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22 - L'or (du temps) des fous

By: Jacques Favier

Qui de nous n'a jamais entendu dire du bitcoin que c'était "un truc de fou" ?  En songeant à cette expression, j'ai décidé de ressortir de mes petits papiers une histoire un peu folle. 

J'ai dit dans un précédent billet pourquoi le bitcoin ne pouvait pas servir de monnaie de siège. Ceci posé, il reste deux hypothèses couramment évoquées: celle de le voir servir en cas d'hyperinflation (j'y reviendrai) et celle de le voir servir de monnaie de nécessité.  

Les monnaies de nécessité sont un champ immense, et il y en a eu de tous les types possibles. J'écrirai un jour sur celles qui furent émises par des "petits pouvoirs" (villes, chambres de commerces...) et sur celles qui jaillirent des usages d'une communauté plus ou moins isolée. Ici je voudrais simplement raconter une histoire un peu folle : celle d'une monnaie de fous.

L'or des fous...l'expression semble se perdre dans la nuit des temps, et peut-être dans l'alchimie, pour désigner ce que les chimistes décrivent comme un dissulfure de fer et que les Anciens nommèrent pyrite (du mot grec pyros qui désigne le feu) car la pyrite produit des étincelles lors des chocs. 

Malgré sa couleur jaune la pyrite se différencie très aisément du métal précieux car elle est plus dure et plus légère que l’or. L'or est malléable, la pyrite est cassante. Elle est plus ou moins altérable à l'air. 
 
Comment prendre cela pour de l'or, voire s'en servir pour payer ?  

Faudrait-il être fou ? Ma petite histoire commence un matin de juillet 1410, dans un village proche de Paris.

Un glaisier qui exploitait entre Passy et Auteuil une carrière d’argile plastique et vendait ses pains de glaise à des faïenciers, sortit de sa carrière en criant des actions de grâces. Le lendemain, il avait disparu. Un mois plus tard, on le revit, revêtu d'un manteau de brocart et de soie. Il se rendit à la petite église d'Auteuil et annonça au curé qu’il revenait de Paris où il avait passé commande au meilleur artiste de la ville d’un tableau représentant une Nativité souterraine. On y verrait la Sainte Famille au fond d'une glaisière, avec l’enfant Jésus éclairé par une lampe à huile. Il annonçait aussi qu'il allait charger un orfèvre de réaliser des vases sacrés en or dont il ferait don, demandant juste que l’on dise des messes pour les pauvres.

Seulement, quand l’orfèvre fit valoir qu’il avait besoin du métal précieux pour faire son travail, le glaisier jeta sur la table un sac de toile rempli de pépites. Elles avaient toute la forme de cubes. Il se fit traiter de fou.

Miné (c'est le mot) par le chagrin ou le dur labeur, le glaisier rendit à Dieu, avant le fin de l'année, son âme candide. Or, quand on allait le porter en terre apparut enfin... le peintre, qui venait livrer son tableau. Personne n’osa lui demander comment il avait été payé. Une fois l’enterrement terminé, il repartit sans dire un mot.

Peu à peu, chacun donnant son opinion, le glaisier et le peintre devinrent des charlatans, des princes... ou des fous ! Pour l'ingénieur Simon Lacordaire, auteur en 1982 d'un livre Histoire secrète du Paris souterrain, ce serait à compter de cet épisode que la pyrite aurait reçu le nom d'or des fous. Le fameux tableau disparut lors d'une reconstruction de la petite église.

Cette anecdote apparemment sans grande portée nous apprend cependant beaucoup de choses.

L'épisode (dont j'ai cherché en vain la source pendant des mois, l'auteur aujourd'hui décédé n'ayant pas mis de note en bas de page) est pour l'essentiel vraisemblable. Les glaisiers de Passy étaient de pauvres hères, pataugeant pieds dans l'eau, menacés de noyades souterraines, dans des galeries tellement humides que le bois y était perdu d'avance et que l'on donnait à ces galeries des dimensions invivables. Tout cela pour de la glaise. Les tenanciers des terrains remblayaient ensuite les fouilles et plantaient à leur emplacement des vignes dont une rue perpétue le souvenir. Et c'est probablement à proximité de cette rue des Vignes que travaillait mon glaisier, sans doute sur une petite exploitation personnelle, sans quoi il eût crié sa joie moins fortement.

Il n'a pu trouver à Passy que des pyrites : elles y abondaient trois siècles plus tard encore sous plusieurs formes, dont celle de cristaux cubiques brillants et inaltérables à l'air. Les a-t-il vraiment prises pour du vrai or ?  Il n'avait jamais vu de l'or que de loin (la dorure d'un ciboire à la grand-messe) et on peut penser que ses cris de joie furent sincères...

Et les autres protagonistes ? La monnaie d'or était réservée aux très gros achats et la plupart des parisiens ne s'en servait jamais ou que très exceptionnellement. Un tailleur de talent, qui œuvrait dans le brocart et la soie, pourrait avoir déjà vu de l'or, en l'espèce un bel écu à la couronne de Charles VI, frappé depuis 1385, pesant environ 4 grammes et valant 22 sols. On conserve les comptes d'un tailleur parisien, Colin de Lormoye, pour les années 1423 à 1444. Ses factures pouvaient, par leurs montant, justifier des paiements en or. 



Certes, depuis un demi-siècle exactement, l'impôt (créé après le désastre de Poitiers pour payer la rançon du roi Jean le Bon) frappait la population et assèchait le marché, dans un royaume qui avait toujours manqué cruellement de métaux précieux. Un tailleur voyait donc surtout des gros d'argent datant des règnes précédents et pesant 3 à 4 grammes d'un métal de moins en moins blanc au fur et à mesure que l'on s'écartait des bons usages du saint roi Louis... Il reste cependant peu probable qu'un tailleur de luxe n'ait jamais vu de vrai or, ne serait-ce qu'en bijoux.

Or, soit il a fait crédit (ce qui était alors extrêmement courant, même dans le commerce de détail - mais évidemment pas pour un gueux de Passy inconnu du bourgeois parisien), soit il s'est fait payer. En pyrites, forcément. Et s'il n'a point protesté, ni avant ni après, est-ce par crainte du ridicule ou parce que d'autres derrière lui ont accepté cette même monnaie

Venons-en au peintre. Nul ne connait son nom, mais les plus grands chefs d'oeuvres de ce temps, fresques ou enluminures, sont souvent le fait de maîtres restés anonymes. Qu'il ait ébahi les pauvres paroissiens d'Auteuil ne nous dit rien de son talent et de ses prix. Et même... Van Gogh ou Modigliani ont bien cédé pour le prix d'un repas des chefs d'oeuvre aujourd'hui inestimables...

Ce qui renvoie à une autre question : combien de pyrites pour un tableau? pour un manteau ? pour un verre de vin ? Un usurier (les Juifs viennent de subir en 1410 une nouvelle mesure d'expulsion) ou un changeur aurait immédiatement réagi comme le fit l'orfèvre. C'est donc que le drapier (l'étoffe était souvent fournie par le client), le tailleur, peut-être le peintre, et à coup sûr le cabaret du coin, ont accepté directement de l'or des fous en gage de paiement, pour ne pas dire  en monnaie...



Cette pyrite pèse un peu plus de 400 grammes et on la trouvait en vente pour 740 euros sur ebay. C'est évidemment moins cher que son poids en vrai or, mais c'est décoratif. Toujours sur ebay, un petit cube de pyrite se vend le prix de deux cafés ou d'un verre de vin. Pourquoi un petit commerçant de 1410 n'aurait-il pas accepté une pyrite à la place d'un guenar (mot breton pour dire blanc) de mauvais argent alourdi de plomb, de deniers tournois ou parisis de moins d'un gramme d'un douteux billon, de menues monnaies noires ou de demi-deniers, nommés maille et qui au demeurant faisaient souvent défaut, leur frappe étant peu avantageuse pour le roi ?

Après tout, malgré la suppression progressive des monnayages féodaux, des dizaines de pièces de menue monnaie diverses circulaient pour les petits paiements, non sans d'incessantes disputes : certaines ont assez dégénéré pour que l'on en ait conservé la trace ! Le royaume connaît alors à la fois le bimétallisme (qui permet toutes les spéculations) et la relative pénurie de métaux. Parfois on paye directement avec des petits bouts d'argent non monétaire, du fretin. Inversement, le chroniqueur connu comme le " Bourgeois de Paris" emploie le mot monnaie dans un sens bien large, en y incluant des médailles diverses.

Seul donc l'orfèvre qui, par définition, ne travaillait que pour les riches a envoyé au diable le pauvre fou et son or trouvé dans la glaise. 


Ceci nous conduit au contexte de l'histoire.

Restons un instant chez l'orfèvre. Il connaît l'or, le vrai, car il en voit beaucoup. Trop au goût du pouvoir royal, car le goût luxueux du temps conduit à une débauche d'orfèvrerie qui assèche l'indispensable circulation des métaux précieux qui sont alors la seule monnaie concevable. Les changeurs parisiens s'en plaignent justement en février 1409 au maître des Monnaies, citant nommément les princes et leurs commandes fastueuses. Le glaisier ne raisonne d'ailleurs pas différemment des princes : l'or est fait pour l'orfèvrerie.



Tiens donc : un secteur du luxe (des puissants) qui prospère dans un contexte de crise économique et d'impécuniosité de l'État...cela rend soudain l'épisode plus proche de nous. En outre, depuis un demi-siècle l'impôt (dont on mesure mal le poids réel) pèse sur un pays successivement affaibli par la peste puis la guerre et empêche toute reprise de l'activité. La population baisse, la consommation aussi. Dans un temps qui n'a rien à voir, évidemment, avec le nôtre, il faut comprendre que la rareté du numéraire, jointe à une politique de monnaie forte ( en or, malgré une petite dévaluation en 1385 ) au service des possédants induisent un climat de dépression. Voici la situation économique dans laquelle s'inscrit notre minuscule histoire. 

Faute de grive on mange des merles, et faute d'or on pourrait bien avoir (durant quelques heures) payé en pyrite. Cela paraît fou, mais c'est l'époque, tout autant que la populace de Passy, qui est folle.

Cette année 1410 marque le début de la guerre civile qui couve encore en juillet. Trois ans plus tôt, sur ordre du duc de Bourgogne, cousin du roi, des hommes de main avaient assassiné le duc d'Orleans, frère du roi. Un assassinat politique dans la descendance de saint Louis ! Après diverses tentatives de "réconciliation", le conflit éclate en 1410 entre le camp des Bourguignons, et celui des Armagnacs, du nom d'un parent de la victime. Ce sera une guerre civile particulièrement dure, envenimée par le jeu des Anglais. Dès l'été 1410 des bandes de soldats pillent et font régner la terreur autour de Paris, enchérissent farine et pain, retardent les vendanges. Un chroniqueur qui était religieux à Saint-Denys, ne manque pas de rappeler les mots de l'Evangile : tout royaume divisé contre lui-même sera désolé.

Y a-t-il plus fou qu'un royaume coupé en deux ? Oui : une chrétienté coupée en deux, depuis 1378, entre le pape qui siège en Avignon avec l'évident appui du roi de France et celui de Rome, qui soutient et que soutient évidemment l'Anglais. En 1409 les efforts du concile de Pise pour résoudre le schisme n'ont abouti qu'à l'élection d'un troisième pape...

Enfin il y a plus fou encore: le malheureux roi, Charles VI le Bien-Aimé subit, depuis 1392 des crises graves et répétées de prostration démente. En 1410 la chose est de notoriété publique. Son calvaire accompagnera la descente aux enfers de tout un pays trahi, vaincu à Azincourt en 1415, vendu à l'Anglais en 1421.
Je m'arrête là : une France sans consensus fort autour d'un pouvoir crédible, largement vendue à des intérêts étrangers et sans inscription irréfutable au niveau de la seule organisation supranationale d'alors... Le lecteur poursuivra pour son compte le parallèle, si cela le tente ! 
 
L'or des fous refera souvent parler de lui dans l'histoire, décevant les mineurs naïfs et inspirant les poètes. Il fallut cependant une époque incertaine et inquiète pour qu'il soit, ne serait-ce qu'un jour, accepté en lieu et place de la monnaie du roi fou. 
 
Une génération plus tard, dans une France mise à genoux, on verra des marchands accepter sciemment de la fausse monnaie...
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20 - Monnaie de siège

By: Jacques Favier

Dans la littérature concernant le bitcoin, il y a déjà de nombreuses publications annonçant le possible recours à cette monnaie sans Etat par des peuples défaillants, assiégés, ou dans une situation de ce type. M. Varoufákis lui même n'est pas resté étranger à ce sujet. Peut-être par jeu plus que par conviction.

après l'euro

Il n'est certes pas anormal, en passant en revue les solutions possibles, d'examiner si une devise radicalement nouvelle (le bitcoin en l'occurrence) ne pourrait pas servir de roue de secours, voire créer la divine surprise en cas de Grexit, ce mot qui est désormais sur toutes les lèvres ! Mais de la même façon on a pu lire que le bitcoin sert de monnaie de siège aux séparatistes russophone de l'Ukraine.

Que la guerre soit économique et financière comme dans cette Union Européenne dont on nous a tant vanté l'effet pacifique, ou bien qu'elle se fasse à coup de canons à ses marges déstabilisées à dessein... le bitcoin apparaît systématiquement comme une possible « monnaie de siège ». La Grèce n'est-elle pas d'une certaine façon "assiégée" par ses créanciers? Menacée d'un cordon sanitaire? du contrôle des changes à ses frontières?

Pourtant les derniers développements de la situation grecque indiquent bien plutôt la possibilité d'un retour à la drachme, sous quelque nom qu'on la dissimule. Ce serait l'option suggérée par M. Schaeuble.

Le bitcoin est certainement utilisé en Grèce. À fin d'évasion ou d'enfouissement, les deux soucis majeurs en cas de siège. Mais rien n'indique qu'il s'y développe particulièrement comme moyen d'échange, moins encore comme étalon des transactions, et l'option d'un recours officiel au bitcoin en cas de "sortie de l'euro" n'est plus évoquée. C'est peut-être par crainte de la nouveauté. Cependant l'examen d'expériences monétaires passées permet de mieux cerner les raisons de cet état de fait.

Qu'est-ce au juste qu'une monnaie de siège ?

En 1521 les troupes françaises assiégées par celles de Charles-Quint battront une très éphémère monnaie portant au revers la légende explicite: moneta in obsidione tornacensi cusa, monnaie frappée durant le siège de Tournai.

Tournai 1521

Leyde 1574Ce serait au siège de Leyde par les Espagnols (en 1574) qu'aurait été imprimée la première monnaie de siège, sur du papier arraché aux livres de messe parce que tout le cuir avait déjà été bouilli et mangé. Le débat fait évidemment rage parmi les experts pour savoir si de tels ersatz sont encore des pièces ou déjà des billets. Ce n'est pas cela que je veux examiner.

Concentrons nous ici non sur la nature mais sur la circonstance de leur émission. L'impression des premiers billets, prudemment par la banque d'Angleterre, imprudemment par la Révolution française fut un acte de politique monétaire. La frappe de piécettes ou l'impression en catastrophe de billets dans une ville assiégée est un acte d'administration (militaire ou civile, en cas de guerre la différence est mince). Les numismates ont conservé l'appellation de monnaie « obsidionale » pour désigner ces émissions contraintes, fruits d'une nécessité soudaine et indépendante d'une volonté ou d'une politique monétaire.

Si l'on a de la vaisselle d'argent, comme ce fut le cas durant certains sièges de la première révolution anglaise (vers 1650) on frappe des pièces d'argent. C'est plutôt rare. En 1708 , lors du siège soutenu contre les Alliés, le maréchal de Bouffiers fit frapper à Lille de modestes pièces de cuivre, valant 5, 10 et 20 sols. Une noble devise, pour la défense de la ville et de la Patrie, sauvait les apparences avec un peu de latin.

Pour la défense de la ville et de la patrie

Comme disait ma grand-mère,"à la guerre come à la guerre"... Faute d'argent, les troupes françaises assiégées dans Anvers en 1814 frappèrent du bronze, du cuivre, du plomb et même du laiton.

Il ne faut pas s'attacher à sa matérialité, mais d'abord noter que la monnaie de siège reste une monnaie d'Etat ou du moins une monnaie autoritaire.

La guerre, continuation de la politique selon Clausewitz, est une situation politique dans laquelle il n'y a pas défaut d'Etat, mais pourrait-on dire, trop-plein d'Etat. D'où le détail comique sur la monnaie d'Anvers en 1814 : les premières furent frappées à l'avers du N impérial, les dernières, après l'abdication à Fontainebleau, du monogramme de Louis XVIII. On ne toucha pas au revers...

Anvers 1814

Les armées sont en effet rarement privées et apolitiques. Elles sont le bras d'un Etat né, à naître, ou mourant, conquérant ou conquis. Pas une expression de la société civile. Une population assiégée mais démunie d'Etat hisse le drapeau blanc et vient à merci, comme firent les bourgeois de Calais en 1346, en chemise et la corde au cou. Elle ne fabrique pas de la monnaie.

Et si elle en fabrique, c'est qu'elle est animée d'une volonté politique. C'est ce que l'on vit au moment de la Commune de Paris. Avec une partie de l'argenterie impériale saisie aux Tuileries, l'atelier monétaire dirigée par Camélinat frappa des bonnes pièces de 5 francs d'argent, ornées de la figure dite "Hercule" qui avait servi une génération plus tôt pour la Deuxième République. On les reconnaît à la date, bien sûr, à la qualité assez médiocre, et au "différent" de Camelinat, le petit trident à côté du A qui indique une frappe parisienne.

Paris 1871

La monnaie de siège, malgré les circonstances difficiles de sa naissance, reste donc une monnaie "autoritaire". Elle arbore des symboles d'Etat, régaliens ou patriotiques, qui ne sont pas là pour "faire joli".

Il est toujours implicite que l'Etat va revenir, que le projet politique perdure, non qu'il va être aboli ou subverti.

Wignehies 1914

Ce billet d'une petite ville du Nord, occupée par les Allemands entre 1914 et 1918, porte bien mention d'une décision officielle (celle du Conseil Municipal) et d'un cours forcé (dans le canton). Mais il fait clairement mention de la "République française" comme entité symbolique garante. La monnaie de siège a vocation à être remboursée en monnaie de paix.

Le bitcoin peut selon moi difficilement être une monnaie de siège pour les Grecs, en raison de sa nature profondément non-régalienne et non autoritaire. Et c'est M. Varoufákis lui-même qui le dit.

création monétaireDans son article du 22 avril 2013 (voir liens ci-dessous) il évoquait la "dangereuse fantaisie d'une monnaie apolitique" : non pas parce que trop libertarienne, mais parce que trop construite pour être un or digital et par conséquent déflationniste, autrement dit suspecte de ne pouvoir accompagner le financement d'une grande économie de marché moderne. Or pour Varoufákis la création de monnaie, politiquement dirigée, reste un outil impératif.

Sans entrer dans le débat, on notera que le raisonnement est un peu conduit sinon « par l'absurde »", du moins « par l'excès » : Imagine a world that has shifted entirely to bitcoin..... Qui parle de cela? Ce ne sont ceux qui soulignent les faiblesses conceptuelles d'une monnaie unique européenne, qui vont raisonner comme si le recours au bitcoin devait être général et exclusif !

varoufakisLe 15 février 2014, M. Varoufákis publiait sur son blog un nouveau billet consacré au bitcoin. Le risque de déflation y était nettement relativisé mais la critique essentielle était répétée : Bitcoin is a hard-core version of the Gold Standard. Sans débattre ce point, on conviendra qu'un état de siège n'est guère historiquement une situation de rétablissement de l'étalon-or. Mais M. Varoufákis enfonçait le clou : du point de vue grec, le bitcoin a le défaut de l'or mais aussi celui de l'euro. Il ne lui offre pas de prise pour un guidage politique sur le terrain national.

C'est dans le même article qu'il mettait cependant au clair l'hypothèse d'un "coin" assis sur ... les futures taxes. Ce FT-Coin, dont on a reparlé épisodiquement, n'est à mon avis qu'un assignat cryptographique. On voit mal l'incentive qui ferait fonctionner la blockchain. On voit mal aussi le facteur politique qui soutiendrait le cours de cet assignat mieux qu'en 1791.

un assignat grec?

L'annonce d'une adoption soudaine du bitcoin par la Grèce se révéla ensuite n'être ... qu'un un poisson d'avril. Le Coin Telegraph annonça le 1er avril 2015 que la Grèce adoptait le bitcoin. Il ne fut d'ailleurs pas le seul à faire ce gag à deux satoshis, d'autant plus crédible que maints patrons de start-up en mal de pub avaient, depuis des semaines, vanté chacun sa solution de monnaie complémentaire ou cryptographique comme étant le remède miracle pour sauver la Grèce. Une obsession décidément planétaire.

Les propos du ministre allemand auront au moins un effet : rappeler l'opportunité de possibles co-existences monétaires. Certes M. Scheuble pense à une coexistence euro/ néodrachme, bref papier fort / papier faible. Mais d'autres songent à une co-existence papier / crypto. M. Vences Casares, patron de Xapo le dit assez clairement : aucun gouvernement ne choisira le bitcoin, monnaie non inflationniste. Bitcoin is not a currency for a government; it is a global currency for the people. Bitcoin n'est pas pour un territoire donné ou circonscrit (voir la conclusion de mon billet 19) mais pour un Internet global et sans frontière.

poisson d'avril du CT

Pour aller plus loin (en anglais) :



Sur Varoufákis

Sur l'hypothèse du bitcoin en Grèce

et bien sûr :

Sur d'autres situations où le bitcoin est évoqué

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9 - Monnaie pour rire, pour jouer ou pour changer ?

By: Jacques Favier

 

Attention, je ne vais pas parler ici du poker, mais plutôt du Carnaval !



Un bon nombre d'entrepreneurs qui s'intéressent aujourd'hui au bitcoin proviennent du gaming. Et certains du poker. Il y a d'innombrables raisons à cela. Il entre, dans beaucoup de jeux, un plaisir évident de gagner de la véritable monnaie en dehors des cadres légaux, voire illégalement - ce qui crée des lieux et des cercles secrets. À défaut, jouer permet de subvertir les hiérarchies sociales en brassant des richesses illusoires: c'est le cas de ces jeux que l'on désigne joliment en français comme les  jeux de société.

Autour d'un tapis ou d'un plateau (Board games en anglais..) et dans un code précis on compte en points, on paye en jeton et on accumule fièrement les piles de ceux -ci sur les rebords de la table. Les trois fonctions sont là. Mais l'argent de Monopoly perd sa valeur quand la partie s'achève, comme l'or du diable lorsque cesse le sortilège. C'est une monnaie pour un temps autant que pour une fonction


Dans la vie de nos ancêtres, on peut repérer plusieurs périodes hors du temps, c'est à dire hors de la norme sociale et politique : la peste, le siège, le carnaval. 

Je n'ai pas trouvé d'exemple de monnaie de peste. Il y a de nombreux exemples de monnaies dites obsidionales sur lesquels je reviendrai, désirant ici évoquer les curieuses monnaies de carnaval, dont l'usage a survécu, mais encadré officiellement, dans des anciennes colonies de tradition française, à la Nouvelle Orléans (en haut) ou au Quebec, ci-dessous.



L'émission, durant une assez longue période (en gros jusqu'aux guerres de Religion, qui mirent fin à ce genre de tolérance) de monnaies spéciales lors des Fêtes des Fous, pose de très nombreuses questions aux historiens.

La fête elle-même est équivoque: le roi des fous n'est pas un fou du roi, mais est-il plus roi ou plus fou ? Quand on frappe une monnaie à son effigie, s'agit-il d'une dérision de la monnaie, ou d'une monnaie quand même ?  Si l'argent des fous peut payer un beignet durant la fête, le peut-il encore le lendemain ? ou l'année suivante ?


Si la loi du roi interdit certains jeux d'argent, ceux-ci deviennent-ils, pendant la fête, licite avec une monnaie de fête ? C'est ce qui se passait chez les romains, lors des saturnales...


Si les rois marquent leurs entrées dans leurs bonnes villes, et les nouveaux évêques dans leur cathédrale en jetant au bon peuple quelque menue piécette, roi des fous ou évêques des innocents doivent-ils de même jeter leurs piécettes à la foule ? Finalement, qui paye ?


La monnaie des fous était le plus souvent de plomb. Ce métal facile à modeler mais vil n'était jamais employé par les ateliers officiels - sauf en temps de siège - mais seulement par les faussaires, personnes peu recommandables dont le crime méritait un châtiment exceptionnel : être bouillis vifs.

Or les effigies que l'on retrouve sur les monnaies de fous qui nous sont parvenues ressemblent parfois à celles des monnayages royaux ou officiels, de même que leurs légendes et devises.Les rois des fous, évêques des Innocents ou papes des sots faisaient en effet graver sur leurs monnaies leurs noms, des armoiries réelles ou supposées, la date de leur élection et parfois aussi des rébus ( j'y reviendrai) destinés à un peuple largement analphabète.

Au total leur monnaie ressemblait donc moins à la vraie (celle du roi) qu'à la fausse. Sans leur valoir le chaudron !


C'est en tout cas ce que l'on peut extrapoler de la principale découverte, faite à Amiens au début du 19 ème siècle, et qui a donné lieu à une première étude très complète par Marcel Rigollot en 1837 et à une seconde publication par Alfred Demailly en 1910, dans le Bulletin de la Société des Antiquaires de Picardie.
 

L'historiographie ancienne a longtemps fantasmé sur ce qui pouvait se passer durant la fête des fous, privilégiant dans les sources les dénonciations par des clercs (Gerson, en Sorbonne, au début du 15 ème siècle) des excès de ces fêtes, présentées du coup comme potaches et contestataires, voire populaires, débauchées et païennes.

Mais les historiens plus récents (Max Harris, Sacred  Folly, a new history of the feast of the Fools, 2011) insistent davantage sur la participation de membres de l'institution ecclesiastique elle-même. Il semble bien que certains (évêques, abbés) finançaient au besoin la fête, la canalisaient aussi.

Une pièce ou méreau de la fête des fous d'Amiens en 1572 serait de nature, par sa qualité numismatique (et l'usage du cuivre plus onéreux que le plomb) à soutenir cette idée.



Voilà bien le type de débat qu'auront un jour les historiens sur l'attitude de l'institution vis à vis du bitcoin : condamnation? mise en garde? participation de banquiers d'affaires? régulation? Dialogue ? 

Depuis des mois ne manquent pas les condamnations du bicoin, monnaie excitante pour les uns, dangereuse pour les autres car libre (comme on disait jadis avoir des moeurs libres). Pourtant, dans le même monde, certains se disent apparemment qu'il vaut mieux garder un oeil sur la chose. 

Voir ainsi Jacques Attali, qui n'est pas typiquement un marginal ni une personnalité de l'underground, sollicité par les promoteurs français du bitcoin comme guest star de la Conférence EuroBitcoin qui devait se tenir le 8 octobre laisse un peu perplexe. Jacques Attali a annoncé le futur depuis 40 ans, mais, comme Jules Verne qui n'avait pas vu l'ordinateur, il ne semble pas avoir vu venir le bitcoin. Nul ne songerait à lui en faire grief ; mais il est permis de penser qu'il appartient à un monde et à l'élite d'un monde où le besoin et le désir de relations peer to peer sont bien faibles. 

Le thème de son introduction, telle qu'elle était annoncée, était la monnaie peut elle être libre ? Gageons que geeks, développeurs, banquiers d'affaires et pontes de la finance ne mettent pas la même chose sous ce mot. Quant à Madame Parisot, également annoncée pour cette conférence (reportée) on sait ce qu'elle entend par liberté.

Mon sentiment est que pour imaginer toutes les potentialités d'une disruption majeure comme le bitcoin, il y a intérêt à regarder dans toutes les directions. Je pense que les monnaies crypto ont sans doute quelque chose à voir avec les innombrables "monnaies locales complémentaires", même si les tenants de celles-ci se méfient de celles-là (voir mon billet n°4).


Mais peut-être y a-t-il aussi quelque chose à apprendre du côté des pièces et billets de fête, dont on parle moins. Les monnaies pour rire n'ont jamais disparu. Ce sont des petits objets dont la valeur numismatique est faible, malgré des tirages souvent confidentiels En voici un du pays venu d'un pays où, a priori, n ne rigole pas avec l'argent, la suisse (Bâle en 1914).


Une constante : la coexistence de modèles qui singent la monnaie officielle et de modèles largement plus subversifs, comme celui du carnaval de Rennes, en 2014.


 


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4 - du côté du problème ou du côté de la solution?

By: Jacques Favier


Sur le site de référence en France concernant les Monnaies Locales Complémentaires (MLC) l’auteur Philippe Derudder a publié en juin une analyse critique Le Bitcoin, du côté du problème, pas de la solution.


Je dois commencer en disant que j’ai suivi depuis longtemps et avec intérêt les publications de Philippe Derudder. Pourquoi ? Parce que cela fait un certain temps que je suis convaincu de l’opportunité que des circulations monétaires ciblées offriraient en théorie à des communautés locales ou affinitaires.




derudder


En 2007, je m’étais ainsi rapproché de la Coopérative de Finances Solidaires de la Nef, cette Société Financière qui aspirait depuis longtemps et aspire encore à se transformer en banque, mais n’offrait et n’offre toujours à ses 30.000 coopérateurs que des produits co-brandés avec le Crédit Coopératif (vraie banque et vrai concurrent) ou des livrets dignes des années d’après-guerre. Je leur proposais alors (en vain) de réfléchir à ce que les nouveaux moyens de paiement (à l’époque essentiellement le RFID) pouvaient offrir tant comme moyen de sauter l’étape du chèque, que d’apporter une aide précieuse aux MLC dont la Nef est un sponsor quasi officiel en France.


La présentation par Derudder du bitcoin est d’un grand classicisme. Elle est aussi d’un grand conformisme. On ne possède physiquement l’euro pas davantage que le bitcoin : si on perd le billet il est perdu, si on perd son numéro de compte on a des problèmes, si la banque saute… etc. Les livres de compte sont gérés ailleurs et différemment, mais l’euro n’est pas une pépite.


Je n’épiloguerai pas sur le faible intérêt qu’il y a de rappeler l’absence de banque centrale pour émettre et gérer le bitcoin. Il aurait été plus amusant de souligner que, comme l’euro cette fois, le bitcoin n’a pas non plus de gouvernement pour le soutenir (dans tous les sens que l’on voudra donner au mot soutenir) : l’état américain (dont l’extravagante puissance militaire ne peut être omise quand on fait l’inventaire des caractéristiques du dollar) vient de rappeler que toute transaction en dollar est passible de Sa Justice. Les nains châtrés européens ont baissé le regard devant l’ogre et l’affaire ne profite qu’au yuan. L’euro, en dépit des pompeuses promesses de 1992 à 2002 n’a jamais été qu’une monnaie de petits vieux.


aristoteMais puisque Derudder est platement aristotélicien quand il en vient à considérer comme purement virtuel un protocole d’échange d’informations répondant à une logique mathématique située dans le ciel des Idées, pourquoi ne saisit-il pas ce qui, dans le bitcoin, répond si directement à ce que dit l’auteur de l’Ethique à Nicomaque (V,9) : c'est le besoin que nous avons les uns des autres qui, dans la réalité, est le lien commun de la société qu'il maintient. S’il a bien vu que le bitcoin, à l’origine, s’obtenait en échange d’une partie de la puissance de calcul d’un ordinateur, il croit que c’est au service de la résolution de sortes d’équations (soudain suffisamment existantes pour avoir des serviteurs) quand on pourrait tout aussi bien écrire au service de la communauté qui a adopté ce moyen d’échange.


Reprenons Aristote là où nous l’avons interrompu : Si les hommes n'avaient point de besoins, ou s'ils n'avaient pas des besoins semblables, il n'y aurait pas d'échange entre eux, ou du moins, l'échange ne serait pas le même.


C’est du côté de l’échange que le bitcoin blesse Derudder.


Sa rareté (relative) lui apparaît suspecte, quand les supporters des MLC ne manquent pourtant jamais d’annoncer ou de suggérer que le système fondé sur le dollar à gogo finira par s’effondrer. La plupart des MLC ont des masses monétaires tenant dans un tiroir d’épicier.


La critique pourtant ne serait pas impertinente en soi. Il reste qu’une monnaie abondante comme le sont, surtout depuis 2008, le dollar et l’euro, peut être suffisamment mal répartie pour nourrir des bulles au lieu de nourrir des enfants. Aujourd’hui le problème est bien davantage dans l’allocation et la circulation de la monnaie que dans sa masse totale.


Que le bitcoin ait connu de fortes variations (comme au demeurant l’or, l’argent ou d’autres commodities depuis 1945) n’implique pas que son utilité soit uniquement spéculative. Au vrai, ce reproche est surtout formulé doctement par ceux qui, ayant bien levé les yeux au ciel en marmonnant le nom de Ponzi en 2011 ou 2012, ont regretté en 2013 d’avoir été si peu spéculatifs intellectuellement.


Le bitcoin sert, et continuera de servir, à deux usages réels. Le premier qui restera sans doute second, est de payer : on peut manger dans la plupart des capitales développées avec du bitcoin sur son wallet. Certes le choix est encore imité (je recommande chaudement le 43 sur la Butte aux Cailles) mais il s’étoffe. A Genève on peut même aller aux filles (comme a cru devoir me l’indiquer un anonyme qui avait lu un peu vite mon billet consacré aux monnaies des maisons closes). Cet exemple mis naturellement à part, payer en bitcoin est aujourd’hui un bon moyen de créer du lien, et avec son petit côté complot-techno, il peut s’inscrire sans trop d’effort comme un objet transitionnel de Winnicot. Il est probable que Derruder juge ici la chose de l’extérieur.


L’autre usage du bitcoin, essentiel, c’est l’envoi d’argent. Il a même été conçu, me semble-t-il, fondamentalement autour de cette problématique, dans cette intention.


Quand Derudder dit que c’est l’intention qui compte, il fait sourire. Le problème des bonnes intentions, c’est que le paradis de la finance alternative ou éthique en est pavé. Il y a loin des intentions affichées par celle-ci dans ses chartes à ses pratiques dans l’économie réellement existante. Parlons donc en termes d’efficacité : avec un billet papier d’une MLC dans une ville de quelques milliers d’habitants on peut manger dans un restaurant de cette ville. J’attends que les MLC communiquent clairement (dans la pétition de transparence qui est celle de toute la finance éthique) non seulement sur les masses de ces monnaies mais sur leur circulation. Ce que chacun peut savoir minute par minute sur le bitcoin et mesurer les gros blocs (sans doute spéculatifs) et les micro-paiements (cafés payés en bitcoins, petits transferts).


Je trouve donc bien tranchant le jugement de conclusion qui ne reconnaît aucunement le potentiel de transformation socio-économique des MLC au bitcoin.


D’abord parce qu’il appartient à chacun de penser plus important de faciliter les échanges entre bobos et bios à Aubagne ou à Villefranche ou les virements de millions de travailleurs expatriés sur lesquels Western Union (82 milliards de dollars de transfert en 2013) se sert assez grassement (5,5 milliards de CA prélevé soit en moyenne 6,7% de frais, et beaucoup plus, bien sûr, sur les petits montants,) pour s’offrir d’obscènes campagnes de publicité ensuite. On lira à ce sujet un article déjà un peu ancien, mais seuls les profits ont changé depuis 2006.


Wester Union

Ensuite parce que le bitcoin est aussi une révolution mentale. C’est un bien commun de l’humanité. Certes il faut le miner (comme l’or) mais on peut aussi ouvrir sa mine. Il existe plus de 200 crypto-monnaies. Pourquoi parler de rareté ?


monnaie localeSi le bitcoin vous déplait, creusez une autre mine. Certaines, comme le Reddcoin affichent au demeurant des visées et des intentions sociales. Plutôt qu’une énième collection de billets de Monopoly pour jouer à la marchande sur les foires bios, en collant des gommettes au dos des billets pour réinventer l’inflation, tandis que la contrepartie en euros git douillettement sur un compte de la Nef ou du Crédit Coopératif (où vous n’avez pas la moindre idée de ce qu’il devient vraiment) regardez un peu ce que les évolutions technologiques (et mathématiques !) vous offrent.


Les inventions techniques sont brevetables : faut-il rappeler que Western Union est issue de l’invention du Morse ? Cependant les MLC pourraient quand même sortir du papier et voir ce que des plateformes de transfert un peu ouvertes (possibilité de transferts entre pays banques et devises différentes) pourraient leur offrir comme opportunités. Il est un peu pathétique de voir que les MLC en sont tout juste à patiner dans la montée pourtant bien balisée des cartes de paiement en plastique (le NU de Rotterdam semble avoir disparu comme le SOL) et que la Nef annonce des chéquiers pour fin 2015.


Quant aux inventions mathématiques elles ne sont pas purement virtuelles comme Derruder le pense, mais elles sont non brevetables. Rien qu’en cela, il y a un potentiel de transformation.


Le bitcoin n’est certes pas « la solution », mais il n’est en rien « du côté du problème ». Certes ceux qui travaillent autour du bitcoin veulent gagner de l’argent : les gérants de Biocoop aussi ; le bitcoin monte en euro, mais c’est peut-être que l’euro (et donc les MLC qui ont un lien fixe à l’euro…) baissent, et les raisons de le penser ne manqueraient pas.


Dire que la valeur de la monnaie qui monte n’est appuyée sur aucune richesse réelle, c’est soit admettre qu’il n’existe de richesse réelle concevable pour garantir une monnaie qu’une encaisse dans une autre monnaie (revenons donc à l’or) ou une circulation de dettes (double problème : les MLC non plus ne permettent pas le crédit, en l’état, et les dettes en euros ou dollars ont aujourd’hui une valeur bien incertaine) soit enfin, et surtout, compter pour rien la richesse de la communauté créée par l’échange. C’est un jugement de physiocrate.


Retournons une dernière fois vers Aristote : la monnaie n'existe pas dans la nature. Elle n'existe que par (selon) la Loi. Il ne tient qu'à nous de la changer et de la rendre inutile si nous le voulons.


Keynes, qui ne souhaitait pas le retour à une « richesse réelle » concluait qu’on n'a jamais parlé de si bon sens -avant ou après.


De ce que la monnaie n’est pas forcément l’or, on en est venu en quelques décennies à conclure que c’était forcément la dette. Money is what money does. La monnaie c’est l’échange, même au comptant. La valeur n'est ni dans le billet de banque (euro ou MLC) , ni même dans la pièce d'or, elle est dans la communauté qui accepte et garantit cet échange.

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3 -Monnaie crypto, monnaie porno?

By: Jacques Favier


Nous avons déjà évoqué le parfum de soufre du bitcoin en traitant de l'usage de la monnaie dans les choses sacrées, qui suscitait bien des questions. Comme ont dû le faire certains Romains, sortons du temple et dirigeons-nous vers le lupanar, puisque les industries du vice ne sont pas les dernières à lorgner vers les monnaies cryptographiques. Le site de l'une d'entre elles, le Redcoin annonce : porn, gambling and everything naughty. Une monnaie pour le vice ? Depuis l'antiquité, les bordels ont battu monnaie...

Est-ce par respect pour César ou par précaution que l'on y inventa une monnaie affectée, comme nous dirions aujourd'hui ? En tout cas, si le premier bordel semble avoir été athénien (et bon marché) les premiers jetons de maisons closes datent de l'époque romaine. On les appelle tessères spintriennes ou spintriae d'un mot latin désignant la débauche.

Le mot tessera désignait en général un jeton et il en existait de toutes sortes. Dans la ville qui garantissait au petit peuple du pain et des jeux, on distribuait en fait des tesserae de matières et de motifs divers, donnant droit à une entrée dans le Cirque ou à une ration de froment. Je ne dis pas que l'on ait distribué des bons pour une passe, mais l'usage du jeton pour entrer quelque part était bien établi. Effectivement, autant ne pas mettre la figure de César sur cela, même si on se souvient que l'empereur Vespasien se moquait bien de voir sa monnaie transiter par les latrines ! Je reviendrai un autre jour sur les tessères et autres jetons d'usage.


spintria en verre Ce jeton en pate de verre dont la réalisation est par ailleurs d'une grande qualité était sans aucun doute en usage dans un établissement huppé.

Notons que l'on n'a pas tenté de donner à la tessère une figure trop proche de la monnaie.

Plus grossières sont les spintriae de plomb que l'on retrouve un peu partout, et jusqu'en Angleterre.

plomb romain

retrouvé dans la Tamise

On voit mal ces jetons servir de monnaie à l'extérieur comme nos tickets restaurants qui sont plus ou moins admis par les épiciers. Cependant leur aspect prend progressivement celui de pièces, avec des chiffres au côté pile.

Quelle signification donner à ces chiffres? Certains connaisseurs imaginatifs ont prétendu que cela désignait le prix des différentes prestations, d'autres plus prosaïques y ont vu le numéro de la chambre, ou de la fille... mais le plus grand lupanar retrouvé à Pompei n'avait que 10 chambres, quand certaines séries de spintriae atteignent 16 modèles.

Il m'apparaît probable que ces objets ont été collectionnés indépendamment et parallèlement à leur valeur d'usage. À l'appui de cette thèse il y a l'évidente similitude avec d'autres émissions très comparables, comme une série d'empereurs. Là aussi, on retrouve souvent le chiffre 16 comme nombre des spécimens.


les empereurs


Il est difficile de trancher le point quant à l'ordre des choses : les spintriae furent-elles une simple variante libertine des collections dédiées aux empereurs ou aux gladiateurs ? Des contrefaçons coquines de la monnaie, comme certaines pièces de six euros aujourd'hui? Ou bien fabriquées à l'origine comme des jetons de passe ( achetés par le client à la maquerelle ? distribuées par le général à la troupe ? ) ont-elles été ensuite sciemment transformées en objet collectors ?


La question n'est pas innocente. Pas davantage que la pratique bien connue des éditeurs de cartes diverses : autant les vignettes de l'équipe de France offertes jadis dans les boites de fromage avaient une faible et égale valeur dans les cours de récréation, autant les vignettes vendues (très au-dessus de leur coût de revient réel) par des éditeurs (comme l'italien Panini) peuvent, par leur inégale répartition dans les pochettes où elles sont vendues, acquérir des valeurs différentes, et pour certaines très élevées... L'édition de médailles ou de cartes de collection permet de créer de la valeur et cela en parfaite légalité puisqu'à aucun moment on n'émet de la monnaie. Dans les années 90, j'ai cependant vu une directrice d'école pourchasser les faux Pikatchu avec force - certes sans oser brandir le célèbre article 139 du Code Pénal - parce que ces faux avaient été monnayés contre de vrais francs français. Il est probable que l'on verra un jour des altcurrencies collectors du fait d'une quantité volontairement restreinte ou d'un gimmick quelconque.

Retournons à la maison close : bien des raisons pouvaient y justifier l'usage des jetons.

Quelque soit le statut des filles (esclaves antiques, débitrices, filles-mères, pauvresses...) pratiquer un change à la caisse évitait que ces filles ne touchent à la monnaie du dehors. C'est aussi l'une des raisons de l'usage des chips dans les maisons de jeux, sujet sur lequel je reviendrai un jour.

Cette précaution classique a perduré dans les maisons de passe, mais une chose forcément significative doit ici être notée : alors que dans certaines industries on donne à ces monnaies internes un aspect ludique et le moins monétaire possible ( les colliers de perle du Club Med ) , dans les bordels la coutume de donner un aspect monétaire à l'objet s'est affirmée au cours des siècles : tous les souverains du 19 ème siècle ( et pas seulement en France...) ont ainsi leurs effigies à l'avers de jetons dont les revers s'ornent de symboles les plus explicites. Très souvent ce sont des objets de plomb ou d'étain, assez grossiers. Il arrive toutefois que l'on trouve de lourdes pièces d'argent, probablement en usage dans les meilleurs établissements parisiens.


le roi citoyen cote face


( et cliquez ici pour voir aussi la côté poil, mais pour les impudiques seulement !)


liard Tant et si bien que des établissements plus modestes purent, inversement, se servir comme jetons de vieilles espèces démonétisées et sans réelle valeur. J'ai découvert qu'à Arsonval, dans l'Aube, une petite maison de passe se servait avant la guerre de vieux liards en cuivre du temps de... Louis XV.


Etonnant destin de la monnaie d'un roi lui-même notoirement porté sur la fille publique !


Dans le monde crypto de même, toutes les alt-currencies perdureront, même démonétisées si leurs cours s'effondrent totalement : rien n'empêche de leur imaginer d'étonnants destins, comme ceui des liards d'Arsonval.


Du coup certains vrais jetons se donnaient des petits airs de monnaies anciennes, comme ci-dessous, avec une figure de Louis XIII assez fantaisiste.


un faux roi


On trouve le même usage équivoque des codes et symboles officiels en Amérique avec un jeu de mot salace : cent changé en cunt (chatte mais aussi salope).


un jeu de mot


A la même époque on gravait aussi des mots d'amours ou l'initiale d'un fiancé sur les pièces, une coutume ancienne que les soldats de la guerre de Sécession popularisèrent. Le bitcoin sera-t-il un jour à même de porter (aussi) un message amoureux?


jeton d'amour


Malgré le jeu de mot permis par le slang, n'allons pas croire que le service ait été vendu pour one cent seulement : il fut pendant assez longtemps fixé à trois dollars, somme que l'on retrouvait sur de nombreux jetons.




red door saloon


Relique d'un monde sans inflation : il ne viendrait plus à l'idée d'écrire Bon pour un repas sur un ticket restaurant aujourd'hui. Les établissements du Nebraska sont d'ailleurs revenus à la pratique du token sans indication de valeur.


Les claques parisiens ont largement continué, passé le temps des rois, de singer les monnaies de la République et leurs divers symboles (Marianne, coq ..). C'est aussi que la République prenait sa part du profit, ce qui permet de comprendre certains atouts d'une monnaie de transaction affectée.


la monnaie de singe


Le jeton a dû servir d'instrument fiscal. Les maisons ne fabriquaient point elles-mêmes de tels jetons, ce qui explique que les scènes pornographiques au verso soient si souvent similaires. Il est probable que l'on pouvait savoir combien de jetons circulaient dans telle ou telle maison, et que cela faisait partie des diligences du Préfet (qui délivrait l'indispensable certificat de tolérance et faisait payer cher ses contrôles, notamment sanitaires) et des renseignements connus du percepteur, qui en ces temps de fisc plus léger que le nôtre, prenait ici un confortable 50%.


Mais le jeton est aussi un instrument comptable : quand le client de la Belle Epoque achetait son jeton 5 francs, 2 francs 50 revenait à la fille, 2 francs étaient destinés à la maison le reste allant à diverses charges (on payait 25 centimes pour la serviette à la blanchisseuse par exemple). Tenir les comptes en jeton permet une comptabilité analytique aisée.


Allons plus loin : si la fille est le premier indicateur de la police contre la maquerelle, qui remplit ce rôle contre les clients... d'un point de vue comptable on a ici, grâce au jeton, une ébauche de comptabilité en partie triple (client, caisse de la maquerelle, fille) avec la possibilité pour la communauté des filles de vérifier les comptes de la maquerelle. Cela ne vous évoque rien?

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2- Rendre à César ?

By: Jacques Favier


A peine propulsé dans l'espace médiatique, le bitcoin a dégagé un parfum de souffre. Il ne s'agit pas ici de plaider mais d'examiner le rapport entre deux arguments essentiels : le bitcoin servirait à des trafics sales ; il ne serait pas régi par une autorité souveraine. Les deux critiques sont cependant sans rapport : le dollar reste la monnaie préférée des narcotrafiquants et les monnaies virtuelles, pas davantage que les greenbacks, n'ont été conçues spécifiquement à leur usage.

Si la cyber-monnaie n'est pas soumise à l'autorité d'un souverain, c'est que son cyber-espace de circulation ne l'est pas non plus. Un espace hors souveraineté n'est pas forcément une exception historique : avec quelle monnaie payait-on dans le désert entre deux royaumes ? ou dans l'enclos sacré d'un temple ?

Notons d'abord que dans l'histoire et dans leur domaine de souveraineté les rois n'ont pas souvent été aussi regardants que de nos jours : l'argent n'a pas d'odeur déclara Cesar Vespasien. Tellement que c'est l'argent du roi qui pourrait bien être l'argent sale, ou impur, du moins là où s'opère la distinction du licite et de l'illicite, du sacré et du profane.

le denier de Tibère


Quand Jésus déclare ἀπόδοτε οὖν τά τοῦ Καίσαρος τῷ Καίσαρι καί τά τοῦ Θεοῦ τῷ Θεῷ rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu il répond à la question (peu innocente !) de savoir s'il est licite pour un juif de payer l'impôt romain. Certes ce denier d'argent porte l'effigie de l'empereur Tibère, mais puisque vous vivez avec cette monnaie (vous l'avez en poche, demandez-vous comment...) payez donc son dû à celui qui frappe cette monnaie. Quant à Dieu c'est bien autre chose qu'il vous demande.

D'où l'autre épisode évangélique concernant l'argent : celui des marchands (et changeurs) chassés du Temple par Jésus, épisode souvent présenté de façon simpliste comme une condamnation de l'esprit boutiquier et de l'appât du gain. Par sa colère soudaine, le Nazaréen s'en prend à l'esprit de traffic entre l'homme et Dieu tel qu'il le voit à l'oeuvre à Jérusalem plutôt qu'au signe monétaire.

Car il y a bien trafic et change. Les israélites âgés de vingt ans devaient payer annuellement pour l’entretien du culte un impôt du temple d'un demi-shekel, soit 5 grammes d'argent (Exode XXX – 11, 16). Or Jérusalem n'a jamais été autorisée par les romains à frapper ces demi-shekels. L'évangéliste Matthieu rapporte d'ailleurs (XVII, 23) que le montant de cet impôt était d’un didrachme, une monnaie grecque. Les pèlerins avaient en poche des monnaies grecques, ou romaines, ou des pièces de cuivre que les potentats locaux alliés de Rome avaient la permission de frapper.

On lit parfois que les autorités du Temple exigeaient que l'on change ces monnaies contre la monnaie du sanctuaire. Mais le Temple, pas davantage que Jérusalem ne frappait de monnaie qui aurait été plus propre. Cela aurait été inutile aux yeux des pharisiens ; d'ailleurs un passage de la Mishna conduit à penser que la monnaie elle-même n’a rien d’impur mais l’usage qu’on en fait peut conduire à l’impureté. Il fallait simplement que la pièce fit 5 grammes d'argent. Il fallait non que l'argent soit pur, mais que le compte soit bon.

On se servait pour l'opération de change du demi-shekel de la ville libre de Tyr, aussi appelé didrachme dans les textes grecs. C'est cette monnaie de Tyr qui était la monnaie du Temple et c'est contre cette pièce ( qui avec son aigle peu biblique et la figure du dieu local, un Hercule nommé Melkart, avait un caractère tout païen ) que les pèlerins devaient échanger ce qu'ils avaient en poche: denier romain, drachme attique, petit cuivre local.

shekel de Tyr

La réalité c'est d'abord que l'aristocratie du Temple voulait recréer, en petit, un espace de souveraineté enclavé dans le vaste empire de Rome et non doter son peuple d'un instrument communautaire ! C'est ensuite que l'impôt précédait et asseyait cette tentation de recréer de la souveraineté, c'est enfin que le change permettait une seconde prédation.

Reveons au bitcoin. Il n'est pas la seule ni la première monnaie sans souveraineté : sous l'ancien régime, nos rois ont concédé à des seigneurs locaux le droit de battre des monnaies qui circulaient en dehors de leurs terres ; dans le passé des monnaies ont été émises par des villes libres - comme Strasbourg - dont la souveraineté ne se comparait pas et de loin à celle du Royaume de France. Aujourd'hui, on pourrait dire du Franc CFA qu'il est une monnaie sans souveraineté, et sans doute des DTS" du FMI qu'ils sont une quasi-monnaie sans souveraineté.



Non, le propre du bitcoin n'est pas d'être une monnaie sans souveraineté, c'est d'être une monnaie sans impôt. Or historiquement, il n'est pas bien certain que la monnaie précède toujours l'impôt. Viennent en premier la guerre, la solde des troupes, l'impôt. Dans les colonies, l'instauration de l'impôt fut le meilleur moyen d'établir l'économie monétaire et les marchés.

Pour résumer plaisamment la chose, il faut relire l'un des épisodes les plus fins d'Astérix: le Chaudron. Moralelastix, un chef gaulois un peu collabo confie à Asterix la garde d'un chaudron contenant son trésor, pour ne pas avoir à le remettre aux romains en paiement de l'impôt. Puis, durant la nuit, il vole ledit chaudron. Asterix, déshonoré, se retrouve contraint de trouver le moyen de remplir à nouveau le chaudron. Pour cela il va falloir gagner de l'argent.
gagner de l'argent

Finalement, bien loin du rendez à César... les gaulois ne trouveront pas de meilleur moyen que de détrousser le collecteur romain, et découvriront alors qu'il transportait... les sesterces volés, que l'infâme Moralelastix après son forfait avait ignominieusement remis aux romains.

En somme Asterix découvre que l'impôt précède le travail, et qu'il rend obligatoire l'usage de la monnaie de celui-là même à qui l'on paye cet impôt. En revanche jusqu'à la fin de l'album, Obélix qui figure ici le primitif, se refuse à comprendre pourquoi il fallait remplir d'abord de monnaie un chaudron qui devait finalement contenir le repas.
l'argent et la soupe


Mais si nous oublions notre anarchisme gaulois, échapper à l'impôt est-il souhaitable? À titre individuel c'est à chacun de répondre. Pour la communauté des bitcoiners, c'est moins sûr.
L'impôt sur une monnaie fiat paraît relever naturellement du commandement évangélique: la monnaie fiat est bien celle de César. Or le denier d'argent était une monnaie minée. César pouvait bien y imprimer son effigie, il ne pouvait (sauf altération) en multiplier les signes. La monnaie minée est une monnaie rare. Il importe de la faire circuler, d'en empêcher l'enfouissement.

La singularité du bitcoin, la voilà : c'est une monnaie minée qu'aucun impôt (à ce jour) ne vient brasser. Sans conséquence pour les petites monnaies virtuelles, destinées à une vie locale ou communautaire, cette absence de pompe à phynance pourrait bien s'avérer un handicap pour la circulation bitcoin, s'il doit être le dollar virtuel de l'avenir et la monnaie des monnaies...

Payer des impôts sur ses gains en bitcoins, mais les payer en dollars ou en euros ( comme payer une pizza en bitcoins mais après une opération de change) ce n'est pas encore disposer d'une monnaie indépendante.

Peut-être donc, à défaut de payer l'impôt à César, faudra-t-il payer un jour une sorte d'impôt à Ubu?
le voiturin à phynances

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119 - Enfumage

By: Jacques Favier

Sur un plateau de télévision, pour tout bitcoineur qui pourrait expliquer, il y a face à lui quelqu'un qui est là pour critiquer. Il y a des champions de l'exercice. L'un des plus actifs ces temps-ci se présente comme économiste et comme tout économiste, quand il est à court d'argument, il raconte des histoires, partant comme tous les siens de l'idée que les expériences historiques peuvent servir à tout et hors de tout contexte.

Pour démontrer que Bitcoin n'est pas une monnaie, ce qui comme on le lui a répondu est largement une conversation de salon, il a des flèches de toutes sortes dans son carquois. Une monnaie, nous a-t-il expliqué chez François Taddeï,  ça met généralement très peu de temps à s'installer . Généralisation dont je vois bien mal le fondement et sur laquelle il embraye  par exemple si vous prenez la situation de Berlin après guerre, dans une ville ruinée, bon il fallait un moyen d'échange ...c'est la cigarette qui avait été élue par la population comme moyen d'échange, élue pas au sens strict, au sens de l'utilisation, et ça avait mis deux semaines à s'installer. .

Cet argument fumeux n'a pas été improvisé en panique sur le plateau, il a déjà été présenté dans une tribune du Monde :  En 1945, dans le Berlin ruiné d'après guerre, la cigarette n'avait pas mis deux semaines à s'étendre à quasiment toutes les transactions possibles .

L'exemple cité est tellement farfelu (la courbe d'adoption de Bitcoin suit assez fidèlement celle d'Internet, lointain descendant d'Arpanet) qu'il peut sembler oiseux de le regarder de près, mais l'exercice s'avère instructif.

Loin de nous infliger, comme on le fait pour tuer Bitcoin, l'argument des trois fonctions d'Aristote, il n'est plus question ici que d'instrument de transaction. On veut bien croire que ce soit cette fonction qui soit la plus urgente à satisfaire et que l'adoption de la cigarette dans ces conditions ait pu être plus rapide que celle de Bitcoin. Nous voilà plus érudits et doté d'un utile savoir. Sauf sur un point : les Allemands ne fabricant plus rien et surtout pas des cigarettes, cette étrange monnaie n'a pas été élue par la population (genre monnaie locale) mais importée par l'occupant.

Faisons un peu d'histoire, et demandons-nous d'abord, où notre économiste a pu aller dénicher ça ? Faisons comme tout le monde : l'appel à un ami savant (à Mountain View, CA).

On lit cela en effet :  A la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la monnaie allemande, le Reichsmark, fut déconsidérée et ne fut plus utilisée. C'est une économie à base de troc qui vit le jour, et la monnaie d'échange la plus utilisée fut alors la cigarette américaine. Elle permit une certaine stabilité des prix avant d'être remplacée en 1948 par le Deutschmark . Diable, c'est une monnaie qui accompagne du troc? durant trois ans ? Cependant on lit cette fine analyse sur le site secouchermoinsbete.fr qu'on ne réputera pas forcément être de qualité universitaire. Notons quand même que ledit site donne trois références, ce qui n'est pas rien. Poursuivons.

  • La première référence est à un site spécialisé sur l'or qui fait un bref historique sans références particulières. Notons qu'il dit surtout que  peu avant la chute du troisième Reich, les échanges dans les camps de concentration nazis se basaient sur la cigarette comme valeur de référence. Le fait que le tabac n'était pas rationné et qu'il pouvait être facilement dissimulé était la principale motivation de ce choix . Donc on n'est plus après la défaite mais avant... et on comprend mal pourquoi dans les camps des nazis les cigarettes n'auraient pas été rationnées. On y reviendra.
  • La seconde référence est à l'article Wikipedia sur l'Allemagne depuis 1945 qui contient cette assertion :  L'Allemagne de l'après-guerre connaît une importante inflation, si bien que la cigarette blonde américaine fait figure d'étalon monétaire  avec un renvoi à un livre peu spécialisé dans les monnaies parallèles, à savoir celui de Marc Nouschi, La démocratie aux États-Unis et en Europe (1918-1989). Il semble y avoir (en page 244 dudit livre que je n'ai pas) une remarque sur l'apport massif d'américaines par les GIs. Mai alors s'agit-il bien d'un étalon ?
  • La troisième référence est au site archive.tabacco.org qui ne semble plus en ligne.

Si l'on regarde maintenant dans la vraie littérature historique, c'est à dire dans des livres écrits par des historiens, on trouve cela principalement chez Anthony Beevor et Frederick Taylor. Le reste de ce que l'on trouve en ligne est littérature d'économistes.

Le premier écrit que  à Berlin, tout se comptait en Zigarettenwährung, c'est-à-dire en monnaie-cigarettes ce qui fait plutôt référence à l'étalon qu'à l'instrument, mais il ajoute à la phrase suivante  de sorte que quand les soldats américains arrivèrent avec des réserves inépuisables de cartons ils n'eurent pas besoin de recourir au viol . Tiens donc...

Le second parle des soldats et fonctionnaires alliés qui, riches de cigarettes, pouvaient s'offrir des femmes allemandes, au tarif en usage de cinq cigarettes qu'il décrit comme une  monnaie d'échanges officieuse . Mais ensuite, il attribue plutôt à la cigarette une fonction d'étalon en 1948 dans un contexte où les Russes, qui occupent la moitié de la ville, font tourner la planche à billets de vieux Reichmark qui reste (incroyablement) la monnaie officielle de toute l'Allemagne occupée.

Bref ce à quoi l'économiste renvoie comme exemple presque standard d'élection d'une monnaie par la population n'est qu'un enchevêtrement de faits divers douloureux : occupation de l'Allemagne, situation obsidionale à Berlin, destruction de l'État, des usines, des immeubles et des familles, famine, trocs, marchés noirs, viols massifs des femmes par les soviétiques (deux millions de femmes ?) et même par  nos amis américains .

Alors certes, il semble bien que la cigarette, instrument de débrouille plus que monnaie, ait servi lors de l'effondrement de mai 45, comme lors de la crise qui va mener au début du blocus en juin 48. Mais les Russes, même en quadrillant le terrain, auraient-ils fait tourner durant trois ans une planche imprimant des billets totalement dénués de cours ?

Revenons à la monnaie

Même pour en rester à des expériences douloureuses et évidemment non extrapolables, les cigarettes peuvent effectivement avoir servi de monnaie presque unique, non pas à Berlin après guerre mais dans les camps nazis avant. Et là il existe une intéressante documentation avec l'article The Economic Organization of a P.O.W. Camp publié en novembre 1945 par R.A. Radford, jeune anglais né en 1919 à Nottingham, et capturé en Lybie par les forces de l'Axe. On le lira en anglais ici et les moins courageux en résumé français .

Bien sûr l'article de Radford n'apprendra rien sur le Bitcoin, monnaie intangible, non alimentaire, non fumable et évoluant non e état de siège mais dans un monde numérique très ouvert. Mais il y a quand même des éléments de réflexion sur le stock to flow et même sur la  malédiction de l'étalon .

Clope au bec.jpg, janv. 2022J'en profite pour un petit aparté numismatique : à ma connaissance la seule effigie de monarque clopant est celle de Napoléon III accusé après 1870 d'avoir provoqué le désastre de Sedan, et l'emprisonnement de 80.000 prisonniers.

La cigarette est-elle sur cette monnaie satirique une allusion personnelle (oui, il fumait, mais plutôt le cigare) ou une allusion au seul passe-temps du prisonnier ? Je l'ignore.

Notons pour conclure que si les cigarettes n'étaient pas fabriquées par les Allemands occupés en 45 mais bien apportées par les soldats vainqueurs, elles n'étaient pas davantage élaborées par les prisonniers eux-mêmes dans les camps nazis mais y étaient envoyées par les familles dans les paquets et par les États (vaincus) au titre de leur grotesque propagande. État vaincu ou État vainqueur la cigarette finalement est une monnaie régalienne !

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116 - Une pièce de 21

By: Jacques Favier

Le nombre 21 (généralement suivi de millions) joue un rôle essentiel, tant concrètement que symboliquement, pour la  meute sectaire et insultante  qui agace les gentils universitaires et les utiles haut-fonctionnaires avec lesquels certains d'entre nous s'aventurent à polémiquer en pure perte de temps.

Pourquoi 21 ? Vieille question qui marque au fer rouge le prétendu expert débarquant sur un plateau télévisé avec sa supposée candeur. Passons.

Est-ce qu'il a existé une pièce de 21 quoi que ce soit ? Voilà en revanche une question vraiment utile à débattre durant un week-end pluvieux  à l'heure du thé fumant et des livres fermés .

Parce qu'en apparence, depuis la restauration d'un semblant de finance par Bonaparte et jusqu'à l'effondrement des monnaies au 20ème siècle, la plupart des pays civilisés c'est à dire, let's be serious, francophones ont battu en or des pièces de 20 francs, pas de 21.

Le chiffre 20 a d'ailleurs une antiquité respectable en matière monétaire. Il y avait 20 sous dans un franc, comme il y avait 20 solidus dans une livre depuis Charlemagne et comme il y eut 20 shillings dans une livre sterling.

Après leur courte expérience républicaine, les Anglais battirent entre 1663 et 1814 une pièce d'or qui contenait environ un quart d'once d'or, et à laquelle on donna de Guinée, terme qui désignait toute la côte méridionale de l'Afrique occidentale d'où provenait une grande partie de l'or utilisé pour fabriquer ces pièces. À l'origine la guinée valait une livre sterling (soit 20 shillings d'argent) mais la hausse du prix de l'or par rapport à celui de l'argent finit par entraîner une augmentation de la guinée, qui a parfois atteint 30 shillings.

Alors, de 1717 à 1816, la valeur de la guinée fut officiellement fixée chez nos amis anglais, qui peuvent parfois se singulariser comme par plaisir, à 21 shillings. On trouve des poids monétaires en laiton qui pouvaient servir à réglementer la parité entre banquiers, changeurs et commerçants, ainsi qu'à valider aisément sur une balance, que l'argent sur le plateau valait bien une de ces fameuses guinées !

Mais fixer la parité entre deux métaux est une folie de régulateur, un fantasme régalien. La guinée était cependant devenue un terme familier ou spécialisé, et l'est restée longtemps même sans pièce tangible. Bien que la pièce de ce nom ne circule plus depuis le 19ème siècle, le terme  guinée  a survécu jusqu'au 20ème siècle comme unité de compte dans certains domaines, au cours de 21 shillings. Parmi les usages notables, les honoraires professionnels (médicaux, juridiques, etc.) étaient souvent facturés en guinées, ainsi que les paris aux courses de chevaux et de lévriers, ou la vente de béliers.

Tant et si bien que la livre égyptienne s'appelle toujours officiellement pound en anglais et guineh en arabe, établissant si l'on peut dire l'équivalence 20=21, digne des mystères dont l'histoire de ce pays était déjà si riche.

Il y a tout de même eu un exemple de pièce avec une valeur faciale de 21 unités monétaires

Elle fut émise par des autorités légales, légitimes, régaliennes et tout ce qu'on voudra. Et bien sûr ça s'est passé chez mes amis neuchâtelois, où fut bel et bien frappée une pièce de 21... batzen.

Le batz était à l'origine, au 15ème siècle, la monnaie de Berne. La pièce montrait alors sur son avers un ours qui est l'emblème de la ville et tirait même son nom, comme la ville qui l'avait créée, de l'ancien haut-allemand Bätz qui signifiait Ours. Le Batz se divisait en 4 Kreutzer, chose commune à toutes les villes où l'on battit ensuite des batzen. Mais hélas, d'une ville à l'autre, la valeur du batzen local variait sensiblement de Berne à Fribourg, Lausanne et autres villes à atelier monétaire.

Arrivent les Français (en 1798, donc avant Bonaparte, soit dit en passant : il n'a pas tous les torts et toute cette affaire est bien complexe) : le batz devient la valeur d'un dixième de la  livre suisse , nouvelle monnaie officielle que l'on va bientôt appeler  franc  même si en attendant Germinal, il n'a pas exactement la même valeur que de l'autre côté de la montagne. Il faut harmoniser : 21 batzen de Fribourg sont comptés pour 20 batzen suisses.

Et Neuchâtel dans tout cela ? Depuis 1709, la principauté qui était jadis à la famille de Fribourg, puis aux Orléans-Longueville, s'est choisie comme souverain le roi de Prusse, parce qu'il est loin, qu'il est protestant et qu'il semble pouvoir la protéger des appétits français. La principauté use à l'occasion de son indépendance pour fabriquer un peu de fausse monnaie (française) mais elle a sa propre monnaie, à l'effigie du roi de Prusse. Son batz, comme celui de Fribourg, est un peu plus faible que celui dit suisse. Un bon moyen de rester fidèle à sa vieille unité de compte tout en commerçant avec les Suisses est donc... d'émettre des pièces de 21 batzen, qui seront comptées pour 20 ailleurs.

Comme l'indique la légende : Suum cuique, à chacun le sien !

La légende en latin abrégé se lit Frédéric-Guillaume III roi de Prusse Prince Souverain de Neuchâtel et Valangin

La ville de Genève avait procédé de même, avec sa pièce de 21 sous, valeur d'usage depuis 1710 (quoique non inscrite comme valeur faciale) émise de la même façon pour faciliter les échanges avec la Savoie ou la Suisse.

À son retrait lors de la loi monétaire de 1850 la pièce de 21 batzen qui avait circulé depuis Frédéric III, puis Alexandre Berthier, puis sous régime prussien et cantonal après 1814, valait 2fr75, et non 2fr10, ce qui laisse penser qu'elle s'était appréciée le temps passant.

Notons le pragmatisme de la démarche : les politiciens français qui voudraient  revenir au franc  n'ont à ma connaissance jamais songé à battre des pièces de 6, 55957 francs français, alors même que la Monnaie de Paris l'avait fait, non seulement pour des médailles (au dessus), mais pour diverses émissions en argent, numismatiques, donc parfaitement légales, légitimes, régaliennes etc !

Donc, pour finir sur une note crypto (que l'on n'aille pas me reprocher de perdre la foi et de faire perdre leur temps à mes rares lecteurs) : pourquoi ne pas émettre un stablecoin en franc ? Il me semble qu'il faudrait réunir un groupe de travail, mener des expérimentations, écrire des rapports et naturellement trouver un algorithme de consensus fondé sur l'utilité sociale et le respect de tout ce qui peut venir à l'esprit. Mais la Banque de France a déjà une vieille expérience du minage !

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115 - Le vide

By: Jacques Favier

Mes lecteurs ne regardent pas trop la télévision, et sans doute moins encore sa publicité commerciale que sa réclame politique. Malgré cela je veux parler ici d'un spot qui m'avait amusé jadis et qu'une récente expérience m'a remis en mémoire.

Les publicités des banques est un genre à part, avec ses mots pompeux, sa  digitalisation  en toc et ses clients santons, tantôt roublards tantôt ébahis. Pouvoir de dire oui, monde qui change, truc qui bouge. On tourne en rond et même en traversant la rue pour gagner la banque d'en face cela reste Kik-kif et Cie. Les pubs du Crédit Mutuel tablent sur l'originalité supposée de leur structure capitalistique même s'il est probable que l'usager s'en soucie peu et ne la soupçonne généralement même pas. Dans cet établissement, pour 24 euros par an, le client n'a ni chéquier ni carte de paiement. On fait mieux, en gros, et mieux vaut donc parler d'autre chose. Voici le clip en question, datant d'une dizaine d'années.

On se fiche tellement de leur structure coopérative (qui n'est pas unique dans le paysage bancaire, loin s'en faut) que clip avait plutôt été remarqué pour son racisme inconscient ou supposé. Mais moi il m'avait frappé parce que l'agence filmée n'est guère éloignée de chez moi. Et que s'il y a souvent foule devant le bistrot (devenu depuis lors un commerce de hamburger) on ne voit guère devant la banque que des gens retirant leur argent de l'automate ou laissant leur chien pisser sur la devanture.

Or l'autre jour, pour rendre service à l'un de mes proches, j'ai dû pousser la porte de cette agence...

Un grand vide.

Cela doit bien faire près de 200 mètres carrés, avec 20 mètres de façade sur rue, autant que le Carrefour voisin, qui presque jour et nuit rend service à une foule nombreuse. Bien davantage que le fruitier berbère en face, le petit restaurant chinois japonais, le boucher casher, le couscous halal, le charcutier italien, le serrurier portugais, le réparateur de mac, le pressing et tous ceux qui rendent des services vraiment utiles et autrement que 35:00 heures par semaine sur 4 jours et demi (source Google).

Dans cet espace immense et aseptisé, je ne vois qu'un homme seul, à la borne d'accueil. Extrêmement courtois je m'empresse de le dire, des fois que son supervisor ou son N+1 comme on dit maintenant ne me lise ici.

Je lui pose ma question, qui concerne donc un particulier. Mais ce monsieur est  responsable entreprises . Il a dû percevoir un peu d'étonnement dans mes yeux. Il me précise donc que tous les  responsables  doivent faire  au moins une journée et demi de guichet . C'est beau la flexibilité. Du coup, toujours obligeant, il se saisit de son téléphone, et appelle la responsable particuliers  qui à cette heure a le droit de travailler dans un (son?) bureau. Voix lointaine, dans le fond du décor vide.

Mais ma question concerne un métier spécifique - celui d'enseignant - pour lequel le Crédit Mutuel a créé des Agences dédiées. Sont-elles, celles-là, pleines de clients-actionnaires-administrateurs bourdonnant et industrieux ? Je l'ignore. L'agence de quartier dans laquelle je me trouve ne dispose même pas du flyer ad hoc.

Il faudrait voir sur Internet . Je n'y aurais pas pensé. Mais sur Internet on vous demande juste votre téléphone, pour qu'un responsable spécialisé vous rappelle, au moment qui l'arrangera lui, ou pas.


Bref l'Agence vide occupée par deux responsables ivres de solitude et d'ennui ne sert à rien. Comment et pourquoi la Banque paye-t-elle son injustifiable loyer ? Mais le site Internet non plus ne sert à rien. A quoi sert la Banque, finalement ?


Du côté de Bitcoin, on dénonce souvent les Banques pour leur monopole, leur puissance, leur effrayante collusion avec les pouvoirs, leur rôle dans le traçage et le contrôle de nos vies. Et tout cela est vrai. Mais je ne crois pas moins vrai de souligner ce vide, ce creux, ce toc.

D'ailleurs, lorsque l'on fréquente amicalement les seigneurs de la Banque, ceux qui sont dispensés de guichet, ce creux finit toujours par ressortir. Heures perdues en parlotte, en formations sur la compliance, en séances de sensibilisation sur le droit de telle ou telle minorité durant lesquelles chacun roupille. Mais aussi réorganisations absurdes (tantôt par métiers, tantôt par secteurs, vieux débat stérile et jamais tranché) objectifs absurdes, slogans absurdes.

Les banquiers sentent cela comme vous.

Leur publicité le trahit, avec sa fausse auto-dérision, ou la vilénie de se moquer d'un concurrent, ce qu'un industriel honnête ne fait pas.

Leur marketing le trahit avec des filiales supposées hipe que les lois si sourcilleuses quant à la transparence de toutes choses dispensent curieusement de la mention groupe banque ceci ou cela mais qui toutes mettent en abyme le creux et le vieux de leur propre monde.

Et comme chacun sait, leur argumentation le trahit, avec son mixte inimitable de bon sens prudhomesque et d'arguments d'autorité.

Et Bitcoin ? Eh bien le Crédit Mutuel se classe pratiquement en tête des banques les plus obtuses, dans tous les classements établis, que ce soit par Capital ou par les lecteurs de bitcoin.fr. Et son président, Nicolas Théry, par ailleurs président de la FFB (et ça, ça change tout a-t-on envie d'ajouter en parodiant la publicité) ne s'illustre pas par une bienveillance technologique particulière mais plutôt par sa défense du pré-carré des banques, mutualistes ou pas.

J'ai eu une idée : La Nature a horreur du vide. Avec mes amis du Cercle du Coin, on va tous s'acheter deux ou trois de leurs parts sociales et venir  voter  en faveur de Bitcoin à leur prochaine assemblée croupion de sociétaires potiches.

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