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Du choix des meilleures opportunitĂ©s blockchain pour l’assurance – par Laurent Benichou

By: Blockchain Partner —

Merci Ă  Laurent Benichou, qui a initialement Ă©crit cet article en langue anglaise. Pour voir la version originale de l’article, c’est par ici.

RĂ©unir le monde de l’assurance et celui de la blockchain a jusqu’à prĂ©sent Ă©tĂ© la mission la plus difficile de ma carriĂšre. D’un cĂŽtĂ©, ces deux concepts devraient bien fonctionner ensemble : l’assurance et la blockchain appartiennent toutes les deux Ă  la famille des services financiers ; dans les deux cas, il s’agit de flux monĂ©taires, et les deux peuvent compenser vos pertes si un malheur arrive Ă  vos actifs.

Pourtant, de grands obstacles se dressent entre ces deux mondes : les technologies blockchain, les cryptomonnaies et la finance décentralisée sont des innovations trÚs récentes, tandis que le travail actuarial implique de pouvoir bénéficier de longues séries historiques pour prendre un risque.
Les crypto-ventures sont promptes Ă  prendre des risques, tandis que les compagnies d’assurances cĂšdent la majoritĂ© du risque qu’elles prennent. Les dĂ©veloppeurs blockchain commencent sur une architecture neuve alors que l’assurance a beaucoup de dette technique. Les entreprises blockchain inventent des modĂšles non rĂ©gulĂ©s tandis que les assureurs doivent ĂȘtre particuliĂšrement attentifs Ă  leur conformitĂ© rĂ©glementaire. Enfin, les assureurs se basent sur la confiance du consommateur (qu’il sera indemnisĂ© en cas de perte) tandis que la devise de l’écosystĂšme blockchain est “don’t trust, verify” (ne faites pas confiance, vĂ©rifiez)

La blockchain est pleine de potentiel pour les assureurs, mais sĂ©lectionner les meilleures opportunitĂ©s et savoir comment s’y atteler est une tĂąche difficile pour les dĂ©cideurs du secteur. Les meilleurs opportunitĂ©s sont en effet la plupart du temps les plus risquĂ©es, les moins rĂ©gulĂ©es et/ou les plus difficiles Ă  mettre en place. Avant de s’attarder sur ces opportunitĂ©s, je souhaite commencer par Ă©voquer quelques erreurs que j’ai observĂ©es en voyant le dĂ©veloppement, l’accĂ©lĂ©ration ou l’arrĂȘt de “projets blockchain” dans l’assurance.

Erreurs que le secteur assurantiel devrait Ă©viter concernant la blockchain

Erreur #1 : “Oui” à la blockchain, “Non” aux tokens

Bitcoin a Ă©tĂ© crĂ©Ă© pour Ă©changer de la valeur sans tiers centralisateur. L’objectif mĂȘme de Bitcoin Ă©tait de crĂ©er un actif numĂ©rique pour permettre son Ă©change incensurable. On peut donc par principe douter que la “technologie blockchain” soit la meilleure rĂ©ponse Ă  des objectifs trop Ă©loignĂ©s du principe d’échange dĂ©centralisĂ© de valeur numĂ©rique. Lorsqu’on est face Ă  un projet blockchain sans token, la valeur ajoutĂ©e de la blockchain s’avĂšre la plupart du temps au minimum sujette Ă  dĂ©bat, et se conclut souvent par un examen technique des diffĂ©rences entre une blockchain privĂ©e et une base de donnĂ©es partagĂ©e. En d’autres termes, on dĂ©marre avec la volontĂ© de sauter d’un grand pas dans la modernitĂ© avec la blockchain, et on termine par une discussion technique sur les moyens d’amĂ©liorer lĂ©gĂšrement son SI.

Utilisons une blockchain mais pas le token qui va avec

Erreur #2 : Ajouter de la blockchain mais ne pas changer le reste

Le caractĂšre nouveau de la blockchain la rend incompatible ou difficilement connectable Ă  d’anciens systĂšmes. On peut mĂȘme ajouter que la philosophie de blockchain dans son premier avatar, le bitcoin, est plutĂŽt de se substituer Ă  d’anciens systĂšmes. Et il faut beaucoup d’efforts de gens talentueux (propriĂ©taires de plateformes d’échange, fournisseurs de services, rĂ©gulateurs) pour relier le “monde cypher” avec l’ancien monde et apporter une valeur ajoutĂ©e Ă  ce dernier, parfois sous la critique des dĂ©fenseurs les plus intransigeants et les plus radicaux de la sphĂšre crypto.

Si vous voulez extraire de la valeur de la blockchain, vous devez vous y adapter. C’est pourquoi penser qu’un assureur peut siffler la blockchain Ă  l’aide et voir soudainement apparaĂźtre un magicien amĂ©liorant les processus de l’assurance n’est qu’une chimĂšre. Vous ne pouvez pas tirer de la valeur de la blockchain si vous voulez conserver tous vos anciens systĂšmes, tous vos processus, toute la complexitĂ© dont vous devriez vous dĂ©barrasser.


Erreur #3 : ignorer les opportunités les plus évidentes

Le secteur de l’Assurance comprendra bientĂŽt que les opportunitĂ©s les plus immĂ©diates ne sont pas liĂ©es Ă  la maniĂšre dont la Crypto peut soutenir l’Assurance, mais Ă  la maniĂšre dont l’Assurance peut soutenir la Crypto. Le secteur des cryptomonnaies est dĂ©sormais bien rĂ©el, avec des milliards de dollars Ă©changĂ©s chaque jour. Ce secteur a besoin d’assurances pour les portefeuilles et les dĂ©positaires et a vu des produits Ă©merger Ă  des prix Ă©levĂ©s. L’assurance finira certainement par faire son travail habituel (Ă©valuation et couverture des risques) sur cette nouvelle surface (Bitcoin et toutes les autres cryptomonnaies). Certains courtiers (Marsh, AON) et assureurs (Arch Insurance) se sont engagĂ©s dans cette premiĂšre Ă©tape, et pourront ainsi rapidement lancer une activitĂ© autour de l’assurance Blockchain. Plus ces acteurs acquerront de connaissances, plus il sera difficile pour les suivants de les rattraper.


Erreur n°4 : Refuser aux cryptomonnaies leur statut d’actifs financiers

Les assureurs investissent le produit des primes d’assurance sur les marchĂ©s financiers. Ils le font avec prudence et investissent dans des actifs Ă  faible risque, gĂ©nĂ©ralement des obligations souveraines ou des actions dĂ©fensives [NDLR: action qui fournissant un dividende rĂ©gulier et des bĂ©nĂ©fices stables quel que soit l’état du marchĂ© boursier global], afin de pouvoir indemniser les crĂ©ances d’assurance (le respect de la rĂ©glementation SolvabilitĂ© II les contraint Ă©galement dans cette direction). La thĂ©orie moderne du portefeuille de Markowitz enseignant de ne jamais “mettre tous ses Ɠufs dans le mĂȘme panier” afin de rĂ©duire le risque pour une mĂȘme attente de rendement, les gestionnaires de trĂ©sorerie des compagnies d’assurance optent pour la diversification entre les obligations souveraines de diffĂ©rents pays, les obligations Ă  long et Ă  court terme, et ajoutent les obligations d’entreprises et d’autres classes d’actifs.

Mon avis personnel est qu’il serait Ă©galement judicieux d’investir une toute petite part de leurs fonds dans un “nouvel” actif, appelĂ© bitcoin, aujourd’hui :
– Investir une petite partie des primes d’assurance dans le bitcoin permet de se couvrir contre l’hyperinflation fiat en cas de dĂ©faut de crĂ©dit souverain ou de faillite bancaire (n’oubliez pas que les assureurs n’indemnisent pas seulement en espĂšces, mais parfois avec des services qui peuvent aussi ĂȘtre soumis Ă  une forte augmentation des prix en cas d’hyperinflation)
– L’engagement d’une partie de leurs rĂ©serves en bitcoin comme rĂ©serve de valeur, comme Microstrategy a dĂ©cidĂ© de le faire il y a quelques semaines, est une couverture contre les turbulences des monnaies souveraines

Michael J. Saylor, PDG, MicroStrategy Incorporated : “Cet investissement reflĂšte notre conviction que Bitcoin, en tant que cryptomonnaie la plus largement adoptĂ©e dans le monde, est une rĂ©serve de valeur fiable et un actif d’investissement attrayant avec un potentiel d’apprĂ©ciation Ă  long terme plus important que la dĂ©tention de liquiditĂ©s”.


Erreur n°5 : Supposer que vous pouvez rattraper le retard plus tard

Une chose est certaine Ă  propos de la Blockchain, c’est la vitesse de changement de l’industrie. Forks, ICOs, stablecoins, DeFi, flash loans: chaque trimestre apporte un nouveau sujet et il est de plus en plus difficile de rattraper les connaissances non acquises. De plus, les blockchains donnent naissance Ă  des projets qui ne cadrent pas bien avec l’idĂ©e que “les assureurs investiront plus tard, lorsque le secteur sera stabilisĂ©â€. Il ne sera pas possible pour les assureurs d’“acheter la Blockchain gagnante” car elle sera beaucoup trop chĂšre ; il ne sera pas possible pour les assureurs d’éliminer les pools de liquiditĂ© car ils sont dĂ©centralisĂ©s ; il ne sera pas possible pour les assureurs d’assurer le secteur de la crypto quand des smart contrats alimentĂ©s par des capitaux dĂ©centralisĂ©s le feront de maniĂšre autonome. Le risque pour l’assurance n’est pas seulement celui d’opportunitĂ©s perdues, mais aussi celui de menaces pour les activitĂ©s actuelles.

OpportunitĂ©s de la blockchain dans le secteur de l’assurance

1. Nouvelles opportunitĂ©s d’assurance : assurer le monde Crypto

Portefeuilles, contrats intelligents, ICO, dĂ©positaires, solutions de sĂ©curitĂ©, actifs tokenisĂ©s
 La beautĂ© de l’assurance est que tout nouveau secteur ou activitĂ© crĂ©Ă© dans le monde reprĂ©sente souvent une nouvelle surface d’application d’assurance. Le besoin d’assurance est d’autant plus fort pour les cryptomonnaies que le vol digital ne peut par construction pas ĂȘtre “annulĂ©â€ par un pouvoir central administrant le systĂšme. La bonne nouvelle pour l’assurance est qu’elle suppose une premiĂšre Ă©tape d’évaluation des risques crypto, qui elle-mĂȘme fournit dĂ©jĂ  beaucoup de “connaissances sur la blockchain” Ă  une compagnie d’assurance. Ensuite vient l’assurance elle-mĂȘme, et la perte liĂ©e aux premiers piratages couverts permet aux assureurs
1. D’affiner leur Ă©valuation des risques et d’adapter les couvertures
2. D’identifier les points faibles du secteur de la crypto qui pourraient constituer de nouvelles opportunitĂ©s commerciales pour les assureurs.


2. Nouvelle opportunitĂ© d’investissement : se prĂ©munir contre la chute des monnaies fiat

Alors que les primes d’assurance investies sur les marchĂ©s financiers reprĂ©sentaient autrefois une grande partie des bĂ©nĂ©fices des assureurs, ce n’est plus le cas dans un contexte de taux d’intĂ©rĂȘt faibles voire nĂ©gatifs. De plus, la rĂ©cession Ă©conomique attendue aprĂšs la crise, combinĂ©e Ă  de fortes mesures d’assouplissement quantitatif, pourrait conduire Ă  des Ă©pisodes d’hyperinflation, potentiellement favorisĂ©s par la dĂ©fiance des investisseurs Ă  l’égard de la dette souveraine et des entreprises. Il s’agit d’un risque que les assureurs pourraient couvrir en investissant dans de la « hard monnaie »: ils peuvent suivre Berkshire Hathaway et investir dans l’or, ou suivre des Ă©conomistes autrichiens comme Saifedean Ammous et investir dans Bitcoin.

MĂȘme s’il n’y a pas d’effondrement complet des systĂšmes de devises souveraines, la structure de Bitcoin (Ă©mission programmĂ©e, rĂ©duction de l’émission au fil du temps, offre maximale fixe) rassurera les investisseurs en leur montrant qu’il s’agit d’un actif qui a le pouvoir de dĂ©tenir plus de valeur Ă  moyen et long terme que les actifs Ă  taux fixe, et qui constitue donc une couverture claire contre la chute des valeurs des devises souveraines. Et ce, quoi qu’en disent les critiques sur la “volatilitĂ© des bitcoins”.

La logique qui sous-tend un investissement dans Bitcoin est triple :
1. Augmenter la diversification (et donc réduire le risque pour un objectif de rendement des capitaux propres)
2. Repenser le risque d’allocation dans un monde oĂč les risques de dĂ©faut souverain amĂ©ricain, allemand ou suisse ne peuvent plus ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme les risques les plus faibles
3. Pouvoir survivre dans un monde oĂč les monnaies souveraines s’effondrent

Dans un scénario apocalyptique pour les monnaies fiduciaires, comment les assureurs protégeraient- ils leurs fonds ?

3. Remodeler l’assurance
 et la finance

L’idĂ©e que l’assurance ne peut ĂȘtre fournie que par les assureurs est de plus en plus contestĂ©e par les nouvelles technologies et les nouveaux acteurs du numĂ©rique. Les barriĂšres traditionnelles Ă  l’entrĂ©e du secteur de l’assurance s’effondrent : l’expertise actuarielle est contestĂ©e par de nouvelles armĂ©es de ‘data scientists’ ; la gestion des sinistres devient inutile avec l’assurance paramĂ©trique et l’internet des objets ; les ‘smart contracts’ publics Ă©liminent la nĂ©cessitĂ© de faire confiance Ă  une grande marque financiĂšre sur la promesse d’un paiement futur ; le capital peut ĂȘtre accumulĂ© par le biais de pools de liquiditĂ© et la rĂ©glementation devient inutile et impuissante pour rĂ©guler les protocoles dĂ©centralisĂ©s et les flux monĂ©taires. Dans ce nouveau contexte, le secteur de l’assurance doit se rĂ©inventer, se renouveler avant d’ĂȘtre dĂ©pasĂ© et trouver de nouveaux domaines oĂč il peut apporter de la valeur.

Si nous regardons en arriĂšre, voici quelles sont les opportunitĂ©s que les assureurs ont dĂ©jĂ  laissĂ©es Ă  d’autres : ĂȘtre un oracle (Chainlink), ĂȘtre un dĂ©positaire de cryptomonnaie (BitGo), assurer des places de marchĂ© de cryptomonnaies (SAFU de Binance), inventer des protocoles d’assurance distribuĂ©e (Etherisc), crĂ©er des pools de liquiditĂ© dĂ©centralisĂ©s (Uniswap), assurer la finance dĂ©centralisĂ©e / offrir de la couverture de prix en finance dĂ©centralisĂ©e (Nexus Mutual, Opyn)
 On peut bien sĂ»r dĂ©battre de la proximitĂ© de ces opportunitĂ©s avec le secteur de l’assurance aujourd’hui, mais elles pourraient constituer les Ă©lĂ©ments de base de la prochaine gĂ©nĂ©ration d’assurance.

Il en va de mĂȘme pour la finance. La capacitĂ© des assureurs Ă  saisir les opportunitĂ©s de la finance dĂ©centralisĂ©e ne dĂ©pend pas du fait que les banques ou autres institutions financiĂšres les laissent faire (notez que la liste ci-dessus n’est composĂ©e que de nouveaux acteurs) mais de la capacitĂ© des assureurs Ă  fournir les services dĂ©centralisĂ©s que les amateurs de crypto recherchent. Tout est possible pour les assureurs, pour autant qu’ils respectent les “principes de la crypto” (open source, dĂ©centralisation, confiance prouvĂ©e, transparence et respect de la vie privĂ©e dans une certaine mesure). Il ne s’agit pas tant de savoir si les compagnies d’assurance ont les ressources nĂ©cessaires pour contribuer, mais si leur culture leur permettra ou non de contribuer, et de le faire de la bonne maniĂšre.

4. OpportunitĂ©s pour les process : Plus d’horodatage dans les processus d’assurance

La modernisation des processus d’assurance implique l’ajout de dĂ©cisions simples mais difficiles Ă  mettre en Ɠuvre : passage des processus de courriers et d’appels tĂ©lĂ©phoniques Ă  des logiciels, numĂ©risation et suivi. Dans le domaine du suivi, qu’il s’agisse de l’engagement de l’assureur/rĂ©assureur, de la relation entre le ‘fronter’ et le porteur de risque, des conditions contractuelles de l’entreprise ou du contrĂŽle du fret, la Blockchain peut apporter une certaine valeur grĂące Ă  l’horodatage des actions et au rapprochement automatisĂ© des Ă©vĂ©nements. Ce n’est certainement pas la maniĂšre la plus rĂ©volutionnaire de tirer parti de la Blockchain pour les assureurs, mais c’est une maniĂšre opportune car les assureurs d’une pĂ©riode post-COVID devront Ă©liminer les frictions, les litiges coĂ»teux et le temps perdu dans le rapprochement manuel.
C’est, j’en conviens, une exception Ă  l’erreur n° 1 dĂ©crite ci-dessus.

Le proof-of-process de Stratumn

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Blockchain, résilience et souveraineté : tribune dans Investir

By: Blockchain Partner —

Alexandre Stachtchenko, associĂ© cofondateur de Blockchain Partner, a Ă©tĂ© interrogĂ© parmi 57 dirigeants et personnalitĂ©s par le magazine Investir Ă  l’occasion d’un numĂ©ro spĂ©cial, sorti le 11 juillet. Nous publions ci-dessous la version texte de ses propos, articulĂ©s autour d’une idĂ©e : la blockchain et Bitcoin pour renouer avec la rĂ©silience et la souverainetĂ©.

« La pandĂ©mie de Covid 19 a eu le mĂ©rite de remettre certains sujets sur le devant de la scĂšne, et en particulier celui de rĂ©silience. Il est en effet apparu clairement ces derniers mois que la tendance Ă  la recherche permanente d’efficience a menĂ© Ă  une complexification des systĂšmes Ă©conomiques, au point de mener Ă  de sĂ©rieuses pannes, voire des arrĂȘts, lorsque l’un des maillons est dĂ©faillant.

Efficience et rĂ©silience sont deux modĂšles gĂ©nĂ©ralement opposĂ©s, le premier Ă©tant celui privilĂ©giĂ© par dĂ©faut depuis des dĂ©cennies. Ils forment souvent un dilemme au moment d’effectuer le choix de l’architecture d’un systĂšme. Plus l’on privilĂ©gie l’efficience d’une chose, moins l’on privilĂ©gie sa rĂ©silience, c’est-Ă -dire sa capacitĂ© Ă  rĂ©sister aux modifications et chocs de son environnement.

Ce choix clef se retrouve notamment dans les architectures informatiques. Si, par exemple, vous choisissez un modĂšle centralisĂ© (un seul serveur faisant fonctionner tout un service), il sera gĂ©nĂ©ralement efficient : il atteindra son but en consommant le moins de ressources possibles. Mais coupez l’accĂšs Ă  Internet Ă  ce serveur, et c’est l’ensemble du service qui ne fonctionne plus.

La blockchain par essence est Ă  qualifier de systĂšme plutĂŽt rĂ©silient qu’efficient. L’exemple phare en est sa capacitĂ© de transaction : lĂ  oĂč Bitcoin, la blockchain la plus connue et sĂ©curisĂ©e, est capable de gĂ©rer sept transactions par seconde maximum, le nombre monte Ă  plus de 20 000 pour Visa. Mais si un nƓud (serveur) tombe, aucun problĂšme sĂ©rieux ne se pose pour le rĂ©seau. La base de donnĂ©es est en effet rĂ©pliquĂ©e en des dizaines de milliers d’endroits. C’est l’incarnation d’un systĂšme dĂ©centralisĂ©.

Ces derniĂšres annĂ©es, les technologies blockchain se sont heurtĂ©es Ă  ce modĂšle de pensĂ©e dominant favorisant l’efficience. Le premier rĂ©flexe des professionnels dĂ©couvrant ces technologies a Ă©tĂ© de chercher Ă  faire rentrer un carrĂ© dans un rond : « d’accord pour la blockchain, mais si possible dans mon propre serveur, en plus rapide, et moins Ă©nergivore ». Peu comprenaient alors que ce qu’ils interprĂ©taient comme des dĂ©savantages Ă©taient en rĂ©alitĂ© des caractĂ©ristiques essentielles de ces systĂšmes : c’est ce qui leur permet d’ĂȘtre plus rĂ©silients. Aujourd’hui, avec le retour en grĂące du concept de rĂ©silience, les mentalitĂ©s Ă©voluent peu Ă  peu, fort heureusement.

Réduire la dépendance au dollar américain

Car ĂȘtre plus rĂ©silient c’est aussi souvent renforcer sa souverainetĂ©. Bitcoin a ici des arguments Ă  faire valoir. Loin des politiques monĂ©taires de la FED et de la BCE, qui ont mis sous perfusion les marchĂ©s financiers dans une sorte de fuite en avant gĂ©ante et inhĂ©rente Ă  ces politiques, Bitcoin constitue la monnaie de la raretĂ©. En s’appuyant sur une politique monĂ©taire dĂ©flationniste, transparente, et trĂšs difficilement altĂ©rable, Bitcoin se comporte comme l’étalon-or de l’espace numĂ©rique. Un or amĂ©liorĂ© : facilement stockable, transmissible, et divisible, l’utilisation du bitcoin ne connaĂźt pas de frontiĂšres. Une potentielle monnaie qui permettrait de s’émanciper de la domination amĂ©ricaine du dollar. En effet, pour les amĂ©ricains, « il est facile de s’endetter dans une monnaie qu’il ne tient qu’à soi d’émettre » prophĂ©tisait De Gaulle peu avant la fin des accords de Bretton-Woods. Avec une monnaie devenue le standard des Ă©changes internationaux, et dĂ©tenue par de multiples pays comme rĂ©serve de valeur (dont en particulier la Chine), les Etats-Unis peuvent sans limite crĂ©er de la monnaie pour leurs propres marchĂ©s financiers, au dĂ©triment des autres pays, qui s’appauvrissent par l’inflation.

Bitcoin est cependant une maniĂšre Ă  la fois de renforcer l’indĂ©pendance des Etats et de l’amoindrir. De la mĂȘme façon que l’or, qui dans un certain sens nuisait Ă  la souverainetĂ© des banques centrales en limitant leur pouvoir d’action, un Ă©talon-bitcoin produirait les mĂȘmes effets. Mais n’est-ce pas un prix honnĂȘte Ă  payer pour rĂ©duire le dĂ©sĂ©quilibre massif de puissance entre les banques centrales, et faire valoir ainsi leur indĂ©pendance ? En douze ans, les Etats-Unis ont multipliĂ© par six leur base monĂ©taire, alors que leur PIB n’a Ă©voluĂ© « que » d’environ 20%. Cette illusion collective n’a que trop durĂ©.

RĂ©silience, monnaie, souveraineté  Autant de concepts, sous le feu nouveau des projecteurs, qui portent les technologies blockchain et du web dĂ©centralisĂ©. Les entreprises ne s’y trompent pas : pensons ces derniers mois aux annonces de la SociĂ©tĂ© GĂ©nĂ©rale (actions reprĂ©sentĂ©es sur blockchain), de Samsung (portefeuilles numĂ©riques intĂ©grĂ©s aux smartphones, ainsi qu’accĂšs direct Ă  des bourses en ligne de cryptomonnaies), ou encore plus rĂ©cemment d’Ubisoft (items numĂ©riques collectionnables uniques sur blockchain). Les projets blockchains deviennent plus concrets, crĂ©dibles, ambitieux. Gageons qu’il ne s’agit lĂ  que d’un dĂ©but. »

– Alexandre Stachtchenko

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Les enseignements des monnaies numériques de Facebook et Telegram

By: Blockchain Partner —

Un an aprĂšs le dĂ©voilement de Libra par Facebook, quels enseignements peut-on tirer ? DĂ©couvrez ci-dessous l’analyse de ClĂ©ment Jeanneau et Alexandre Stachtchenko publiĂ©e aujourd’hui dans L’Express :

« C’était il y a un an : Facebook annonçait en grande pompe le lancement Ă  venir de Libra, son projet de monnaie numĂ©rique fondĂ©e sur un panier de devises traditionnelles. L’ambition Ă©tait immense : imposer Libra comme la monnaie de rĂ©fĂ©rence dans l’espace numĂ©rique – autrement dit dans ce qui constitue l’économie de demain et de plus en plus d’aujourd’hui.

Douze mois plus tard, la tonalitĂ© est toute autre. Mark Zuckerberg, parfois prĂ©sentĂ© comme le dirigeant d’un proto-Etat en puissance, a dĂ» revoir sa copie : avant de viser la rĂ©volution monĂ©taire, il s’attellera d’abord plus modestement Ă  faire naĂźtre diffĂ©rentes monnaies numĂ©riques fondĂ©es sur leurs Ă©quivalents physiques : e-euro, e-dollar, etc.

Plusieurs leçons peuvent dĂ©jĂ  ĂȘtre tirĂ©es.

La premiĂšre tient Ă  l’écart spectaculaire entre l’annonce tonitruante du dĂ©part et la confrontation Ă  la rĂ©alitĂ©. Beaucoup voyaient dans Libra le parachĂšvement de la domination des GAFA sur les Etats. Ici, les Etats, les vrais, ont gagnĂ© la bataille – et probablement avant tout les Etats-Unis.

La mĂȘme remarque vaut pour Telegram. En 2017, l’application de messagerie aux 400 millions d’utilisateurs avait fait, elle aussi, une entrĂ©e fracassante dans l’univers des cryptomonnaies, qu’elle voulait rĂ©volutionner de fond en comble. Telegram projetait de crĂ©er un systĂšme de paiement alternatif Ă  Visa et Mastercard et une multitude d’applications dĂ©centralisĂ©es vouĂ©es Ă  devenir leaders dans leur domaine.

Trois ans et une levĂ©e de fonds de 1,7 milliards de dollars (!) plus tard, l’ampleur de la chute est Ă  la hauteur de l’ambition du projet : celui-ci ne verra en rĂ©alitĂ© jamais le jour, en raison d’un imbroglio juridique qui aura traĂźnĂ© en longueur jusqu’au couperet final. C’est le plus grand Ă©chec de l’histoire – jeune mais dĂ©jĂ  mouvementĂ©e – des cryptomonnaies.

Les exemples de Facebook et de Telegram sont emblĂ©matiques. LĂ  oĂč les deux gĂ©ants avaient fait de la technologie le moteur de leur initiative, la rĂ©alitĂ© est venue rappeler qu’en matiĂšre monĂ©taire, le dĂ©fi est avant tout rĂ©glementaire et politique. En venant s’attaquer Ă  la souverainetĂ© des Etats, Facebook a franchi une ligne rouge. PlutĂŽt que le passage en force, Mark Zuckerberg a prĂ©fĂ©rĂ© reculer.

Pour un groupe valorisĂ© 236 milliards de dollars, qui n’est plus depuis longtemps une startup prĂȘte Ă  prendre tous les risques, ce choix Ă©tait logique. Mais en creux, cet Ă©chec et celui de Telegram viennent valoriser ce qui constitue encore aujourd’hui la seule monnaie numĂ©rique mondiale de rĂ©fĂ©rence : le bitcoin, lancĂ© en 2009 par un anonyme sans demande d’autorisation prĂ©alable.

MalgrĂ© ses limites, suffisamment dĂ©crites par ailleurs, cet ovni monĂ©taire poursuit ses avancĂ©es depuis plus d’une dĂ©cennie sans discontinuer, comme un pied de nez aux multiples Ă©conomistes qui n’ont cessĂ© d’annoncer sa mort imminente et qui n’ont, en vĂ©ritĂ©, jamais acceptĂ© de prendre au sĂ©rieux les cryptomonnaies
jusqu’à aujourd’hui.

C’est lĂ  l’ironie de la situation actuelle : il aura fallu la menace du Libra pour que le sujet des cryptomonnaies, sur la table depuis des annĂ©es, soient enfin pris au sĂ©rieux par les plus grands experts et les institutions les plus prestigieuses, Ă  commencer par les banques centrales. A posteriori, l’impact le plus fort du Libra tiendra peut-ĂȘtre Ă  ce rĂŽle d’accĂ©lĂ©rateur des mentalitĂ©s.

Depuis un an, les rapports s’enchaĂźnent sur ce qui est pudiquement dĂ©signĂ© comme « actifs numĂ©riques ». Une notion en particulier suscite les dĂ©bats : les « stablecoins », ces cryptomonnaies indexĂ©es le plus souvent Ă  des monnaies traditionnelles. Les stablecoins apparaissent, pour les acteurs traditionnels, comme une façon de mettre un pied dans ce monde mystĂ©rieux des actifs numĂ©riques tout en restant arrimĂ©s Ă  leur champ de connaissances – une sorte d’« en mĂȘme temps » adaptĂ© Ă  ce nouvel univers.

Ce faisant, les cryptomonnaies, si peu considĂ©rĂ©es jusqu’ici, ont gagnĂ© en lĂ©gitimitĂ©. Bien sĂ»r, elles restent regardĂ©es avec mĂ©fiance. Mais l’évolution est notable. Il est tout sauf anodin, entre autres exemples, que JP Morgan, dont le PDG dĂ©signait bitcoin comme une « fraude » en 2017, ait dĂ©cidĂ© cette annĂ©e d’étendre ses services bancaires aux plateformes d’échanges de cryptomonnaies. D’innovations Ă  Ă©touffer, celles-ci reprĂ©sentent maintenant la nouvelle donne Ă  laquelle il faut s’adapter.

A quoi s’attendre pour la suite ? Suite au recul de Facebook, les Etats auraient tort de croire que la guerre est gagnĂ©e. En rĂ©alitĂ©, il ne s’agissait que du premier acte. L’erreur serait de se centrer uniquement sur la numĂ©risation des processus monĂ©taires existants sans percevoir qu’il ne s’agit lĂ  que d’innovation incrĂ©mentale, insuffisante face l’innovation de rupture qui frappe Ă  notre porte.

Par innovation de rupture, il faut notamment comprendre cette capacitĂ© inĂ©dite Ă  rendre les actifs financiers programmables, interopĂ©rables, et ouverts Ă  tous. C’est la proposition de valeur d’une plateforme comme Ethereum, dont l’attractivitĂ© ne cesse de grandir. Un brevet pour un dollar digital utilisant Ethereum a du reste Ă©tĂ© dĂ©posĂ© rĂ©cemment par
Visa.

Le parallĂšle entre les Ă©checs de Libra et de Telegram d’une part, et l’attractivitĂ© de Bitcoin et d’Ethereum d’autre part, devraient inciter les acteurs existants Ă  plus d’humilitĂ© face Ă  la crypto-Ă©conomie. Facebook semble l’avoir compris. Si l’entreprise a reculĂ©, c’est pour mieux revenir demain. Elle vient de placer Ă  la tĂȘte de Libra un expert de la rĂ©glementation, ex-directeur juridique de HSBC passĂ© par le TrĂ©sor amĂ©ricain. Quant au cofondateur de Libra, David Marcus, il ne cesse d’insister dans ses interviews sur l’argent programmable.

Une immense vague d’innovations est en prĂ©paration. Elle pourrait demain bousculer un monde financier et monĂ©taire qui n’a pas encore connu de transformation numĂ©rique de rupture. Les banques centrales, qui ont ici l’opportunitĂ© de retisser un lien avec le citoyen qu’elles avaient en partie perdu au profit des banques commerciales, seraient mal avisĂ©es de faire la sourde oreille. Et Ă  l’heure oĂč l’on reparle de souverainetĂ©, en toile de fond se profile une question fondamentale, qui devrait importer Ă  tout citoyen : celle de savoir si l’euro programmable de demain sera pilotĂ© par un acteur public
ou par un gĂ©ant privĂ©. »

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IdentitĂ©s numĂ©riques : le CNNum soutient l’usage des ZKP

By: Blockchain Partner —

Le Conseil National du NumĂ©rique a publiĂ© lundi la synthĂšse de ses travaux sur les « identitĂ©s numĂ©riques » comme « clĂ©s de voĂ»te de la citoyennetĂ© numĂ©rique ». Le groupe de travail, composĂ© de Karine Dognin-Sauze, Mohammed Boumediane, Jean-Michel Mis, Gilles Babinet, Olivier Clatz et GaĂ«l Duval, a conduit ses travaux de janvier 2019 Ă  mars 2020 et a prĂ©sentĂ© son rapport Ă  CĂ©dric O, SecrĂ©taire d’Etat chargĂ© du numĂ©rique.

Nous relevons avec intĂ©rĂȘt que le CNNum plaide pour « offrir des moyens de vĂ©rification d’informations sans diffusion des donnĂ©es d’identitĂ© des citoyens Ă  travers des solutions s’appuyant sur le zero knowledge proof » (ZKP).

Les ZKP sont effectivement trĂšs prometteuses dans le cadre de l’identitĂ© numĂ©rique : c’est le sens de nos travaux de R&D sur le sujet, entamĂ©s l’an dernier et prĂ©sentĂ©s dans notre synthĂšse intitulĂ©e « Vers une identitĂ© numĂ©rique private by design ».

Le sujet est particuliĂšrement d’actualitĂ© avec le dĂ©bat autour du contrĂŽle de l’ñge concernant les sites pour adultes, qui a Ă©tĂ© approuvĂ© par l’AssemblĂ©e nationale et le SĂ©nat. La question de la mĂ©thode de vĂ©rification de l’ñge peut se prĂȘter Ă  l’exploration des ZKP.

L’exemple britannique a montrĂ© que cette volontĂ© de contrĂŽler l’ñge des visiteurs des sites pornographiques est condamnĂ©e Ă  rester un vƓu pieux tant qu’elle n’est pas accompagnĂ©e d’une solution technique crĂ©dible pour prĂ©server la confidentialitĂ© des internautes. Les ZKP, couplĂ©es aux technologies blockchain, pourraient rĂ©pondre Ă  ce problĂšme : Ă  tout le moins, elles mĂ©riteraient d’ĂȘtre Ă©tudiĂ©es et testĂ©es comme solution potentielle.

Nous sommes donc heureux de constater que les rĂ©flexions autour de l’usage des ZKP pour l’identitĂ© essaiment, et espĂ©rons pouvoir approfondir et mettre en pratique ces travaux au cours des prochains mois, comme nous avons commencĂ© Ă  le faire avec certains acteurs publics. Nous sommes Ă  disposition pour avancer sur le sujet.

***

Ci-dessous, retrouvez le passage entier du rapport du CNNum sur l’usage des ZKP pour l’identitĂ© numĂ©rique (page 89 du document) :

« Afin que l’identitĂ© numĂ©rique rĂ©ponde aux besoins des citoyens en termes de protection de la vie privĂ©e, et pour qu’elle puisse faire Ă©merger des nouveaux usages respectueux, celle-ci doit pouvoir offrir des moyens de vĂ©rification d’information sans une diffusion complĂšte des donnĂ©es d’identitĂ© des citoyens Ă  travers des solutions s’appuyant sur le zero knowledge proof (ZKP, en français : preuve Ă  divulgation nulle de connaissance). Il s’agit d’un prĂ©requis pour rĂ©pondre au principe de proportionnalitĂ© et Ă  l’idĂ©e de frugalitĂ© des donnĂ©es.

En effet, le choix d’inclure ce type de technologies dans l’identitĂ© numĂ©rique permettrait d’amĂ©liorer le rapport de confiance qu’ont les individus Ă  l’identitĂ© numĂ©rique, rĂ©pondant aux craintes de surveillance et au nĂ©cessaire besoin d’espace de vie privĂ©e. CombinĂ© Ă  une CNIe, l’utilisation du ZKP permettrait aux usagers d’accĂ©der Ă  certains services sans avoir Ă  donner l’ensemble de leur identitĂ©, qui est une information non pertinente pour l’usage visĂ©. Par exemple, obtenir des tarif d’accĂšs prĂ©fĂ©rentiels aux Ă©quipements sportifs pour les habitants d’une collectivitĂ© locale sans avoir Ă  rĂ©vĂ©ler l’ensemble de leurs donnĂ©es d’identitĂ©. »

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