Dans la crypto, Ethereum est un peu ce marathonien doué mais toujours coincé dans ses lacets à la ligne de départ.
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La dĂ©centralisation du rĂ©seau Ethereum ne cesse de sâĂ©roder depuis le passage en Proof of Stake. Vitalik Buterin propose dâaggraver les choses
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Le bitcoin, qui avait vu sa volatilité se réduire doucement, vient de vivre un nouvel épisode de "yo-yo", assez largement compréhensible mais qui a permis le retour des imprécations : la finance casino, ce serait nous !
Inversement, en suggĂ©rant, dans un rĂ©cent billet, que certaines expĂ©riences de bases de donnĂ©es distribuĂ©es, prĂ©sentĂ©es comme des blockchains-maison, consistaient sans doute Ă faire joujou avec lâargent, jâai pu me montrer un peu dur tant vis Ă vis des banquiers, qui ne peuvent Ă©videmment pas entrer sans combinaison dans le bassin des piranhas du bitcoin (mĂȘme quand Ă titre individuel ils partagent la conviction que câest ce grand bassin qui seul convient aux vrais sportifs) comme vis Ă vis des consultants qui sont bien obligĂ©s de passer par le pĂ©diluve pour entrer dans la piscine.
Quây a-t-il de mal Ă faire joujou ? Cela fait grandir, dit-on.
En fait cela dĂ©pend du jeu. Le train Ă©lectrique jamais ne remplacera le TGV, ni nâapprendra Ă le conduire ou Ă le vendre : il nâen est quâun modĂšle rĂ©duit, comme on dit, une figurine.
Mais par ailleurs il y a des jeux vraiment initiatiques : l'amour (dont je ne parlerai pas ici), la guerre, l'argent. Du jeune Buonaparte dirigeant une bataille de boules de neige aux exploits de la Guerre des boutons on sait bien que jouer Ă la guerre, cela peut ĂȘtre la guerre, dĂ©jĂ . Et, comme je le suggĂ©rais, il nâ y a guĂšre de diffĂ©rence entre une roulette vendue comme jouet et celle dâun casino (en cas de besoin, la premiĂšre peut remplacer la seconde, surtout dans un clandĂ©) ni entre un jeton de poker pour enfant (voire un haricot) et un jeton de cercle.
Disant cela, je rappelle toujours que le bitcoin tient Ă©normĂ©ment, Ă sa naissance, de la monnaie de jeu, et d'abord de celle que l'on fabrique soi-mĂȘme pour jouer, de celle qui ne sert qu'Ă un cercle de complices ou d'initiĂ©s, puis de celle qui sert Ă jouer "presque" de l'argent au cours d'un subtil glissement qui a Ă voir avec la fin de l'enfance.
Durant des mois le bitcoin nâa guĂšre eu plus de valeur quâun billet de banque comme ceux que l'on imprimait jadis Ă l'encre et Ă l'alcool pour jouer Ă la marchande.
Avec Bitcoin, un miracle (un événement historique assez rare, si l'on veut) s'est produit : la monnaie ludique a muté en monnaie solide. Mais je suis toujours trÚs étonné que cette période infantile de Bitcoin occupe si peu de place dans les récits et les analyses qui lui sont consacrés.
Je songeais Ă cela quand je me suis plongĂ© vers le Nouvel An dans un gros livre un peu ancien dĂ©jĂ : Les jeux au royaume de France du XIIIe au dĂ©but du XVIe siĂšcle de JeanâMichel Mehl.
Son 13Ăšme chapitre, consacrĂ© aux « Enjeux » est tout Ă fait Ă©clairant : il est exceptionnel, Ă©crit-il dâemblĂ©e, que le jeu soit gratuit. Et pour Ă©vacuer lâhypothĂšse niaise de lâinnocence enfantine : mĂȘme dans le jeu enfantin, il est facile de dĂ©celer, sous les apparences de la gratuitĂ©, lâespĂ©rance dâune victoire comme la crainte dâune perte ou dâune dĂ©faite, dĂ©finitive et humiliante.
Ce qui ne contredit point mon hypothĂšse dâune pĂ©riode infantile de Bitcoin. In utero, Bitcoin Ă©tait dĂ©jĂ une monnaie, bien fol qui dirait le contraire.
Le jeu rĂ©vĂšle l'existence de frontiĂšre de part et dâautre desquelles on se comprend mal : Si lâadulte ne comprend pas le jeu de lâenfant, câest parce que ce dernier nâest pas Ă mĂȘme dâexpliquer quel est lâenjeu , ou alors que cet enjeu nâexerce pas la mĂȘme sĂ©duction pour lâun et pour lâautre. Cela me fait songer Ă quelques face-Ă -face presquâimpossibles, comme celui dont j'avais Ă©tĂ© tĂ©moin le 16 novembre dernier Ă l'IHP entre le professeur Pierre-Charles Pradier et quelques jeunes bitcoineurs.
Il y a un monde dans lequel des gens de bonne foi (non obsĂ©dĂ©s par la drogue ou le terrorisme, conscients mĂȘme de ce que ceux-ci sont trĂšs Ă lâaise avec le systĂšme officiel) ne voient rĂ©ellement pas ce que lâanonymat, la dĂ©centralisation, lâabsence de banque centrale peuvent bien apporter de si enthousiasmant aux sympathiques mais peu comprĂ©hensibles jeunes gens âŠ
L'enjeu pour l'Ă©cosystĂšme Bitcoin, c'est Bitcoin : pour les mineurs, pour les dĂ©veloppeurs, pour les simples usagers, pour les "compagnons de route". C'est un systĂšme qui apparait purement spĂ©culatif Ă des Ă©conomistes (certainement dĂ©sintĂ©ressĂ©s, par ailleurs) qui n'en voient pas l'usage pratique, et qui admettent le parallĂšle avec l'or mais en ajoutant immĂ©diatement que l'or peut servir Ă la bijouterie alors que le bitcoin ne servirait Ă rien. Mais, outre qu'on voit mal pourquoi les bitcoineurs seraient les seuls Ă faire vĆu de pauvretĂ©, ceux qui comprennent les usages pratiques, industriels, ludiques mĂȘme du bitcoin rĂ©cusent Ă©videmment l'idĂ©e qu'il soit une monnaie qui inĂ©vitablement va devenir une monnaie de pure spĂ©culation comme me l'a assĂ©nĂ© Madame Benssy-QuĂ©rĂ© sur France Culture le 7 janvier.
Cette critique un peu moralisatrice élude la dimension de Bitcoin comme enjeu d'un jeu dont j'ai déjà eu l'occasion de rappeler qu'il n'était pas simplement intéressant mais qu'il est passionnant.
Autant dire que lâenjeu est le fondement du jeu ? Au regard de la linguistique, il est ce qui fait pĂ©nĂ©trer au cĆur du jeu. La question nâest pas de savoir sâil en est corruption du jeu ou non. Sans lui le jeu ne serait point.
Remplacez donc jeu par blockchain et enjeu par bitcoin dans certaines phrases de Jean-Michel Mehl, comme dans la prĂ©cĂ©dente, ou bien encore dans celle-ci : Si le jeu nâest pas totalment rĂ©ductible Ă lâenjeu, lâenjeu est tout le jeu en mĂȘme temps quâil le dĂ©passe. Tout enjeu Ă©tant valeur, il faut que, misĂ©, cette valeur demeure telle, le jeu terminĂ©.
La notion dâenjeu fait par ailleurs entrevoir combien les frontiĂšres de lâunivers ludique sont mal tracĂ©es. Avec elle, « lâunivers du jeu acquiert ⊠mĂȘme objectif et mĂȘme moyen que celui du sĂ©rieux ». Plus lâenjeu est important, plus lâunivers du jeu se confond ave celui du sĂ©rieux. L'historien a mĂȘme ici une remarque que je trouve assez vertigineuse. Si les joueurs de jadis, dit-il en substance, avaient jouĂ© des haricots, nous n'en saurions rien aujourd'hui.
Quand on sait que la blockchain est (entre autres choses) un livre d'histoire, on ne peut que convenir de la justesse de l'observation. Câest lâenjeu qui justifie la trace Ă©crite et par lĂ permet lâhistoire.
Si câest pour jouer, faut-il jouer gros ? Lâexamen de la comptabilitĂ© domestique des princes (comme le duc de Bourgogne Philippe le Hardi, qui bat monnaie et perd au jeu) montre bien que jouer gros est preuve de gĂ©nĂ©rositĂ©, de noblesse.
Comme le note l'auteur, le vĂ©ritable joueur nâest pas celui qui joue souvent des petites sommes, mais celui qui nâhĂ©site pas Ă en engager quelquefois de trĂšs grosses. C'est exactement ce que nous apprend le paradoxe de Saint-Petersbourg...
En dĂ©pit du rituel « Bitcoin est une expĂ©rience, nây investissez que ce que vous estimez pouvoir perdre », il est clair que lâon retrouve cette tension chez un certain nombre de traders en cryptodevisesâŠ
Significativement, le chapitre qui suit immédiatement celui des enjeux porte sur les tricheries et les violences qui accompagnent le jeu. L'historien rapporte bien des tours savoureux ou des épisodes croustillants de jadis. Mais surtout il montre comment le Parlement de Paris fait aisément le lien entre les jeux et les délits de tous pipeurs, jureurs et hasardeux.
Il y a là aussi, dans le ton sentencieux de l'autorité, un riche enseignement.
Si l'on se souvient du fil qui court d'un joueur impénitent, le chevalier de Méré, à un mathématicien philosophe comme Blaise Pascal, de ce dernier à Fermat puis à Bernoulli... on se dit que les joueurs (et les savants) ont autant rendu service à l'humanité que le Parlement de Paris.
A bon entendeur...
Il est assez amusant que ce soit pratiquement à la veille de Noël que l'une des plus grandes banques françaises annonce avoir réalisé une paiement grùce à une blockchain pour le compte de... Panini !
Au delĂ d'une association d'idĂ©es assez triviale entre le monde du foot (auquel l'Ă©diteur a largement liĂ© son destin) et celui du fric sous sa forme elle-mĂȘme la plus triviale, ce petit exploit m'inspire plusieurs remarques.
BNPParibas se montre lucidement prudente sur les limites de cette expĂ©rience que les mĂ©dias ont transformĂ© en un "paiement international quasi instantanĂ©". Il apparait que l'on est beaucoup plus proche d'une opĂ©ration de compensation, qui plus est entre deux filiales de la mĂȘme banque, et pour le compte d'un seul et mĂȘme client.
A ce titre, il n'y a pas beaucoup de sens Ă comparer la performance de cette opĂ©ration en "pair Ă pair" (les pairs n'Ă©tant ici que des filiales de la banque) avec la lourdeur du processus suivi pour les virements internationaux, oĂč les banques communiquent via des messages Swift et oĂč, en fonction de la complexitĂ© de l'opĂ©ration et du nombre des devises concernĂ©es, une mĂȘme transaction internationale peut nĂ©cessiter l'intervention d'une chambre de compensation et de plusieurs banques correspondantes quand bien mĂȘme la banque de dĂ©part et celle d'arrivĂ©e appartiennent au mĂȘme groupe, puisque ce sont deux Ă©tablissements Ă©trangers l'un Ă l'autre du point de vue des transactions monĂ©taires.
Le communiqué de la banque évite aussi, soigneusement, de donner le moindre détail sur l'opération de change, qui n'apparaßt qu'en filigrane puis qu'il est bien précisé que l'opération s'est faite sur deux zones monétaires.
RĂ©aliser ce genre d'exploit Ă grande Ă©chelle sur plusieurs banques diffĂ©rentes et avec plusieurs monnaies parait donc encore fort lointain, sauf Ă crĂ©er un Settlement Coin du type de celui mis en place par Clearmatics Technologies et dont Matt Levine Ă©crivait il y a quelques mois sur Bloomberg : You donât get your dollars any faster; you just get your pseudo-dollars faster. To get the dollars faster, youâd need to speed up the Fedâs central-ledger technology. Disons poliment qu'un settlement coin, câest un IOU de FIAT. Comme une monnaie de jeu, elle ne vaut quâentre les joueurs, par convention.
On ne sait si l'opération Panini, réalisée sur des développements internes se basant sur les librairies classiques liées au protocole choisi, NXT a fait intervenir un token, coloré ou non, et avec quel rÎle. Difficile, par conséquent de classer l'objet du cÎté des instruments de communication (le train, la radio) ou de leur déclinaison en joujou (le petit train électrique qui tourne dans la chambre des enfants, le talky-walky pour se parler d'une piÚce à l'autre).
Il est vrai qu'en matiÚre de monnaie, la distinction de ce qui est réel et de ce qui est ludique est parfois conventionnelle : qu'est-ce qui distingue l'argent du Monopoly de celui du poker? Une roulette pour gosses et une roulette de casino?
L'argent en enfance
Le monde de l'enfance baigne dans la monnaie, avec ou sans argent de poche. Pour les plus petits, il y a l'argent-douceur que j'évoquais l'an passé à Noël, en me demandant si Bitcoin n'était pas une monnaie en chocolat et il y a l'argent pour jouer à payer, l'argent du jeu de la marchande, auquel ressemblent tellement les monnaies locales complémentaires, tant célébrées par le systÚme parce qu'elles ne le remettent en question que pour la forme...
Pour les plus grands, il y a l'argent des jeux de sociĂ©tĂ©, dĂ©jĂ Ă©voquĂ©. Et enfin il y a ce dont les enfants en tant que sociĂ©tĂ© font eux-mĂȘmes leur propre monnaie.
Revenons donc Ă Panini
Le produit phare de Panini s'inscrit dans une longue tradition de ce que j'appellerais volontiers les monnaies de cour de rĂ©crĂ©e. Pour les gens de mon Ăąge, la bille en fut le prototype presque monĂ©tairement parfait. Je reconnande vivement la lecture d'un article de Georges Kaplan publiĂ© en 2011 sur Causeur, oĂč en bon libĂ©ral il reconstruit un systĂšme monĂ©taire non autoritaire Ă partir de ses souvenirs d'enfance. La carte Panini Ă©tait d'ailleurs intĂ©grĂ©e Ă ce systĂšme, comme grosse coupure pourrait-on dire.
Est-il anormal que les billes se soient (universellement semble-t-il) transformées en monnaies-joujou?
Dans sa Politique, Aristote distingue deux usages spĂ©cifiques Ă chaque chose : son usage propre, conforme Ă sa nature (le soulier sert Ă chausser, dit-il, la bille servirait donc Ă jouer) et un usage non naturel, qui est de permettre dâacquĂ©rir un autre objet, par la voie de la vente ou de l'Ă©change. C'est la distinction entre valeur d'usage et valeur d'Ă©change qui sera reprise par les Ă©conomistes classiques puis par Marx.
Quâest-ce qui dĂ©termine le rapport d'Ă©change entre deux biens ? Arisote (dans l'Ethique Ă Nicomaque cette fois) donne deux grandes rĂ©ponses entre lesquelles se partageront Ă sa suite tous les Ă©conomistes : derriĂšre l'Ă©change (chaussures contre maison) se dĂ©roule un Ă©change entre le travail du cordonnier et celui de l'architecte. C'est Ă l'origine de la thĂ©orie de la « valeur-travail » quâon trouve chez Smith, Ricardo et Marx. On voit mal les enfants Ă©changer la valeur-travail d'une bille d'agathe contre celle d'une carte reprĂ©sentant un footballeur. Mais Aristote dit aussi que le fondement de la valeur d'un objet rĂ©side dans le besoin quâon ressent pour lui. Câest lâorigine de la thĂ©orie de la valeur fondĂ©e sur l'utilitĂ© qui s'imposera avec la rĂ©volution marginaliste.
Or le dĂ©sir des enfants pour les cartes Panini est trĂšs fort. La sociĂ©tĂ© Panini fit, vers la fin des annĂ©es 90 et le dĂ©but du siĂšcle, l'objet de plusieurs opĂ©rations de cession ou d'aquisition qui m'amenĂšrent Ă regarder briĂšvement des dossiers la concernant, en un temps oĂč j'Ćuvrais dans l'investissement en capital. Ă la mĂȘme Ă©poque, mes enfants pratiquaient l'Ă©cole communale et je dus payer mon lot de sachets Panini dans la vague Pokemon. C'Ă©tait aussi le temps oĂč les pĂšres-de-famille-cadres-sup s'Ă©quipaient de leurs premiers scanners. Je ne fus pas long Ă fabriquer des "faux", bien moins onĂ©reux que les vrais. Apparemment je ne fus pas le seul. La directrice de l'Ă©cole proscrivit d'abord les "faux Pikachu", puis finit par tenter d'interdire tous les Panini, champions de fott ou Pokemon, vrais ou faux, volĂ©s, douteux ou concurrents, tous dĂ©clarĂ©s Ă©galement intempestifs et ennemis de l'institution. Ce qui est interdit est souvent plus dĂ©sirable encore, et plus cher.
S'agissant d'un bien qui se rend désirable parce qu'il est désiré, on encensera son marketing comme partie de l'art. Personne n'ira dire qu'un autocollant ou un sac à main vendus avec une marge monstrueuse sont "purement spéculatifs". On préfÚrera emprunter à Gilles Lipovetsky et Jean Serroy l'expression d'esthétisation du monde, c'est tellement plus chic. Jean-Joseph Goux, lui, parle de frivolité de la valeur.
Mais s'il s'agit d'une monnaie ? La carte Panini, diraient alors banquiers et Ă©conomistes Ă l'unisson, ne repose sur rien, n'est garantie par aucun Ătat souverain, n'est gĂ©rĂ© par aucune banque. Et en plus elle est anonyme! Suivez mon regard...
Ce qui arrivait avec les cartes des annĂ©es 90 se reproduisit trĂšs vite, Ă©videmment, pour les e-cards des jeux "virtuels". Les entrepreneurs venus de l'industrie du jeux en ligne ne sont pas rares dans l'Ă©cosystĂšme du bitcoin : ils ont saisi parmi les premiers l'intĂ©rĂȘt d'un procĂ©dĂ© rendant un objet digital non reproductible. Or leur univers (leur mĂ©tavers) connaissait dĂ©jĂ des devises virtuelles : centralisĂ©es, certes, mais sans rapport avec l'univers des monnaies lĂ©gales fiat et sans garantie de l'Etat.
Faire figurer le LInden dollar parmi les ancĂȘtres de Bitcoin n'a aucun sens d'un point de vue technique, mais en Ă©claire nĂ©anmoins la genĂšse et le fonctionnement. Les banquiers qui assurent que "Bitcoin ne repose sur rien" se sont-ils demandĂ©s ce que vaudraient les billets de Monopoly si Elizabeth Magie avait eu l'idĂ©e de ... donner le jeu tout en vendant ses billets ? surtout si, n'aimant pas l'argent, elle n'avait crĂ©Ă© ces billets qu'en nombre limitĂ©. Disons 21 millions pour tous les joueurs du monde...
pour Andreas, pour BenoĂźt
La preuve de travail est au centre de la technologie Bitcoin, elle est aussi au centre des critiques, que ce soit pour son coût énergétique (moindre en vérité que celui des seuls ATM bancaires en charge du cash manuel) ou pour son utilité, généralement mal comprise. Bien des faux prophÚtes promettent de la remplacer à peu de frais mais avec peu de sérieux. Le mieux est encore de l'évacuer carrément des présentations : les bases de données distribuées privées sont désormais présentées par la plupart des conférenciers détaillant "les" blockchains comme la variété permissioned de l'espÚce, jamais avec l'étiquetage... lazy.
RĂ©guliĂšrement mis au dĂ©fi de trouver enfin un bout de Bitcoin dans le passĂ©, j'avais eu un jour, devant l'ami Benoit Huguet, cofondateur de BitConseil, comme un Ă©clair mental apparemment perceptible dans le regard : j'avais enfin trouvĂ© ! L'autre jour, alors que nous attendions Andreas Antonopoulos, il me reprocha de n'avoir pas encore Ă©crit l'article promis ni rĂ©vĂ©lĂ© ma trouvaille. Il me fallut un instant pour retrouver la chose. La figure de l'orateur me rendit la mĂ©moire en me ramenant Ă ce vieil oracle : Ă quoi que vous pensiez, un ancien grec en a parlĂ© avant vous. ÎáœÏηÎșα, songeai-je en souriant, puisque Eureka est le nom de la sociĂ©tĂ© d'Edwige Morency et d'Alexandre David qui organisait ce magnifique Ă©vĂ©nement...
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage et de retour au foyer a retrouvé sa femme toujours vertueuse. On le sait, Pénélope qui est ornée de charmes autant que de vertus ne manque pas de prétendants. Pour les lasser, elle s'astreint à tisser une toile pour envelopper un parent décédé, mais elle défait chaque nuit le travail de la journée.
Faire et défaire, depuis elle, c'est toujours travailler. Il y a du Sisyphe, le trompeur condamné à rouler éternellement son rocher, en cette irréprochable épouse.
Bien sûr son stratagÚme est démasqué. Son geste énigmatique est pourtant transparent. Elle travaille rudement mais inutilement, sauf en réalité pour montrer sa vertu. Son travail suscite la confiance. Elle ne fait pas autre chose que travailler, parce que comme on le sait bien, l'oisiveté est mÚre de tous les vices.
Quand Ulysse rentre, une bonne "preuve d'enjeu" comme on dit en français pour traduire PoS, aurait été de se dire l'un à l'autre :
- Je suis Ulysse, ton mari, tu me reconnais.
- No problem, ÎșαΜÎΜα ÏÏÏÎČληΌα, moi je suis ta femme et tu me fais confiance puisque nous sommes mariĂ©s.
C'est en réalité ce que les blockchains convenables des consortiums bancaires proposeraient comme mécanisme de validation ou de réconciliation. Le génie du Primatice exprime vers 1550 le problÚme des Retrouvailles avec une toute autre intensité dramatique.
(Huile sur toile, Toledo Museum of Art, Ohio)
HomĂšre parle de la prudente Penelope (ÏΔÏÎŻÏÏÏÎœ ΠηΜΔλÏÏΔÎčα). Mais l'ingĂ©nieux Ulysse (ÏολÏΌηÏÎčÏ áœÎŽÏ ÏÏΔÏÏ) est aussi malin qu'elle. Il se prĂ©sente comme un mendiant. PĂ©nĂ©lope en a vu d'autres, des revenants. L'histoire ne se passe donc pas du tout comme pour le colonel Chabert dĂ©jĂ Ă©voquĂ© ici au sujet de l'impossible retour de Nakamoto.
Le chant XIX de l'Odyssée est un modÚle de travail de la vérité, de construction d'une confiance entre ni-connus-ni-inconnus.
Ulysse se fait reconnaitre progressivement. Il ne choisit pas lui-mĂȘme les preuves (suivez mon regard) et il tente mĂȘme de contourner le jeu facile des "questions personnelles" : au vers 115 il demande explicitement Faites-moi d'autres questions ; mais ne m'interrogez pas ni sur ma famille, ni sur ma patrie (...ΌηΎៜ áŒÎŒáœžÎœ áŒÎŸÎ”ÏÎΔÎčΜΔ ÎłÎÎœÎżÏ Îșα᜶ ÏαÏÏίΎα γαáżÎ±Îœ). Et ne veut pas se reposer sur un tiers de confiance, sa vieille nourrice EuryclĂ©e en l'occurrence, qui l'a reconnu en premier. Ainsi, et pour Ă©voquer un autre coeur de la tradition grecque, chacun est ici Ă l'autre son propre sphinx...
On touche donc dans cette page centrale de la culture occidentale, mine de rien, à l'essence de ce que le "travail de la preuve" établit : une confiance fondée sur autre chose que l'implicite confiance sociale. Une confiance entre une femme entourée de 114 amants possibles et un gueux qui est le mari légitime. Celui que la confiance par preuve d'enjeu (l'entre-soi confortable de la norme sociale, pour le dire autrement) aurait de suite éliminé.
Autant que sur ce dialogue, je pense qu'il est avisĂ© de rĂ©flĂ©chir sur l'instrument, si particulier et si souvent reprĂ©sentĂ©, de la prudente PĂ©nĂ©lope. Cet instrument qui en grec ancien se dit αÏγαλΔÎčÏÏ, s'appelle en langue anglaise loom, un mot dont un homonyme signifie aussi une forme de danger, tandis qu'il se nomme en français mĂ©tier qui vient du latin ministerium et dĂ©signe une forme de service. Il est assez fascinant de voir comment la "preuve de travail" de Satoshi Nakamoto se situe, en quelque sorte, entre la conscience d'un danger et la prestation d'un service !
Les mots vivent et changent. En ancien français on donnait le nom de mestier Ă toute profession qui exige l'emploi des bras, et qui se borne Ă un certain nombre d'opĂ©rations mĂ©caniques, qui ont pour but un mĂȘme ouvrage, que l'ouvrier repĂšte sans cesse. On aurait dit que le hashage est un mĂ©tier. On donna enfin ce nom de "mĂ©tier" Ă la machine dont l'artisan se sert pour la fabrication de son ouvrage : mĂ©tier Ă bas, le mĂ©tier Ă drap, le mĂ©tier de tisserand.
A voir cette représentation d'un instrument antique, on est frappé par une sorte de modernité. Ces femmes s'affairent. Elles ont mestier aurait-on dit au moyen-ùge, they have serious business dirait-on en anglais. Mais surtout on dirait qu'elles sont devant une sorte de machine complexe, une machine semblable à celle de Bletchley Park.
Ce n'est pas un simple effet d'image ou de langage : le mĂ©tier Ă tisser est bien l'ancĂȘtre de notre modernitĂ© oĂč les machines assument une part toujours croissante du labeur global. On pense bien sĂ»r aux mĂ©tiers automatiques qui provoquĂšrent tant de rĂ©voltes. On pense au mĂ©tier de Jacquard, machine programmable (dĂšs 1806) grĂące aux cartes perforĂ©es mises au point (en 1728) par Jean-Baptiste Fulton.
Mais bien avant le tissage mécanique, l'étonnante technique a accompagné la réflexion scientifique. Comme le fil de trame et celui de chaine sont de nature différente et occupent dans le tissage une fonction non réductible l'un à l'autre, ils annoncent métaphoriquement ces nombres qui seront découverts entre 1545 et 1572, aux lisiÚres de l'algÚbre et de la géométrie, ces nombres que l'on a appelés complexes, ces nombres qui possÚdent une dimension réelle quantifiable et une autre dimension également quantifiable mais imaginaire, non cernée et imprévisible.
Le complexe mĂ©tier du tissage a, en vĂ©ritĂ©, apportĂ© l'essentiel Ă notre modernitĂ©. L'art de sĂ©parer (le cardage), l'art de rĂ©unir (le filage) et surtout cet art de recrĂ©er des noeuds que l'on voit au coeur mĂȘme de la blockchain. Platon lui-mĂȘme trouvait dans le mĂ©tier du tissage un symbole capable de reprĂ©senter la citĂ©, la politique, voire le monde. Il y revient dans plusieurs de ses dialogues : le Politique en particulier, mais aussi la RĂ©publique ou le Cratyle.
Voilà ! On se retrouve une fois de plus du cÎté de Platon. Mais pour citer - pour une fois dans le texte - le mathématicien et philosophe Alfred North Whitehead, the safest general characterization of the European philosophical tradition is that it consists of a series of footnotes to Plato.
Pour aller plus loin :
L'attaque du vendredi 17 juin contre la DAO a constituĂ© un instant passionnant dans l'aventure intellectuelle dĂ©jĂ passablement stimulante de l'Ă©conomie dĂ©centralisĂ©e. Les prĂ©sentations consacrĂ©es Ă Bitcoin s'achĂšvent presque rituellement en rappelant que "Bitcoin est une expĂ©rience". Ce qui vient de se passer, au delĂ d'une faille technique, doit ĂȘtre pris comme une leçon et inciter chacun Ă une prudence et Ă une modestie qui avaient Ă©tĂ© quelque peu perdues de vue depuis des mois.
En quelques heures, le rĂȘve anarcho-capitaliste s'est fissurĂ© et le slogan Ă tant d'Ă©gards simplet "Code is Law" s'est avĂ©rĂ© impuissant face aux forces de l'ordre... des dĂ©veloppeurs. Acta est fabula ?
Sans doute ceux qui vont maintenant annoncer la mort de l'ether, comparer la DAO à Mt Gox et brûler sans réflexion ce qui les enthousiasmait hier sans plus de réflexion se tromperont-ils. Sans doute aussi allons-nous voir de grands coups d'épée dans l'eau de ceux qui demanderont de la régulation, des normes, des lois. Mais ensuite il y a fort à parier que l'aventure ramÚnera vers des fonctions et des concepts plus clairs et renforcera le rÎle central du bitcoin.
Pendant des mois en effet nous avons dĂ» souffrir des discours opposant schĂ©matiquement le bitcoin et son grossier dĂ©sir de jouer le rĂŽle de monnaie sur la base d'un protocole tout juste bon Ă rouler quelques mĂ©tadonnĂ©es en sus de transferts bien longs et bien peu nombreux, au chatoiement mirifique des blockchains les plus diverses. Telle blockchain qui devait ne vĂ©hiculer que des bons de caisses (un produit datant du Front Populaire) Ă©tait dĂ©crite comme juridiquement rĂ©volutionnaire, telle autre qui se rĂ©vĂ©lerait n'ĂȘtre qu'une database distribuĂ©e suscitait les investissements de dizaines de banques.
Mais tout le beau monde Ă l'unisson imaginait le meilleur des mondes qu'allait permettre la blockchain sur laquelle circuleraient des contrats intelligents. Que des Ă©lĂ©ments de programmation puissent ĂȘtre ajoutĂ©s sur la solide chaĂźne de bitcoin (cf. le discours trĂšs explicite de Rootstock sur le fait de proposer une solution Turing Complete mais de ne pas ĂȘtre une AltCoin concurrente), que la notion de smart contract soit mĂȘme antĂ©rieure Ă bitcoin, que le bitcoin lui-mĂȘme soit Ă bien des Ă©gards la premiĂšre "DAO", rien n'y faisait : c'Ă©tait cela et rien d'autre la rĂ©volution-Ă -la-mode !
D'un cÎté donc le bitcoin, une fausse monnaie, de l'autre l'ether, non spéculatif et porteur d'intelligence. Quand on commença à dire (un peu vite, sans doute) que les développeurs d'Ethereum envisageaient un abandon de la preuve de travail, autrement dit du minage (chose dont les banques ne veulent pas trop pour leurs blockchain "Poc" ) et une adoption du systÚme censitaire dit de la preuve de participation, ce fut un ravissement général. En février on put lire que l'ether était destiné à enterrer bitcoin handicapé, je cite, par son intense spéculation. Bien des gens sortaient déjà leur beau costume sombre pour la mise en biÚre.
Soixante jours plus tard, le cours de l'Ă©ther non-spĂ©culatif Ă©tait multipliĂ© par 15. Comme je le fis remarquer dĂšs mars lors d'une confĂ©rence (PayForum, 17 mars) oĂč l'on me demandait de faire le prophĂšte plus que l'historien, il semblait que tout le monde soit shootĂ© Ă l'Ă©ther. J'ai un certain plaisir Ă ressortir ma slide aujourd'hui...
Or ce qui servait de champignon Ă ces rĂȘveries c'Ă©tait le "smart contract" et ses promesses portĂ©es aux nues sans examen critique. Longue est dĂ©jĂ la liste de ceux qui avouent n'avoir peut-ĂȘtre pas trĂšs bien compris tout ce qu'Ă©crivait Vitalik Buterin.
DÚs mars aussi, lors d'une rencontre organisée par Think liberal Assas (on peut en revoir l'enregistrement video) des doutes se faisaient jour chez les juristes. Je me contentai alors de rappeler que, contrat intelligent ou pas, organisation décentralisée ou pas, il serait fort étonnant que le pouvoir régalien ne vous rattrape pas par sa justice. En historien, je soulignais que l'état capétien s'était construit par ses juges bien avant la mise en place de vrais administrateurs, puisque la partie lésée ne manquait jamais de faire appel à lui de toute décision des petites justices locales. Les juristes étaient nombreux dÚs le début du printemps à mettre en doute l'existence de quelque vide juridique que ce soit.
On attend donc avec curiosité les (inévitables) suites juridiques de l'affaire du smartfail sur le plancher des vaches. Cela remplit déjà des pages de commentaires sur Reddit et ailleurs...
C'est l'affaire à suivre ne serait-ce que pour son cÎté romanesque, avec un attaquant qui comme un ArsÚne Lupin moderne semble avoir mis avec forfanterie son petit mot sur le piano. On se souvient d'ailleurs que le gentleman cambrioleur de 1908 brouillait les pistes et avait déjà inventé ce que l'ai appelé la "technologie Joconde".
Blague Ă part, il n'est pas Ă©vident que ce gentleman soit juridiquement un monte-en-l'air.
Les fonds de la DAO n'ont pas Ă©tĂ© illĂ©galement dĂ©robĂ©s. Ils ont Ă©tĂ© envoyĂ©s Ă l'adresse du hacker en suivant trĂšs prĂ©cisĂ©ment les rĂšgles-mĂȘmes du contrat. Qu'un contrat soit mal Ă©crit, mal ficelĂ© dirait-on (le codage offrirait donc des trous, diffĂ©rents de ceux qu'offre parfois la rĂ©daction d'une loi, mais avec des effets similaires?) ne rend pas en soi illĂ©gale la mise en oeuvre d'un cas-limite.
Ceux qui reprochaient au bitcoin de ne pas ĂȘtre assez programmable devraient rĂ©viser leur discours. Sans doute le bitcoin est-il juste assez programmable pour rester une monnaie. Et sans doute son langage de programmation a-t-il Ă©tĂ© choisi avec une rĂ©flexion plus mĂ»re qu'il n'y paraissait Ă ses dĂ©tracteurs.
Maintenant le remÚde est-il pire que le mal ? Ou révélateur d'une équivoque ?
Ce qui est tragicomique c'est que la solution proposĂ©e (dĂ©truire les fonds saisis par le hacker et Ă©mettre de nouvelles unitĂ©s monĂ©taires pour rembourser tous les investisseurs de la DAO) se situe peut-ĂȘtre pour le coup dans l'illĂ©galitĂ© ! Et si le hacker s'amusait alors Ă poursuivre la fondation Ethereum ? Comme de nombreux dĂ©veloppeurs d'Ethereum sont personnellement investis dans la DAO, cela rend leur manoeuvre encore plus douteuse moralement. De sorte que la mode consistant Ă dĂ©crier la gouvernance opaque de Bitcoin va peut-ĂȘtre passer, elle aussi, celle d'Etereum devenant pour le coup trop claire.
Ce n'est pas sans rapport, soit dit en passant, avec le monde rĂ©el, celui oĂč l'on voit par exemple Hank Paulson (ex Goldman Sachs) dĂ©cider que le TrĂ©sor amĂ©ricain va renflouer AIG pour lui permettre de rembourser Goldman Sachs.
Autre rapprochement avec la "vraie vie", la façon dont on passe trÚs vite de l'émotion aprÚs l'attaque à la suspension, sans trop de façon, de l'état de droit antérieur. A quand la cyber-chypriation? On annonce maintenant le black-listage des adresses suspectes. Monsieur Cazeneuve pourrait gérer ce genre d'organisation décentralisée !
Que ce type de rĂ©action n'ait point Ă©mergĂ© de la communautĂ© Bitcoin quand problĂšme il y eut souligne que les communautĂ©s Bitcoin et Ethereum n'ont pas les mĂȘmes caractĂ©ristiques, ni les mĂȘmes valeurs. L'enthousiasme manifestĂ© par la grande finance envers Ethereum se comprend mieux a posteriori.
Que dire maintenant du smart contract, à la lumiÚre des événements récents ?
Tandis que les estrades étaient occupées depuis 2015 par les prophÚtes du smart contract, les développeurs exprimaient déjà des doutes, ou disons un sentiment d'inconfort devant ces "contrats intelligents auto-exécutables" dont rien ni personne ne pourraient entraver la mise en oeuvre et la poursuite. Pour une raison dont ils sont les meilleurs juges : on ne développe pas sans prendre des risques quant à la sécurité.
Mais pour moi il y a plus fondamental encore : l'idée d'un contrat échappant tant au droit (id est à la loi, à la jurisprudence, à l'arbitrage etc) qu'au passage du temps devrait heurter tous ceux qui ont le sens de l'historicité des actions humaines, ceux qui savent que l'histoire est aussi l'histoire des changements de lois.
Et puis cela ressemble par trop à la mÚche d'une bombe. Je songeais depuis quelque temps - et je l'évoquai dans plusieurs conversations avec des amis - à un film qui me paraissait montrer l'absurdité d'un contrat auto-exécutable. Ce film date de 1964 ; c'est le Docteur Folamour (Dr. Strangelove) de Kubrick.
A vrai dire, ce chef-d'Ćuvre classique offre dĂ©jĂ une rĂ©plique culte (voir note en bas de page pour la transcription!) quant Ă l'interfaçage homme-machine : le cĂ©lĂšbre You're gonna have to answer to the Coca-Cola company quand un colonel amĂ©ricain un peu bornĂ© se voit contraint de dĂ©truire une machine non (comme vous et moi dans le mĂ©tro) pour dĂ©coincer une canette de Coke, mais pour procurer Ă son homologue anglais le quarter indispensable pour appeler le prĂ©sident des USA. Il est clair que l'Internet of Things ne permettra pas ce genre de procĂ©dĂ©.
Mais la scĂšne du contrat auto-executable est celle dite de la Doomsday Machine.
Un contrat auto-exécutable... avec la Mort.
Pour aller plus loin :
En écrivant sur la blockchain, il y a quelques jours, mon billet précédent, j'ai eu une sorte d'illumination dont j'ai décidé de faire un récit particulier, parce qu'il s'agit d'un thÚme spécifique, religieux.
Mon illumination me renvoyait en effet à une scÚne trÚs frappante, celle qui suit immédiatement l'illumination du Bouddha. Pour illustrer ce billet, j'emprunterai beaucoup au film de Bernardo Bertolucci Little Buddha (1993).
Ce n'est pas la premiĂšre fois que les sujets religieux viennent me fournir des clĂ©s de comprĂ©hension. J'ai dĂ©jĂ notĂ© que le discours sur la blockchain tel qu'on le tient dans les grandes institutions reprĂ©sente ce que les historiens du christianisme appellent l'instant constantinien. Penser que, trouvĂ©e dans une crĂšche libertarienne la blockchain pourrait ĂȘtre l'instrument providentiel destinĂ© Ă sauver les institutions financiĂšres fait songer Ă ce qu'on a vu en 313 quand Constantin se proclama chrĂ©tien, c'est Ă dire fidĂšle de celui que ses prĂ©dĂ©cesseurs avaient considĂ©rĂ© comme l'icĂŽne d'une bande d'anarchistes. L'Empire se fit chrĂ©tien, le christianisme se fit impĂ©rial. Et comme le disait un millĂ©naire et demi plus tard l'empereur NapolĂ©on, il ne reprĂ©senta plus le mystĂšre de l'incarnation mais le mystĂšre de l'ordre social.
Le thĂšme de la tentation est rĂ©current dans la pensĂ©e religieuse. On peut penser Ă celle de saint Antoine Ă qui le diable fait miroiter bien des plaisirs, ou Ă celle du Christ lui-mĂȘme Ă qui Satan (le Prince de ce Monde) propose tous les royaumes de la terre contre une petite gĂ©nuflexion.
Il est particuliĂšrement riche dans le canon bouddhiste ancien. Assis sous l'arbre de Bodhgaya (un pipal dit-on, qui tient de l'Ă©pisode son nom savant de ficus religiosa), celui qui n'est encore que Siddharta Gautama va, dans les derniers moments de combat spirituel, repousser plusieurs assauts de Mara.
Mara, c'est la Mort et c'est le Malin, c'est l'orgueil et l'illusion (lire ici). Sentant sa proie lui échapper, Mara va séduire d'abord, menacer ensuite : il envoie ses filles lascives et désirables, et puisque cela ne suffit pas, il déchaßne sa violence guerriÚre et symbolique.
Voici les deux scÚnes magnifiquement illustrées par des petites sculptures du Gandhara, un art qui me touche énormément.
En quoi cela nous concerne-t-il ?
ll me semble que ce sont deux choses que peuvent parfaitement comprendre tous ceux qui tentent d'échapper à un ''SystÚme", qu'il s'agisse d'un systÚme de gouvernement, de contrÎle social, de représentation mentale, de production ou de répartition. Ceux qui entendent s'en libérer doivent subir d'abord les séductions de la publicité, du spectacle et du plaisir, voir leur révolte et leur transgression transmuées en objets de consommation. Puis, si cela ne suffit pas, viennent l'intimidation, le contrÎle par la peur intériorisée, le spectacle de la violence. Est-ce que je me fais bien comprendre?
Mais le rĂ©cit du canon bouddhiste ne s'arrĂȘte pas lĂ . Siddharta reste impassible. Il sait que tout cela est une illusion. Alors, il voit se dresser devant lui non pas l'Ennemi, mais sa propre image autrement dit son propre ΔጎΎÏÎ»ÎżÎœ - simulacre, fantĂŽme, idole...
Voici les paroles que le lama Khyentse Rinpoche, consultant de Bertolucci, a mis sur les lĂšvres du Vainqueur, et sur celle de son image (qui parle ici en premier) :
- âYou who go where no one else will dare, will you be my god?â
- âArchitect, finally I have met you. You will not rebuild your house again.â
- âBut I am your house and you live in me.â
- âOh lord of my own ego, you are pure illusion. You do not exist. The Earth is my witness.â
Ces paroles, ce sont d'authentiques paroles du Bouddha, rapportées à la stance 154 du Dhammapada :
" à architecte de l'édifice, je t'ai découvert !
Tu ne rebĂątiras plus l'Ă©difice.
Tes poutres sont toutes brisées."
Voici les mots auxquels je songeais en Ă©crivant l'autre jour au sujet de la "technologie blockchain" et de ses promesses.
La blockchain est un discours, elle ressemble comme un miroir au programme du Bitcoin, elle se dresse face Ă lui au moment mĂȘme oĂč il vient de renverser l'illusion selon laquelle deux ĂȘtres ne peuvent Ă©changer sans qu'un tiers se place entre eux.
Mais ce discours (tenu par des orateurs aux visages multiples) n'a jamais qu'un but. Il s'agit de reconstruire la maison que Satoshi vient de renverser : je suis ta maison, je suis la technologie derriĂšre le bitcoin.
Si l'illusion que nous rencontrons a toujours, d'abord, notre propre visage, c'est parce qu'elle passe par chacun de nous. Que d'entreprises visant, d'une façon ou d'une autre, à re-centraliser ! Que de recherches uniquement tournées vers la création de nouveaux intermédiaires ou la défense des anciens !
Comme il est dur de changer ...
Pour aller plus loin (ou se distraire) :
(article complet sur le Coin-Coin)
AprĂšs lâOrdonnance Macron du 28 avril, lâamendement prĂ©sentĂ© le 13 mai par Madame Laure de La RaudiĂšre, dĂ©putĂ©e de la 3á” circonscription dâEure-et-Loir, est un second Ă©pisode de lâintervention des politiques français dans lâinstitutionnalisation de la « technologie blockchain ».
Mais si la Blockchain (de bitcoin) est une chose clairement identifiable, sans équivoque, la "technologie blockchain" est une catégorie fourre-tout. C'est un peu comme la Joconde (elle est peinte par Léonard et elle est au Louvre). La "technologie Joconde" c'est quoi?
Comment les politiques (français) l'apprĂ©hendent-ils, cette "technologie blockchain"? OĂč l'Ă©tudient-ils? Pourquoi s'en mĂȘlent-ils?
Lire sur le site Le Coin-Coin mon article publiĂ© le 7 juin avant que je n'ai eu connaissance de la rĂ©ponse du Garde des Sceaux M. Jea-Jacques Urvoas, dans un discours du 6 juin. La critique de M. Urvoas vient de l'autre cĂŽtĂ© de la table, mais elle aboutit Ă peu prĂšs au mĂȘme point. Il reste du travail !
Ceux qui lisent mon blog ont manifestement du temps à perdre. Pour leur présenter mes voeux, je vais donc leur infliger une lecture probablement sans valeur, puisqu'ils vont lire ici exactement le contraire de ce que tant de gens instruits et bienveillants leur ont dit depuis des semaines et continuent de leur suggérer.
L'année qui vient de s'achever fut, dit-on partout, l'année de la Blockchain.
En quelques semaines la blockchain, faisant irruption sur la scĂšne du bitcoin, a mĂȘme cessĂ© d'ĂȘtre la rĂ©volution technologique qui se cache derriĂšre le sulfureux bitcoin, mais dont tant d'auteurs malins avaient su dĂ©nicher le vrai potentiel. En fin d'annĂ©e et dans la revue Banque la Blockchain est devenue elle-mĂȘme la pierre philosophale, celle qui fait de l'or, et c'est le bitcoin qui est passĂ© derriĂšre puisqu'il utilise simplement la Blockchain.
On peut aborder la chose avec humour. Le site BitConseil s'était déjà amusé à lister ces entreprises de la fintech qui fuient le mot bitcoin. Le site "Bitcoin.fr", cédant à l'air du temps, a évoqué "Celui dont on ne doit pas prononcer le nom" pour désigner la devise dont la simple mention effraie les directions bancaires, les régulateurs et les services de renseignement.
Quant Ă Patrice Bernard, il explique que le hold-up sur la Blockchain tourne Ă la farce. C'est assez mon sentiment.
Je voudrais donc demander si, sous le buzz futile de la Blockchain, l'année 2015 n'a pas, en réalité, été une (nouvelle) année du bitcoin ?
Certes on a beaucoup parlé Blockchain à partir de 2015. Cela se reflÚte dans les graphiques fournis par Google Trends, qui ne sont d'ailleurs pas des mesures de clic mais des chiffres de part relative dans les recherches...
Mais si on a parlé "beaucoup" de la Blockchain, ce fut seulement dans un tout petit monde (celui des banques et des consultants), si on compare le buzz Blockchain (en bleu) au buzz Bitcoin (en rouge) :
Et il y a plus troublant encore. Mis à bonne échelle, celle de l'année 2015 seule, le bruit croissant de la Blockchain accompagne assez bien, semble-t-il, la hausse... du bitcoin.
Le bitcoin s'inscrit parmi les meilleurs placements de l'année 2015, et, comme l'a remarqué CNBC, il a été la seule devise globale à sur-performer par rapport au dollar. Sur les 5 derniÚres années, il a été la devise qui a connu plus forte appréciation 4 fois sur 5.
Non seulement le bitcoin est, comme je l'ai rappelé en parlant d'Alice de l'autre cÎté du miroir la seule devise réelle dans le cyber-espace, mais il est la vérité de la Blockchain, la Blockchain s'échappant de sa forme grossiÚre de base de donnée dupliquée et rejoignant son concept.
Rassurez-vous, on peut dire la chose en vocabulaire moins hégélien.
C'est ce que faisait une artiste ambulante qui avait chois comme nom de scÚne "La Palma" et qui chantait lors de la crise des années 30, ces années 30 auxquelles nos années actuelles s'évertuent à ressembler furieusement.
En 1931 elle entonnait la Fortune une chanson (paroles de Pierre Alberty, musique d'Alcib Mario) qui reprenait le titre d'un film de Tristan Bernard. La voici, repiquée dans une magnifique compilation dont tous les titres font ma joie.
Depuis que l'monde est monde
Sur la machine ronde
De quoi parle-ton toujours et partout ? des sous !
Le vrai dieu de la terre,
Ce n'est pas un mystĂšre
Celui que tous adorent encore
C'est toujours le Veau d'or
A cet égard, la fameuse "une" de The Economist, en quoi l'on a vu l'accession de la Blockchain au monde des grandes personnes, n'était pas si mal conçue. A vrai dire le dessin semble fait pour illustrer la chanson d'Alberty et Mario !
Le Veau d'or, le vrai dieu de la terre, se moque bien de savoir s'il faut appeler la chose bitcoin ou blockchain. Bitcoin n'a pas de nom, pas de forme. Croire que la blockchain est devant lui, derriÚre lui ou dans les choux c'est s'enliser dans un univers de représentation, dans un théùtre de carton-pùte. Bitcoin est mouvement et liberté.
Que 2016 soit une nouvelle année bitcoin !
Pour aller plus loin :
On me reparle souvent du billet oĂč je comparais le bitcoin Ă un timbre poste. Cette mĂ©taphore m'est revenue Ă l'esprit lors d'une rĂ©cente conversation au sujet des blockchains privĂ©es, me ramenant mentalement en un lieu oĂč j'ai dĂ©jĂ dit avoir rencontrĂ© une prophĂ©tie sur le bitcoin : Ă Guernesey.
L'histoire postale de Guernesey est amusante, mais elle rappelle une évidence oubliée par les potomÚtres de certains projets de Blockchain privées.
Qu'ont donc de particuliĂšres les affaires postales du Bailliwick of Guernsey, ce petit pays oĂč les boĂźtes aux lettres portent bien les initiales du souverain anglais mais sont d'un bleu qui Ă©tonne le britannique en goguette, lequel ignore gĂ©nĂ©ralement que ces boĂźtes bleues sont plus anciennes que ses boites rouges Ă lui ?
Pendant longtemps, rien. Du temps des pĂȘcheurs, avant les banquiers, on se servait ici des timbres anglais.
En 1940, vinrent les Allemands. Il y eut quelques tentatives de leurs parts de surmarquer les timbres mais ce mélange symbolique ne satisfaisait sans doute personne et de tels exemplaires sont rarissimes. Puisque de toutes façons les liens étaient coupés avec le reste du monde, il fallut organiser un service postal local. Il y eut des timbres de guerre, comme il y a parfois des monnaies de guerre. Curieusement, les occupants tolérÚrent l'emblÚme local, les lions normands devenus anglais.
L'ennemi reparti, on revint aux timbres anglais valides pour toutes les ßles britanniques. Toutes ? Non ! On pouvait écrire de Guernsey à Jersey, à Londres, à l'ßle de Man ou à la plus boréales des Shetlands, voire aux deux "dépendances" du bailliage que sont les ßles de Sark et Alderney (Aurigny) mais pas aux ßlots voisins dont la Poste de Sa Majesté se désintéressait. Ceci suscita quelques initiatives locales et folkloriques.
A vrai dire une poste privée avait déjà fonctionné depuis 1925 sur Herm. Ce petit ßlot-jardin de 2,5 km2 ( la plus petite ßle anglo-normande ouverte au public) était un peu désolé aprÚs l'occupation. Un homme le reprit à bail emphytéotique et s'employa à en exploiter le potentiel touristique. En 1949 il ouvrit un petit bureau de poste privé et émit des timbres qui payaient le port des lettres de la soixantaine d'habitants jusque'à Guernesey.
Depuis Guernesey, on pouvait ensuite acheminer ce courrier de Herm vers le vaste monde, mais moyennant un timbre anglais. On trouve encore ainsi des correspondances à double timbrage, figure prophétique, à mes yeux, de la sidechain.
Sur des Ăźlots plus petits, oĂč ne vivaient guĂšre que de riches fantaisistes, on imagina d'en faire autant. Le propriĂ©taire de l'Ăźlot de Jethou (18 hectares, Ă 1 km au sud d'Herm) se lança dans l'Ă©mission philatĂ©lique vers 1960. Pour faire bonne mesure il imprima aussi des timbres pour ses "dĂ©pendances", deux rochers (Fauconnier et Crevichon) qui n'apparaissent guĂšre que sur des cartes maritimes trĂšs prĂ©cises !
En 1967, le propriĂ©taire de Lihou, un Ăźlot encore plus petit (15 hectares) et pratiquement dĂ©sert, de l'autre cĂŽtĂ© de Guernesey, Ă©mit des timbres dont le seul dĂ©bouchĂ© devait ĂȘtre philatĂ©lique, mĂȘme si on trouve des traces de double postage au dĂ©part de Lihou.
En 1969 Guernesey acquit son indépendance postale, comme sa voisine Jersey. De maniÚre significative, si le premier timbre de Jersey représentait un paysage local, à Guernesey on choisit une reproduction de carte montrant les "dépendances" du bailliage, puisque "dépendances" il y avait.
Les émissions de Guernesey sonnÚrent la fin de ces petits trafics et les émissions privées des ßlots cessÚrent.
En revanche il fallut satisfaire la Dame de Sark (car Sark est le seul endroit sur terre à conserver son régime féodal depuis le 16Úme siÚcle) mais aussi l'orgueil d'Aurigny, dont les "Etats" (le nom du parlement local) prétendent à une ancienneté au moins aussi grande. On émit donc des timbres "Guernsey Sark" et "Guernsey Alderney".
LĂ , je penserais plutĂŽt Ă des exemples primitifs de ''colored'' stamps...
On notera tout de suite que Sark avait choisi de faire figurer ses charmants paysages, tandis qu'Aurigny (dont les paysages sont plus tristes) rappelait fiÚrement qu'elle possédait un aéroport.
Des annĂ©es plus tard, Sark n'a toujours qu'un petit bateau pour gagner Guernesey, mais la mention "Gernsey Sark" a disparu et le nom de l'Ăźle ne figure que sur la lĂ©gende des images de certains timbres Ă©mis Ă son intention par la poste de Guernsey, comme celui-ci oĂč figure le petit bateau :
Tandis qu'au nord, un vent d'indépendance souffle sur Alderney. On en a parlé pour le bitcoin un temps, avant de devoir y renoncer, sous la pression de Guernesey d'ailleurs. Mais cela est vrai aussi en matiÚre postale, avec des timbres, certes émis par les autorités postales de Guernesey, mais valables pour le monde entier au départ de la petite ßle. Regardez bien, sur la carte, on y voit trÚs clairement l'aéroport, infrastructure permettant au besoin de de gagner Londres sans passer par Guernesey.
Cette promenade dans la Manche suggÚre quelques comparaisons : une blockchain privée, conçue pour un objet spécifique, c'est le petit bateau, au mieux le petit avion.
Pour crĂ©er une monnaie, il faut avoir une communautĂ©, d'oĂč le bruit que font certaines alt-coins. Mais pour crĂ©er une poste, il faut avoir une infrastructure, la plus large et la plus ouverte possible sur le monde, car ce que vous vendez, finalement, c'est un droit d'accĂšs Ă un rĂ©seau. Evidemment rien n'empĂȘche d'imaginer de puissants consortiums privĂ©s : on en revient Ă mon billet sur la poste des Thurn und Taxis !
Pour aller plus loin :
Evoquant dans mon dernier billet sur le Cercle des Ăchos (de la Blockchain et de l'ancienne sociĂ©tĂ©) lâengouement bruyant des banquiers pour des blockchains fonctionnant sur invitation, jâai osĂ© dans ma conclusion une comparaison avec ce que jâappelais une frivolitĂ© dâancien rĂ©gime : la Cour de France sâamusant Ă jouer Beaumarchais.
Il m'a semblĂ©, en y songeant ensuite, que la comparaison Ă©tait peut-ĂȘtre assez pertinente pour ĂȘtre dĂ©veloppĂ©e. Le lecteur verra quâelle mâemmĂšne vers l'une de mes passions : ce que les choses (un peu) fausses nous rĂ©vĂšlent de vrai ! Quel rapport avec les blockchains privĂ©es? Le lecteur sera bien assez subtil pour y songer par lui-mĂȘme.
Je prĂ©cise tout de suite que je ne visais pas les spectacles donnĂ©s dans le grand OpĂ©ra situĂ© dans le ChĂąteau. Cette salle royale, due Ă lâarchitecte Gabriel, servait Ă jouer les opĂ©ras de Quinault, Lully ou Rameau, bref le grand rĂ©pertoire du siĂšcle du grand roi, lequel nâavait jamais dĂ©daignĂ© lui-mĂȘme de se mettre en scĂšne. Seulement quand Louis XIV dansait, câĂ©tait Ă la place du Soleil.
Les temps avaient changĂ© (câest leur manie, dâailleurs). La jeune Marie-Antoinette nâaimait guĂšre le protocole ancien. Dans son enfance viennoise, elle avait pris plaisir aux petites reprĂ©sentations familiĂšres dont la mode sâĂ©tait installĂ©e en France aussi, dans les gentilhommiĂšres, pour sâamuser un peu entre amis Ă la campagne.
DĂšs quâelle fut reine, elle instaura ce loisir Ă Versailles, dans les entresols du ChĂąteau, puis dans son domaine Ă elle. En avril 1775, elle fit construire dans la galerie du Grand Trianon un thĂ©Ăątre provisoire, puis dĂ©mĂ©nagea les trĂ©teaux vers lâOrangerie du Petit Trianon.
Seulement en changeant dâĂ©poque, et de thĂ©Ăątre, on changea aussi de rĂ©pertoire.
Le 18 juin 1777, la Cour joua le Barbier de SĂ©ville de Beaumarchais, une comĂ©die lointainement inspirĂ©e de lâargument de lâEcole des Femmes de MoliĂšre. Quelques rĂ©pliques sentaient tout de mĂȘme lâesprit nouveau, dont la fameuse Aux vertus qu'on exige dans un domestique, Votre Excellence connaĂźt-elle beaucoup de maĂźtres qui fussent dignes d'ĂȘtre valets ? Une question que se sont posĂ©e bien des jeunes cadres par la suite, et qui sent toujours le soufre et la poudre.
Câest en 1780, que la reine fit enfin construire par l'architecte Richard Mique le « Petit ThĂ©Ăątre » , bĂątiment presque dissimulĂ© entre les charmilles du Jardin français et les hauts arbres de la « Montagne » du Jardin alpin dans le domaine du petit Trianon.
L'extérieur du bùtiment, qui ne peut accueillir que quelques dizaines de personnes a presque l'apparence d'une dépendance.
Un lieu secret, en somme, oĂč lâon Ă©tait admis sur invitation.
On y jouait les auteurs Ă la mode, Sedaine, Rousseau, on y chantait des opĂ©ras entiers, oĂč de lâavis de tous la reine de France, qui avait dĂ©jĂ les plus beaux seins du royaume, rĂ©vĂ©lait une voix qui nâĂ©tait pas moins louĂ©e.
A Vienne, maman Marie-ThĂ©rĂšse sâinquiĂ©tait de ce genre de relĂąchement oĂč de grands seigneurs pouvaient jouer devant des domestiques. Quand elle mourut on interrompit les petites soirĂ©es, un temps, puis on les reprit.
En 1784 et 1785, on rejoua le Barbier, tantĂŽt en comĂ©die, tantĂŽt en opĂ©ra comique. Or son auteur, entre temps, faisait jouer son Mariage de Figaro. Cette seconde piĂšce est beaucoup plus contestataire que la premiĂšre. Le roi lâavait dâabord fait interdire mais on lâapplaudit Ă partir de 1784 Ă Paris. Ainsi, tandis qu'Ă Trianon la reine jouait Rosine et son beau frĂšre Artois Figaro, Ă Paris on remarquait que presque tous les ministres venaient applaudir les tirades rebelles du mĂȘme auteur.
Tout ceci faisait jaser si lâon en croit un tĂ©moin du temps. Autrefois un simple gentilhomme eĂ»t Ă©tĂ© dĂ©shonorĂ©, si l'on eĂ»t su qu'il s'Ă©toit mĂ©tamorphosĂ© en comĂ©dien, mĂȘme Ă lâintĂ©rieur dâune maison. La reine ayant dĂ©truit par son exemple, ce prĂ©jugĂ© salutaire, le chef mĂȘme de la magistrature, oubliant la gravitĂ© de sa place, apprit par cĆur et joua des rĂŽles de bouffons.
Les rĂ©volutions sont-elles prĂ©cĂ©dĂ©es par une perte des repĂšres dans la classe dominante elle-mĂȘme ? Ou par l'apparition de fantasmes Ă son sujet ?
Le Petit ThĂ©Ăątre sous son extĂ©rieur discret, est dâune grande dĂ©licatesse Ă lâintĂ©rieur avec des harmonies de bleu, de blanc et dâor, rappellant lâopĂ©ra de Versailles. Certes la salle est de bois peint en faux marbre blanc veinĂ© et les sculptures dorĂ©es au cuivre sont en carton-pĂąte. Pourtant, peut-ĂȘtre Ă cause du caractĂšre secret du lieu, le bruit se rĂ©pandit quâil Ă©tait dâun incroyable luxe, quâil avait un dĂ©cor de diamants. DĂšs avant la rĂ©volution, la reine dut le faire ouvrir certains dimanches, mais rien nây fit et les bruits persistĂšrent.
Madame Campan, premiÚre femme de chambre de la reine, raconte dans ses Mémoires que Marie-Antoinette, en 1789, fit visiter le petit Trianon aux nouveaux députés qui ne purent croire à la simplicité de cette maison et demandÚrent à visiter les plus petits cabinets, persuadés que la souveraine leur dissimulait les piÚces les plus somptueuses, dont celle aux colonnes torsadées couvertes de diamants. On ne leur montra qu'une toile ornée de verroterie. D'aprÚs Madame Campan, Marie-Antoinette n'en revint pas que l'on ait pu croire à de telles folies, et les députés s'en allÚrent, mécontents, persuadés que la Reine les avait trompés.
Fantasme populaire ? On trouve dans les MĂ©moires de la Baronne dâOberkirch publiĂ©s bien plus tard cette phrase : Le petit thĂ©Ăątre de Trianon est un bijou; il y a une dĂ©coration de diamants dont l'Ă©clat Ă©blouit les yeux. Vrai souvenir ? Petit mensonge pour satisfaire la sottise des lecteurs ? On ne trouve point de factures Ă la hauteur de la lĂ©gende. Il semble bien que la toile vaguement scintillante que lâon montra en 1789 datait du temps de Louis XIV et qu'elle avait Ă©tĂ© rangĂ©e dans le magasin du petit thĂ©Ăątre de la Reine, mais nâaurait mĂȘme jamais servi Ă ses spectacles !
Les vrais diamants Ă©taient sans doute ailleurs : bien authentiques⊠mais offerts, si l'on peut dire, Ă une fausse reine. Alors mĂȘme que Marie-Antoinette jouait pour la derniĂšre fois Rosine en septembre 1785, Ă©clatait lâaffaire la plus incroyable de la fin de l'ancien rĂ©gime, celle dite « du collier de la reine ». Une aventuriĂšre, pour soutirer de lâargent au naĂŻf prince et cardinal de Rohan, lui avait fait acquĂ©rir un collier de diamants pour le remettre en son nom Ă la reine, ce qui Ă©tait dĂ©jĂ compromettant. Pire encore, afin de le mieux berner, elle lui avait fait rencontrer, de nuit et dans un bosquet, une fille sosie de la souveraine qui avait offert une rose au crĂ©dule prĂ©lat. Ainsi, aux faux diamants du dĂ©cor dans lequel une vraie reine sâamusait Ă jouer les soubrettes, rĂ©pondent les vrais diamants payĂ©s par une escroquerie et nĂ©gociĂ©s par des receleurs.
Le "dĂ©cor de diamant" n'a jamais existĂ©. Mais son mythe est bien rĂ©el, et il s'insĂšre dans tant d'intrigues dans lesquelles les masques tournaient comme au petit thĂ©Ăątre de Trianon oĂč la reine jouait la servante devant ses servantes, et oĂč les lignes s'emmĂȘlaient comme au grand thĂ©Ăątre de Paris oĂč les ministres applaudissaient les persifleursâŠ
On sent, Ă de telles brouillages des lignes de conduite, combien ce que jâai appelĂ© des « frivolitĂ©s de fin dâancien rĂ©gime » peuvent Ă la fois rĂ©vĂ©ler et susciter de troubles dans lâopinion.
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