Je ne crois pas que nous n'aurons jamais plus une bonne monnaie avant que nous ne soyons en mesure de retirer la chose des mains du gouvernement ; cependant comme nous ne pouvons pas retirer violemment la chose des mains du gouvernement, tout ce que nous pouvons faire, c'est d'introduire par un moyen dĂ©tournĂ©, sournois, quelque chose qu'ils ne pourront pas arrĂȘterÂ
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C'est cette citation de Friedrich Hayek qu'Allen Farrington a mis en exergue de son article publié en novembre dernier dans la quatriÚme livraison du Bitcoin Times et intitulé  The Separation of Money and State, Changing the course of history
.
Alain Farrington, dont je ne partage pas forcĂ©ment toutes les idĂ©es, est un penseur intĂ©ressant et qui (comme j'essaye de le faire moi-mĂȘme) fait son miel de toutes fleurs. Il s'Ă©tait dĂ©jĂ fait remarquer par un article Bitcoin is Venice en fĂ©vrier 2021.
Il m'a semblĂ© utile de donner ici une traduction qui attĂ©nuera peut-ĂȘtre, pour le public francophone, l'effet pudiquement Ă©voquĂ© comme TLTR !
Voici donc la traduction de cet article assez abstrait et conceptuel, pour laquelle j'espÚre une bienveillance spéciale de mes lecteurs :
L'Ă©conomie politique de la monnaie fiduciaire est une Ă©conomie toxique.
Ătant donnĂ© que la monnaie fiduciaire n'existe qu'en tant que passif des banques agrĂ©Ă©es par l'Ătat et bĂ©nĂ©ficiant d'un accĂšs politiquement prĂ©fĂ©rentiel au crĂ©dit artificiel, la taille est, dans le secteur bancaire, rĂ©compensĂ©e par dĂ©faut tandis que la taille dans le business commercial est rĂ©compensĂ©e par la proximitĂ© avec les plus grosses institutions du secteur bancaire. Les pertes de l'un comme de l'autre secteur sont socialisĂ©es sous prĂ©texte d'Ă©viter une catastrophe financiĂšre ; mais en rĂ©alitĂ© la vĂ©ritable catastrophe provient de ce qu'il y a toujours un gros pouce qui appuie sur la balance en dĂ©faveur des petits et des personnes politiquement mal connectĂ©es. Les marchĂ©s de capitaux ont Ă©chouĂ© lamentablement dans leur objectif initial de crĂ©er un marchĂ© pour le capital. Ils sont devenus, au contraire, des outils politiques dont la politique est tout sauf locale.
Les retombĂ©es de l'opĂ©ration Choke Point (bien nommĂ©e Ă©tant donnĂ© le principe de base de la  capture de l'action publiqueÂ
) le montrent clairement, mais le raisonnement s'applique Ă©galement Ă l'analyse de l'architecture de l'internet. Compte tenu de l'absence de monnaie numĂ©rique native avant l'avĂšnement de Bitcoin, la monĂ©tisation en ligne s'est principalement articulĂ©e autour de la publicitĂ©, ce qui implique Ă©videmment la surveillance. Chaque action que l'on fait en consommant du contenu en ligne est sans cesse espionnĂ©e parce qu'elle est prĂ©cieuse pour certains, parce que sa capture et son traitement Ă grande Ă©chelle font apparaĂźtre d'Ă©normes rendements : alors que de telles donnĂ©es ponctuelles ne vous diraient rien, des trillions d'entre elles peuvent ĂȘtre exploitĂ©es pour trouver des modĂšles qu'aucun humain ne pourrait identifier. Vous ne pouvez pas gĂ©rer une entreprise en ligne sans payer le tribut Ă ceux qui ont maĂźtrisĂ© ce jeu et qui, surprise, surprise, ont Ă©galement Ă©tĂ© capturĂ©s politiquement. Leur taille fait d'eux des cibles pour ce jeu de capture politique, et c'est la capture politique qui les maintient en grande forme et les rend plus grands.
On comprend de mieux en mieux comment Bitcoin corrige cette situation et, de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, encourage la rĂ©flexion Ă©conomique sur des bases plus locales tout en mettant en garde de maniĂšre heuristique contre ce qui se rĂ©vĂšle trop interdĂ©pendant et trop fragile. Les marchĂ©s de l'Ă©nergie en sont peut-ĂȘtre l'exemple le plus Ă©vident : 'Toxiquement gros est peut-ĂȘtre une critique Ă©trange du rĂ©seau, Ă©tant donnĂ© qu'il s'agit plutĂŽt d'un miracle Ă©conomique crĂ©ant un prix de compensation pour l'Ă©lectricitĂ© - qui, contrairement Ă l'inflation, est un phĂ©nomĂšne Ă©conomique nĂ©cessairement transitoire. Pourtant, Bitcoin permet de se dĂ©tacher de cette infrastructure vaste, coĂ»teuse et fragile sur le plan systĂ©mique, en permettant la crĂ©ation d'un prix de compensation achetĂ© et vendu uniquement sur Internet.
Sur un horizon temporel suffisamment long, on peut raisonnablement espérer que Bitcoin fera disparaßtre le pouce qui pÚse sur la balance économique. Les petits et les locaux ne seront plus politiquement désavantagés en termes économiques, et les grands devront se battre à armes égales.
Mais qu'en est-il de la politique elle-mĂȘme ? Pouvons-nous craindre qu'un retour au localisme dans la formation du capital et le comportement des consommateurs ne soit pas d'une grande utilitĂ© face Ă un Ătat autoritaire, Ă une classe d'institutions non Ă©conomiques et Ă leurs composants parasites qui ont un goĂ»t persistant pour le supranational ?
Je ne le pense pas. C'est trÚs bien de défendre le localisme comme étant manifestement bon, le supranationalisme comme étant manifestement mauvais, Bitcoin comme étant manifestement bon et contraire au supranationalisme, et donc Bitcoin comme étant un complément naturel au localisme. Mais corrélation n'est pas causalité. Mon argument est plus fort que cela : Bitcoin provoquera le localisme, tant politiquement qu'économiquement. Il n'y aura pas d'autre choix. L'hypertrophie toxique des gouvernements deviendra tout aussi insoutenable que celle des entreprises.
Cela ne veut pas dire que Bitcoin nous mÚnera à une utopie pacifiste dans laquelle toute tentative de violence subira une intervention métaphysique de l'esprit de Satoshi. Le fait que l'argent puisse conférer du pouvoir est assez clair puisqu'il y aura toujours un prix de compensation pour les actes de violence. Mais ce qui distinguera l'étalon Bitcoin, c'est que le pouvoir n'y donnera pas l'argent.
Il y a deux raisons de le croire.
La premiĂšre est que le bitcoin ne peut tout simplement pas ĂȘtre saisi par sans faire usage d'une force au moins aussi sĂ©vĂšre que la torture, et mĂȘme dans ce cas, il est possible - et cela se gĂ©nĂ©ralisera sĂ»rement pour toute valeur digne d'ĂȘtre protĂ©gĂ©e - de rendre la torture obsolĂšte. Si vous voulez le bitcoin, vous devrez fournir quelque chose de plus prĂ©cieux Ă son dĂ©tenteur.
La seconde est plus subtile, et je crois qu'elle n'est pas largement comprise, sauf peut-ĂȘtre par le sous-ensemble des bitcoiners qui s'intĂ©ressent de prĂšs Ă l'histoire politique. L'une des caractĂ©ristiques de Bitcoin est qu'il s'agit de la premiĂšre monnaie vĂ©ritablement apatride. Contrairement Ă certains points de vue naĂŻfs de bitcoiners et mĂȘme de gold-bugs, l'or a constituĂ© la base de la monnaie au cours de l'histoire, mais n'a jamais agi pleinement et entiĂšrement en tant que monnaie. Cette observation historique fournit une rĂ©flexion amusante sur ce que j'ai prĂ©cĂ©demment dĂ©crit comme la thĂ©orie sĂ©mantique de l'argent selon laquelle l'argent peut ĂȘtre dĂ©fini, et se trouve entiĂšrement dĂ©fini par une liste de critĂšres acadĂ©miques et pas du tout par rĂ©fĂ©rence Ă la rĂ©alitĂ©. Quelque chose est de la monnaie si et seulement si elle remplit les trois fonctions de la monnaie ; c'est-Ă -dire, rĂ©serve de valeur, moyen d'Ă©change et unitĂ© de compte. Pour les Ă©conomistes Ă©pris de cette vacuitĂ© taxonomique, la façon dont une chose est utilisĂ©e dans le monde rĂ©el n'a pas la moindre importance. La monnaie est une catĂ©gorie sĂ©mantique, pas une catĂ©gorie explicative.
Il est donc curieux que, dans la Venise ou la Florence médiévales et renaissantes, ces prétendus "trois rÎles de l'argent" aient été remplis par des objets ou des concepts différents : l'or physique était la réserve de valeur (parfois l'argent ou le billon), le transfert bancaire par le biais d'une altération attestée du registre (appelé de maniÚre révélatrice "argent fantÎme" à Florence) était de loin le moyen d'échange le plus courant, et les dénominations de la monnaie prescrites par la polarité (c'est-à -dire le gouvernement) par le biais de l'hÎtel des monnaies étaient les unités de compte.
Le lecteur pourrait objecter qu'il s'agit ici d'une sĂ©mantique hors de propos qui nous permet d'Ă©chapper Ă la primautĂ© et Ă l'importance de l'or et de l'Ă©talon-or. C'est tout le contraire. L'or physique a un coĂ»t - et en fait, un coĂ»t trĂšs Ă©levĂ©. Presque toute la civilisation humaine Ă travers le monde et l'histoire est arrivĂ©e indĂ©pendamment Ă l'utilitĂ© de l'or physique comme rĂ©serve de valeur parce que, parmi les options, c'est celle qui a le coĂ»t le plus Ă©levĂ© et la plus grande raretĂ©, d'oĂč la plus faible rĂ©ponse du marchĂ© de l'augmentation de l'offre Ă sa prime comme rĂ©serve de valeur, d'oĂč l'inflation la plus faible et, enfin, la plus grande utilitĂ© monĂ©taire.
L'or physique se rapproche de ce que Nick Szabo appelait unforgeable costliness la dĂ©pense infalsifiable. Anticipant brillamment les rĂ©actions actuelles contre le "gaspillage" de l'exploitation miniĂšre du bitcoin, Szabo cela explique dans Shelling Out :  au premier abord, la production d'une marchandise simplement parce qu'elle est coĂ»teuse semble tout Ă fait un gaspillage. Cependant, la marchandise dont le coĂ»t d'acquisition ne peut ĂȘtre falsifier ajoute constamment de la valeur en permettant des transferts de richesse bĂ©nĂ©fiques. Une plus grande partie du coĂ»t est rĂ©cupĂ©rĂ©e chaque fois qu'une transaction est rendue possible ou moins coĂ»teuse. Le coĂ»t, initialement un gaspillage total, est amorti sur de nombreuses transactions. La valeur monĂ©taire des mĂ©taux prĂ©cieux est basĂ©e sur ce principeÂ
.
MĂȘme si le monopole gouvernemental typique sur la violence a, au fil des ans, inclus un monopole sur le droit de frapper des piĂšces (ou, tout au plus, un droit privĂ© accordĂ© par le gouvernement, susceptible d'ĂȘtre rĂ©voquĂ© Ă tout moment), il ne s'est jamais Ă©tendu Ă un droit d'Ă©chapper Ă la rĂ©alitĂ© Ă©conomique. Les piĂšces dĂ©prĂ©ciĂ©es seraient Ă©valuĂ©es Ă l'Ă©tranger en fonction de leur dĂ©prĂ©ciation, c'est-Ă -dire non pas en fonction de la fausse unitĂ© de compte imposĂ©e par le gouvernement, mais en fonction de la vĂ©ritable rĂ©serve de valeur que constituent les mĂ©taux prĂ©cieux coĂ»teux qu'elles contiennent. Les marchĂ©s des changes ont permis aux monnaies d'Ătat d'ĂȘtre (relativement) honnĂȘtes, Ă©tant donnĂ© que la rĂ©troaction Ă©conomique du seigneuriage ne permettait que les plus petites fenĂȘtres d'avantages temporaires avant des dommages Ă plus long terme et plus extrĂȘmes3.
MĂȘme lorsqu'ils Ă©taient soutenus par une puissance militaire telle que celle des empires romain, espagnol ou britannique, par exemple, que l'on pourrait penser capable de neutraliser les rĂ©actions Ă©conomiques Ă©manant essentiellement de rĂ©seaux commerciaux dĂ©centralisĂ©s qui pouvaient simplement ĂȘtre cooptĂ©s, le coĂ»t essentiel de l'or Ă©lĂ©mentaire se faisait toujours sentir. La violence organisĂ©e Ă une telle Ă©chelle a un coĂ»t. Plus l'Ă©chelle est grande, plus le coĂ»t est Ă©levĂ©, et en fait, plus l'incitation Ă maintenir efficacement un Ă©talon-or est grande, plutĂŽt que de tenter de le subvertir. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un facteur de causalitĂ© unique, ce n'est certainement pas une coĂŻncidence si les trois grands empires que nous venons de citer se sont tous effondrĂ©s plus ou moins en fonction du taux de dĂ©prĂ©ciation de leurs monnaies dans la poursuite de fins militaristes Ă©conomiquement destructives.
Mais l'Ăšre de la monnaie fiduciaire a crĂ©Ă© une anomalie historique spectaculaire. Pour la premiĂšre fois dans l'histoire, le coĂ»t de crĂ©ation d'une nouvelle monnaie Ă©tait littĂ©ralement nul. Cela a eu des effets profonds sur l'Ă©conomie politique. Alors que l'argent peut toujours acheter le pouvoir, le pouvoir pouvait dĂ©sormais acheter de l'argent, et ce sans calcul Ă©conomique. Il n'y a pas de coĂ»t trop Ă©levĂ© pour s'emparer du pouvoir, et il n'y a pratiquement aucune raison de ne pas tenter sa chance, car tous les coĂ»ts peuvent ĂȘtre remboursĂ©s plus tard, et mĂȘme plus. Nous pensons qu'il s'agit lĂ de la cause fondamentale du culte de la grandeur toxique, dĂ©sormais endĂ©mique dans le monde dĂ©veloppĂ©,
PlutĂŽt qu'un processus naturellement homĂ©ostatique d'augmentation de la taille tendant Ă conduire Ă l'inefficacitĂ©, Ă l'Ăšre de la monnaie fiduciaire, plus vous ĂȘtes grand - que ce soit en tant qu'entreprise ou en tant que gouvernement - plus vous devenez puissant, et donc, de maniĂšre totalement perverse, plus vous devenez efficace. Bien sĂ»r, moins les autres deviennent efficaces, car ils sont volĂ©s de maniĂšre transparente. Plus le capital communautaire est consommĂ©, plus le consommateur de capital peut diriger son Ă©nergie vers la prise de pouvoir et se rembourser lui-mĂȘme, mais probablement personne d'autre.
Bitcoin rĂ©sout ce problĂšme. Et d'une maniĂšre remarquablement simple, il dĂ©fait tout ce qui vient d'ĂȘtre dĂ©crit. Il redonne un coĂ»t Ă l'argent - plus Ă©levĂ© mĂȘme que celui de l'or - et rend l'abondance toxique insoutenable. Par consĂ©quent, le bitcoin n'est pas tant explicitement un outil pro-localiste. En fait, la rĂ©alitĂ© est encore plus profonde : le localisme lui-mĂȘme est naturel, sain, durable et juste. Le bitcoin dĂ©truit la force compensatrice historiquement anormale et, ce faisant, permet au localisme de se dĂ©velopper sans avoir de parti pris particulier au-delĂ des prĂ©occupations beaucoup plus abstraites de durabilitĂ©, d'efficacitĂ©, de responsabilitĂ©, d'humilitĂ© et de vĂ©ritĂ©, qui sont toutes des compagnons naturels du localisme.
Et si le localisme dĂ©coule de l'humilitĂ©, alors le supranationalisme est sĂ»rement liĂ© au narcissisme. Une façon de concevoir la tragĂ©die de la modernitĂ© et son impact sur l'exploitation miniĂšre du capital Ă©conomique, social et culturel est peut-ĂȘtre de se rendre compte que le narcissisme est artificiellement subventionnĂ©. Par le biais de subventions, il est normalisĂ©, et par normalitĂ©, il devient une partie de la culture elle-mĂȘme, encourage sa propre dĂ©fense et sa reproduction. Ă partir d'un dĂ©but artificiel, il prend racine et se maintient tout en entraĂźnant la culture dans sa chute. Dans La culture du narcissisme, Christorpher Lasch indiquait une voie pour sortir de ce labyrinthe cauchemardesque :
Dans une culture moribonde, le narcissisme semble incarner - sous l'apparence de la "croissance" et de la "conscience" personnelles - la plus haute rĂ©alisation de l'illumination spirituelle. Les gardiens de la culture espĂšrent, au fond, simplement survivre Ă son effondrement. La volontĂ© de construire une sociĂ©tĂ© meilleure, cependant, survit, ainsi que les traditions de localisme, d'auto-assistance et d'action communautaire lesquelles n'ont besoin que de la vision d'une nouvelle sociĂ©tĂ©, d'une sociĂ©tĂ© dĂ©cente, pour leur redonner de la vigueur. La discipline morale autrefois associĂ©e Ă l'Ă©thique du travail conserve une valeur indĂ©pendante du rĂŽle qu'elle a jouĂ© dans la dĂ©fense des droits de propriĂ©tĂ©. Cette discipline - indispensable Ă la tĂąche de construire un nouvel ordre - perdure surtout chez ceux qui n'ont connu l'ancien ordre que comme une promesse non tenue, mais qui ont pris cette promesse plus au sĂ©rieux que ceux qui l'ont simplement considĂ©rĂ©e comme acquiseÂ
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Insuffisant mais nécessaire, Bitcoin fournit une telle vision. Construisons-la.