Chacun a compris ici ou sur le site ami bitcoin.fr que je fais partie, quelque part entre 7 et 77 ans (et plus prĂšs de la limite haute) d'une des nombreuses gĂ©nĂ©rations Tintin. Depuis plusieurs jours je mĂ©ditais un nouveau billet avec l'idĂ©e de l'illustrer par de curieux dĂ©tournements de cette Ćuvre immense. Les Ă©vĂ©nements, comme on va le voir, se sont tĂ©lescopĂ©s ce qui m'a paru un signe Ă©tonnant.
De quoi s'agissait-il au début ? Des liens hypertextes, qu'un amendement proposé par deux députés vise ni plus ni moins qu'à interdire.
Depuis quelques jours en effet, ledit amendement a fait enfler un dĂ©bat un peu surrĂ©aliste, tant d'un point de vue juridique puisqu'il s'agit de contourner un arrĂȘt de la CJUE, que d'un point de vue technique puisqu'il s'agit de dĂ©battre de la nature mĂȘme du lien permettant un accĂšs pas forcĂ©ment autorisĂ© - c'est vrai - Ă une Ćuvre protĂ©gĂ©e par la loi mais exposĂ©e par la technique.
Ce projet (qui n'est pas la premiÚre manifestation de compassion politique pour les "ayants droit") a provoqué moins d'effroi que d'hilarité de la part d'une vaste communauté qui considÚre le cyber-espace comme libre à tous égards, et les biens culturels comme ayant un coût/prix marginal nul.
On peut en disputer savamment, mais notons d'abord que ce qui apparaßt comme légal à l'opinion tend à le devenir en bien des domaines. Notons ensuite qu'une loi qu'on ne saurait faire appliquer est une sottise. Toutes les tentatives d'interdire les liens se sont soldées par des échecs, comme le rappelle opportunément Libération...
En matiĂšre de protection bornĂ©e du droit d'auteur, fĂ»t-ce au bĂ©nĂ©fice d'un ayant droit, il y a un mĂštre Ă©talon: c'est l'entreprise Moulinsart. Il lui arrive de pousser le bouchon jusqu'Ă perdre ses procĂšs. Cette entreprise est gĂ©rĂ©e d'une main avide par un monsieur dont le principal titre est d'ĂȘtre le second mari de la seconde femme d'HergĂ© et qui, bien au-delĂ du contrĂŽle des dĂ©cors de mugs ou de T-shirts, prĂ©tend contrĂŽler pratiquement toute la production intellectuelle ou artistique, comique ou savante, sur une Ćuvre qui n'est pas la sienne, quand bien mĂȘme elle lui appartiendrait financiĂšrement.
Parmi ses victimes figura, en 1997, l'humoriste Albert Algoud qui publiait alors un savoureux "Le Dupondt sans peine" pour lequel il se vit purement et simplement interdire la reproduction de la moindre vignette. L'ouvrage n'Ă©tait en rien une attaque contre l'Ćuvre ou la mĂ©moire de HergĂ© et ne portait nul prĂ©judice moral ou commercial Ă Tintin.
Comme on sait, il ne sert Ă rien de contraindre les gens imaginatifs, car cela les rend plus imaginatifs encore. Si Tintin fait rĂȘver, c'est qu'il reste des rĂȘveurs, et que le lien entre lui et ses fans n'est pas commercial.
L'ouvrage fut donc illustré, et bien illustré. D'abord par des dessinateurs amis (ou complices ?) qui réinterprétÚrent les Dupondt en dépit des foudres de leur "propriétaire".
Dupond et Dupont se virent transformés en véritables fétiches. Sans risque puisque ce dessin ne copie pas directement un dessin effectivement signé de Hergé.
Mais au-delà , quand il lui fallait copier et non détourner, Algoud inventa une forme originale de citation: la vignette blanche, ou "case fantÎme", dont l'image (que chacun connaßt déjà et que les vrais amateurs de Tintin peuvent se représenter par la pensée) est absente, mais assortie d'un gentil appel au crime. Comme cela :
Ou en désignant narquoisement l'enquiquineur à la vindicte populaire...
En termes propres, il s'agissait bien de piller, au moins symboliquement. Et tout cela sans que le mot Internet ne soit énoncé. à l'époque il y avait une quarantaine de millions d'ordinateurs connectés. Trois ans plus tard ce nombre avait déjà été multiplié par dix. Il y aurait aujourd'hui plus d'un milliard de sites.
Tintin, Haddock, les Dupondt et Tournesol n'ont donc jamais pu ĂȘtre totalement aliĂ©nĂ©s aux intĂ©rĂȘts financiers de la "famille", malgrĂ© la force de frappe financiĂšre (et donc juridique) qu'on peut lui supposer.
S'il lui arrive de gagner en justice, une simple intimidation suffit le plus souvent. C'est ce qui vient de se produire avec le (dĂ©jĂ culte) Ă©tudiant belge connu comme "Un faux graphiste". Ce tintinophile averti avait ouvert un site de dĂ©tournement de Tintin avec des dizaines de planches extrĂȘmement bien vues, largement reprises sur sa page Facebook.
Je donne ces informations pour que chacun puisse prendre ses prĂ©cautions. Les dessins vont en effet ĂȘtre retirĂ©s suite Ă des menaces de "Moulinsart".
Je cite "Un faux graphiste": Mes détournements de Tintin n'ont jamais généré aucun profit, on s'est juste bien marré pendant un an. Moulinsart veut que je les supprime de la page, et n'ayant aucune ressource financiÚre, je ne compte pas m'engager dans une bataille juridique, sans doute perdue d'avance. Ils seront supprimés dans le courant de la semaine, et ça me fait mal au coeur⊠Ses fans, dont je suis, partagent sa déception. mais la guérilla continue. Je parie un bitcoin qu'on trouvera toutes ses planches en ligne dans un an, dans cinq ans, dans cent ans.
Sur Internet on trouve tout et le pire. Et quant Ă l'honneur de Tintin, bien pire que ce que faisait le malheureux graphiste belge : comment Tintin s'y prend avec les filles (ha ! ha !) et mĂȘme comment Tintin aime Milou.
Tu viens de cliquer sur ce second lien, ami lecteur, et tu es déçu : il ne s'est rien passĂ©. DĂ©sormais La Voie du Bitcoin appliquera la loi : plus de lien hypertexte. Mais tu peux recrĂ©er toi-mĂȘme un "lien Algoud" : copie les mots joliment coloriĂ©s en bleu et colle les dans la barre Google. Cela doit sĂ»rement pouvoir s'automatiser. Il va donc falloir aussi interdire de colorier les mots en bleus. Il serait mĂȘme prudent d'interdire Google s'il ne respecte pas toutes les lois françaises. Le Parlement va aussi Ă©crire Ă Internet Inc. pour faire remplacer l'arobase (@) par le (Ă ) qui est tout de mĂȘme plus français. Il suffira de mettre Ă jour quelques milliards de pages et quelques millions de programmes.
Allez, préparons-nous pour la grande révolution numérique à la française, avec un zeste d'humour belge et un reste de compassion pour les jeunes entrepreneurs, et disons au-revoir à ... Un faux Graphiste.
(copie illégale puisqu'aucun droit n'est reversé à l'étudiant belge, que je félicite pour son fair-play autant que pour son talent! )