On dĂ©finit souvent Bitcoin comme un protocole de transfert de valeur fonctionnant sans autoritĂ© centrale, qui rĂ©git lâĂ©mission et les Ă©changes dâune unitĂ© de compte numĂ©rique (appelĂ©e le bitcoin), protocole qui a Ă©tĂ© initialement dĂ©terminĂ© par Satoshi Nakamoto en janvier 2009 par le biais de son prototype et qui a permis de construire une chaĂźne Ă partir du bloc de genĂšse.
Néanmoins, cette définition, aussi informative soit-elle, n'est pas suffisamment précise. Elle fait de Bitcoin un protocole, c'est-à -dire un ensemble de rÚgles de consensus, mais elle ne spécifie pas les rÚgles en question (en dehors du bloc de genÚse) : celles-ci sont ne sont pas déterminées dans le temps et peuvent changer, chaque modification créant de facto un nouveau protocole.
Ce flou artistique a mené au cours des années à de nombreuses discussions enflammées à propos de ce qui constituerait le « vrai Bitcoin », notamment lors du débat sur la scalabilité, et a fini par créer au moins trois prétendants au titre, à savoir BTC (« Bitcoin »), BCH (« Bitcoin Cash ») et BSV (« Bitcoin SV »). Cette revendication, qui paraßt à premiÚre vue extraordinaire, cache en réalité une question philosophique profonde : comment définit-on correctement Bitcoin ?
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Le critĂšre linguistique
« Bitcoin » est un mot. Nom anglais issu de bit (« unité binaire ») et de coin (« piÚce de monnaie »), il évoque directement l'idée d'une monnaie numérique. Le terme est devenu trÚs populaire au fil des années, notamment grùce aux médias de masse, ce qui fait que de nombreuses personnes tentent de le récupérer ou de s'y associer d'une maniÚre ou d'une autre, à tort ou à raison.
De ce fait, le premier critÚre que nous pouvons examiner est le critÚre linguistique, qui détermine la définition d'un terme selon l'usage qui en est fait. En effet, en linguistique l'usage est roi : s'il peut exister des institutions ayant pour but d'orienter l'évolution d'une langue, cette évolution demeure libre et est soumise à ses locuteurs. Une langue est par essence un protocole de communication ayant pour but la compréhension mutuelle, et les termes qui la composent ont par conséquent tendance à acquérir un sens précis déterminé par la multitude, par effet de réseau. De cette maniÚre, si un grand nombre de locuteurs utilise un terme avec un sens particulier, celui-ci prédominera.
Selon ce critÚre, Bitcoin serait Bitcoin parce qu'une grande majorité de personnes l'appellent « Bitcoin » : il serait simplement défini par la masse, quelle que soit la chose qu'il désigne.
Bien évidemment, en tant que personnes attachées à l'idée de Bitcoin, cela ne nous satisfait pas.
Nous savons que le sens d'un terme peut dĂ©river jusqu'Ă ce que ce terme ne signifie plus la mĂȘme chose, voire dĂ©signe une chose fondamentalement opposĂ©e. C'est par exemple le cas du mot « liberalism » qui, en anglais amĂ©ricain, ne dĂ©signe plus principalement le libĂ©ralisme tel que nous l'entendons en français, mais un progressisme de gauche focalisĂ© sur les questions de justice sociale. Ainsi, dans le langage courant aux Ătats-Unis, les liberals sont des personnes favorables Ă l'intervention de l'Ătat dans le cadre de la redistribution de la richesse, la sĂ©curitĂ© sociale et l'Ă©ducation, tandis que les libertarians sont les libĂ©raux authentiques favorables au laissez-faire et Ă la rĂ©duction du rĂŽle de l'Ătat dans la vie des individus.
Ainsi, décrire Bitcoin de cette maniÚre crée une faille majeure dans tout ce qu'il représente. Si l'usage de la masse prime, alors on peut, si l'on a de l'influence, faire en sorte que Bitcoin change dans un sens qui ne le dépeint plus comme nous nous le représentons aujourd'hui. Il serait alors possible, par la propagande, de faire en sorte que le systÚme appelé Bitcoin n'utilise plus la preuve de travail (au nom de la lutte contre le changement climatique) ou qu'il soit privé de sa limite fixe d'unités (au nom de la protection du systÚme monétaire et financier).
De plus, dĂ©finir Bitcoin de cette maniĂšre ne tient pas compte du fait que la langue est Ă©lastique et tolĂšre de nombreuses incohĂ©rences : il peut exister de nombreuses polysĂ©mies pour un mĂȘme mot (c'est d'ailleurs le cas pour « Bitcoin »), et plusieurs utilisations de ce mot peuvent coexister, bien qu'elles soient opposĂ©es de maniĂšre inhĂ©rentes.
En fait, une langue est un champ de bataille permanent sur lequel s'affrontent les différents usages. Chaque locuteur fait à chaque instant un choix individuel pour soutenir des usages particuliers, sans forcément suivre le choix majoritaire, participant de ce fait à la construction de la langue. C'est précisément ce nous faisons dans cet article : un choix.
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Le critĂšre du logiciel
Une deuxiÚme maniÚre de définir Bitcoin est de s'appuyer sur le logiciel Bitcoin Core. Bitcoin Core constitue en effet l'implémentation de référence du protocole dont le code sert de base pour les développeurs pour retrouver les rÚgles de consensus, et cela fait qu'il est aisé de confondre les deux. D'ailleurs pendant longtemps le logiciel était simplement appelé Bitcoin.
Le code du logiciel, écrit principalement en C++, est disponible en source ouverte sur internet, et sous licence libre, de sorte que quiconque peut copier et modifier le code à sa guise. Initialement hébergé sur SourceForge, il est aujourd'hui présent sur GitHub.
Le développement du logiciel se veut ouvert et « démocratique » : tout le monde peut proposer un modification du code, notamment par le biais des propositions d'amélioration de Bitcoin (BIP). Néanmoins, le dépÎt GitHub est soumis à l'autorité des mainteneurs, qui décident des changements qui sont apportés au logiciel, et en particulier à celle du mainteneur principal, qui peut nommer et révoquer les autres mainteneurs. Comme l'indique le guide de contribution de Bitcoin Core :
« Les mainteneurs prendront en considération un correctif s'il est en accord avec les principes généraux du projet ; s'il répond aux normes minimales d'inclusion ; et jugeront du consensus général des contributeurs. »
Définir Bitcoin comme le protocole lié à ce logiciel (ou bien à un autre) réintroduirait ainsi une autorité centrale, ce qui rentrerait en contradiction directe avec l'idée qu'on se fait de Bitcoin.
De plus, la pratique montre bien que le protocole n'est pas contrĂŽlĂ© par les mainteneurs de l'implĂ©mentation logicielle, mĂȘme s'il existe une certaine influence. Chacun est libre de copier le logiciel, de le modifier, et de le promouvoir aux nĆuds du rĂ©seau, qui se chargent d'appliquer les rĂšgles de consensus. Ainsi, le contrĂŽle du logiciel ne permet pas de modifier les rĂšgles arbitrairement : si par exemple Bitcoin Core intĂ©grait un changement controversĂ© (comme par exemple une violation de la politique monĂ©taire du bitcoin), alors une trĂšs grande majoritĂ© de nĆuds refuseraient probablement, en continuant de faire fonctionner une version antĂ©rieure de Core ou en se tournant vers une autre implĂ©mentation.
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Le critĂšre du protocole originel
Un troisiĂšme critĂšre pour dĂ©finir Bitcoin est la proximitĂ© avec le protocole originel, c'est-Ă -dire le protocole dĂ©terminĂ© par le biais du prototype publiĂ© par Satoshi Nakamoto le 8 janvier 2009. Le sous-entendu est que Bitcoin n'avait pas vocation Ă changer au-delĂ de la correction des failles prĂ©sentes Ă son lancement, et que par consĂ©quent il devrait ĂȘtre dĂ©fini comme l'itĂ©ration la plus proche de ce protocole.
Cette vision est notamment défendue par beaucoup de partisans de Bitcoin SV, qui se basent sur une citation (décontextualisée) de Satoshi Nakamoto datant du 17 juin 2010 :
« La nature de Bitcoin est telle que, dÚs la version 0.1 lancée, son fonctionnement de base était gravé dans le marbre pour le reste de son existence. »
D'aprĂšs eux, Bitcoin devrait ĂȘtre un protocole fixe, dont les mineurs seraient les dĂ©fenseurs.
Une variante de ce critÚre est l'argument de l'esprit originel de Bitcoin, parfois utilisé par les partisans de Bitcoin Cash comme Roger Ver, qui voudraient qu'un « systÚme d'argent liquide électronique » doive nécessairement offrir des transferts à bas coût et des temps de confirmations faibles. De ce point de vue, BTC ne représenterait pas Bitcoin.
Toutefois, mĂȘme si ces dĂ©finitions ont le mĂ©rite d'ĂȘtre plus prĂ©cises, elles sont purement arbitraires dans le critĂšre choisi. BTC constitue de toute Ă©vidence la principale version de Bitcoin, et on peut considĂ©rer qu'il est lui-mĂȘme proche du protocole originel sous un autre aspect : la compatibilitĂ©.
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Le critÚre de la compatibilité
Le quatriÚme critÚre de définition est celui de la compatibilité du protocole, critÚre défendu par de nombreux partisans de BTC, comme par exemple Michael Marquardt (alias theymos
) ou Francis Pouliot. Pour continuer Ă ĂȘtre Bitcoin, le protocole devrait ĂȘtre compatible avec les versions antĂ©rieures.
Cette vision repose sur l'exigence d'unanimité pour réaliser un changement, exigence qui a pour conséquence de conserver un seul et unique protocole et de préserver son effet de réseau.
Puisqu'une quasi-unanimitĂ© serait trĂšs difficile Ă atteindre dans le cas d'un hard fork (hors rĂ©solution d'un bogue ou changement vital), il est nĂ©cessaire de passer par des soft forks, Ă savoir des changement strictement restrictifs des rĂšgles de consensus. Ces soft forks ont la caractĂ©ristique de ne pas crĂ©er de scission de chaĂźne s'ils sont correctement appliquĂ©s. De ce fait, ils permettent une compatibilitĂ© ascendante du logiciel (parfois qualifiĂ©e de « rĂ©trocompatibilitĂ© ») qui fait que les nĆuds qui utilisent une ancienne version du logiciel continuent de considĂ©rer comme valides les blocs produits par la nouvelle version.
Cependant, cette conception cache un petit dĂ©tail, souvent omis : c'est que le soft fork doit ĂȘtre imposĂ© par la majoritĂ© de la puissance de calcul du rĂ©seau pour entraĂźner cette compatibilitĂ©. En effet, les nĆuds qui suivent les nouvelles rĂšgles de consensus peuvent ĂȘtre contraints de rejeter les blocs produits par les mineurs qui suivent les anciennes rĂšgles. Lorsque les nĆuds appliquant le soft fork ont la puissance de calcul majoritaire de leur cĂŽtĂ©, cela ne pose pas de problĂšme : les nĆuds suivant les anciennes rĂšgles sont contraints de suivre la chaĂźne la plus longue (c'est-Ă -dire celle ayant le plus de preuve de travail accumulĂ©e). Dans le cas contraire, la chaĂźne appliquant les nouvelles rĂšgles n'est pas la plus longue, ce qui peut mener Ă une scission permanente.
L'application d'un soft fork correspond donc Ă l'Ă©quivalent d'une attaque des 51 % ayant lieu sur le rĂ©seau, en interdisant aux nĆuds de refuser la modification du protocole sans avoir recours Ă un hard fork manuel. On ne saurait dĂ©finir Bitcoin comme cela, car cela voudrait dire qu'un attaquant pourrait imposer ses rĂšgles sur la chaĂźne, et cette conception est ainsi invalide.
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Le critÚre de la majorité économique
Le cinquiÚme critÚre permettant de définir est celui de la majorité économique. Selon cette conception, Bitcoin serait le protocole dont l'utilité monétaire est la plus grande. Cette majorité est parfois mesurée par certains par la capitalisation boursiÚre, c'est-à -dire le prix multiplié le nombre d'unités, bien que celle-ci ne soit pas forcément un bon indicateur de la santé économique du systÚme, notamment lorsque le volume d'échange (sur la chaßne et en dehors) est faible.
Un moyen plus efficace d'estimer la valeur d'une chaßne est la preuve de travail accumulée, qui est corrélée à moyen terme au revenu du minage, à savoir :
- La subvention protocolaire, qui prédomine dans la phase distributive de Bitcoin, dont la valeur entre deux halvings est directement liée au prix du bitcoin.
- Les frais de transaction, qui prédominent dans la phase finale de Bitcoin, dont la valeur provient de l'activité économique de la chaßne.
Ce critĂšre est ainsi bien plus Ă mĂȘme de nous fournir une idĂ©e de quel protocole est Ă©conomiquement majoritaire.
Cette vision a Ă©tĂ© dĂ©fendue par Gavin Andresen en fĂ©vrier 2017 dans un article oĂč il Ă©crivait :
« "Bitcoin" est le registre des transactions non précédemment dépensées, signées de maniÚre valide, contenues dans la chaßne de blocs qui commence par le bloc de genÚse (empreinte 000000000019d6689c085ae165831e934ff763ae46a2a6c172b3f1b60a8ce26f), suit le programme de création de 21 millions de piÚces, et possÚde la plus grande preuve de travail par double SHA-256 cumulée. »
La vision a perdurĂ© depuis, Ă©tant perpĂ©tuĂ©e par le concept de gouvernance, qui prĂ©suppose qu'il y a quelque chose Ă diriger. Cette conception a notamment jouĂ© dans la scission entre Ethereum (ETH) et Ethereum Classic (ETC) en juin 2016, oĂč le protocole modifiĂ©, majoritaire, a gardĂ© le nom et le sigle boursier initiaux, et oĂč le protocole originel, minoritaire, a dĂ» prendre un autre nom et un autre sigle. Cette attribution des noms et des sigles a Ă©galement eu lieu lors de la sĂ©paration entre Bitcoin Cash (BCH) et Bitcoin SV (BSV) en novembre 2018, puis lors de l'embranchement entre Bitcoin Cash (BCH) et Bitcoin ABC / eCash (XEC) en novembre 2020, alors que chacun se prĂ©tendait ĂȘtre le « vrai Bitcoin Cash ».
Dans le cas de BTC, le critĂšre de la majoritĂ© est souvent couplĂ© au critĂšre de compatibilitĂ© : le soft fork peut ainsi ĂȘtre imposĂ© par une majoritĂ© du taux de hachage, ce qui permet de conserver une seule et unique chaĂźne.
Cependant, cette vision pĂȘche elle-mĂȘme en ne requĂ©rant aucune caractĂ©ristique fondamentale et en offrant la possibilitĂ© d'une rĂ©cupĂ©ration du terme par le pouvoir en place.
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Bitcoin est un concept
Cela nous amĂšne au point central de cet article : Bitcoin est un concept, pas un protocole. Bien que beaucoup de personnes fassent de Bitcoin un protocole, cette vision est impossible Ă soutenir correctement en raison du manque d'unicitĂ©. Il n'y a pas de « vrai protocole Bitcoin » dans le sens oĂč aucun protocole ne reprĂ©sente l'intĂ©gralitĂ© de ce qu'est Bitcoin1. Il ne s'agit pas d'une marque dĂ©posĂ©e dont certains individus auraient la propriĂ©tĂ© : personne ne possĂšde le brevet de Bitcoin et tout le monde peut l'implĂ©menter Ă sa convenance sans demander l'autorisation. Et en fait, cette libertĂ© conduit nĂ©cessairement Ă la mise en Ćuvre multiple de ce concept, sous la forme de scissions ou de « cryptomonnaies alternatives ». Qu'une version de Bitcoin soit dominante Ă©conomiquement ne change rien Ă cette considĂ©ration.
Avant de décrire un protocole, une chaßne, un réseau ou une monnaie, le mot « Bitcoin » a été utilisé pour désigner un concept. Ce concept a été défini dans le document fondateur écrit par Satoshi Nakamoto et auquel tout le monde se réfÚre à un moment ou à un autre : le livre blanc de Bitcoin, intitulé « Bitcoin : Un systÚme d'argent liquide électronique pair-à -pair », qui contient tous les éléments essentiels à sa constitution.
On peut dégager ainsi 5 caractéristiques fondamentales qui définissent Bitcoin :
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1. Le partage des risques (P2P)
« Les nĆuds peuvent quitter et rejoindre le rĂ©seau Ă volontĂ©. »
Le systĂšme repose sur un rĂ©seau pair-Ă -pair ouvert dans lequel tous les nĆuds ont les mĂȘmes privilĂšges. Cette distribution du rĂ©seau permet de partager les risques d'accepter et de miner la monnaie.
Tous les systĂšmes dont les nĆuds sont soumis Ă une autorisation quelconque contreviennent directement Ă ce principe.
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2. La preuve de travail
« Les nĆuds considĂšrent toujours que la chaĂźne la plus longue est la chaĂźne correcte, et continuent Ă travailler pour la prolonger. »
L'ajout d'un bloc nĂ©cessite une dĂ©pense d'Ă©nergie mesurĂ©e de maniĂšre probabilistique par la rĂ©solution d'un problĂšme mathĂ©matique difficile. L'intĂ©gritĂ© de la chaĂźne repose sur l'algorithme de consensus de Nakamoto par preuve de travail, qui dit que la chaĂźne ayant le plus de preuve de travail accumulĂ©e doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme la chaĂźne valide.
La preuve ne nĂ©cessite pas une fonction de hachage particuliĂšre, et le travail peut ĂȘtre obtenu d'une toute autre maniĂšre. En revanche, la sĂ©lection de la chaĂźne la plus lourde, les points de contrĂŽle ou l'intervention de masternodes dans le consensus sont des entorses plus ou moins importantes Ă ce principe. La preuve d'enjeu en constitue une violation entiĂšre.
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3. Les frais de transaction internes
« Lâincitation peut Ă©galement ĂȘtre financĂ©e par les frais de transaction. Si la valeur de sortie dâune transaction est infĂ©rieure Ă sa valeur dâentrĂ©e, la diffĂ©rence correspond Ă une commission qui est ajoutĂ©e Ă la valeur dâincitation du bloc contenant la transaction. »
Le systÚme intÚgre un modÚle de frais de transaction qui sont reversés aux mineurs de maniÚre interne. Chaque transaction porte des frais pour inciter à sa confirmation. Ces frais forment la base de la résistance à la censure du systÚme.
Par exemple, l'ajout d'un mécanisme de brûlage des frais éloigne le protocole de sa nature de Bitcoin.
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4. L'offre fixe d'unités
« Une fois quâun nombre prĂ©dĂ©terminĂ© de piĂšces a Ă©tĂ© mis en circulation, lâincitation peut ĂȘtre entiĂšrement financĂ©e par les frais de transaction et ne plus requĂ©rir aucune inflation. »
Le but initial de la création monétaire est l'amorçage du systÚme : il s'agit du moyen de distribuer les unités de maniÚre juste. à terme, le systÚme doit se baser essentiellement sur les frais de transaction.
Cette offre limitée garantit le caractÚre déflationniste de la monnaie, et joue dans la sécurité économique du systÚme en incitant les commerçants à refuser tout changement inflationniste.
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5. Le modÚle de représentation par des piÚces (UTXO)
« Nous dĂ©finissons une piĂšce de monnaie Ă©lectronique comme une chaĂźne de signatures numĂ©riques. [...] Pour permettre aux valeurs dâĂȘtre sĂ©parĂ©es et combinĂ©es, les transactions contiennent des entrĂ©es et des sorties multiples. »
Bitcoin utilise un modÚle de représentation par des piÚces pour gérer les unités échangées. Une piÚce est identifiée par un point de sortie de transaction, et est caractérisée par un montant en satoshis et un ensemble de conditions de dépense (typiquement l'exigence d'une signature numérique valide).
Ce modĂšle a pour avantages de prĂ©server la confidentialitĂ© (pas d'incitation Ă rĂ©utiliser la mĂȘme adresse), de faciliter l'implĂ©mentation logicielle et de permettre une meilleure scalabilitĂ© du systĂšme, contrairement au modĂšle de reprĂ©sentations par des comptes.
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Qu'apporte cette définition ?
Tout d'abord, cette dĂ©finition rĂ©sout le paradoxe du « vrai Bitcoin ». Bitcoin ne peut pas ĂȘtre un protocole fixe : modifier le protocole ne change pas sa nature fondamentale. Bitcoin ne peut pas non plus ĂȘtre un protocole changeant, car il n'existe pas de moyen satisfaisant de le dĂ©terminer comme on l'a montrĂ©.
Cette dĂ©finition a Ă©galement l'avantage d'apaiser les conflits. Bitcoin a connu des scissions et des copies par le passĂ©, ce qui a crĂ©Ă© une grande tension chez les partisans de tous les bords. Ainsi, BTC, BCH et BSV sont des mises en Ćuvre plus ou moins conformes de Bitcoin. De mĂȘme, Litecoin, Monero ou Zcash peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des Bitcoins plus ou moins authentiques : dans notre dĂ©finition, rien n'indique en effet que la chaĂźne doive commencer par un bloc de genĂšse particulier.
Bien Ă©videmment, les effets de rĂ©seau de ces cryptomonnaies diffĂšrent et il ne s'agit pas de les mettre au mĂȘme niveau, notamment en ce qui concerne la sĂ©curitĂ©. Aujourd'hui, BTC est le Bitcoin le plus populaire, le plus valorisĂ© et le plus sĂ©curisĂ©. On peut donc accepter la polysĂ©mie en continuant d'appeler ce Bitcoin « Bitcoin », tout en gardant en tĂȘte qu'il ne s'agit que de la version principale de ce concept.
Cette dĂ©finition permet enfin d'ĂȘtre Ă©galement mieux armĂ© contre les scissions futures. Il est possible que des Ătats tentent de s'approprier un protocole particulier, pour un jour le redĂ©finir grĂące Ă la contrainte lĂ©gale, peut-ĂȘtre trĂšs lĂ©gĂšrement au dĂ©but, dans le but de l'amener lentement vers la censure et le seigneuriage. Et alors il ne serait pas impossible que cette version Ă©tatique devienne majoritaire Ă©conomiquement.
Définir Bitcoin comme un concept permet ainsi d'éviter ce glissement en autorisant la concurrence saine entre les différentes versions de Bitcoin et en fixant des limites claire de ce qu'est Bitcoin et de ce qu'il n'est pas.
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Notes
1. â On peut se demander :
- Quel est le vrai christianisme ? Est-ce le catholicisme, l'orthodoxie ou l'une des formes de protestantisme ? Selon quel critĂšre ?
- Quel est le vrai dollar ? Le dollar étasunien, le dollar canadien ou le dollar australien ou un autre ? Ou alors, le dollar (« Thaler ») n'a-t-il pas disparu lorsqu'il n'a plus représenté une quantité de métal précieux ?
- Quelle est la vraie RĂ©publique de Chine : la RĂ©publique de Chine (TaĂŻwan) ou la RĂ©publique Populaire de Chine ?
- Quelle est la vraie langue française ? Le français de France, le français québécois ou le français parlé au Congo ?
Si donc il n'y a pas de vrai christianisme, de vrai dollar, de vraie République de Chine ou de vraie langue française, comment pourrait-il y avoir un vrai protocole Bitcoin ?
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 Sources
Eric Voskuil, Ătiquettes de Bitcoin, 2020.
Eric Voskuil, Usurpation de marque, 2020.
Eric Voskuil, Principes cryptodynamiques, 2020.
Eric Voskuil, Objectifs de Fedcoin, 2020.
Theymos, It's time for a break: About the recent mess & temporary new rules, 17 août 2015.
Gavin Andresen, A definition of "Bitcoin", 7 février 2017.
Gavin Andresen, Other definitions of Bitcoin, 8 février 2017.
Jameson Lopp, Who controls Bitcoin Core?, 15 décembre 2018.