue Ă de multiples reprises dans diffĂ©rents pays (cours forcĂ©), avant d'ĂȘtre dĂ©finitivement suspendue par les Ătats-Unis en 1971 avec la fin des accords de Bretton Woods.
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Depuis 1971, les monnaies Ă©tatiques n'ont donc plus de valeur d'usage (en dehors de l'utilitĂ© nĂ©gligeable du papier des billets) et leur valeur repose sur le fait que les Ătats imposent leur cours lĂ©gal sur leurs territoires. Cependant, la croyance que la monnaie est toujours garantie par l'or persiste au sein de la population, ce qui tĂ©moigne de cette Ă©volution historique. Selon Mises, les gens n'auraient jamais acceptĂ© la monnaie actuelle si elle n'avait pas Ă©tĂ© en premier lieu indexĂ©e sur l'or.
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Le théorÚme de régression est bien un théorÚme, pas une simple observation historique - une presciption et non une description, conformément à l'école autrichienne. Comme Ludwig von Mises le précisait dans L'action humaine en 1949 :
Nul bien ne peut ĂȘtre employĂ© comme instrument d'Ă©change si, au moment oĂč l'on a commencĂ© Ă s'en servir comme tel, il n'avait pas une valeur d'Ă©change en raison d'autres emplois. Et toutes ces affirmations impliquĂ©es dans le thĂ©orĂšme de rĂ©gression sont Ă©noncĂ©es apodictiquement conformĂ©ment Ă la nature aprioriste de la praxĂ©ologie. Cela doit se produire ainsi. Personne ne peut ni ne pourra parvenir Ă construire un cas hypothĂ©tique dans lequel les choses se produiraient diffĂ©remment.
C'est pourquoi il a embĂȘtĂ© intellectuellement beaucoup de gens qui s'intĂ©ressaient Ă Bitcoin. Ceux-ci pouvaient avoir lu Mises et se demandaient par consĂ©quent d'oĂč pouvait provenir la valeur intrinsĂšque originelle de l'unitĂ© de compte. Mais, de toute Ă©vidence, le bitcoin n'avait pas de valeur d'usage prĂ©cĂ©dant l'Ă©mergence de sa valeur monĂ©taire.
Certains ont suggéré que Bitcoin avait une valeur d'usage en tant que « systÚme de paiement », parce qu'il offrait un moyen d'envoyer des fonds à l'étranger sans requérir de permission particuliÚre. D'autres ont avancé que la valeur originelle de Bitcoin provenait de sa capacité d'horodater des données et de garantir leur authenticité.
NĂ©anmoins, sans valeur initiale ces usages n'ont aucune raison d'exister : Bitcoin est en effet un systĂšme Ă©conomique par essence et il faut que son unitĂ© de compte ait une valeur avant que le systĂšme puisse avoir une utilitĂ©. On ne peut pas s'en servir comme service d'horodatage de donnĂ©es si sa sĂ©curitĂ© est nulle (cet usage Ă©tait d'ailleurs inexistant avant que le bitcoin acquiĂšre un prix). De mĂȘme, on ne peut pas utiliser Bitcoin comme un moyen de transfert de valeur si l'unitĂ© n'est valorisĂ©e par personne.
Satoshi Nakamoto a lui-mĂȘme reconnu cette importance de la premiĂšre valorisation du bitcoin. Dans un message d'aoĂ»t 2010 sur le thĂ©orĂšme de rĂ©gression, il expliquait qu'il fallait lui donner une valeur « pour une raison ou pour une autre » pour que le systĂšme soit utile pour l'envoi de fonds Ă l'Ă©tranger :
Comme expérience de pensée, imaginez qu'il existe un métal de base aussi rare que l'or, mais avec les propriétés suivantes :
- de couleur grise et terne ;
- pas de bonne conductivité électrique ;
- pas particuliÚrement solide, mais pas non plus ductile ou facilement malléable ;
- inutile pour un but pratique ou ornemental ;et avec une propriété magique et spéciale :
- peut ĂȘtre transportĂ© par un canal de communication.Si, d'une maniĂšre ou d'une autre, il acquĂ©rait une quelconque valeur pour une raison ou pour une autre, alors n'importe qui dĂ©sirant transfĂ©rer de la richesse sur une longue distance pourrait en acheter, le transmettre, et faire en sorte que le destinataire le vende.
à l'époque, Satoshi décrivait ce qui s'était déjà passé : le bitcoin avait acquis une valeur. Il était échangé contre des monnaies traditionnelles et servait déjà à acheter des biens physiques. à partir de là , son usage s'est développé jusqu'à la situation qu'on connaßt aujourd'hui.
Par son amorçage, Bitcoin a prouvé qu'une unité numérique pouvait acquérir de la valeur sans posséder de valeur d'usage non monétaire originelle. Néanmoins, ce n'était pas la premiÚre fois qu'une telle tentative avait lieu, et c'est ce dont nous parlerons dans un prochain article...
Wakam, rejoint lâĂ©cosystĂšme Tezos en tant que corporate baker Paris, 24 mars, 2021â, Wakam, âleader de lâassurance digitale en Europeâ, renforce son implication dans lâĂ©cosystĂšme Tezos en devenant un baker corporate de Tezos, une blockchain publique utilisant une technologie reposant sur la preuve dâenjeu (Proof-of-Stake) et dotĂ©e dâun mĂ©canisme unique de gouvernance ââon-chainââ qui rend âŠ
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Naissance de Lugh (EUR-L), le premier actif numĂ©rique français adossĂ© Ă lâEuro La sociĂ©tĂ© Lugh annonce la crĂ©ation du premier actif numĂ©rique français adossĂ© Ă lâEuro, en partenariat avec Coinhouse, acteur de rĂ©fĂ©rence en France pour lâinvestissement en cryptoactifs des particuliers et des entreprises et dans un environnement de confiance bĂąti notamment avec SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale. âŠ
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Absence dâautoritĂ© centrale, pas de tiers de confiance, rĂ©sistance Ă la censure, aucune permission requise : voici des mots qui surgissent souvent lorsquâon parle de Bitcoin. Il sâagit en effet dâun concept de monnaie numĂ©rique indĂ©pendante des banques et des Ătats, et câest cette indĂ©pendance qui explique sa rĂ©silience et son succĂšs.
Dans le livre blanc fondateur, Bitcoin est dĂ©crit comme un « systĂšme dâargent liquide Ă©lectronique pair-Ă -pair » permettant aux paiements en ligne dâĂȘtre « envoyĂ©s directement dâune partie Ă lâautre sans passer par une institution financiĂšre ». En janvier 2010, le site web contrĂŽlĂ© par Satoshi Nakamoto prĂ©sentait Bitcoin comme une « devise numĂ©rique anonyme basĂ©e sur un rĂ©seau pair-Ă -pair ». Lâun des buts de Bitcoin est donc dâimporter les propriĂ©tĂ©s de lâargent liquide dans le cyberespace : possession souveraine, transactions de personne Ă personne et relatif anonymat.
Outre cela, le bitcoin est rare, Ă lâinstar dâun mĂ©tal prĂ©cieux : il ne peut ĂȘtre crĂ©Ă© que selon un plan dâĂ©mission prĂ©dĂ©fini qui limite la quantitĂ© dâunitĂ©s Ă 21 millions. Cette propriĂ©tĂ© de rĂ©sistance Ă lâinflation (comme on lâappelle) est Ă©galement essentielle, et est en symbiose totale avec la propriĂ©tĂ© de rĂ©sistance Ă la censure. En effet, le bitcoin nâest rare que parce quâil ne dĂ©pend pas dâune autoritĂ© centrale chargĂ©e de valider les transactions, et il nâest rĂ©sistant Ă la censure que parce que des spĂ©culateurs acceptent de lui donner de la valeur. Retirez lâune des deux propriĂ©tĂ©s et vous dĂ©truisez le tout.
Bitcoin est donc lâincarnation de la monnaie libre et souveraine. Cependant, si le caractĂšre incontrĂŽlable de Bitcoin passionne les amoureux de la libertĂ©, câest loin dâĂȘtre le cas des partisans de lâautoritĂ©. Les personnes dont le mĂ©tier consiste Ă renforcer le contrĂŽle sur la population (lĂ©gislateurs, administrateurs et politiciens en tous genres) ressentent ainsi toujours un certain malaise, voire un dĂ©goĂ»t profond, lorsquâils Ă©voquent Bitcoin, et se demandent comment ce dernier pourrait ĂȘtre intĂ©grĂ© au cadre lĂ©gal existant. Et ceci explique lâapparition des multiples rĂ©glementations ayant pour but de limiter la libertĂ© dâaction et la confidentialitĂ© des utilisateurs. Gouverner lâingouvernable : voilĂ lâobjectif que nos dirigeants se sont fixĂ©s.
Aujourdâhui, la tendance est claire : les restrictions autour des cryptomonnaies prolifĂšrent, que ce soit en France, en Europe, aux Ătats-Unis et dans le reste du monde. MalgrĂ© les avertissements des acteurs de lâĂ©cosystĂšme, les dĂ©cideurs politiques ne reculent pas, et il semble donc que nous nous dirigions vers une vĂ©ritable guerre rĂ©glementaire contre Bitcoin qui pourrait durer des annĂ©es, voire des dĂ©cennies.
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Lorsque jâai dĂ©couvert Bitcoin en 2013, je nâai pas Ă©tĂ© saisi par lâenthousiasme immĂ©diatement. Bien quâintĂ©ressĂ© par cette monnaie numĂ©rique innovante, je peinais Ă comprendre comment le systĂšme fonctionnait rĂ©ellement et en quoi cette chose pouvait ĂȘtre rĂ©volutionnaire. AprĂšs lâavoir essayĂ© rĂ©ellement en 2015, jâai lĂąchĂ© lâaffaire, me disant plus ou moins inconsciemment que ça ne marcherait jamais et que lâĂtat pourrait facilement intervenir de toute maniĂšre.
Puis est arrivĂ©e lâannĂ©e 2017 durant laquelle jâai pu consacrer plus de temps Ă cette chose Ă©trange quâon appelle la cryptomonnaie : câest alors que jâai compris que Bitcoin Ă©tait inarrĂȘtable par conception, quâil pouvait fonctionner hors de la lĂ©galitĂ© et quâil existait indĂ©pendamment des dĂ©cisions Ă©tatiques Ă son Ă©gard. NĂ©anmoins, Ă cette Ă©poque, jâĂ©tais naĂŻvement persuadĂ© que les Ătats renonceraient Ă mener un guerre contre Bitcoin et je nĂ©gligeais tout le mal quâils pouvaient rĂ©ellement lui faire. Il a fallu attendre plusieurs annĂ©es pour que je me rende Ă lâĂ©vidence : les Ătats ne laisseront jamais se dĂ©velopper une telle monnaie sans rien faire.
Il y a une raison pour laquelle toutes les monnaies privĂ©es et toutes les monnaies numĂ©riques prĂ©cĂ©dentes ont Ă©chouĂ© : câest que lâĂtat, lâautoritĂ© qui sâexerce sur un territoire dĂ©terminĂ© et sur un peuple quâelle prĂ©tend reprĂ©senter, nâaime pas la concurrence. LâĂtat impose en effet un monopole monĂ©taire, monopole qui lui permet de tirer son revenu. Par le contrĂŽle des capitaux et la surveillance financiĂšre offerts par sa monnaie, il sâassure de prĂ©lever lâimpĂŽt de maniĂšre efficace. Par le seigneuriage et lâendettement, il sâassure profiter de la crĂ©ation monĂ©taire. LâidĂ©e dâune monnaie qui Ă©chappe Ă son contrĂŽle est donc intolĂ©rable pour un Ătat, dont la tendance naturelle est de grossir le plus possible.
Lâhistoire des Ătats-Unis est peut-ĂȘtre lâillustration la plus parfaite de cette tendance que possĂšdent les Ătats Ă contrĂŽler la monnaie qui sâĂ©change sur leur territoire. Alors mĂȘme que la libertĂ© Ă©tait le concept central de la fondation de la nation1, lâĂtat fĂ©dĂ©ral Ă©tasunien nâa pas su rester un Ătat limitĂ© et a fini par consolider le contrĂŽle sur le dollar avec lâabandon du systĂšme des banques libres en 1863 et la fin de lâĂ©talon-or en 1971.
Cela sâest traduit par une intolĂ©rance envers les monnaies alternatives. La dĂ©tention dâor physique, longtemps utilisĂ© comme monnaie, a Ă©tĂ© tout simplement interdite pour les particuliers entre 1933 et 1974 par lâExecutive Order 6102. Le Liberty Dollar, une monnaie privĂ©e basĂ©e sur lâor et lâargent crĂ©Ă©e en 1998, a Ă©tĂ© bloquĂ©e en 2009 par la poursuite pĂ©nale de son crĂ©ateur, Bernard von NotHaus, condamnĂ© en 2011 pour frappe illicite de piĂšces de monnaie et pour faux-monnayage. Du cĂŽtĂ© dâInternet, les systĂšmes de monnaie numĂ©rique e-gold (1996-2008) et Liberty Reserve (2006-2013) ont tous les deux Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s par le dĂ©partement de la Justice Ă©tasunien.
Câest pourquoi il est peu probable que les Ătats occidentaux laissent prospĂ©rer Bitcoin : il sâagit dâun systĂšme qui se propose de leur retirer leur contrĂŽle sur la monnaie et il serait antinaturel pour eux de lâaccueillir Ă bras ouverts. En rĂ©alitĂ©, ils ont dĂ©jĂ commencĂ© Ă lutter activement contre lui, et ceci par le biais de ce quâon appelle la rĂ©glementation.
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La rĂ©glementation, parfois dĂ©signĂ©e par lâanglicisme « rĂ©gulation », est lâacte dâassujettir une activitĂ© sociale Ă un rĂšglement, une prescription ou une loi. Cette rĂ©glementation est gĂ©nĂ©ralement le fruit dâune contrainte lĂ©gale appliquĂ©e par lâĂtat. La rĂ©glementation intervient dans de nombreux domaines, mais le domaine financier est probablement le plus concernĂ© que ce soit en France, aux Ătats-Unis ou dans dâautres pays.
Bitcoin nâĂ©chappe pas Ă la rĂšgle : tant quâil y aura des Ătats dĂ©sireux dâimposer un monopole monĂ©taire, ceux-ci tenteront de rĂ©glementer lâusage de Bitcoin et cette rĂ©glementation sera dâautant plus drastique que Bitcoin leur retirera leur possibilitĂ© de se financer, ce qui pourra dĂ©boucher sur une interdiction pure et simple. Peu importe lâeffort rĂ©alisĂ© pour nĂ©gocier des conditions plus libĂ©rales, lâĂtat cherchera naturellement Ă se protĂ©ger, sans hĂ©siter Ă invoquer au passage des prĂ©textes plus ou moins valides comme le blanchiment dâargent, le trafic de stupĂ©fiants, le financement du terrorisme, la consommation dâĂ©nergie, la spirale dĂ©flationniste ou la protection des Ă©pargnants.
Dans lâhistoire de Bitcoin, on constate dĂ©jĂ une tendance continue Ă la rĂ©glementation. Au dĂ©part, Bitcoin Ă©tait un projet de niche et ne faisait pas de bruit, mais Ă partir de 2010, il a commencĂ© Ă attirer lâattention des gens. Les agences gouvernementales sây sont probablement intĂ©ressĂ©es en 2011, soit Ă cause de lâintention de WikiLeaks dâaccepter les donations en bitcoin2, soit en rĂ©action au dĂ©veloppement de la place de marchĂ© Silk Road Ă partir de fĂ©vrier. Le 27 avril 2011, le dĂ©veloppeur principal Gavin Andresen a ainsi annoncĂ© avoir Ă©tĂ© invitĂ© par la CIA pour parler de Bitcoin, rĂ©union qui sâest dĂ©roulĂ©e le 15 juin de la mĂȘme annĂ©e.
Cet intĂ©rĂȘt des agences gouvernementales a coĂŻncidĂ© avec la disparition de Satoshi Nakamoto, un dĂ©part soudain quâon peut expliquer (au moins partiellement) par son avant-dernier message public, dans lequel il disait :
Il aurait Ă©tĂ© bon dâattirer cette attention dans un tout autre contexte. WikiLeaks a donnĂ© un coup de pied dans le nid de frelons, et lâessaim se dirige vers nous.
Deux annĂ©es plus tard, en 2013, le regain dâattrait de Bitcoin et lâexplosion de son prix a poussĂ© les autoritĂ©s rĂ©gulatrices Ă sây intĂ©resser plus en profondeur. Le 18 mars le FinCEN (Financial Crimes Enforcement Network) a ainsi publiĂ© un document clarifiant sa position sur les monnaies numĂ©riques. Au sein de ce document, il Ă©tait spĂ©cifiĂ© que les plateformes dâĂ©change Ă©taient des entreprises de services financiers et devaient par consĂ©quent obtenir une licence et se soumettre aux rĂ©glementations correspondantes pour exercer aux Ătats-Unis.
Ce premier pas a permis lâintroduction de nombreuses rĂ©glementations autour des plateformes dâĂ©change. La plus connue de ces rĂ©glementations est la procĂ©dure de connaissance du client (appelĂ©e en anglais Know Your Customer ou KYC) qui impose aux plateformes supportant une monnaie traditionnelle de vĂ©rifier lâidentitĂ© de leurs clients pour quâils puissent accĂ©der Ă leurs services. En quelques annĂ©es, toutes les plateformes concernĂ©es se sont adaptĂ©es, Ă tel point quâil est devenu Ă ce jour trĂšs difficile de se procurer du bitcoin de maniĂšre anonyme. Cette obligation de connaissance du client crĂ©e une situation particuliĂšrement alarmante dans laquelle une majoritĂ© dâutilisateurs sont dĂ©sormais fichĂ©s et oĂč leurs bitcoins sont probablement liĂ©s Ă leur identitĂ© grĂące Ă lâanalyse de chaĂźne.
Une autre rĂ©glementation entravant aujourdâhui le fonctionnement de Bitcoin est la lĂ©gislation autour des plus-values. En France par exemple, lâutilisateur est lĂ©galement contraint de dĂ©clarer ses plus-values rĂ©alisĂ©es lors des « cessions Ă titre onĂ©reux dâactifs numĂ©riques » et de payer un impĂŽt de 30 % sur celles-ci, si le total reprĂ©sente plus de 305 ⏠sur lâannĂ©e. Ceci revient plus ou moins Ă une interdiction lĂ©gale de lâutilisation rĂ©guliĂšre du bitcoin en tant que monnaie dâĂ©change, puisque la volatilitĂ© (Ă la hausse) du cours ferait que beaucoup de personnes se retrouverait Ă devoir dĂ©clarer leurs plus-values (et leurs moins-values) lors de chaque achat rĂ©alisĂ© dans le commerce.
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LâenvolĂ©e du cours du bitcoin Ă la fin de lâannĂ©e 2020 a poussĂ© les autoritĂ©s Ă sâintĂ©resser de nouveau aux cryptomonnaies et Ă leur statut lĂ©gal, si bien quâelles parlent aujourdâhui de durcir la rĂ©glementation existante. Comme on lâa dit, plus Bitcoin prend dâimportance et nuit au financement public, plus lâintervention Ă©tatique se justifie, et le fait que les particuliers y investissent leurs Ă©conomies nâest pas bien vu par tout le monde.
Une bonne illustration de lâactuelle agitation des rĂ©gulateurs est la dĂ©claration du 13 janvier 2021 de Christine Lagarde, actuellement prĂ©sidente de la Banque centrale europĂ©enne (BCE) et ancienne directrice gĂ©nĂ©rale du Fonds monĂ©taire international (FMI). Dans une entrevue avec Reuters, elle a en effet appelĂ© de ses vĆux une rĂ©glementation mondiale de Bitcoin et des cryptomonnaies :
Il doit y avoir une rĂ©glementation. Elle doit ĂȘtre appliquĂ©e et convenue. Il sâagit dâun sujet sur lequel nous devons nous mettre dâaccord au niveau mondial, car sâil y a une Ă©chappatoire, cette Ă©chappatoire sera utilisĂ©e. [âŠ] Si cela montre quoi que ce soit, câest que la coopĂ©ration mondiale (lâaction multilatĂ©rale) est absolument nĂ©cessaire. Que celle-ci soit initiĂ©e par le G7, intĂ©grĂ©e par le G20 et Ă©largie par la suite, mais câest quelque chose qui doit ĂȘtre rĂ©solu.
La volontĂ© de restriction est claire et se retrouve dans les discours et les actes de tous les dirigeants politiques. En France par exemple, le ministre de lâĂconomie Bruno Le Maire a proposĂ©, le 9 dĂ©cembre dernier, une ordonnance visant à « renforcer la lutte contre lâanonymat des transactions en crypto-actifs » sous prĂ©texte dâassĂ©cher les circuits de financement du terrorisme. Il semble donc que la rĂ©glementation est inĂ©luctable et quâune raison justificative (valide ou non) pourra toujours ĂȘtre trouvĂ©e pour mystifier le grand public.
Ceci nous amĂšne donc Ă la question qui nous intĂ©resse : Quelles rĂ©glementations pourraient ĂȘtre mises en place par les Ătats dans les annĂ©es Ă venir ? La tĂąche prĂ©dictive nâest pas aisĂ©e, mais on peut nĂ©anmoins dresser une liste de ces potentielles mesures en regardant comment se sont comportĂ©s les Ătats au cours des annĂ©es passĂ©es. Notez que cette liste nâest pas exhaustive, car elle ne peut pas reflĂ©ter pleinement le gĂ©nie impĂ©nĂ©trable des lĂ©gislateurs quand il sâagit de mettre des bĂątons dans les roues de leurs compatriotes.
Tout dâabord, la connaissance du client (KYC) et les normes dâanti-blanchiment (AML) des plateformes dâĂ©change pourraient ĂȘtre renforcĂ©es. Une maniĂšre de faire serait dâappliquer la « rĂšgle du voyage » (« travel rule ») Ă la dĂ©tention de cryptomonnaie en imposant aux plateformes de vĂ©rifier lâadresse de retrait de leurs clients. PortĂ©e par le Groupe dâaction financiĂšre (GAFI), cette rĂšgle a dĂ©jĂ Ă©tĂ© reprise depuis quelques temps par la FINMA en Suisse. Fin 2020, elle a Ă©tĂ© poussĂ©e aux Ătats-Unis par le FiNCEN et par lâadministration Trump, ce qui a provoquĂ© lâindignation de la communautĂ©, et notamment de Brian Armstrong.
Puis, une taxe Ă taux fixe sur la cession de bitcoin pourrait ĂȘtre mise en place, dans le but dâannihiler sa propension Ă servir de monnaie dâĂ©change. Câest par exemple aujourdâhui le cas de lâor physique en France, qui est taxĂ© Ă 11,5 % Ă chaque revente. Ă cĂŽtĂ© de cette flat tax des Ă©changes, on pourrait Ă©galement voir dâautres prĂ©lĂšvement apparaĂźtre, comme un impĂŽt direct sur la fortune possĂ©dĂ©e en bitcoin.
Ensuite, une rĂ©glementation des diffĂ©rents services utilisant Bitcoin, y compris les commerçants, pourrait se faire. Les mĂȘmes conditions de conformitĂ© (compliance), comme la connaissance du client, seraient demandĂ©es Ă chaque processeur de paiement, Ă chaque plateforme de jeu en ligne, Ă chaque boutique physique, etc. Câest dâailleurs dĂ©jĂ le cas de BitPay qui, depuis le dĂ©but de lâannĂ©e 2021, demande Ă ses clients europĂ©ens de sâincrire et de vĂ©rifier leur identitĂ© avant de pouvoir effectuer un achat. On peut aussi le service BottlePay qui refuse de traiter les bitcoins « anonymisĂ©s » issus de mĂ©langes avec dâautres utilisateurs.
Enfin, la rĂ©glementation du minage pourrait ĂȘtre considĂ©rablement resserrĂ©e. Aujourdâhui, les mineurs sont assez libres et peuvent traiter toutes les transactions. NĂ©anmoins, Ă lâavenir, ils pourraient recevoir une liste noire de transactions Ă ne pas miner, comme les transactions qui bougent les bitcoins dits « sales », provenant dâactivitĂ©s illicites assimilĂ©es. Cette interdiction de miner certaines transactions pourrait par la suite se transformer en une interdiction dâaccepter les blocs contenant ces transactions, ce qui serait alors une censure active. On voit dĂ©jĂ les prĂ©misses dâune telle rĂ©glementation Ă©merger avec le « minage de blocs propres » proposĂ© par une association des mineurs nords-amĂ©ricains. Dans certains pays, cela va mĂȘme plus loin : le Venezuela a par exemple interdit le minage se faisant hors de sa coopĂ©rative nationale.
Ă terme cela pourrait mener les Ătats et les institutions internationales Ă mener une guerre directe contre Bitcoin. La dĂ©tention, lâutilisation ou le minage pourraient tout simplement ĂȘtre rendus hors-la-loi, tel que cela a dĂ©jĂ Ă©tĂ© fait dans plusieurs pays, dont lâĂgypte, le NĂ©pal ou la Bolivie.
Cette interdiction pourrait sâĂ©tendre Ă la plupart des pays dĂ©veloppĂ©s. Ces Ătats coopĂ©reraient par lâintermĂ©diaire du FMI, dont le but est dâassurer la stabilitĂ© du systĂšme monĂ©taire mondial, ou bien du GAFI, qui lutte contre le blanchiment dâargent et le financement du terrorisme. Les Ătats refusant dâappliquer les mesures pourraient devenir des « Ătats voyous » qui subiraient des sanctions Ă©conomiques de la part des premiers. Une telle coopĂ©ration sâest dĂ©jĂ vue, comme par exemple contre lâIran aujourdâhui : le 21 fĂ©vrier 2021, le GAFI a appelĂ© ses 39 Ătats-membres à « appliquer des contre-mesures » contre ce pays qui refuse dâappliquer les normes de lutte contre le terrorisme, ce qui a renforcĂ© au passage les sanctions dĂ©jĂ appliquĂ©es des Ătats-Unis.
En parallĂšle, une version « acceptable » du protocole pourrait voir le jour. Dâabord, cela se ferait de maniĂšre discrĂšte : lâĂtat pourrait par exemple prohiber les transactions de mĂ©lange (dites « CoinJoin ») au nom de la lutte contre le blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme. Puis, il lui viendrait peut-ĂȘtre lâidĂ©e de prĂ©lever lâimpĂŽt directement au niveau du protocole en imposant une taxe fixe sur toutes les transactions (sorte de TVA) et une taxe sur les montants ne bougeant pas (demeurage). Ă ce stade, ceux qui resteraient se diraient « pragmatiques » en se racontant quâau moins la politique monĂ©taire du bitcoin aurait tenu. NĂ©anmoins, jouissant dâune emprise totale, lâĂtat nâhĂ©siterait pas alors Ă transformer « Bitcoin » dĂ©finitivement en imposant que toute transaction nĂ©cessite sa signature (censure) et en sâautorisant Ă crĂ©er de nouveaux bitcoins (seigneuriage), brisant ainsi la rĂšgle des 21 millions et privant Bitcoin de sa substantifique moelle.
Ce scĂ©nario pessimiste est hypothĂ©tique, mais dĂ©coule des actions quâont rĂ©alisĂ© les Ătats par le passĂ©. Si lâon imagine parfois que certains Ătats ne tomberont pas dans la « rĂ©glementation punitive » et profiteront de cette « innovation technologique », on nâa pas conscience de ce que ceci implique : un Ătat faisant ceci perdrait non seulement sa capacitĂ© Ă se financer convenablement, mais aussi son aptitude Ă faire du commerce autour du monde, subissant alors les sanctions du conglomĂ©rat Ă©tatique opposĂ©.
Toutefois, cela ne veut pas dire que Bitcoin nâa aucune chance, au contraire. Bitcoin est spĂ©cifiquement conçu pour rĂ©sister Ă lâintervention des Ătats et constitue une tentative de construire une alternative robuste au systĂšme monĂ©taire actuel. Il faudra donc quâil se frotte Ă la rĂ©glementation lente et pernicieuse qui tentera de lâimmobiliser, et quâil sorte gagnant de la bataille qui se dĂ©roule aujourdâhui.
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Bitcoin est un concept qui permet de transfĂ©rer de la valeur « sans passer par une institution financiĂšre ». Il sâoppose donc par nature Ă la rĂ©glementation, qui nâest que lâintroduction de tiers de confiance dans le processus. La rĂ©glementation est lâantithĂšse de ce quâest Bitcoin et, en tant que telle, ne peut que lui nuire Ă long terme.
Il y a un jeu du chat et de la souris qui se dĂ©roule et ne sâarrĂȘtera probablement jamais. Les reprĂ©sentants de lâautoritĂ© Ă©tatique ne seront jamais satisfaits de la rĂ©glementation et en demanderont toujours plus ; et les partisans les plus zĂ©lĂ©s de la libertĂ© sâopposeront toujours aux restrictions et chercheront Ă les contourner par diffĂ©rentes mĂ©thodes. Puisque lâĂtat est une Ă©norme machine dotĂ©e dâune grande inertie, ses opposants auront toujours une longueur dâavance. NĂ©anmoins, lâĂtat peut frapper trĂšs fort et toute rĂ©sistance doit ĂȘtre dâautant plus ferme si elle veut triompher.
Bitcoin est un outil permettant aux individus de sâopposer Ă la tendance au contrĂŽle de la monnaie. Par des actions individuelles bien prĂ©cises, il est possible de faire en sorte que le systĂšme survive Ă toute tentative de rĂ©glementation : Bitcoin est conçu de telle sorte que les individus peuvent accepter et miner du bitcoin de maniĂšre anonyme. Le problĂšme est de faire comprendre la situation Ă ces individus et de les mobiliser : plus dâindividus participent, moins le risque de participer est grand.
Aujourdâhui, nous assistons malheureusement Ă un dĂ©litement de la communautĂ© dans la complaisance. Alors que le prix du bitcoin monte, son Ă©thos originel sâaffaiblit. Les mĂšmes sur la montĂ©e du prix pullulent (« to the moon », « number go up », « have fun staying poor »), tandis que ceux qui valorisent la rĂ©volution monĂ©taire de Bitcoin pĂ©riclitent, nâĂ©tant pas compris par la masse.
La rĂ©glementation a bonne presse et beaucoup y voient une maniĂšre de lĂ©gitimiser Bitcoin, dâamĂ©liorer son image auprĂšs du grand public. Michael Saylor, qui a achetĂ© prĂšs de 100 000 bitcoins par le biais de son entreprise, est prĂ©sentĂ© comme un hĂ©ros et est devenu en quelques mois un meneur idĂ©ologique trĂšs Ă©coutĂ© dans la communautĂ©, alors mĂȘme quâil sâoppose ouvertement Ă la rĂ©sistance Ă la censure et Ă lâanonymat3. De mĂȘme, il y a un enthousiasme autour des institutionnels qui achĂštent du bitcoin (millionnaires, fonds dâinvestissement, banques, Ătats), alors que ceux-ci mĂ©prisent en partie la proposition de valeur de Bitcoin, y voyant seulement un « actif financier non corrĂ©lĂ© », une « valeur refuge contre la dĂ©valuation de la monnaie » ou un « or numĂ©rique » devant rester dans des coffres sĂ©curisĂ©s.
Il ne sâagit pas dâune chose nouvelle : le tendance remonte au moins Ă 2012, annĂ©e durant laquelle les frĂšres Winklevoss ont investi Ă©normĂ©ment. Si elle pose souci aujourdâhui, câest Ă cause de son importance.
Il sâagit en effet dâune question dâĂ©quilibre. Tant quâune majoritĂ© de la communautĂ© reste fidĂšle aux principes de base de Bitcoin, il nây a pas de problĂšme Ă voir des gens investir des millions : au contraire, cela a apportĂ© de la richesse Ă ceux qui ont Ă©tĂ© assez fous pour se procurer du bitcoin Ă ses dĂ©buts. NĂ©anmoins, un dĂ©sĂ©quilibre trop grand pourrait mener Ă des perturbations majeures, ce qui nuirait Ă Bitcoin de maniĂšre considĂ©rable.
On peut ainsi tout Ă fait imaginer quâen cas de conflit les millionnaires et les fonds dâinvetsissement se rangeraient derriĂšre la lĂ©gislation, ceux-ci nâayant pas les mĂȘmes valeurs que les bitcoineurs authentiques. Dans le cas dâune scission entre un « Bitcoin » lĂ©gal (mais altĂ©rĂ©) et dâun Bitcoin illĂ©gal (mais prĂ©servĂ©), alors tous ces investisseurs institutionnels nâhĂ©siteraient pas Ă vendre leurs bitcoins illĂ©gaux durant la transition, rendant majoritaire la version lĂ©gale de « Bitcoin » au niveau du prix et du taux de hachage, qui pourrait alors devenir le « Bitcoin » valide aux yeux du grand public.
Si lâon veut que Bitcoin rĂ©siste Ă la rĂ©glementation, il faut cultiver la rĂ©silience des marchands et des mineurs et Ă©duquer la communautĂ© sur la question. Câest pour cela quâil est recommandĂ© aux utilisateurs de dĂ©tenir leur propre cryptomonnaie (« not your keys, not your coins »), de faire attention Ă leur vie privĂ©e, et si possible de faire tourner leur propre nĆud (« donât trust, verify »). Câest aussi pour cela que lâaccent est tant mis sur la dĂ©centralisation et la souverainetĂ©, et quâil existe tant de suspicion Ă lâencontre des plateformes dâĂ©change et des coopĂ©ratives de minage, qui forment des points dâagrĂ©gation trĂšs sensible aux directives imposĂ©es par les Ătats. Si lâon veut que Bitcoin reste dominant, les nouveaux arrivants doivent ĂȘtre convertis Ă lâesprit du projet originel.
Il est enfin nĂ©cessaire de bien dĂ©finir Bitcoin, au cas oĂč la corruption deviendrait trop importante. Il nâest en effet pas impossible que le Bitcoin que vous dĂ©fendez aujourdâhui soit un jour minoritaire du point de vue du prix. Le dĂ©finir Ă partir du protocole actuel (BTC) nâest pas une bonne solution : si une amĂ©lioration de Bitcoin est implĂ©mentĂ©e (Ă lâinstar de Taproot par exemple), ne reste-t-il pas Bitcoin ? Tout comme le bateau de ThĂ©sĂ©e reste lui-mĂȘme alors que toutes ses parties ont Ă©tĂ© remplacĂ©es, Bitcoin reste lui-mĂȘme par la prĂ©servation de ses propriĂ©tĂ©s principales, pas des dĂ©tails de son protocole.
Câest pourquoi Bitcoin gagnerait Ă ĂȘtre dĂ©crit comme un concept (ou un ensemble de principes) dĂ©fini dans le livre blanc, qui fait autoritĂ© dans le milieu et qui contient toutes les propriĂ©tĂ©s fondamentales comme la preuve de travail ou la quantitĂ© fixe dâunitĂ©s4. Une telle dĂ©finition attĂ©nuerait en effet toute capture du protocole par un Ătat, en donnant au grand public une dĂ©finition claire de Bitcoin pour quâil soit moins influencĂ© par la propagande Ă lâavenir.
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Ainsi, la tendance actuelle Ă la rĂ©glementation constitue un risque pour Bitcoin et il ne faut pas le nĂ©gliger. Si les Ătats nâont pas trop rĂ©agi pour le moment, câest que leur financement via lâimpĂŽt et lâinflation, nâa pas encore Ă©tĂ© assez menacĂ©. Câest pour cela que nous devrions nous prĂ©parer Ă la guerre rĂ©glementaire contre Bitcoin qui sâannonce.
Quoi quâil en soit, nous ne sommes pas aujourdâhui au point de non-retour et je reste persuadĂ© que Bitcoin peut sortir victorieux de cette guerre. MĂȘme si la tendance Ă tolĂ©rer la rĂ©glementation au sein de la communautĂ© est forte, il y a encore beaucoup dâindividus rĂ©silients prĂȘts Ă faire les efforts nĂ©cessaires pour que Bitcoin ne sombre pas dans lâapathie. Le rĂȘve de libertĂ© monĂ©taire, lui, ne mourra jamais.
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1. â Dans la DĂ©claration unanime des treize Ătats unis dâAmĂ©rique, il est Ă©crit :
Nous tenons pour Ă©videntes pour elles-mĂȘmes les vĂ©ritĂ©s suivantes : tous les hommes sont crĂ©Ă©s Ă©gaux ; ils sont douĂ©s par leur CrĂ©ateur de certains droits inaliĂ©nables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la libertĂ© et la recherche du bonheur.
La Constitution des Ătats-Unis dâAmĂ©rique, elle, a pour prĂ©ambule la phrase suivante :
Nous, Peuple des Ătats-Unis, en vue de former une Union plus parfaite, dâĂ©tablir la justice, de faire rĂ©gner la paix intĂ©rieure, de pourvoir Ă la dĂ©fense commune, de dĂ©velopper le bien-ĂȘtre gĂ©nĂ©ral et dâassurer les bienfaits de la libertĂ© Ă nous-mĂȘmes et Ă notre postĂ©ritĂ©, nous dĂ©crĂ©tons et Ă©tablissons cette Constitution pour les Ătats-Unis dâAmĂ©rique.
2. â Ă partir de juillet 2010, les documents confidentiels rĂ©vĂ©lĂ©s de WikiLeaks ont commencĂ© Ă ĂȘtre relayĂ©s par les grands mĂ©dias et Ă impacter lâopinion publique. Suite Ă cela, lâorganisation a rencontrĂ© des problĂšmes avec PayPal et dâautres services financiers, problĂšmes qui ont conduit en dĂ©cembre 2010 Ă un blocus financier de la part de Bank of America, Visa, Mastercard, PayPal et Western Union. Il lui a Ă©tĂ© suggĂ©rĂ© dâaccepter le bitcoin pour les donations, ce quâelle a fait le 15 juin 2011, aprĂšs mĂ»re rĂ©flexion.
3. â Michael Saylor, le PDG de Microstrategy, a en effet exprimĂ© Ă de multiples reprises son mĂ©pris pour la rĂ©sistance Ă la censure et la confidentialitĂ©, notamment en dĂ©clarant que « câĂ©taient des mauvaises idĂ©es ». Il considĂšre ainsi le bitcoin comme une rĂ©serve de valeur et non comme une devise ou un moyen de paiement quâil faut rĂ©glementer.
Il nâest pas le seul investisseur dans ce cas, et Raoul Pal, PDG de Real Vision Group et Global Macro Investor, a par exemple tenu des propos similaires :
Si vous pensez que le secret vis-Ă -vis des Ătats et lâabsence de KYC est lâavenir des bitcoins, vous ne comprenez pas Ă quoi ressemble lâadoption. Ils le rĂ©glementeront. Vous allez le dĂ©clarer. Vous devrez procĂ©der Ă un KYC et câest trĂšs bien. Cela ne retire pas sa [fonction de] rĂ©serve de valeur, mais ne fait que lâintĂ©grer.
4. â Selon cette dĂ©finition, les protocoles alternatifs comme Litecoin, Monero, Bitcoin Cash ou mĂȘme Bitcoin SV sont des implĂ©mentations plus ou moins fidĂšles de Bitcoin. BTC reste bien entendu la version dominante du concept et peut donc ĂȘtre appelĂ©e Bitcoin sans quâil nây ait dâambigĂŒitĂ©.
Dustin Dreifuerst, The Coming Bitcoin War, 22 septembre 2020.
Eric Voskuil, Cryptoeconomics, 2021.
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Monnaie (DĂ©finition du dictionnaire Larousse) : PiĂšce de mĂ©tal frappĂ©e par lâautoritĂ© souveraine pour servir Ă la mesure des valeurs, aux Ă©changes, Ă lâĂ©pargne : monnaie dâor, dâargent, de cuivre. Tout instrument lĂ©gal ayant les mĂȘmes fonctions : monnaie de papier, monnaie de compte. Lâemploi de lâexpression « autoritĂ© souveraine » au singulier rĂ©vĂšle dĂ©jĂ une idĂ©ologie sous-jacente : la nĂ©cessitĂ© [âŠ]
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