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154 - Apocalypse Nerds: No Facho ?

By: Jacques Favier —

Avec le sous-titre Comment les techno-fascistes ont pris le pouvoir Nastasia Hadjadji revient sur ses propres pas, chez le mĂȘme Ă©diteur, mĂȘme format, mais en duo. Ayant Ă©crit 4 livres de cette maniĂšre (voire en trio) j'y vois plutĂŽt – a priori – un gage de qualitĂ© : il est, en confidence, trĂšs difficile de se relire, et trop facile de se convaincre soi-mĂȘme de ce que l'on Ă©crit.

No Crypto crispa les cryptos, ''No Facho" fĂąchera les fascistes. La cible a bougĂ©, mĂȘme s'il faut bien admettre que certains se trouveront Ă  chaque fois dans la zone de tir.

J'ajoute que, comme dans le dernier opus, les exemples, les situations, les discours sont essentiellement amĂ©ricains. Cela me fait une raison de plus de lire le livre l'Ăąme en paix et de façon assez dĂ©tachĂ©e. J'ai certainement bien des travers, mais je ne suis ni amĂ©ricanisĂ© ni amĂ©ricanoĂŻde et je n'ai jamais Ă©tĂ©  déçu  ni mĂȘme franchement surpris par ce qui se passe lĂ -bas. Pour le dire crument : j'Ă©tais dĂ©jĂ  Ă©pouvantĂ© sous Bush PĂšre, mĂȘme si ce temps-lĂ  ferait presque figure d'Eden maintenant.

L'ouvrage a déjà fait l'objet de courtes recensions :

  • par Le Monde (qui fonde sa conclusion sur une citation de 2009) et
  • par le blog En attendant Nadeau, qui dĂ©crit plus sĂ©rieusement comment l'une des forces d’Apocalypse Nerds est sa capacitĂ© Ă  dĂ©crire la façon dont la production thĂ©orique des tech bros est toujours accomplie dans l’objectif de conquĂ©rir le pouvoir, mais qui dĂ©plore que l’essai pĂšche un peu dans les voies de sortie qu’il propose.

Il a aussi suscité une interview de O. Tesquet par PhiloMag.

Ce qui suit est donc une lecture plus personnelle, oĂč je dĂ©veloppe plus particuliĂšrement les points (religion, Bitcoin...) qui m'intĂ©ressent. Vous ĂȘtes prĂ©venus !

Commençons par prendre au sérieux ce mot d'Apocalypse. Il n'est pas là simplement dans le sens que lui donne le langage courant, avec beaucoup de napalm et un peu de Coppola, et qui fournit le thÚme central d'une introduction qui fera tourner les pages aux plus pressés, donnera le tournis aux autres, et en incitera quelques-uns à de longues ballades en ligne.

L'un des traits du nouvel american nightmare, derriÚre ses premiers rÎles de super-héros vieillis, de Jokers botoxisés ou de grands patrons pré-cryogénisés, derriÚre son armée de nerds, de geeks et sa plÚbe de devs, c'est bien, en effet, que ce projet oligarchique de prise de pouvoir par la technique (et la finance) s'énonce dans un délire religieux trÚs particulier.

Hadjadji et Tesquet ne peuvent ĂȘtre critiquĂ©s d'avoir choisi cet angle d'analyse et de combat. Encore faut-il rester Ă  bonne distance, se rappeler qu'une forme de religiositĂ© polĂ©mique ne rongeait pas moins l'AmĂ©rique maccarthyste et qu'en revanche le fascisme dans sa version europĂ©enne vintage ne s'embarrassait guĂšre de JĂ©sus et de son gĂȘnant message de fraternitĂ©, de misĂ©ricorde et de douceur. Je ne veux pas suggĂ©rer que notre Occident oriental n'ait pas connu jadis de sĂ©vĂšres dĂ©lires apocalyptiques ou millĂ©naristes, mais les ferments en ont Ă©tĂ© exportĂ©s de longue date par divers pilgrims vers l'Occident occidental. C'est de lĂ -bas, oĂč le dĂ©lire a sĂ©vĂšrement mutĂ©, qu'il continue de magnĂ©tiser (et d'amĂ©ricaniser) les cervelles les plus rĂ©ceptives du vieux continent.

Le catholicisme lui-mĂȘme, aujourd'hui lourdement revendiquĂ© par des gens comme Vance ou Thiel et bien surlignĂ© par les auteurs, n'a pas moins (quoi que plus rĂ©cemment) mutĂ© et ne ressemble Ă  rien de connu en Occident oriental : ni aux divers catholicismes politiques post-rĂ©volutionnaires (ordre moral, PĂ©tain, Franco) ni aux bricolages vaticans (democristiana etc), ni a ce que vivent dans leur foi les catholiques pratiquants dĂ©sormais minoritaires, ni Ă  ce que bricolent avec leurs souvenirs les catholiques culturels.

La plupart des catho-braillards amĂ©ricains sont en outre des convertis qui ont encore sous les rangers la boue de leurs terrains de chasse prĂ©cĂ©dents. Ce point n'est pas un dĂ©tail : il y a des gens (et les fachos en font Ă©videmment partie) qui ont tout intĂ©rĂȘt Ă  avancer masquĂ©s. De mĂȘme que certains ont dĂ©couvert Bitcoin comme une  divine surprise , certains et parfois les mĂȘmes ont trouvĂ© dans des Ă©crits religieux de quoi entretenir le feu de leur enfer mental.

Le lecteur europĂ©en pourra ĂȘtre Ă©tonnĂ© de voir la dimension apocalyptique attribuĂ©e dans ce livre non Ă  une lecture de saint Jean mais Ă  une (re)lecture de saint Paul (*). Car il s'agit d'un Paul juif, messianique et eschatologique, tel que rĂ©interprĂ©tĂ© notamment par Jacob Taubes (**) un esprit fort compliquĂ©, lecteur de Carl Schmitt et dont l'objectif ultime Ă©tait le dĂ©passement (impossible) de la scission entre le judaĂŻsme et le christianisme, en vue de l’explosion de la sociĂ©tĂ© existante : un dĂ©lire (et une impasse) que l'on retrouve aisĂ©ment aujourd'hui chez les millĂ©naristes amĂ©ricains.

Entrons dans le sujet. Les auteurs dĂ©crivent bien comment dans la Silicon Valley la  croyance en une hiĂ©rarchie naturelle des intelligences, doublĂ©e d'une morale entrepreneuriale viriliste  a progressivement structurĂ© les esprits, les discours, puis les entreprises elles-mĂȘmes. Tout le monde y adhĂšre plus ou moins Ă  la phrase de Peter Thiel en 2009 :  je ne crois plus que la libertĂ© et la dĂ©mocratie soient compatibles . Comme on sait, cette idĂ©e (dĂ©barrassĂ©e du fatras religieux) s'exporte dĂ©sormais fort bien chez nous, d'autant qu'elle jouit de la bĂ©nĂ©diction de F. Hayek.

Plus original, le chapitre placĂ© sous la rĂ©fĂ©rence au BĂ©hĂ©moth (qui est dans la Bible une force animale mutante, que l'homme ne peut domestiquer) prĂ©sente le projet de gouvernance par le dĂ©sordre, le prĂ©tendu art du deal qui n'est qu'un trial and error. L'Ă©vaporation des mots, le gel brouillon des budgets ne seraient pas l'effet de l'incohĂ©rence du techno-fascisme mais seraient Ă  la fois sa nourriture et son fonctionnement organique. Dans le  grand buffet dinatoire  oĂč les techno-fascistes picorent sans ordre ni mesure, les auteurs distinguent Ă  la suite de Timnit Gebru et Émile Torres, la convergence des 7 familles : transhumanisme, extropianisme, singularitisme, cosmisme, rationalisme, altruisme efficace et. longtermisme. L'avant-derniĂšre permet de faire surgir la figure de Sam Bankman-Fried tandis que le rationalisme permet d'Ă©voquer Peter Thiel ou David Sacks. Pour autant le lecteur ne verra pas citer directement Bitcoin parmi les amulettes, les mĂ©faits ou les trĂ©sors du BĂ©hĂ©moth. Il ne perd rien pour attendre.

 Coup d'Ă©tat graduel , prĂ©viennent les auteurs : ceci ne concerne toujours pas particuliĂšrement la crypto. Est-ce spĂ©cifique Ă  l'AmĂ©rique du Joker, quand on voit notre PrĂ©sident (que nul ne regarde en coin lorsqu'il traite les autres d'illibĂ©raux) dĂ©manteler les corps de l'État et nommer Ă  peu prĂšs son cheval consul, premier ministre, prĂ©fet, recteur ou ce qui lui plait. Pareillement pour le travail de sape des fondations. Je suis de ceux qui pensent (comme GalilĂ©e) que  lĂ -bas c'est comme ici  non pas hĂ©las par un relativisme moqueur mais parce qu'aucune comparaison ne me rassure sur ce qui se passe dans mon pays.

Donnons cependant ce crĂ©dit Ă  la perspicacitĂ© des auteurs que lĂ -bas le travail de destruction est confiĂ© Ă  des  jeunes hommes, pour certains Ă  peine majeur  mais souvent gros QI, quand chez nous des ministĂšres sont confiĂ©s Ă  des jeunes femmes demi-instruites dont le GĂ©nĂ©ral De Gaulle n'aurait peut-ĂȘtre pas voulu comme secrĂ©taires : cela ira donc moins vite chez nous. Et que la figure d'un Vance prĂ©tendument  hillbilly  et adepte de Girard tout Ă  la fois, mais dont le catholicisme est rĂ©futĂ© par le Vatican tandis que son autoritarisme fait trembler, incarne peut-ĂȘtre l'aprĂšs Trump. Et que les Ă©lites Ă  venir seront lĂ -bas bien peu universitaires et instruites au sens acadĂ©mique du terme.

Le  rĂȘve de la monarchie distribuĂ©e  n'a malgrĂ© les mots employĂ©s (et divers fantasmes fĂ©odaux dĂ©jĂ  abordĂ©s ici) rien de traditionnelle : c'est un cĂ©sarisme de CEO, un remake d'idĂ©es anciennes que Curtis Yarvin est allĂ© piocher chez Taine, avec la conviction que Trump Ă©tait  de la trempe  de Bonaparte, capable de canaliser les colĂšres et les fiertĂ©s pour exercer sa tĂąche : subvertir le systĂšme sans le renverser et installer une  infrastructure invisible, logicielle capable de se propager comme un virus . La technologie est la gouvernance elle-mĂȘme.

A ce dĂ©tour, retrouve-t-on Bitcoin ? Rien n'est moins sĂ»r, pour moi. La presse malveillante peut associer autant qu'elle le veut Bitcoin aux Trump pĂšre et fils, rien n'empĂȘchera Bitcoin de servir aussi leurs ennemis comme ceux de l'AmĂ©rique et du monde libre. Il y a dans le protocole Bitcoin quelque chose qui rĂ©sistera largement Ă  tout agenda idĂ©ologique.

Mais il y a aussi, dans les si nombreux agendas idĂ©ologiques Ă©voquĂ©s par les auteurs, de façon un peu Ă©tourdissante pour le lecteur, un cĂŽtĂ© foutaise. Je ne parle pas des hommes (Musk dĂ©jĂ  en retrait et bougon, Milei un peu tronçonnĂ©, Bukele dictateur cool et maton as a service) mais des systĂšmes de pensĂ©e eux-mĂȘmes (miniarchie autoritaire, haut modernisme d'un monde entiĂšrement modĂ©lisable) dont il est peu probable que les hypostases durent mille ans.

Il ne me semble pas davantage probable qu'elles s'exportent sur un vieux continent dont les vieux rĂ©acs ont eux-mĂȘmes des vieilles traditions trop diffĂ©rentes et dont les jeunes fachos sont loin d'ĂȘtre tous des nerds. Bien sĂ»r, la lecture de X montre combien les  jeunes entrepreneurs  peuvent adorer Musk et Trump, et Netanyahu en prime. Mais mĂȘme dans son sommeil M. BollorĂ© ne voit pas JĂ©sus accueillir Charlie dans son ciel sucré ; mĂȘme munie d'une hache en place de tronçonneuse Mme. PĂ©cresse ne participe guĂšre que de la ladrerie bourgeoise ; et mĂȘme le patron de l'AfD doit bien comparer le nazisme Ă   une fiente d'oiseau en comparaison avec mille ans d'histoire allemande glorieuse . M. StĂ©rin peut bien admirer Musk, il le fait comme celui-ci admire NapolĂ©on, Ă  sa façon. La sienne tient surtout du Puy du Fou et je doute qu'il le fasse, comme le craignent les auteurs  from scratch .

En Europe, nous savons que Mabuse était fou et que la bande de Gaza, si elle ne reste pas pour toujours un enfer, ne sera jamais un Paradise, ni une sovcorp, ni une enclave façon Prospera, ni une plateforme de Thiel, quelles que soient les combinaisons de Rubik's cube de ce que les auteurs décrivent fort justement comme des idéologues nihilistes.

Cela ne nous met pas forcément du  bon cÎté  car il entre autant de mollesse que de résilience dans notre résistance aux délires. A toutes les références trÚs savantes des auteurs, j'ajouterais (ou j'opposerais) volontiers le Domaine des Dieux, publié par Uderzo et Goscinny un an avant le rapport du Club de Rome.

Tel ne sera pas le sort de Praxis, qui risque fort de ne jamais exister qu'Ă  l'Ă©tat de modĂšle ou de fantasme, parce que dĂ©cidĂ©ment la cabane au Liberland apparait tout juste passable pour les boys scouts, mais qui ne viendra jamais concurrencer DubaĂŻ IRL. Et il est bien inutile (de la part des fondateurs comme de celle des auteurs) d'imaginer Praxis fonctionnant grĂące Ă  une cryptomonnaie : ce serait au mieux une monnaie locale numĂ©rique dont la valeur serait problĂ©matique, soit Bitcoin dont je rappelle (au risque de chagriner mes amis) que la souverainetĂ© est celle de l'algorithme, pas du dĂ©tenteur de la clĂ©. Tout cela est bĂąti avec du vent, les auteurs le montrent eux-mĂȘmes quelques pages plus loin.

Dans la rĂ©alitĂ© des choses, la sĂ©cession des geeks se fait (mĂȘme en AmĂ©rique) comme celle des riches : dans les beaux quartiers, dans les bonnes Ă©coles, avec pour les 1% le yacht battant pavillon souvent de complaisance mais qui rappelle qu'il faut toujours un État, mĂȘme pour bronzer sur le pont arriĂšre et avec pour les 1% des 1% une Ăźle, volcanique, atoll ou artificielle, oĂč ils se feront vite suer quand ils auront fini d'y Ă©quiper leur bunker.

Que M. Srinivasan ou M. Zuckerberg croient qu'une entreprise-rĂ©seau captant l'attention de milliards d'ĂȘtres serait plus proche d'un État que d'une firme et plus puissant qu'une nation ne nous obligent pas Ă  Ă©pouser sans examen cette croyance comme peuvent le faire les 30 ou 40 millions (pas plus) de digital nomads. Certes l'ordre westphalien est Ă©branlé –je l'ai Ă©crit moi-mĂȘme, pensant surtoutaux États de culture continentale ; certes l'Ă©vitement fiscal s'affiche ; et certes (les auteurs en parlent Ă©tonnamment peu !) les convictions dĂ©mocratiques s'effondrent chez les dirigeants comme chez les gouvernĂ©s des pays mĂȘmes qui se dĂ©finissent encore comme dĂ©mocratiques, et cela pour cent raisons dans lesquelles la tech n'intervient pas forcĂ©ment. C'est de cela, me semble-t-il, qu'il faudrait se soucier sans se laisser abuser par des discours libertaires qui parfois ne sont guĂšre plus qu'un jeu de rĂŽles pour enfants malins ou riches.

Et Bitcoin ? Il est prĂ©sentĂ© comme le  fĂ©tiche ultime des individus souverains, une technologie de pouvoir Ă  mĂȘme de faire advenir (la) constellation de juridictions autonomes  ce qui suppose un peu que les citĂ©s sovcorp et autres Ăźles de Titus Gebel mĂšneront leurs transactions surtout entre elles, ce dont on peut douter. Surtout si, comme cela a Ă©tĂ© supposĂ©, chacune a financĂ© son dĂ©veloppement par sa crypto. Mais cela permet de placer Bitcoin dans le paysage de l'Apocalypse nerd. Je trouve comique, au passage, d'accuser Bitcoin de  priver les États de leurs recettes fiscales  : aprĂšs plus de 10 ans Ă  entendre lesdits États marteler  n'y touchez pas  en affirmant qu'il s'agissait ni plus ni moins que d'un bout de crotte, les voir en croquer 30% avec gourmandise a de quoi faire rire. Il reste bien d'autres gĂąteaux qui leur Ă©chappent : est-ce propre – ou particuliĂšrement significatif –  avec la crypto ? Le cum-cum qui a privĂ© l'État de 33 milliards d'euros sur 20 ans est un scandale bien bourgeois, pratiquement soutenu par les occupants successifs de Bercy oĂč cela reprĂ©sente un manque Ă  gagner largement supĂ©rieur aux petites tromperies des cryptobros.

Dans ce livre, qui fait mine de s'effrayer de tout un tas de foutaises que les auteurs mettent entre guillemets, Bitcoin se voit assigner une place Ă©trange, bien ambigĂŒe : la preuve (unique) de ce que malgrĂ© tout  une fiction financiĂšre  pourrait marcher. On a envie de leur dire :  d'accord avec vous . Bitcoin marche et il est pratiquement unique. Vous ĂȘtes des maxis. Mais le succĂšs de l'objectivation du White paper de Satoshi ne permet pas d'extrapoler un succĂšs comparable du ''Network State" de Srninivasan (rĂ©sumĂ©) qui n'est en rien comparable, ni comme projet, ni comme architecture, ni comme logique, ni comme rigueur, ni comme utilisation de la thĂ©orie des jeux. Si j'Ă©tais pervers, je noterais qu'il est tout de mĂȘme plus facile de fonder une monnaie qu'une nation dotĂ©e de puissance. Un exemple ? L'Europe.

LĂ  oĂč les auteurs ont en revanche raison, c'est sur le capitalisme de perforation, celui des plus de 5000 ZES qui parsĂšment la carte des États westphaliens, mĂȘme si cela tient plus du capitalisme anglais Ă  Hong-Kong, ou de Tanger Ă  l'Ă©poque coloniale que du rĂȘve des nerds(***). Mais bien des gĂąteries consenties aux groupes Ă©trangers investissant chez nous relĂšvent aussi de cela. Sans compter les arrangements juridiques inclus dans les traitĂ©s de commerce. Tout cela n'est pas forcĂ©ment trĂšs geek et ne permet pas d'aller chercher des poux dans la tignasse de Satoshi. Si presque tous les exiteurs sont bitcoineurs, l'immense majoritĂ© des bitcoineurs ne sont pas des exiteurs. Et les auteurs le savent fort bien.

Que dire des dĂ©veloppements sur la SF ? Que ceux qui imaginent un autre avenir, quelqu'il soit, consomment voire produisent de la SF me paraĂźt dans l'ordre des choses. Est-ce que  le fantasme d'une humanitĂ© Ă  deux vitesses irrigue la science fiction d'obĂ©dience cyberlibertarienne  ? Est-ce que ça lui est propre ? On trouve cela chez Aldous Huxley, ou dans les BD de Bilal. Et la Bible elle-mĂȘme ne commence-t-elle pas avec cette promesse diabolique :  Vous serez comme des dieux  ?

L'avenir aussi Ă  une histoire : chacun connait les diverses prĂ©dictions, illustrĂ©es de façon fort amusante, sur le Paris de l'an 2000. Aucune, malgrĂ© quelques anticipations saisissantes ne s'approche de ce que nous avons connu il y a dĂ©jĂ  un quart de siĂšcle. Pour des raisons Ă©videntes : erreurs  toutes choses Ă©gales par ailleurs  ; erreurs d'extrapolation ; erreurs surtout sur les usages sociaux. La SF est d'ailleurs un univers auto-rĂ©fĂ©rentiel et Asimov par exemple s'intĂ©ressait aux prĂ©dictions passĂ©es. Les dĂ©lires SF des nerds, tout politiques qu'ils soient, doivent ĂȘtre rĂ©inscrits dans cette optique.

Les auteurs sont particuliĂšrement intĂ©ressants dans leur exposĂ© sur le  futur post humain  dont ils font une gĂ©nĂ©alogie assez exhaustive. S'ils suivaient ce blog, ils l'auraient mĂȘme fait remonter au bouillonnement prĂ©cĂ©dant la RĂ©volution, quand, dans un dĂ©sordre comparable Ă  l'actuel, certains hommes rĂȘvaient parfois en mĂȘme temps d'abattre la vieille sociĂ©tĂ©, de faire de l'or et de se rendre immortels.

Mon opinion personnelle est que, voyant aujourd'hui Bryan Johnson comme jadis Cagliostro, la plupart des gens considĂšrent cela comme un folklore initiatique douteux. Et que les auteurs sont bien hardis de dire que le courant extropien a  rendu crĂ©dible la quĂȘte utopique d'immortalité  et un peu confus quand ils concluent que  la longĂ©vitĂ© comme parabole du franchissement des limites corporelles et cognitives ne racontent au fond qu'une histoire millĂ©naire, celle de la recherche de la transcendance . Pour moi on est ici beaucoup plus proche de fantasmes Ă  la Dracula ; j'avais d'ailleurs dĂ©jĂ  rĂ©flĂ©chi ici sur le sang.

J'en arrive aux obsessions natalistes des magnats de la Silicon Valley. Faut-il préciser que le pÚre de famille que je suis a lu ce chapitre comme mon grand-pÚre devait lire la littérature des explorateurs sur les sorciers ? Je note que les fantasmes décrits frappent aussi (tiens donc)  une élite qui n'a rien à voir avec le rigorisme mormon et la ferveur catholique . Je n'en suis pas étonné pour ma part. L'altruisme efficace est tout sauf chrétien, quoi qu'en pensent ceux qui ont reçu leur culture chrétienne comme de l'eau bénite jetée sur la foule au goupillon. Il est aussi tout sauf moderne : l'eugénisme radin n'est pas une nouveauté.

Bitcoin or not Bitcoin? À ce niveau, le lecteur aimerait sans doute en savoir davantage sur l'historien Q. Slobodian qui a tracĂ©  un trait d'union entre le retour des thĂ©ories explicitement racistes et eugĂ©nistes et le rĂ©investissement de la hard money, c'est Ă  dire de l'or (...) dont le pendant numĂ©rique serait, selon ses promoteurs, Bitcoin . À dĂ©faut d'une traduction française de cet ouvrage paru en 2025 on lira cet interview et surtout l'extrait ci-dessous, oĂč il est bien dit qu'il ne traite pas de Bitcoin et qu'il considĂšre le sujet comme accessoire. Les auteurs français auraient-ils, alors, rĂ©introduit en loucedĂ© leur fixette personnelle ?

Que puis-je dire pour conclure ?

Comme dans No Crypto je ne suis pas en opposition frontale (tant pis pour les amis que je perdrai Ă©ventuellement en Ă©crivant ceci) ni en dĂ©saccord point par point avec tout. Mais j'Ă©prouve le mĂȘme sentiment de brouillon mĂȘlant un peu tout, avec des condamnations implicites en tous sens. Par exemple  catholique fervent  ne signifie ici que  trop catho Ă  mon goĂ»t  et bien sĂ»r le mot Bitcoin fonctionne comme Satan, il porte en lui sa condamnation et celle de tout ce qui y conduit, selon l'expression liturgique consacrĂ©e.

Comme la plupart des autres lecteurs qui se sont exprimés, je termine en pensant (comme les célÚbres vautours de Disney) :  What are we gonna do ? .

S'en prendre à tout ce qui est numérique, que ce soit avec des rhétoriques anciennes ou renouvelées, consiste à faire non le vautour mais l'autruche en oubliant ce que l'on sait depuis que Galilée l'a écrit en 1623, que la nature est écrite en langage mathématique et ce qu'avait dessiné Léonard de Vinci environ 130 ans plus tÎt, que l'homme n'en est pas si différent.

DĂ©noncer des propos odieux, nihilistes, parfois antechristiques, souvent clownesques ne les rĂ©fute pas forcĂ©ment, ne leur oppose pas de vision alternative convaincante et peut laisser penser que l'on prĂ©fĂšre ne pas approfondir les failles et faiblesses du systĂšme que l'on souhaite sauver de leurs assauts. Les prendre au pied de la lettre est une autre faiblesse. L'accĂ©lĂ©rationnisme peut ĂȘtre vu comme un procĂ©dĂ©  sadique  ; il peut aussi ĂȘtre dĂ©crit comme une pensĂ©e de bulle.

A cet Ă©gard, je vois une sorte d'aveu dans les mots suivants :  Ce sont eux, ces grands oligarques, ces codeurs renĂ©gats transformĂ©s en Raspoutine, ces thĂ©oriciens de la nĂ©o-rĂ©action et des LumiĂšres sombres, qui capturent aujourd'hui la fabrique des utopies, en subtilisant Ă  une certaine gauche des idĂ©es – rĂ©volutionnaire, communaliste, anarchiste, socialiste libertaire, Ă©cosocialiste, fĂ©ministre – son magistĂšre en matiĂšre de poĂ©sie rĂ©volutionnaire, et surtout sa capacitĂ© Ă  construire des utipies concrĂštes .

Pas mieux. La faute Ă  qui ? On fait quoi ?

Pourtant (et sans doute est-ce la forme de relativisme propre aux historiens) il me semble qu'une bonne part de ce que dĂ©crivent les auteurs, n'est, sous des oripeaux technofascites, qu'une forme trĂšs ancienne de la pensĂ©e de l'inĂ©galitĂ©, avec sa force (faut pas se gĂȘner) et sa faiblesse (des gens de la premiĂšre classe du Titanic sont morts aussi).

MĂȘme la  nĂ©cropolitique  citĂ©e Ă  l'antĂ©pĂ©nultiĂšme page (j'ai fait mon boulot sĂ©rieusement) et dĂ©finie comme  la capacitĂ© de dire qui pourra vivre et qui doit mourir  m'a fait immĂ©diatement penser Ă  ce passage glaçant du Dr Folamour, datant de 1964, soit sans doute de trop d'annĂ©es avant la naissance des auteurs pour qu'ils y aient songĂ©.

On doit pouvoir divulgacher un film vieux de 60 ans : d'une part il y a un personnage qui  envoie son coeur  et d'autre part... ça finit mal !

Quant au livre de Hadjadji et Tesquet, s'il a le mérite de dénoncer le chaos et ce qui conduit au chaos, il s'achÚve pratiquement sur un pont de bambou tendu au-dessus du chaos promis, avec un mix usé de luttes féministes et de refus de l'IA, mélange dont le plus complaisant des lecteurs pourra douter.

Pour ma part (j'ai prévenu que je jouerais perso) j'aurais imaginé la lutte finale de cette Apocalypse conduite sous l'égide de quelqu'un(e) inspiré(e) de John le Sauvage, le romantique et shakespearien personnage de Brave New World (1932), ou bien du Juwna de Noir ProphÚte (2004).

Ou pourquoi pas d'un dynamiteur comme Satoshi (2008) ?

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(*) La pensĂ©e de l’ApĂŽtre est largement fondĂ©e sur l'idĂ©e de rĂ©conciliation avec Dieu par la Croix et sur l’inauguration d’une humanitĂ© nouvelle dans la rĂ©surrection du Christ. À ceux qui attendent les ascensions cĂ©lestes promises par la littĂ©rature apocalyptique, Paul rĂ©pond qu’ils possĂšdent dĂ©jĂ  leur ĂȘtre ressuscitĂ© avec le Christ, qui trĂŽne bien au-dessus de tous les ĂȘtre cĂ©lestes

(**) lire ici Les nombreuses vies de Jacob Taubes. On peut lire aussi cette note critique dans la Revue des Etudes juives en 1999

(***) À noter, puisque les auteurs (qui citent L'Île Ă  hĂ©lices) ne l'ont pas fait, que le capitaine Nemo (1870) offre le modĂšle parfait de l'exiteur techno !

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Le 93Ăšme Repas : un Pizza Lunch le 22 mai 2025.

By: Jacques Favier —

Pour le happy few dira-t-on, Ă  moins de se lamenter : moins de convives qu’au premier repas, dont on cĂ©lĂ©brait il y a deux mois le 10Ăšme anniversaire.

La peur, dĂ©jĂ  ? PlutĂŽt le trop plein car de nombreux Ă©vĂ©nements ont eu lieu en ce jeudi saint de la bitcoinie et donc de nombreux bitcoineurs parisiens avaient dĂ©jĂ  prĂ©vu une pizza pour le soir et celle-ci Ă©tait donc plutĂŽt  destinĂ©e Ă  celles et ceux qui souhaitent encore pouvoir concilier les nombreux rendez-vous proposĂ©s avec leurs vies de famille. En outre d’autres Ă©vĂ©nements Ă©taient aussi prĂ©vus en ce jour emblĂ©matique pour ceux qui dĂ©siraient s’emplir autre chose que la panse : une journĂ©e de confĂ©rence au CNAM, par exemple!

On s’est donc retrouvĂ© dans l’arriĂšre salle discrĂšte d’une non moins discrĂšte mais trĂšs sympathique pizzeria de la rue des Dames (adresse propice : un quart de copines, ration jamais atteint!) avec quand mĂȘme, pour que ce soit un vrai Repas du Coin, des convives venus de Bruxelles ou Luxembourg, de Lille et Lyon aussi.

Comme la communautĂ© est inclusive, quelques mangeurs ou mangeuses de salades n’ont participĂ© au rite de lapizza qu’en esprit !

On a bien sĂ»r Ă©voquĂ© les attaques physiques rĂ©centes contre des figures de la communautĂ©, mais aussi les attaques verbales assez basses observĂ©es de la part du « camp du bien » sur les rĂ©seaux sociaux. Mais entre « piliers » de l’institution, et pendant que Bitcoin franchissait un nouvel ATH, on a aussi Ă©voquĂ© l’avenir du Cercle du Coin, les actions entreprises par l’INBI ou les Ă©vĂ©nements Ă  venir (Bef, Paradigme).

Le soleil rĂ©gnant, les Ă©changes se sont poursuivis en terrasse (mĂȘme pas peur?) avant une migration vers le Bitcoin Bazar et la Pizza du soir Ă  Montmartre.

 

Cet article Le 93Ăšme Repas : un Pizza Lunch le 22 mai 2025. est issue du site Le Coin Coin.

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Le 92Ăšme Repas du Coin, Ă  GenĂšve le 3 avril 2025

By: Jacques Favier —

Retour un peu plus de 2 ans aprĂšs le dernier repas Ă  l’accueillante Auberge de SaliĂšse pour ce 92Ăšme « Repas du Coin ».

Un bon tiers de « nouveaux » parmi les 36 convives, essentiellement helvĂštes de naissance ou de choix avec quelques parisiens, bordelais ou lyonnais pour pimenter et deux luxembourgeois pour la diversitĂ©. L’écosystĂšme NeuchĂątelois était prĂ©sent en force  et un belle atmosphĂšre rĂ©gnait, plus lĂ©gĂšre ou plus conviviale peut-ĂȘtre qu’en France. 

Prises de photos souvenirs et Ă©ditions de goodies par Adli, l’un des fondateurs de ce Repas, toujours au fait du dernier gadget !

Beaucoup de choses autour du patrimoine, de l’adoption bancaire avec des choses assez avancĂ©es chez Arab bank, eu de dĂ©bat sur la technologie et plus sur l’actif et sa place dans l’actualitĂ©.

À une autre table on est parti sur la mĂ©taphysique de Bitcoin, le yin et le yang entre IA et Bitcoin, et bien d’autres choses mystico-philosophiques

Enfin sur une table on n’a mĂȘme pas parlĂ© de Bitcoin, mais la conversation n’y fit que des heureux, et s’acheva avec quelques gorgĂ©es vertes.

Le Bitcoin soluble dans la fondue


Cet article Le 92Ăšme Repas du Coin, Ă  GenĂšve le 3 avril 2025 est issue du site Le Coin Coin.

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153 - Ni dieu ni IA

By: Jacques Favier —

L'ouvrage que Mathieu Corteel prĂ©sente en sous-titre comme une philosophie sceptique de l'intelligence artificielle a attirĂ© mon attention : un bitcoineur est forcĂ©ment un peu anarchiste, et le titre faisait trop Ă©cho Ă  la cĂ©lĂšbre formule d'Auguste Blanqui pour que je passe outre. Plus techno-curieux qu'autre chose, j'ai moins peur de la τέχΜη que des technophiles immatures. AssurĂ© par un interview* de l'auteur que je ne risquais pas de m'y exposer, pas plus que de m'infliger des rengaines technophobes, j'ai lu son livre qui ne traite pourtant ni de Bitcoin (quoique...**) ni d'uchronie, mais qui pouvait m'intĂ©resser Ă  ces deux Ă©gards.

Il commence cependant par des oracles apocalyptiques du jour (prochain) oĂč les machines auront  codĂ© et transcodĂ© la culture dans sa totalité , prophĂ©ties mĂątinĂ©es de craintes inspirĂ©es des fantasmes transhumanistes de Nick Bostrom ou des singes dactylographes de Borel gĂ©nĂ©rant la bibliothĂšque-univers de BorgĂšs et nous plantant lĂ  comme des idiots face Ă   l'horizon de la doctrine humaine  de Leibnitz.

Tout ceci en nous prévenant qu'il ne faudra pas trop compter sur la bonne volonté des marchands d'IA :  tout leur business model repose sur l'illusion .

Loin des parousies techno-solutionnistes, l'auteur, philosophe et historien des sciences, chercheur associé à Harvard, annonce de façon délibérement sceptique l'inquiétante couleur de l'avenir : l'association entre les IA et les humains  introduit une part de non-sens, d'absurde, d'illusion dans nos choix, jugements et agissements quotidiens sans qu'on s'en rende compte .

La fĂ©tichisation de la machine est sans limite. Ceci semble effrayer l'auteur. Pour ma part, aprĂšs tant de films oĂč des formes de consciences (pas toujours droites) Ă©mergent ex machina, je dois confesser que je me sens plus amusĂ© qu'autre chose.

Dans ma jeunesse, seuls les (nombreux) idiots pensaient qu'il y avait une fille à l'autre bout du Minitel sur 3615. Vingt ans plus tard seuls des maris en rut pensaient qu'il y avaient des milliers de libertines sur Ashley Madisson. L'histoire se reproduira. Les idiots, les malins et les machines co-évolueront.

L'expĂ©rience de Blake Lemoine et de son LaMDA me fait l'effet d'un scĂ©nario. La machine lui fait miroiter sa  part spirituelle  : que ne dit-elle pas qu'elle est princesse aussi, et nigĂ©riane en prime ? En vĂ©ritĂ© (et c'est ce que j'ai senti moi-mĂȘme dans des expĂ©riences que je rapporterai prochainement) l'IA parle au mieux comme un Ă©lĂšve qui triche, au pire comme un escroc. Ceci m'empĂȘche de sentir comme  un fantĂŽme dans la machine  par  une sorte d'agencement paranoĂŻaque . Sans doute n'ai-je pas Ă©tĂ© assez loin dans le jeu ?

L'Ă©puisement des possibles traite du chaos psychique engendrĂ© et du  labyrinthe de discours stochastique  qui se referme sur le malheureux, aliĂ©nĂ© par l'illusion d'entretenir une relation avec un ĂȘtre de pure information : l'effet mortel, en somme, de la pilule bleue. Le cerveau placĂ© dans une cuve, dans l'expĂ©rience de Putman, ne pouvait dĂ©jĂ  pas dire qu'il Ă©tait placĂ© dans une cuve. Et l'on Ă©tait en 1984.

Quand Corteel Ă©voque  le devenir machine de l'humain pris au piĂšge de la combinatoire  je suis un peu troublĂ© : pour moi, je penserais volontiers que c'est parce que nous ressemblions dĂ©jĂ  (depuis les Temps modernes, en gros?) Ă  des machines, que celles-ci ont dĂ©cidĂ© de nous parler comme cela, y compris dans le tĂ©lĂ©phone pour nous enjoindre de press one # press two. Je peux me tromper mais il me semble que cela fait longtemps que nous avons rĂ©ussi le test de ⊄uring pour humains : faire croire que nous sommes des machines.

Autant prévenir, c'est rude à lire si l'on n'est pas philosophe et frotté de Wittgenstein, Deleuze et Bergson. Mon humble conclusion serait que l'on peut poser des questions à une IA, mais qu'il ne vaut mieux pas répondre aux siennes. Un peu comme certains regards qu'il vaut mieux ne pas tenter de soutenir.

 Laissez venir Ă  moi les petits enfants  pourrait ĂȘtre le titre du 3Ăšme chapitre : si les machines apprennent, alors autant leur faire commencer le parcours en enfance, ce que Turing proposait dĂ©jĂ  en 1950. Encore faut-il s'entendre sur ce que learning veut dire. Tout savoir, est-ce savoir tout ou se noyer dans le dĂ©tail ? Comment passe-t-on d'observations singuliĂšres et hĂ©tĂ©rogĂšnes Ă  des vĂ©ritĂ©s gĂ©nĂ©rales ?

Il est troublant d'observer que certaines vues sur l'IA (l'IA germinale notamment) convergent de plus en plus avec le modÚle d'apprentissage des enfants développé par la psychologie du développement . Mais peut-on se satisfaire d'une perspective dans laquelle,  en se complexifiant (en développant des rÚgles et des métarÚgles) la machine tend vers l'autonomie de la conscience ? . Pour Corteel  ce que l'on appelle aujourd'hui l'autonomie de la machine apprenante, ce n'est rien d'autre qu'un programme, défini par des billons de paramÚtres, qui sonde un océan de données pour affiner ses fonctions (...) il ne s'agit pas d'un processus d'émergence libre qui s'affranchit de son programme mathématique pour accéder à la conscience, mais d'un systÚme métamathématique qui affûte ses corrélations .

Le crime fongible dans les mathématiques ?

C'est l'espoir nĂ©o-positiviste de ceux qui n'ont pas d'Ă©tats d'Ăąme Ă  prĂ©dire les crimes (qui se rĂ©pĂštent) un peu comme les sĂ©ismes (qui se dupliquent) ni Ă  mathĂ©matiser le fait social dans une physique dĂ©terministe. MalgrĂ© l'Ă©vidence (faible prĂ©cision des prĂ©dictions sismographiques) et les biais comme le cadrage auto-rĂ©fĂ©rentiel des zones a priori criminogĂšnes oĂč vivraient des populations a priori Ă  risque, et oĂč va prospĂ©rer un cauchemar kafkaĂŻen (troublantes citations Ă  l'appui).

En attendant, la police quantique peut considérer que, tel le célÚbre chat, l'individu (ou plutÎt le dividu : une masse de données) est à la fois coupable et non coupable.

Malgré l'échec cuisant de PredPol à Los AngelÚs, la loi JO 2024 a avalisé une série de trÚs comparables expériences (selon l'éternel mensonge) : PAVED, ou le RTM notamment. Se profile un coded gaze façonnant l'image du bon sujet dans nos sociétés post-coloniales à la façon dont le male gaze a façonné celle de la femme dans les sociétés patriarcales.

Il suffit de songer aux normes qui régissent désormais les photos d'identité (et pas seulement celles des détenus ou des migrants) : des visages-choses destinés à la seule reconnaissance par une machine.

Corteel ne l'envisage pas, mais il m'est arrivĂ© de songer au jour oĂč il serait interdit de sourire aussi dans la rue, et obligatoire d'y parler dis-tinc-te-ment, comme avec les robots tĂ©lĂ©phoniques des banques.

Le joujou du pauvre

Les IA permettent l'apparition, aprÚs les capitalismes mercantiliste et industriel, d'un  capitalisme cognitif fondé sur l'accumulation du capital immatériel, la diffusion du savoir et le rÎle moteur de l'économie de la connaissance  pour citer Yann Moulier-Boutang, mais dans une version 3.1. Le capitalisme cognitif avancé se caractérise par l'accumulation des biens immatériels, comme la codification et l'intégration de nos connaissances informelles.

L'IA vectorise cette accumulation  en expropriant la propriété intellectuelle des individus à partir des usages qu'elle offre "gratuitement" .

En écrivant avec l'IA, ce qui compte, ce n'est pas ce que j'écris, c'est l'activité cognitive que je génÚre dans l'échange avec l'IA ; c'est  la valeur d'échange immatérielle, dont on m'exproprie en analysant mon activité cognitive .

(OK boomer) : dĂ©jĂ  Socrate se plaignait des livres, avec lesquels il Ă©tait impossible de discuter. Mais il s'agit ici de bien plus dommageable que la fort modeste exploitation de l'auteur par son Ă©diteur. Pour citer Alain Damasio, la relation avec l'IA vous entraĂźne Ă  Ă©duquer et Ă  former malgrĂ© vous (...) les machines qui vont vous voler votre emploi . Il suffit de demander Ă  une IA  que pense Jacques Favier, l'auteur de Bitcoin la monnaie acĂ©phale, au sujet de Bitcoin ?  pour s'en convaincre : j'ai obtenu un mix de phrases recopiĂ©es... et de rĂ©fĂ©rences inventĂ©es (L'AcĂ©phale ne contient aucune rĂ©fĂ©rence au Zimbabwe, contrairement Ă  ce que m'a soutenu Grok, cette tarte-Ă -la-crĂšme pour confĂ©rencier n'apparaissant en tout et pour tout qu'une fois dans mon billet n°88 – et encore, entre guillemets – et en page 25 d'un autre livre, MĂ©tamorphoses). Comme le dit Corteel  la combinatoire c'est du vol  mais c'est aussi du bousillage.

Reprenant une remarque de David Graeber (dans Bullshit jobs) comme quoi la technologie a plutÎt paradoxalement accru la part des activités a-signifiantes, Corteel pose l'hypothÚse qu'il ne s'agit pas d'une stratégie du marché (invention d'emplois inutiles pour maintenir à flot le systÚme) mais d'un effet de surface du capitalisme cognitif, la mobilisation de connaissances informelles par le salarié se ramenant de plus en plus à de la simple computation. Le salarié fait ce que fait l'ordinateur, il brasse des symboles selon des rÚgles syntaxiques mais sans avoir à les comprendre ni en avoir le moyen. C'est la  chambre chinoise  décrite par J.R Searle.

A ce point, l'hypothĂšse d'un revenu universel rĂ©munĂ©rant notre incessante activitĂ© de pollinisateurs cognitifs paraĂźt une assez chiche consolation et mĂȘme, puisqu'elle est supportĂ©e par quelques gĂ©ants de la tech, comme un possible piĂšge.

La machine de Lulle

C'est curieusement in fine qu'apparaĂźt le chapitre pour historiens. L'Ars brevis du grand Raymond Lulle (v1232-1315) est une fascinante expĂ©rience de pensĂ©e oĂč, Ă  l'aide des rĂšgles de la logique aristotĂ©licienne, une Ă©trange machine permet de formuler l'ensemble des propositions nĂ©cessairement vraies et adĂ©quatement morales et de rĂ©pondre Ă  151.200 questions. Sa machine morale inspirera Leibniz ou le pĂšre Mersenne. Mais selon Corteel on la retrouve aussi, sĂ©cularisĂ©e, dans des tentatives de moral enhancement de l'IA.

Car l'effroi que gĂ©nĂšrent les biais cognitifs des IA (dans un climat politique inflammable) pose Ă©videmment des questions morales auxquelles on voudrait que l'IA elle-mĂȘme rĂ©ponde. L'IA pourrait aussi ĂȘtre socratique et nous faire accoucher d'un meilleur nous-mĂȘme. Ne nous arrĂȘtons pas en si bon chemin : d'autres IA, réécrivant Kant ou Nietzsche pourraient aussi nous proposer d'utiles exercices pĂ©dagogiques. La conviction de Corteel est qu'elles ne prolongeraient cependant pas leurs philosophies.  L'individuation axiologique et hermĂ©neutique de la pensĂ©e n'Ă©merge pas de la computation .

Évoquant Deleuze pour qui la bĂȘtise n'est pas un tissu d'erreur mais  une maniĂšre basse de penser , Corteel voit dans l'emprise culturelle des IA la lutte des valeurs rĂ©actives sur les valeurs actives. Il cite Chavalarias pour qui  c'est avant tout les rĂ©actions itĂ©ratives des utilisateurs qui biaisent le systĂšme . Enfin, pour ceux qui se soucient encore de dĂ©mocratie, pour les matheux inventeurs du meilleur des systĂšmes de vote possibles, Corteel achĂšve par des excursions chez Asimov, Arrow ou Condorcet un voyage qui se termine verre en main, puisque les meilleurs modes de scrutin, pour y laisser un rĂŽle Ă  l'IA, sont peut-ĂȘtre ceux des concours Ɠnologiques. Soit dit sans cynisme (DiogĂšne ricane ici dans son tonneau).

L'auteur a-t-il rĂ©ussi Ă  montrer l'absurditĂ© des croyances en l'IA, de l'aliĂ©nation qui en dĂ©coule et du catĂ©chisme nĂ©o-positiviste ? C'est la question qu'il se pose lui-mĂȘme, non sans une dose de malice. Et oui, son livre a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© Ă©crit par une IA***, ou du moins ses (trĂšs) nombreuses citations. Mais on peut encore rĂ©futer l'horizon assignĂ© par Leibniz Ă  la pensĂ©e humaine en philosophant sur la langue, et se moquer de l'IA qui, se dĂ©rĂ©glant Ă  l'occasion, se trompant de temps ou prenant les choses pour ce qu'elles ne sont pas, semble condamnĂ©e au destin de Don Quichote.




NOTES

*   Compte-rendu publié par Usbek&Rica
**  Courage : vous sacherez tout au prochain billet ! 
*** Introduction au livre par ChatGPT lui-mĂȘme
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152 - Le choc géopolitique

By: Jacques Favier —

Voici un ouvrage co-signé par un spécialiste de géopolitique et un entrepreneur bien connu dans le monde crypto qui abordent Bitcoin selon un angle relativement nouveau, mais dont l'urgence pointe son nez dans le débat.

Ils semblent aussi viser un lectorat nouveau, peu en quĂȘte des dĂ©bats passionnĂ©s qui secouaient le petit milieu coagulĂ© autour de la genĂšse de Bitcoin et qui sont prĂ©sentĂ©s sobrement mais rapidement. Il Ă©tait sans doute temps.

Je remercie les auteurs, tous deux membres du Cercle du Coin, de m'avoir adressé ce nouveau livre orange !

On entre trÚs vite dans le concret : le minage, qui est tout sauf virtuel et s'opÚre non dans le cloud mais sur le plancher des vaches, lequel n'est ni un terrain plat ni une table rase, mais plutÎt un tapis de ce jeu d'argent et de hasard qu'est le minage, tapis sur lequel toutes les cases, principalement caractérisées par le coût local de l'électricité mais aussi par les diverses contraintes naturelles ou régulations publiques, ne se valent évidemment pas.

Il ne s'agit pas, comme au  Bitcoin Monopoly  d'un jeu entre cryptobros, ou d'un concours de shitcoins. C'est ici un jeu oĂč les dĂ©tenteurs des machines de minage, simples passagers sur telle ou telle case ne sont pas les seuls en lutte, mais oĂč les autoritĂ©s (politiques, Ă©nergĂ©tiques) rĂ©gissant lesdites cases participent Ă  une autre forme de compĂ©tition, avec une vaste gamme d'objectifs possibles.

L'ouvrage de Stachtchenko et Galli présente donc les rivalités internationales pour capter le minage, sa puissance de calcul, sa capacité de valoriser les surplus énergétiques. Il serait à souhaiter que les OG de Bitcoin ne soient pas les seuls à méditer ces intéressants éléments quand le  débat  public reste tellement englué (et hélas pas seulement sur les plateaux télé) dans une colle de sottises mal informées et mal intentionnées.

Citant opportunĂ©ment ce monument qu'est Yves Lacoste, gĂ©ographe et pĂšre de l'Ă©cole française de gĂ©opolitique ( Le rĂŽle des idĂ©es – mĂȘme fausses – est capital en gĂ©opolitique car ce sont elles qui expliquent les projets et qui, autant que les donnĂ©es matĂ©rielles, dĂ©terminent le choix des stratĂ©gies ) les deux auteurs montrent comment la bataille du narratif autour de Bitcoin a Ă©voluĂ©, de part et d'autre de la ligne de front qui — elle — n'a jamais cessĂ© d'exister.

PassĂ© le stade des joutes verbales, l'Ă©pisode de la  monnaie Facebook  et l'Ă©mergence des stablecoins, vĂ©ritables relais d'influence du dollar amĂ©ricain, ont marquĂ© la fin de l'Ăšre de l'indiffĂ©rence publique. On a vu se dĂ©ployer une riposte rĂ©glementaire (Mica) et une manƓuvre sur le terrain mĂȘme avec l'arrivĂ©e des divers projets de monnaie numĂ©rique de banque centrale aux promesses ronflantes mais aux contours vagues, aux ambitions contradictoires et au caractĂšre liberticide peu Ă©quivoque.

Tout ceci crĂ©e-t-il une situation propice Ă  Bitcoin? Des tentatives d'adoption publique se font jour, par le Salvador notamment, dont l'expĂ©rience est dĂ©crite en dĂ©tail et avec nuance. Mais c'est surtout sur les opportunitĂ©s multiples qu'il peut reprĂ©senter pour les États-Unis que se concentre l'analyse. Le cas de la Chine, avant et aprĂšs le paradoxal tournant de 2021 et Ă  l'aune de son ambition de constituer une monnaie numĂ©rique instrument Ă©vident de contrĂŽle social, le double jeu tacite encouragĂ© Ă  Hong Kong, ou les contradictions de la Russie qui dispose de nombreux atouts et peut se servir de Bitcoin comme instrument de contournement des sanctions, mais ne le considĂšre que comme un instrument asymĂ©trique... bref le jeu mouvant et incertain des BRICS, tout est exposĂ© de façon claire et convaincante, mĂȘme si parfois au conditionnel (pour la Russie) avant d'en arriver au cas français.

La France, mĂȘme si depuis quelques annĂ©es il convient de l'apprĂ©hender dans un cadre d'ensemble qui est celui du dĂ©crochage europĂ©en, aurait de nombreux atouts. Mais le spectre du Minitel (symbole d'un retard plus culturel que technologique) qui hante toujours les lieux de pouvoir, l'hyper-centralisme hexagonal, l'aversion au risque sublimĂ©e en nĂ©vrose rĂ©gulatoire (l'expression est de moi!) composent un terreau peu propice alors mĂȘme que Bitcoin, la monnaie Ă©nergie, est au carrefour des domaines d'excellence français, nuclĂ©aire, production de semi-conducteurs, industrie financiĂšre, couverture mobile. Elle offrirait de quoi se dĂ©gager de certaines mĂąchoires (on pense aux affaires Alsthom ou BNPParibas) qui ne semblent pas moins menaçantes que jadis.

L'ouvrage explore la diffusion de l'onde de choc suscitĂ©e par Bitcoin dans de nombreux pays, permettant ainsi de citer une large gamme d'Ă©cosystĂšmes fort divers, comme le sud-corĂ©en (oĂč Bitcoin bĂ©nĂ©ficie d'une surcote) ou la Royaume-Uni, oĂč il pourrait ĂȘtre affranchi des lourdeurs du rĂ©glementent Mica.

Si aucun pays n'a, à ce jour, clairement sauté le pas, Bitcoin représente-t-il une opportunité stratégique pour les entreprises ? Celles-ci détiendraient plus de 10% de l'offre globale et certaines multiplient des prises de position (parfois imprudentes) qui apportent à Bitcoin la respectabilité (ou du moins la publicité) que les politiques lui refusent. Par souci de diversification, par ambition d'un rÎle pionnier, elles le font à leurs risques et périls. Mais elles le font et certaines, notamment celles qui font la promotion d'ETF, jouent un rÎle crucial.

Bitcoin est-il une valeur refuge face aux incertitudes géopolitiques ?

C'est l'objet de la troisiĂšme partie : Ă  partir d'un examen des enseignements de la crise du Covid et de la guerre en Ukraine, et en se fondant sur une analyse des vertus particuliĂšres de l'or et des enseignements de son marchĂ©, les auteurs esquissent (seulement) la rĂ©ponse. Il s'agit d'une  longue marche  mĂȘme si sa longueur n'est sans doute que le reflet de notre impatience, car aprĂšs tout  reprĂ©senter plus du dixiĂšme de la valorisation de l'or, actif pluri-millĂ©naire, en l'espace de 16 ans et face Ă  la quasi-opposition des États et des banques centrales relĂšve d'une performance extraordinaire . Je n'ai qu'un mot Ă  ajouter : et d'une clairvoyance dont nous sommes quelques-uns qui pourrions ĂȘtre louĂ©s.

Souvent fatiguĂ© des pesants cantiques autrichiens que tant d'auteurs bitcoineurs rĂ©citent avant d'en venir au fait, je suis heureux de voir citer Henry Ford (seul vrai visionnaire de Bitcoin, selon moi) . Il est pertinent d'opposer Bitcoin, monnaie gagĂ©e par une dĂ©pense Ă©nergĂ©tique rĂ©elle et les fiat, fondĂ©es sur une promesse (tenable ou non) de tout ce que l'on voudra dans le discours, et sur une dĂ©pense Ă©nergĂ©tique future dans la rĂ©alitĂ©. Il est fort utile de prĂ©senter ici en dĂ©tail le business model du minage et ses vertus (notamment sa flexibilitĂ© inĂ©galĂ©e) dans le cadre de la transition Ă©nergĂ©tique, mĂȘme si celles-ci commencent Ă  ĂȘtre vantĂ©es par des industriels de l'Ă©nergie et lentement prises en compte par ceux-lĂ  mĂȘme qui imputaient la fin du monde Ă  Bitcoin il y a quelques annĂ©es seulement.

Le livre n'est pas signé par deux  évangélistes  comme les chaßnes Youtube en recÚlent tant de spécimens. Il s'achÚve donc par un inventaire des risques, ceux qui ont été surmontés et ceux (techniques mais surtout légaux et politiques) qui pourraient advenir.

Il y a un cĂŽtĂ© trĂšs manuel, trĂšs scolaire mĂȘme, qui fait de ce livre un utile compagnon de rĂ©vision de bien des choses (c'est toujours mieux quand on sait de quoi l'on parle). Et si l'initiative visant Ă  faire offrir un livre Ă  nos parlementaires devait ĂȘtre reprise, c'est probablement cet ouvrage-lĂ  qui devrait ĂȘtre le bon agent orange : il pourrait ouvrir quelques fenĂȘtres dans leur bĂątisse Ă  façade borgne.

(Grok refuse absolument d'enlever les fenĂȘtres, autant les insĂ©rer dans le narratif !)

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Les 10 ans du repas, célébrés lors du 91Úme Repas du Coin, à Paris le 3 mars 2025

By: Jacques Favier —

Le premier Repas du Coin, c’est un peu comme l’Appel du 18 juin : trĂšs peu de gens ont Ă©tĂ© tĂ©moins de l’évĂ©nement, dont on n’a mĂȘme aucune trace.

Nous Ă©tions 45 rĂ©unis dans le mĂȘme quartier de la rue Montorgueil, 10 ans et 1 jour aprĂšs, pour cĂ©lĂ©brer autour d’un couscous cette « institution » qui n’en est justement pas une et les nombreuses amitiĂ©s qui se sont forgĂ©es au cours des 90 repas dĂ©jĂ  tenus.

Dans le meilleure tradition, des convives venus de Belgique, de Suisse, du Luxembourg  (et mĂȘme d’Andorre, autre pays francophone trop souvent oubliĂ© !) s’étaient joints aux parisiens et Ă  des amis venus de Gironde, d’Occitanie et d’Alsace. Peu de « nouveaux venus » Ă  ce repas un peu spĂ©cial, mis Ă  part un contingent de la banque la plus crypto-amie de France et la tĂȘte de liste d’une organisation pirate fort connue dans le milieu.

Les conversations furent on ne peut plus animĂ©es : quand on eut fini les tours de table, vite expĂ©diĂ©s entre amis se connaissant dĂ©jĂ  presque tous, et l’évocation de ces dix annĂ©es, avec quelques sĂ©quences nostalgie, une fois n’est pas coutume on parla du cours et surtout de ses soubresauts (jugĂ©s « trĂšs spĂ©culatifs » naturellement).

On parla aussi de gouvernance dĂ©centralisĂ©e (aprĂšs la prĂ©sentation de sa thĂšse par MaĂ«l Rolland lors d’un petit-dĂ©jeuner offert le matin mĂȘme par le Cercle) et plus prosaĂŻquement de droite et de gauche, de politique (surtout amĂ©ricaine) et de rĂ©gulation (surtout europĂ©enne) ou d’expatriation, hĂ©las. Bref, la libertĂ© offerte par Bitcoin et sa politisation avec Trump.

On Ă©voqua le problĂšme rencontrĂ© par la gendarmerie : avoir des outils en interne plutĂŽt que de dĂ©pendre d’entreprises tierces pour chercher des informations dans les diffĂ©rentes blockchains. On se posa la question des possibilitĂ©s de possĂ©der du Bitcoin dans le bilan de son entreprise, avec un comptable qui veut bien le traiter et accepte de trouver les rĂšgles comptables appropriĂ©es.

Il y eut beaucoup de références à la période des confinements, à leur influence et à leurs séquelles.

Comme le dit un convive aprĂšs coup « Nous sommes en dĂ©saccord sur tous les sujets de discussion. Pourtant, je quitte la table avec le sentiment que nous sommes d’accord sur presque tous les points. Qu’est-ce qui s’est passĂ© ? » Peut-ĂȘtre un instant de grĂące ?

On parla également de littérature autour de quelques bitcoineurs-auteurs (dont celui du nouveau petit dictionnaire baba du Bitcoin qui était présent), de bande-dessinée, de science-fiction. On parla de déterminisme historique. Thé à la menthe en main, certains parlÚrent de Teilhard de Chardin et de la noosphÚre.

Et puis, lentement, bien aprĂšs les derniĂšres pĂątisseries et les derniers verres de thĂ© (la gĂ©nĂ©rositĂ© de Tahar est inĂ©puisable) les petits groupes s’en allĂšrent dans des bistrot proches pour conclure des affaires ou dans des caves plus lointaines pour cĂ©lĂ©brer Brassens.

 

Cet article Les 10 ans du repas, célébrés lors du 91Úme Repas du Coin, à Paris le 3 mars 2025 est issue du site Le Coin Coin.

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Le 90Ăšme Repas du Coin, Ă  Auxerre le 30 janvier 2025

By: Jacques Favier —

TroisiĂšme Repas du Coin Ă  Auxerre oĂč l’évĂ©nement CryptoXR, dĂ©sormais incontournable, ramĂšne chaque annĂ©e une vĂ©ritable foule.

Avant la « soirĂ©e VIC » Ă  laquelle de nombreux membres du Cercle du Coin devaient participer ce Repas a rĂ©uni 44 bitcoineurs venus des « capitales » de la communautĂ© : Paris, Bruxelles, GenĂšve, Luxembourg et NeuchĂątel, mais aussi d’Angers, Bordeaux, Lyon, Troyes, OrlĂ©ans, Lille, Reims, Strasbourg ou LiĂšge. Si la team des organisateurs auxerrois Ă©tait bien trop mobilisĂ©e pour participer aux agapes, une adjointe au Maire reprĂ©sentait la ville si accueillante oĂč une quarantaine de commerçants allaient accepter Bitcoin durant le week-end.

 

Toujours aussi inclusive la petite troupe accueillit Alfonce, quatriÚme chien (depuis le molosse qui nous avait rejoints à Lausanne) à participer, avec beaucoup de gentillesse et de sérieux, à notre Repas.

Entre personnes de divers horizons, connaisseurs ou nĂ©ophytes, on se retrouvait nĂ©anmoins « entre nous », avec des discussions trĂšs sympathiques dĂšs la fin des traditionnels « tour de table ». CryptoXR fournissait Ă©videmment le premier sujet de conversation, et chacun a pu dire ce qu’il pensait du magnifique travail de Maxime.

On a Ă©videmment discutĂ©, aprĂšs le traumatisant Ă©pisode de Vierzon, des faits divers inquiĂ©tants et des problĂ©matiques de sĂ©curitĂ©, mais aussi des potins (sĂ©curitĂ© aussi, mais dans les activitĂ©s sportives comme l’escalade) ou des voyages (plusieurs voyages en Asie et un grand dĂ©sir de dĂ©part chez nombre de convives) .

Face Ă  certaines positions « maximalistes » , on a rappelĂ© la nĂ©cessitĂ© de faire contribuer des acteurs du web3 qui ont plus de force financiĂšre que les acteurs de bitcoin pour financer ce type d’évĂ©nement.

On a abordĂ© la tokenisation immobiliĂšre (un sujet dont les promoteurs sont  difficilement arrĂȘtables), des explications sur le paiement en bitcoin lightning, la formation aux « technologies de blockchain », la cybersĂ©curitĂ©/lutte contre les scams, du orange pilling suisse. 

Les conversations sont allĂ©es bon train au sujet de l’écosystĂšme bitcoin : un vrai dĂ©bat constructif sur Ordinals nous faisant remonter Ă  la genĂšse de bitcoin en passant par la bonne vieille discussion sur la taille des blocs, le marchĂ© des fees ou la dĂ©finition du concept du pre-mine, de la problĂ©matique de lister ses transactions « complexes » genre DeFi

Une discussions sur les scams (comment lutter contre ceux-ci et assurer la sĂ©curitĂ© financiĂšre des investisseurs) a pu susciter quelques frictions concernant les alĂ©as d’un projet rĂ©cent de stablecoin.

Alfonce veillait, lui, sur notre sĂ©curitĂ© physique. Pour ĂȘtre honnĂȘte, il n’était pas le seul ce jour lĂ .

Enfin, au-delĂ  d’une prĂ©sence toujours insuffisante des femmes dans les Ă©vĂ©nements de ce type, une conversation sur le fĂ©minisme a marquĂ© les conversations de l’une des tables.

Les convives membres du Cercle ont ensuite enchaĂźnĂ©, pratiquement sans transition, sur l’AGO de l’Association, avant de gagner la soirĂ©e d’ouverture de CryptoXR. Une (premiĂšre) journĂ©e bien remplie !

Cet article Le 90Ăšme Repas du Coin, Ă  Auxerre le 30 janvier 2025 est issue du site Le Coin Coin.

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151 - La liberté, une « bonne nouvelle » ?

By: Jacques Favier —

La bibliothĂšque du bitcoineur ne cesse de s'enrichir. Ce nouvel opus tranche Ă  bien des Ă©gards : son titre, son sous-titre : Spinoza, les LumiĂšres et la philosophie des Cypherpunks et sa couverture sur laquelle le portrait du philosophe d'Amsterdam s'orne de laser eyes dont il aurait Ă©tĂ© lui-mĂȘme fort Ă©tonnĂ©. Qu'aurait-il pensĂ© du livre ?

J'ai reçu celui-ci, gentiment offert et dédicacé par son auteur. Ceci me met dans la situation difficile d'avoir à exprimer courtoisement mais nettement mes désaccords, tout en faisant ressortir ce qui fait l'originalité de sa publication.

DĂšs la premiĂšre page, l'auteur abat une carte Ă  laquelle ceux qui ne le connaissaient pas encore ou n'auraient pas vu sa keynote prĂ©sentĂ©e Ă  Biarritz en 2023 ne s'attendaient pas : c'est en ayant appris par la  rude tĂąche de faire rire  beaucoup de choses sur lui-mĂȘme et sur les autres qu'il a abordĂ© des sujets ardus, criblant son intĂ©rĂȘt pour Bitcoin Ă  la philosophie rationnelle et optimiste de Baruch de Spinoza . Mais aucune dĂ©marche, Ă  mes yeux, n'est invalide : aprĂšs tout, c'est moi-mĂȘme en historien que j'avais profitĂ© de ma propre incursion dans ces Provinces-Unies du grand siĂšcle Hollandais pour effeuiller la tulipe ! Et que l'auteur ait Ă©galement Ă©tĂ© prestidigitateur avant d'ĂȘtre bitcoineur me ravit : j'ai toujours dit que la disruption apparaĂźt d'abord aux voleurs, aux militaires et aux prestidigitateurs, bien avant les gendarmes, les reprĂ©sentants en cornichons ou les journalistes tech.

La question qui se pose est tout autre. Pierre Ginet dĂ©crit Ă  raison ces Provinces-Unies de jadis comme la rĂ©gion la plus libre du monde dans laquelle, comme l'Ă©crivait Spinoza lui-mĂȘme,  tous tiennent la libertĂ© pour le plus cher et le plus doux des biens . J'avais, de mon cĂŽtĂ©, en riant de la  bulle de la tulipe  admis que le bitcoineur avait  quelque chose en lui d'Amsterdam .

Cela fait-il de Spinoza un anarchiste et punk avant l'heure ? Et de quelle liberté nous parle-t-il ?

 Spinoza nous enseigne que les hommes ont naturellement une servile propension, presque mécanique et inconsciente à dire du mal d'un concept qu'ils ne connaissent pas et l'auteur a beau jeu de mettre ce jugement en face de quelques cas d'école, dont le fameux rapport Théry de 1974 reste le plus fameux, qui témoignent tous du mélange d'ignorance, de peur et de pessimisme qui anime les hommes si hauts placés soient-ils.

En tournant les premiĂšres pages du livre, j'ai d'abord eu le sentiment d'une certaine proximitĂ© avec la dĂ©marche qu'Adli Takkal Bataille et moi-mĂȘme avions suivie pour L'AcĂ©phale : une lasagne de technique et de politique, pour ne perdre le lecteur ni par excĂšs de l'une ni par abus de l'autre. Spinoza est loin d'y ĂȘtre le seul guide : Camus, Descartes mais aussi Proudhon et mĂȘme Keynes qui, dans cet ouvrage bien peu keynĂ©sien, est convoquĂ© pour rappeler opportunĂ©ment que  la difficultĂ© n'est pas de comprendre les idĂ©es nouvelles mais d'Ă©chapper aux idĂ©es anciennes  chose dont celui qui prĂȘche la bonne nouvelle de Bitcoin peut s'apercevoir Ă  chaque occasion.

Et puis, au cinquiĂšme chapitre entrent soudain en scĂšne les pĂšres fondateurs Menger, von Mises et von Hayek. Le premier est prĂ©sentĂ© comme influencĂ© (via Hobbes) par le matĂ©rialisme spinozien. Lui comme von Mises sont aussi irriguĂ©s de spinozisme via Bastiat. Enfin Hayek  en bon spinoziste  considĂšre que la libertĂ© (et non la planification autoritaire, pour faire simple) est le seul fondement sur lequel l'État de droit puisse espĂ©rer se maintenir.

Je rejoindrai volontiers l'auteur pour admettre que  pour les Ă©conomistes autrichiens, comme pour les cypherpunks, les crypto-anarchistes et les libertariens qui reprendront cette idĂ©e Ă  leur compte plus tard, aucun État ne dispose jamais des vraies informations pratiques et nĂ©cessaires pour gĂ©rer correctement une sociĂ©té . Le plus comique est que ces jours-ci, un dirgeant adulĂ© des libertariens se plait Ă  en donner une dĂ©monstration planĂ©taire. Il est vrai que l'exemple sur lequel Ginet insiste (l'Ă©tat dĂ©sastreux du marchĂ© immobilier) ne prĂȘche pas pour une trĂšs grande compĂ©tence des autoritĂ©s. J'ai toutefois un peu de mal Ă  suivre ensuite l'auteur qui, d'hyper-inflation allemande en famine maoĂŻste, balise la route du socialisme (y compris dans sa version la plus ventre-mou) de tous les gibets et de tous les Ă©chafauds possibles.

Il est non moins vrai que certaines stupides déclarations de Madame Lagarde voyant l'inflation surgir pretty much from nowhere donnent bien de l'eau à son moulin, et cela devrait suffire. Car ce qui intéresse son lecteur, ce n'est pas le procÚs de Keynes, les attributions de prix dits Nobel à des économistes autrichiens (d'autres, hostiles à Bitcoin, n'ont d'ailleurs pas moins été nobelisés) mais le fait de disposer pour le long terme d'un placement sûr, inoxydable, imputrescible et non saisissable et, à court terme, d'un moyen de payer sans demander la permission à quiconque comme un gueux tournant sa casquette entre ses grosses mains devant le monsieur en haut de forme.

Appliquer Ă  Bitcoin la derniĂšre phrase de l'Éthique,  tout ce qui est beau est difficile autant que rare  est Ă©videmment un trait dont il faut fĂ©liciter Pierre Ginet. J'ai repris mon exemplaire (trad. Roland Caillois, derniĂšre scolie, Ă©dition de la PlĂ©iade page 596) et je cite :  Comment serait-il possible, si le salut Ă©tait lĂ , Ă  notre portĂ©e et qu'on pĂ»t le trouver sans grande peine, qu'il fĂ»t nĂ©gligĂ© par presque tous ? Mais tout ce qui est trĂšs prĂ©cieux est aussi difficile que rare . C'est donc (plutĂŽt) le fait de dĂ©couvrir, comprendre et aimer Bitcoin qui serait rare, que l'objet lui-mĂȘme ? Qu'importe, et qu'importe si Spinoza jette ici une ombre sur les perspectives de mass adoption que moi-mĂȘme je ne vois pas arriver au trot.

Le chapitre 6, la trajectoire vers une abstraction de la monnaie est particuliĂšrement intĂ©ressant, mĂȘme si il porte sur des sujets (des dilemmes) que pour ma part j'estime un peu vain (ou un peu prĂ©somptueux) de vouloir trancher.

Le chapitre 8, malheureusement, me semble rater sa cible. Son titre laisse entendre que l'auteur va mettre le projecteur sur un aspect longtemps minoré (ou au contraire décrié, du fait de la consommation électrique) : le fait que Bitcoin soit une  monnaie fondée sur les vertus de l'énergie .

Mais durant au moins 5 pages il s'en prend Ă  l'extrĂȘme-gauche ou aux dĂ©croissants (avec une acrimonie fort peu spinoziste et sans un mot pour dĂ©noncer symĂ©triquement les cornucopistes ou l'extrĂȘme-droite) avant d'expliquer ce que le minage peut apporter de positif au problĂšme Ă©nergĂ©tique contemporain, sans pour autant selon moi aller au fond de la chose.

C'est une loi empirique que je retire de mes lectures sur Bitcoin : plus un auteur met en avant les saints patrons économistes (les siens, de rigoureux savants, pas comme les idéologues dogmatiques voire pervers du camp d'en face) plus il a tendance à oublier que Bitcoin n'a pas été inventé par eux.

Et Ă  oublier, par exemple, ce qu'Henry Ford imaginait en 1921 : une monnaie intrinsĂšquement fondĂ©e sur l'Ă©nergie. Certains projets furent imaginĂ©s, oĂč la calorie reprĂ©sentait l'unitĂ© de base. Cela aurait pu ĂȘtre rappelĂ©, aussi.

Le livre de Pierre Ginet, oĂč l'on croise des personnages inattendus, comme Benjamin Franklin, et parfois dans des emplois inattendus (comme Robespierre) fourmille nĂ©anmoins de dĂ©tails stimulants pour l'imagination.

Revenons Ă  Spinoza.

Je me souviens quant Ă  moi d'un article (uchronique!) du Mouton Noir dans Usbek et Rica qui lui faisait dire  A prĂ©sent, j’ai l’impression que les gens sont si ignorants d‘eux-mĂȘmes, si tristes qu’ils ont renoncĂ© Ă  tout, sauf Ă  la cupiditĂ©. Vous cherchez la gloire non pour elle-mĂȘme mais pour gagner plus d’argent. Il est difficile de trouver plus absurde. Je n’aimerais pas vivre dans votre monde, malgrĂ© le « tout numĂ©rique » que vous vantez et qui n’augmente en rien votre joie de vivre .

Sa  Liberté  inspire Ă©videmment de nombreuses dĂ©clinaisons philosophiques ou politiques de la libertĂ©. Mais comment doit-on la comprendre et jusqu'oĂč doit-on la prendre, si j'ose dire, pour monnaie comptant ?

La Libertad ? La Libertad Carajo ? La Libertay comme on dit chez certains de mes amis ? Le Free speech comme on dit chez certains qui sont moins de mes amis ? Il n'est que trop clair que le mot, chez Spinoza, n'a pas le sens illimitĂ© voire arbitraire que certains lui donnent aujourd'hui, qu'elle n’est pas l’absence de contraintes, y compris matĂ©rielles, mais la maĂźtrise de soi par la comprĂ©hension rationnelle de soi-mĂȘme et du monde. Ce peut ĂȘtre un projet bitcoinesque, ce n'est pas le projet de tous les bitcoineurs.

Comme Nietzsche, qui le considéra un temps comme son prédécesseur et qui le précéda(*) en tout cas sur le chemin de la popularité philosophico-médiatique, Spinoza est moins que jamais aujourd'hui à l'abri des usages abusifs. Je n'ai pas dit que le livre de Pierre Ginet commet de tels abus, mais je crains qu'il ne les laisse commettre par certains.

Je pense d'ailleurs que Spinoza pourrait non seulement conforter les bitcoineurs, mais au besoin en soigner quelques-uns. Lorsqu'il Ă©crit, dans la prĂ©face Ă  la 3Ăšme partie de l'Éthique, que  l'homme n'est pas un empire dans un empire  par exemple. En ce sens prĂ©cis, sa diffusion dans notre communautĂ© serait une  bonne nouvelle  ! Puisse donc le livre de Pierre Ginet y contribuer.

* * *

Le hasard (qui n'est pour Spinoza que le fait de notre manque de connaissance, sans toutefois exclure une causalitĂ© chaotique) fait qu'en mĂȘme temps que le livre ornĂ© de son portrait, je recevais dans ma livraison mensuelle de PhiloMag un article suggĂ©rant ni plus ni moins que de nous dĂ©barrasser de sa statue.

Mes lecteurs, qui sont peu nombreux et au deureurant gens discrets ne le répÚteront pas, mais ils pourront lire cela in extenso mais aussi free of charge ici. Il y aurait quelques raisons de prendre des distances critiques :

  • par principe, parce que ça commence Ă  bien faire, saint Spinoza et sa  joie  partout, et notamment dans la blockchain comme en atteste une recension faite en 2022 par le professeur Pilkington (**) ;
  • parce que son dĂ©terminisme strict est une maniĂšre trop facile de fermer la porte au nez Ă  une expĂ©rience humaine cruciale, largement partagĂ©e par les ĂȘtres humains et chĂ©rie par les bitcoineurs, celle de la libertĂ©, justement !
  • parce qu'en outre ledit dĂ©terminisme condamne l'honnĂȘte littĂ©rature uchronique (voyez un excellent rĂ©cit contre-factuel ici, must read, amazing). Pardon pour ce placement de produit !

Et blague mise Ă  part, il y en aurait encore une autre :

  • parce que son refus de considĂ©rer le mal (et spĂ©cifiquement son refus d'appeler mauvais le mĂ©chant) rend difficile notre coupable mais principale occupation qui est de nous invectiver, notamment entre bitcoineurs. Et c'est lĂ  que j'en reviens Ă  me demander si Pierre Ginet a, d'un strict point de vue spinoziste, raison de traiter de gauchistes pervers des gens qui simplement ne pensent pas comme lui et dont le seul crime serait de ronger ses petites Ă©conomies (fiat) par l'inflation sans pour autant le mettre au supplice, car les temps ont changĂ© et cela c'est une  bonne nouvelle .



* * *



(*) Lire ici une intéressante étude sur les rapports de ces deux philosophes trÚs populaires en bitcoinie.
(**) En bibliographie d'un important article du professeur Pilkington de l'université de Dijon (Blockchain Technology and Spinoza publié en anglais en 2022) que l'on trouvera ici et dont j'offre aussi une traduction sauvage.

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150 - Bitcoinica

By: Jacques Favier —

Ali Mitchell sait Ă©crire, mĂȘme s'il le fait trop rarement.

Avec Bitcoinica il nous livre un petit dictionnaire baba du Bticoin que j'ai trouvĂ© assez envoĂ»tant, on va vite comprendre pourquoi. Tournant le « ₿ » Ă  90 degrĂ©s comme une paire de lunettes, il le colle non devant le soleil royal comme l'avait fait mon ami Adli jadis pour doter la confĂ©rence Bitcoin pluribus impar d'un hiĂ©roglyphe appropriĂ©, mais devant la tĂȘte d'un Ă©lĂ©phant. Logique, puisqu'un Ă©lĂ©phant ça trompe Ă©normĂ©ment.

Cet Ă©lĂ©phant, baba sans en avoir l'R, n'a que la tĂȘte de l'emploi, car juchĂ© sur le corps d'un acĂ©phale et chaĂźne fraĂźchement brisĂ©e en main, prĂȘt Ă  en dĂ©battre, il vient en fait libĂ©rer le lecteur et l'enchanter.

De quoi s'agit-il, en effet, dans ce court dictionnaire (26 lettres dans notre alphabet, 26 entrĂ©es, y compris l'Ă©nigmatique Ki ou l'amusant Qu'en-dira-t-on) qui rappelle avec Satoshi lui-mĂȘme que  dĂ©crire cette chose pour le grand public est sacrĂ©ment difficile  ? Bien sĂ»r ce n'est pas un manuel technique, et il ne fait pas davantage miroiter la moindre martingale d'enrichissement.

Mais il offre beaucoup de bons mots et quelques explications dĂ©capantes, en se jouant habilement de l'ordre alphabĂ©tique : Argent puis Bitcoinie puis Cryptographie sont ainsi opportunĂ©ment placĂ©s en tĂȘte.

Et au-delĂ , il s'agit aussi d'une chose autour de laquelle nous Ă©tions dĂ©jĂ  quelques-uns – pas assez – Ă  tourner : la beautĂ© de Bitcoin, pour ceux qui, ayant longtemps tĂąchĂ© de comprendre la rĂ©alitĂ© de l'Ă©lĂ©phant en le touchant de leurs cannes blanches, ont enfin atteint l'Ă©tape oĂč  possĂ©der devient connaĂźtre  et oĂč l'on a mieux Ă  faire que dĂ©battre : jouir.

L'ouvrage s'ouvre par une citation de Bergson mise en exergue : Partout oĂč quelque chose vit, il y a , ouvert quelque part, un registre oĂč le temps s'inscrit. Elle manquait Ă  notre carquois, cette flĂšche-lĂ .

Vient ensuite de quoi exciter : une extraordinaire sĂ©rie de mĂ©taphores, passant de la mythologie bitcoin (le terrier) Ă  la mythologie classique (j'ai beaucoup aimĂ©  le navire de ThĂ©sĂ©e maintenu par des codeurs ), revenant par le droit fĂ©odal (oĂč Bitcoin serait un bien allodial) et ne refusant pas la route de la soie.

J'avoue que je suis restĂ© perplexe devant la phrase  Tout est vrai, et en mĂȘme temps il pourrait s'agir de bien autre chose . Le rusĂ© Ali Mitchell n'avait pourtant pas (encore) en main lorsqu'il Ă©crivait cette accroche narquoise ma propre uchronie. Il est vrai qu'il y a un article Utopie...

Ali Mitchell partage mon goût des citations bibliques.  Amassez-svous des trésors dans le ciel , c'est quelque chose que j'avais tÎt trouvé chez le prophÚte de Guernesey et qu'il a retrouvé sur le bloc 666.666. J'ai souri de entrées Halal ou Immaculée Conception ; j'ai trouvé trÚs pertinent l'article Jésus.

On voit passer bien du monde dans ce petit livre, Bitcoineurs connus ou improbables dont Emmanuel Kant mais aussi Baruch Spinoza lequel orne aussi, la couverture de la rĂ©cente publication de Pierre Ginet Bitcoin, l'Évangile de la libertĂ© avec des yeux laser, lesquels ont aussi leur article pour rappeler qu'il ne s'agit pas d'attendre bĂ©atement le million, comme dans certains jeux tĂ©lĂ©visĂ©s, mais de mettre en oeuvre un aptitude critique Ă  sĂ©parer le signal du bruit.

Ali Mitchell fait ici Ă©noncer au philosophe d'Amsterdam (il a hĂ©las attribuĂ© la lettre T Ă  Temps et non Ă  Tulipe) la grande question de savoir ce qui pourrait dĂ©clencher en l'homme le dĂ©sir de rĂ©sister Ă  ce qu'il y a d'illĂ©gitime dans l'autoritĂ©-machine, en Ă©tant lui-mĂȘme le protecteur de sa libertĂ©.

L'ouvrage s'achĂšve par un Ă©pilogue plus politique, une utile liste des jours de fĂȘte des Bitcoineurs et une courte bibliographie qui me fait l'honneur de citer l'AcĂ©phale comme la Voie du Bitcoin.

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Le 89Úme Repas du Coin, à Bruxelles le 12 décembre 2024

By: Jacques Favier —

L’annĂ©e des « Repas » s’est achevĂ©e en beautĂ© Ă  Bruxelles oĂč il fait si bon se retrouver.

La veille au soir, plusieurs membres du Cercle du Coin, tant Belges que Français, se retrouvaient avec leurs amis de BE-Crypto et les membres bruxellois, wallons et flamands du Bruxelles – Bitcoin Meetup dans le QG  de ceux-ci, le cĂ©lĂšbre bar Dolle Mol de la rue des Éperonniers, un lieu historique du milieu libertaire belge.

A midi le lendemain, c’est au Stekerlapatte, toujours aussi accueillant que 33 convives ont cĂ©lĂ©brĂ© le 89Ăšme « Repas », le premier Ă  se ternir « au-dessus des 100 k » comme l’a fait remarquer Jacques Favier, dans sa traditionnelle exhortation Ă  la bonne humeur et au respect, en ajoutant sous des applaudissements nourris « nous avons bien travaillĂ© : le premier repas, il y a dix ans, Bitcoin cotait 250 euros ».

Six Français seulement (car certains avaient étĂ© effrayĂ©s par les rumeurs de grĂšve) mais une belle dĂ©lĂ©gation venue du Luxembourg et des Belges de Bruxelles, Louvain, LiĂšge, Namur ou Bastogne. Un parlementaire, des journalistes (qui ont pris un temps en otage l’immense savant dont la prĂ©sence nous honorait et qui se trouvait sĂ©questré par eux dans le l’amusant fumoir du lieu), une chroniqueuse ayant dĂ©couvert Bitcoin durant l’épisode du Covid, quelques convives nouveaux – c’est la rĂšgle – dont un qui Ă©crira le lendemain : «C’était littĂ©ralement gĂ©nial!!! La bienveillance, la diversitĂ© et l’inspiration Ă©taient au rendez-vous! »

Et il est vrai qu’autour du gratin de moules, de la carbonade flamande et de la gaufre, dans ce lieu qu’un convive belge dĂ©crivait comme le plus bruxellois des restaurants, l’humeur fut excellente !

Les conversations ont portĂ©, comme d’habitude, sur les sujets les plus divers:

  • la taille » des blocs ; l’un des sujets pourtant formellement proscrits, mais comme le dit le PrĂ©sident du Cercle  » rules are made to be broken » ;
  • la crypto et le chaĂźnage avant Satoshi (avec l’intĂ©ressant tĂ©moignage d’un homme citĂ© par ledit Satoshi) ;
  • le lobbying et les nĂ©cessaires assouplissements rĂ©glementaires pour les cryptos;
  • le prix et les cycles, l’accĂ©lĂ©ration de l’adoption Outre-Atlantique et son Ă©ventuel effet sur le reste du monde ;
  • le concept de monnaie (« vaste sujet »)
  • le cash-out, Ă©tape encore problĂ©matique ;
  • les problĂ©matiques du lightning ;
  • des anecdotes savoureuses sur l’activitĂ© des mines d’or ( au Canada) ;
  • l’initiative europĂ©enne de « DLT » ;
  • les changements Ă  venir en Belgique concernant le droit relatifs aux cryptos ;
  • l’aventure des NFT des Schtroumpfs, la chute de la hype et l’abandon final de ce projet ;
  • un projet de blockchain pour la redistribution de royalties ;Au total une opinion gĂ©nĂ©rale assez sĂ©vĂšre sur ce qu’il est possible de faire en Europe aujourd’hui face aux rĂ©glementations en cascade et au reste du monde moins contraint. Ajoutons, pour dĂ©tendre, le ridicule spectacle offert par la politique française !

Et comme le dit André  » ça passe si vite ! « 

Cet article Le 89Úme Repas du Coin, à Bruxelles le 12 décembre 2024 est issue du site Le Coin Coin.

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149 - Les cinq piliers

By: Jacques Favier —

L'article Cinq bonnes raisons de ne pas acheter de cryptomonnaie publié le 9 décembre 2024 dans Le Temps par Alexis Favre (présentateur de l'émission Infrarouge de la Radio Télévision Suisse) a été jugé comme simplement  provoquant  par certains de mes amis. Tout le monde, à GenÚve comme ailleurs, ne parlant plus que de Bitcoin depuis l'élection de M. Trump et le franchissement du seuil symbolique de  100 k, un journaliste un peu dandy avait bien le droit d'exprimer son overdose de cette  fiesta permanente  et son scepticisme face à  l'hybris technosolutionniste . Je mentirais en affirmant qu'il ne m'arrive pas de ressentir un peu de doute devant certains discours et certains comportements.

Cependant ce mĂȘme article a Ă©tĂ© jugĂ© sĂ©vĂšrement par d'autres amis, voire comme  le pire truc que je n'ai jamais lu sur bitcoin  par l'une des figures de la communautĂ©. Je signale ici l'excellente rĂ©ponse de mon ami (t Ă©diteur) Lionel Jeannerat, Ă©galement publiĂ© dans Le Temps, le 5 janvier.

Je trouve pour ma part que sa lecture, facile et plutĂŽt amusante, sera moins utile au grand public qu'Ă  nous-mĂȘmes, si nous saisissons l'occasion pour rĂ©flĂ©chir Ă  ce que peut penser, intuitivement, quelqu'un que notre sujet ne passionne probablement pas, sans ĂȘtre un adversaire obsessionnel comme il y en a tant. Au fond, malgrĂ© un rien de narcissisme et le mĂ©pris de classe dont sa chute finale tĂ©moigne, un homme un peu superficiel, comme nous le sommes tous nous-mĂȘmes sur un nombre immense de sujets. Notre voisin, notre frĂšre.

D'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, nous nous sommes peut-ĂȘtre trop focalisĂ©s sur les invectives ou les grandes dĂ©clarations des hostiles (avec ou sans tulipes!) et pas assez sur le silence des indiffĂ©rents, comme cette gentille convive du Repas du Coin qui m'Ă©crivait rĂ©cemment, tout en me remerciant de l'invitation  mon histoire d'amour avec bitcoin reste nĂ©anmoins timide .

Je pense donc que nous ne pouvons pas faire, avec l'article du dandy genevois, l'Ă©conomie d'un moment d'introspection sur le retard (du moins par rapport Ă  nos espĂ©rances) de la mass adoption. Pour prĂ©parer le fameux repas de NoĂ«l avec les boomers, plutĂŽt que d'affuter des arguments tech ressassĂ©s ou des plaisanteries vaniteuses, autant faire le point avec nous-mĂȘmes. On me dira que c'est un peu catho : ça tombe bien, c'est NoĂ«l!

Je rĂ©sume ses arguments, laissant mon lecteur faire une lecture exhaustive de son article que j'ai sauvĂ© au cas oĂč :

  1. Le nouveau venu ne gagnera pas assez ;
  2. Il misera sur le mauvais cheval ;
  3. Il ne comprendra pas notre idiome ;
  4. Il est trop élégant pour nous fréquenter et surtout pour nous ressembler ;
  5. Il a une conscience morale qui l'empĂȘchera de participer Ă  notre pĂ©chĂ©.

Je ne vais pas entrer dans une réfutation point par point, plusieurs l'ont déjà fait, notamment un bitcoineur du Valais qui propose de  prendre le temps de corriger le Temps . Il est peu probable que Le Temps (qui m'interroge à l'occasion) en soit ébranlé, ni ses lecteurs.

Je proposerais volontiers, de façon ironique de  prendre le temps de nous corriger nous-mĂȘmes  mais en suivant le mĂȘme plan.

1 On pourrait admettre, sans faux-semblants, que les suivants ne gagneront pas autant que les premiers venus Au-delĂ  du cĂ©lĂšbre  on est lĂ  pour la tech ! que nul n'Ă©nonce plus sans un petit sourire, nous devrions ĂȘtre clairs sur un point. Tarde venientibus ossa dirait mon ami Adli. Le  fois cent mille  est fait, mĂȘme si fort peu de nous ont rĂ©alisĂ© le centiĂšme d'un exploit qui aurait supposĂ© un rare alignement des planĂštes, des agendas, des neurones et de l'organe (masculin) dans lequel la langue vulgaire place Ă  tort le courage.

Oui nous avons eu de la chance, mĂȘme si ce ne fut pas tout Ă  fait Ă  la façon de Forrest Gump Ă  qui son capitaine avait achetĂ© la miraculeuse action d'une compagnie qui vendait des pommes. Nous sommes revenus, le plus souvent, sur un premier mouvement d'incrĂ©dulitĂ©, d'indiffĂ©rence ou de conformisme. Nous avons fait ensuite l'effort d'apprendre, tout en supportant le gros comique de ceux qui ne faisaient aucun effort particulier, parce qu'ils Ă©taient dĂ©jĂ  bien installĂ©s. Nous avons, certes, eu la chance d'ĂȘtre ni trop jeunes ni trop vieux dans une dĂ©cennie donnĂ©e, mais d'autres avaient le mĂȘme Ăąge et n'ont pas saisi cette chance. Pour autant, ne laissons pas croire aux suivants qu'ils n'ont qu'Ă  nous singer (notamment avec le premier shitcoin venu) pour gagner autant.

Il faut dire clairement qu'on ne s'improvise pas capital-risqueur, surtout aprĂšs la bataille. Ce n'est pas au moment oĂč les États commencent Ă  envisager de constituer des rĂ©serves stratĂ©giques en Bitcoin qu'il faut en attendre les performances d'une start-up ou d'un billet de loterie. Si l'on parle de Bitcoin comme d'une rĂ©serve stratĂ©gique cela signifie qu'il a dĂ©sormais atteint le statut d'or numĂ©rique. Certains diront qu'il l'a dĂ©passĂ© : en tout cas cette pĂ©pite a depuis longtemps dĂ©passĂ© le prix du lingot !

Les nouveaux bitcoineurs peuvent donc toujours venir pour la tech, pour l'indépendance et la liberté que Bitcoin procure, ainsi que pour la sécurité (de long terme) que cet or numérique apporte à leur épargne.

Ils ne gagneront pas assez ? Ceux qui n'y viendront pas perdront peut-ĂȘtre encore assez pour le comprendre un jour et regretter leur obstination. Mais il sera encore plus tard qu'aujourd'hui.

2 Se  tromper de cheval  est le destin de celui qui joue au plus fin parce qu'il ne sait pas ce qu'il fait. Mais s'il joue ainsi, ce n'est pas seulement la faute de sa mauvaise nature, c'est peut-ĂȘtre aussi que nos explications sont faibles, inaudibles, embrouillĂ©es et qu'elles laissent la place aux discours simples des marchands de camelote.

Le bitcoineur doit faire comprendre qu'on ne mettra pas de shitcoins dans les réserves stratégiques, pas plus que d'autres métaux ou de la pacotille à Fort-Knox. Comme l'a écrit une figure de la cryptosphÚre sur X,  Aucun pays, aucune entreprise, aucun milliardaire crédible ne parle aujourd'hui de créer une "réserve stratégique" d'Ethereum, de Ripple, d'Atom, ou de Link .

Mais – au risque de me fĂącher avec certains compagnons – il n'est pas sĂ»r que l'apologie du paiement en LN soit compatible (j'entends : durant le seul temps d'un repas en famille) avec l'exposĂ© de la nature ontologique de notre or numĂ©rique. Or c'est cette derniĂšre idĂ©e que nous devrions faire admettre prioritairement pour ĂȘtre cohĂ©rents avec le point prĂ©cĂ©dent, quitte Ă  prendre argument du cours actuel.

3 Le caractÚre ésotérique (et vaguement vulgaire) de notre langue est effectivement un obstacle imbécile que nous avons placé à l'adoption par nos parents, amis et concitoyens, sans autre raison que de se donner un air instruit pour les uns, ou un genre canaille pour les autres.

Ce qu'il y a Ă  apprendre du cĂŽtĂ© de Bitcoin, ce n'est pas ce jargon. Comme M. Favre, je pense qu'il serait plus distinguĂ© et accessoirement plus dur, plus formateur et plus prometteur d'apprendre le chinois que le sabir communautaire. Cela n'empĂȘche pas d'Ă©tudier aussi Bitcoin. Je me suis frottĂ© aux hiĂ©roglyphes et Ă  l'arabe, je comprends ce que cela veut dire, ce que cela m'a appris ; mais je sais aussi ce que Bitcoin m'a apportĂ©.

Convenons donc qu'il n'y a pas, dans notre façon de nous exprimer en public, dix mots Ă©trangers, acronymes ou sigles Ă©sotĂ©riques qui mĂ©ritent d'ĂȘtre conservĂ©s s'ils sont jugĂ©s nĂ©fastes Ă  l'adoption de masse (voyez : je m'adapte!). Gardons-en deux ou trois, comme l'Église l'a fait avec Amen et Alleluia et parlons la langue de nos familiers.

4 Le critĂšre d'Ă©lĂ©gance, quoi qu'en pense M. Favre, ne nous est pas indiffĂ©rent. C'est le mot choisi par notre ami Ludovic Lars pour donner un titre Ă  son livre, et c'est peut-ĂȘtre l'une des raisons qui m'ont amenĂ© Ă  prĂ©facer avec plaisir son ÉlĂ©gance de Bitcoin dont par ailleurs je n'Ă©pouserais pas forcĂ©ment (il le sait!) tous les postulats.

Non, les bitcoineurs ne roulent pas dans des fantasmes motorisĂ©s et ceux qui le feraient le feraient pareillement s'ils avaient fortune faite dans les bretelles et cornichons, comme disait le Grand Jacques. Ce sont, osons le mot, des AmĂ©ricains. Ceci dĂ©plait Ă  M. Favre  journaliste aussi beau gosse que torturé  et pour ĂȘtre franc encore, ce n'est pas forcĂ©ment non plus my cup of tea. La grande majoritĂ© de mes amis sont terriblement dĂ©cents. Un enrichi rĂ©cent m'a avouĂ© que les principales consĂ©quences de la flambĂ©e avaient Ă©tĂ©, pour lui, de devoir faire admettre, avec dĂ©licatesse, ce type de gains Ă  des parents modestes, mais aussi la dĂ©couverte de cette forme de luxe que sont un peu de temps libre et la lecture. Et nunc erudimini comme disait l'Aigle de Meaux !

Quand il pose comme une cocotte fin-de-siĂšcle, M. Favre prend bien soin de faire prĂ©ciser sous sa photographie que  d’habitude Alexis Favre ne porte pas de pyjama . Pourquoi dĂšs lors ne perçoit-il pas que la plupart des Lamborghini qui ornent le fil X de certains bitcoineurs, sont, comme celle-ci (rĂ©cemment et collectivement conçue) de l'ordre de la plaisanterie ? Et que, lorsqu'on croise ces geeks dans la  vraie vie , id est au bar, on voit bien plus de lambeaux (par nĂ©gligence ou indiffĂ©rence) que de lambos. Il y a en tout cela une forme d'ironie et de second degrĂ©.

Peut-ĂȘtre, cependant, devrions-nous rĂ©flĂ©chir sur les limites de cette forme d'autodĂ©rision qui peut, mal perçue, nous rendre inutilement ridicules. Peut-ĂȘtre devrions-nous oublier le style trader et cultiver une Ă©lĂ©gance reflĂ©tant mieux celle de Bitcoin : la rigueur, la logique, l'efficacitĂ©. J'ai tentĂ© de le dire l'Ă©tĂ© dernier Ă  Biarritz, rappelant que trop souvent nous pouvions ĂȘtre collectivement perçus comme un  secteur d'ahuris , expression heureusement nĂ©e au sein mĂȘme de notre communautĂ© !

5 La conscience, enfin ne saurait ĂȘtre pour nous ce Ă  quoi elle est ramenĂ©e par M. Favre dans la partie la plus vaseuse de son exposé : une extension de la dĂ©licatesse esthĂ©tique et le  vague sentiment  que la marche du monde doit avoir un sens.

C'est Ă  nous de dĂ©monter cette commode et paresseuse opposition entre investissement et spĂ©culation, opposition le plus souvent moralisante, voire hypocrite, car ceux-lĂ  mĂȘme qui nous reprochent notre supposĂ©e spĂ©culation ne manquent pas d'expliquer l'utilitĂ© de cette activitĂ© quand et oĂč cela les arrange. Voyez cette page admirable.

AprĂšs tout, investir n'est jamais qu'investir un excĂ©dent, et bien peu de gens s'interrogent sur la licéïtĂ© d'un excĂ©dent : rente sociale ? extraction d'une plus-value ? recyclage de bulle monĂ©taire ? On pourrait dire comme Cyrano  bien des choses en somme . Si la marche du monde a un sens autre que de recycler les excĂ©dents extorquĂ©s Ă  autrui, il faut dĂ©couvrir ce sens, et cela c'est proprement spĂ©culer. Peut-ĂȘtre faut-il le faire non seulement Ă  la façon des spĂ©culateurs, mais aussi en mode spĂ©culatif ?

Or si le globish Ă©sotĂ©rique des apprentis-traders comme le goĂ»t de l'invective des zĂ©lotes sont des repoussoirs, les lourdes certitudes puisĂ©es dans trois livres de la mĂȘme Ă©cole Ă©conomique ou les rigides convictions politiques que ne nuance aucune culture historique profonde, c'est Ă  dire critique, sont aux antipodes de la vraie attitude spĂ©culative qui devrait ĂȘtre collectivement la nĂŽtre.

Face aux 5 raisons de ne pas investir telles que le dandy genevois les énonce, je propose 5 piliers que nous pourrions élever sur le Forum Bitcoinicus :

  1. vérité sur les espérances et la nature des gains attendus.
  2. clarté sur la nature de Bitcoin et ce qui le rend incomparable.
  3. transparence de notre langue, qui devrait permettre de s'adresser Ă  tous, puisque Bitcoin est pour tous.
  4. élégance, par la rigueur, la logique et l'efficacité.
  5. tact, sensibilité et responsabilité dans notre façon de vivre un statut de nouveau riche, qu'il soit réel ou supposé par notre entourage.
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Le 88Ăšme Repas du Coin, Ă  Paris le 13 novembre 2024

By: Jacques Favier —

Retour au spacieux Zango pour ce repas qui a rĂ©uni 42 convives, parisiens ou de Luxembourg et GenĂšve, de Bordeaux, de Lyon, de Valence, de Lille, de Rennes, de La Rochelle, d’Auxerre ou de Gisors. Des gens de tous mĂ©tiers : geeks, devs, juristes, banquiers, ingĂ©nieurs, (ancien) gendarme, psychiatre, journaliste ou vidĂ©aste 


AprÚs les « tours de tables », les conversations ont porté sur :

  • le bitcoin maximalisme face aux innovations technologiques, notamment aux usages monĂ©taires et non monĂ©taires sur ethereum ;
  • le bitcoin en tant qu’objet politique mais aussi sociĂ©tal ( le monde des rĂ©seaux, les boomers, l’immobilier etc) ;
  • les positionnements des autoritĂ©s europĂ©ennes face aux annonces de D. Trump autour de Bitcoin ;
  • le rĂŽle et l’utilitĂ© des CBDC, potentiel ou prĂ©tendu  « nouvel outil (politique / monĂ©taire) commun » ;
  • L’obsolescence (ou au minimum les risques de non maintien dans le temps) de bien des solutions, applications, sites de l’écosystĂšme, alors qu’on Ă©voque par ailleurs des usages de « capsules temporelles » adossĂ©es Ă  des caractĂ©ristiques des blockchains
  • l’inefficience de la compliance telle qu’elle est conçue aujourd’hui et que l’on pourrait obtenir aussi bien avec de la certification dĂ©centralisĂ©e pour les services publics, et de beaucoup de choses qui pourrait ĂȘtre amĂ©liorĂ©es.

MalgrĂ© le cri  » ATH !!! » qui retentit soudain, et la joie bruyante que cela a dĂ©clenchĂ© (mĂȘme si « on est lĂ  pour la tech! » toujours ) certaines conversations trahissaient cependant une forme d’inquiĂ©tude diffuse : dĂ©classement de la France et de l’Europe, temps perdus divers, utilitĂ© (ou non!) du port d’arme, voire risques de guerre civile, moins rĂ©els que ressentis par certains.

Si la fine Ă©quipe Adli Takkal Bataille et Alexandre Schtchenko a tĂŽt quittĂ© les lieux pour s’en aller sur le plateau de BFM dĂ©noncer l’hypocrisie et les biais idĂ©ologiques d’élites se rĂ©signant, comme le gouverneur de la Banque de France, si lentement Ă  Bitcoin, nombre de convives ont eux profitĂ© de l’hospitalitĂ© du lieu pour prolonger les temps d’échange dans le salon.

 

Cet article Le 88Ăšme Repas du Coin, Ă  Paris le 13 novembre 2024 est issue du site Le Coin Coin.

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148 - Ne sait quand reviendra

By: Jacques Favier —

Je remercie de tout cƓur mon ami Ryo (chaĂźne Youtube Memento Mori) pour cette belle lecture du premier chapitre de mon livre dĂ©jĂ  Ă©voquĂ© dans le billet prĂ©cĂ©dent, Aigle, crocodile & faucon Ă  paraĂźtre le 21 novembre chez Michel de Maule.

On est le 26 février 1815 en fin de journée, sur le port principal de l'ßle d'Elbe. Tous les témoins sentent que Napoléon va se lancer dans l'aventure. Mais laquelle ? Ils l'ignorent, et si les lecteurs des livres d'histoire le savent, les lecteurs de mon récit ne seront pas plus malins que les témoins.

Voici donc le moment critique, quelques heures avant le point de divergence de mon récit. Pour le plaisir d'entendre Ryo, pour attendre l'arrivée du livre par la poste ou chez votre libraire et aussi pour ceux qui n'auront pas le courage de s'attaquer au volume tout de suite (voire qui n'ont pas eu le courage de lire le billet L'historien croco et le crypto saurien).

On peut aussi l'écouter sur Spotify.

Les livres audio lus par Ryo peuvent Ă©galement ĂȘtre Ă©coutĂ©s ici :

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147 - L'historien croco et le crypto saurien

By: Jacques Favier —

Bien sĂ»r mes amis bitcoineurs pourront ĂȘtre surpris de dĂ©couvrir ma nouvelle production, mĂȘme si le totem saurien en orne malicieusement le titre.

Ceux qui suivent ce blog savent cependant que NapolĂ©on y apparaĂźt dans plusieurs billets (en rĂ©alitĂ© dans plus de 25 et j’en ai Ă©tĂ© surpris moi-mĂȘme en les comptant) et notamment dans NapolĂ©on et nous et Un bon croquis, vraiment ? Comme l’a dit un de nos amis : « Jacques Favier, vous prononcez trois fois son nom devant une bibliothĂšque, il apparaĂźt et il vous fait un cours sur NapolĂ©on ».

Enfin, Ă©videmment, j’ai prĂ©vu pour les crypto-curieux la possibilitĂ© d’acquĂ©rir Aigle, crocodile & faucon en bitcoin. Ce n’est pas chose facile, du fait de la loi sur le prix unique du livre, mais cela pourra se faire lors d’évĂ©nements communautaires. Je ne me cache pas, et le mot  Bitcoin  apparaĂźt mĂȘme sur la page 4 de couverture, comme le nom de Tintin.


Mais venons-en Ă  l'essentiel : pas plus qu'en Ă©crivant sur Tintin, je n’ai pas rĂ©digĂ© ce livre sur NapolĂ©on avec ma main gauche, ni avec d’autres lobes de mon cerveau que pour les livres consacrĂ©s Ă  Bitcoin.

Ou, pour parler comme Satoshi, I had a few other things on my mind mais I’ve not moved on to other things.

Quinze ans avant le white paper, voyant mon pĂšre qui durant quelque congĂ© s’agitait sur sa tondeuse autoportĂ©e au lieu de se reposer Ă  l’ombre de son marronnier, je le taquinai en comparant cette frĂ©nĂ©sie jardiniĂšre Ă  l’activitĂ© de NapolĂ©on sur sa minuscule Ăźle d’Elbe et lui posai soudain la question : que se serait-il passĂ© s’il y Ă©tait restĂ© tranquillement en fĂ©vrier 1815 au lieu d’enchaĂźner un pari fou, une Ă©popĂ©e jamais vue, un dĂ©sastre sans prĂ©cĂ©dent et un calvaire Ă  l’autre bout du monde ? Nous en avions devisĂ© : Ă©tait-il forcĂ© de s’agiter, pouvait-il ne rien faire ?

On reconnaĂźt lĂ  mon fond de taoĂŻsme, dont le nom La voie du Bitcoin atteste dĂ©jĂ . Lao-Tseu l'a dit : « la voie du Sage est d’agir sans lutter » 

Au-delĂ  de l’anecdotique (le tracteur paternel Ă  l’heure de la sieste) mon intĂ©rĂȘt pour l’annĂ©e 1815 a sa rationalitĂ©. C’est une annĂ©e critique Ă  tous Ă©gards, avec deux « alternances » spectaculaires (trois mĂȘme, si l’on prend la pĂ©riode avril 1814-juin 1815) autour d’un Ă©pisode sans Ă©gal dans l’histoire, ces « Cent Jours » qui sont moins le dernier Ă©clat de l’Empire que la premiĂšre rĂ©volution du 19Ăšme siĂšcle. Des alternances dont les monnaies gardent la trace !

C’est aussi le moment de vĂ©ritĂ© pour le personnage politique de NapolĂ©on, en attendant la terrible sanction qui attend le stratĂšge. AprĂšs une longue dĂ©cennie de dĂ©rive monarchique, il s’aperçoit sur l'Ăźle d'Elbe et vĂ©rifie Ă  son retour qu’il n’a plus comme soutiens, en rĂ©alitĂ©, que l'armĂ©e, des vieux jacobins et quelques jeunes libĂ©raux. Lesquels n’en sont pas moins surpris que lui. C'est cette double surprise qui me parait offrir un objet de rĂ©flexion.

Aujourd’hui les diatribes contre NapolĂ©on viennent trĂšs majoritairement « de gauche » tout en reprenant – il faut le noter – la panoplie complĂšte des calomnies forgĂ©es par les Ă©migrĂ©s et surtout par le gouvernement tory de Londres, et tout en ignorant les jugements bien plus pertinents de Marx ou d’historiens marxistes comme Antoine Casanova. Il m’a paru intĂ©ressant, en contre-point, de saisir ce moment historique oĂč le camp de gauche redĂ©couvre un Bonaparte que ses ennemis de droite ont, eux, toujours considĂ©rĂ©, selon le mot de l’autrichien rĂ©actionnaire Metternich, comme un « Robespierre Ă  cheval ».

VoilĂ  pour expliquer le choix de 1815 pour y placer mon point de divergence et y tester l’idĂ©e d’une non-action, d’une histoire alternative Ă  dĂ©velopper dans un univers virtuel. Les nombreuses uchronies qui se fondent sur l’idĂ©e d’un triomphe en Russie ou d’une victoire Ă  Waterloo ne m’intĂ©ressent pas, les hypothĂšses de base en Ă©tant (sauf improbable intervention divine !) historiquement irrĂ©alistes. Il m’a semblĂ© que, le 26 fĂ©vrier 1815, au contraire, NapolĂ©on aurait pu dĂ©cider (seul) de rester sur son Ăźle. La suite du rĂ©cit m'appartenait-elle, pour autant, en toute libertĂ© ? Cette rĂȘverie m’a accompagnĂ© durant prĂšs de 30 ans.

Entre temps, j’avais rencontrĂ© Satoshi. Dans ma famille, on n’est pas assez formatĂ© pour me pinailler sur les fonctions aristotemiques de la monnaie ou sur le fait que Bitcoin n’ait pas de « rĂ©alitĂ© tangible » : la formule canonique pour me charrier c’est « ta monnaie qui n’existe pas » et cette boutade me plait bien, parce que cela pose des questions bien plus vastes que de savoir si l’on peut mordiller une piĂšce ou froisser un bout de papier entre ses doigts. Qu'est-ce qui existe ?

Toutes les rĂ©flexions menĂ©es ou partagĂ©es sur cette monnaie gravĂ©e par une idĂ©e et battue par des calculs, cette monnaie cĂ©leste pour employer un mot de Mark Alizart, dĂ©ployant son propre espace numĂ©rique dans lequel elle a bien toutes les propriĂ©tĂ©s d’un objet tangible et toutes les qualitĂ©s d’une monnaie sui generis, je ne les ai pas cantonnĂ©es dans un coin hermĂ©tique de mon crĂąne quand, Ă  partir du confinement – situation obsidionale trĂšs appropriĂ©e au sujet – j’ai entrepris de faire enfin vivre « mon » NapolĂ©on dans son nouveau royaume.

A vrai dire, partant de Satoshi et de la grande question de sa « disparition » j’avais dĂ©jĂ , quatre ans plus tĂŽt, Ă©voquĂ© un mot de NapolĂ©on selon qui « les hommes de gĂ©nie sont des mĂ©tĂ©ores destinĂ©es Ă  brĂ»ler pour Ă©clairer leur siĂšcle ». J'y abordais surtout le personnage tel que l’imaginait Simon Leys en 1988, dans une autre uchronie oĂč il montrait comment et pourquoi l’empereur Ă©vadĂ© de Sainte-HĂ©lĂšne refusait ensuite de se manifester.

Partant, en sens inverse, de NapolĂ©on, et mĂȘme si je sais bien que le chiffre napolĂ©onien Ă©tait dans la pratique d'assez faible qualitĂ©, il y a des mots de lui qui m’ont fait penser Ă  Satoshi. Ainsi de « je lis toujours utile » car j’ai toujours pensĂ© que l’assembleur de Bitcoin avait dĂ» beaucoup amasser de savoir avant de les assembler. De mĂȘme pour « rien ne se fait que par calcul » et mieux encore « je calcule au pire » qui me semble convenir Ă  l’inventeur d’un systĂšme qui tient non sur nos vices (toute l’économie le fait) mais sur une plus faible rĂ©munĂ©ration de l’action vicieuse que de l’action conforme.

J'ai souri aussi en lisant « Il n’y a pas nĂ©cessitĂ© de dire ce que l’on a l’intention de faire dans le moment mĂȘme oĂč on le fait » et me suis demandĂ© si le jugement portĂ© sur l'un par le gĂ©nĂ©ral Bernard (le futur Vauban du nouveau monde) ne s'appliquerait pas aussi bien Ă  l'autre : « C'est peut-ĂȘtre la meilleure tĂȘte du siĂšcle, la mieux organisĂ©e. Il n'Ă©tait Ă©tranger Ă  rien, faisait tout par lui mĂȘme, il ne s'Ă©tait jamais confiĂ© Ă  personne qu'au moment de l'exĂ©cution, ayant toujours lui seul dĂ©libĂ©rĂ© et dĂ©cidĂ© de ce qui convenait le mieux ».

Au-delĂ  de ces quelques clignotants (car il ne s’agit pas pour moi, Ă©videmment, de comparer l’un des hommes les plus connus de l’histoire avec celui qui a effacĂ© presque toute trace de son existence terrestre) j’ai poursuivi ma propre expĂ©rience de pensĂ©e. Le bitcoineur qui aura le courage de me suivre entre 1815 et 1827 (j’ai donnĂ© quelques annĂ©es de vie supplĂ©mentaires Ă  mon hĂ©ros par vraisemblance et parce que c'Ă©tait utile Ă  mon rĂ©cit) retrouvera au fil des pages bien des histoires dĂ©jĂ  traitĂ©es ici : le thaler de Marie-ThĂ©rĂšse, la monnaie qui n’existait pas mais qui fit si peur au roi, la fantaisie obstinĂ©e de trois ou quatre faquins qui ont privĂ© le Louvre de trĂ©sors d’art Ă©gyptien. Il y trouvera une pique concernant l'Ă©conomie d'Aristote et des idĂ©es qui peuvent ĂȘtre les nĂŽtres : le mĂ©pris des billets sans encaisse ou le financement communautaire par exemple.

Le lecteur trouvera surtout dans mon rĂ©cit des rĂ©flexions qui peuvent ĂȘtre cruciales pour nous : sur la temporalitĂ©, sur la mass adoption et d'abord sur la souverainetĂ© et les limites d’une souverainetĂ© « personnelle » qui prĂ©occupe tant de bitcoineurs Ă  tendance fĂ©odale. NapolĂ©on, d’aprĂšs le TraitĂ© passĂ© avec ses vainqueurs en avril 1814 restait « empereur » mais il ne s’agissait plus que d’un titre honorifique viager. ConcrĂštement il n’était plus « souverain » et de maniĂšre pareillement viagĂšre que de l’üle d’Elbe. Petite robinsonnade : il « rĂ©gnait » sur un territoire 30 fois plus grand que le Liberland mais presqu’aussi dĂ©pourvu des infrastructures concrĂštes qui permettent l’exercice efficace de la souverainetĂ©.

Il se trouvait donc dans la situation inverse de celle qui faisait fantasmer Andrew Howard en dĂ©cembre dernier quand il imaginait des bitcoiners tellement riches qu’ils en deviendraient souverains de larges Ă©tendues de terre. NapolĂ©on restait souverain (et, mĂȘme vaincu, il conservait selon les notes de police un poids politique considĂ©rable en France et en Italie) mais il n’avait plus sous les bottes qu’une sous-prĂ©fecture 16 fois plus pauvre que la Corse voisine et un pĂ©cule (4 millions de francs-or) qui lui filait entre les doigts.

Or la souverainetĂ© ne consiste ni Ă  se pavaner sur un trĂŽne qui « n'est qu'une planche garnie de velours » (mot apocryphe) ni Ă  s’épargner les ingĂ©rences Ă©trangĂšres (en se faisant oublier sur l’üle d’Elbe ou sur quelque Ăźle artificielle) mais Ă  agir souverainement, concrĂštement, efficacement, sur le théùtre du monde. Il avait un exemple : le pape Pie VII, son ancien prisonnier, restaurĂ© dans ses États sans tirer un seul coup de feu et dont on disait, Ă  Londres mĂȘme, qu’aucun gĂ©nĂ©ral ne l’avait combattu aussi efficacement que le pape Ă  la tĂȘte de son Église.

NapolĂ©on dira Ă  Sainte-HĂ©lĂšne qu’il aurait pu sur l'Ăźle d'Elbe « inventer une souverainetĂ© d’un genre nouveau » et je me suis longuement interrogĂ© sur ce que ces mots pouvaient signifier. Il choisit finalement d’en revenir Ă  la forme antĂ©rieure et en perdit en cent jours toute apparence.

Ayant dĂ©cidĂ© que, dans mon rĂ©cit, il n’irait pas se faire Ă©craser Ă  Waterloo, je ne pensais pas qu’une courte sagesse consistant Ă  jardiner tranquillement sur son Ăźle aprĂšs l’avoir un peu mieux fortifiĂ©e fournirait une matiĂšre suffisante Ă  mon livre. Il fallait d’abord que, sans rentrer en France, il pose un acte souverain de nature Ă  desserrer les contraintes (financiĂšres) et les menaces (militaires) qui pesaient sur sa misĂ©rable principautĂ© et puis ensuite qu’il continue d’agir Ă  la mesure, jusque-lĂ  prodigieuse, de son imagination et de son activitĂ©.

Plus facile Ă  dire qu’à Ă©crire. Les historiens normaux, universitaires, mĂ©prisaient traditionnellement les « uchronies » jusqu’à ce que certains ne confessent que « l’histoire contrefactuelle » est aussi un puissant outil pour comprendre l’histoire tout court. Car tout, si l’on est honnĂȘte et factuel, ramĂšne Ă  la contrainte de rĂ©alitĂ© qui est incommensurable par rapport Ă  ce que l’on appelle pompeusement le « volontarisme politique » et qui est bien plus proche de l’imagination romanesque que ne le croient les « dirigeants ».

Admettons donc que NapolĂ©on ne bouge pas de sa « petite bicoque », tolĂ©rĂ© dans son coin de MĂ©diterranĂ©e et qu’il trouve le moyen de s’y fortifier, de s’y dĂ©fendre, d’y vivre en petit prince et d’y poursuivre ses rĂȘves. Ce n’est pas donnĂ© (et tout le dĂ©but de mon ouvrage vise en gros Ă  tracer les manƓuvres qui le lui ont permis dans mon univers virtuel) mais une fois ceci obtenu le reste du monde change-t-il ? Oui et non. Notez que la question se pose aussi pour Bitcoin : admettons qu’il arrive Ă  un point oĂč nul ne peut le dĂ©truire, l’interdire ou le contraindre, et qu’il soit reconnu comme une monnaie « comme les autres » : le reste du monde change-t-il radicalement ou seulement Ă  la marge ?

Personne, donc, ne va mourir Ă  Waterloo, ni mĂȘme errer comme Fabrice Del Dongo sur ce champ de bataille qui va hanter durablement l'Ăąme française. Il n’y aura ni « terreur blanche » ni « chambre introuvable » ; des centaines d’hommes politiques ne feront pas les girouettes, les anciens rĂ©gicides ne seront pas exilĂ©s et Nathan Rothschild ne fera pas de bon coup en Bourse sur ce coup-lĂ .

La France en restera au TraitĂ© de Paris signĂ© en 1814, une paix entre rois qui sent encore l'ancien rĂ©gime, et ne sera pas acculĂ©e au dĂ©sastreux TraitĂ© de Paris de 1815 qui annonce bien davantage les paix des vainqueurs que connaĂźtra le siĂšcle suivant ; elle ne versera pas 2 milliards de francs-or d’indemnitĂ©, Nice et la Savoie resteront françaises, comme quelques places fortes sur les frontiĂšres belge et allemande, que nous ne rĂ©cupĂ©rerons jamais celles-lĂ . Plus de 2000 tableaux resteront suspendus aux cimaises du Louvre et les Chevaux de Saint-Marc perchĂ©s sur l'Arc du Carrousel.

La légitimité du régime politique de la Restauration ne sera pas si sauvagement compromise ni la séculaire prétention française à la suprématie européenne si tragiquement enterrée. La démographie française ne plongera pas.

Pourtant la contrainte du rĂ©el restera forte et continuera de s’imposer Ă  NapolĂ©on sur son Ăźle mĂ©diterranĂ©enne comme Ă  l’auteur sur son clavier : Metternich et Castlereagh ont toujours un agenda rĂ©actionnaire, les Italiens veulent toujours chasser les Autrichiens, que les Prussiens regardent toujours comme un obstacle Ă  leurs ambitions, les AmĂ©ricains et les Anglais sont toujours dĂ©cidĂ©s Ă  corriger les Barbaresques et ceux-ci sĂšment toujours la terreur en MĂ©diterranĂ©e, l’AmĂ©rique du Sud veut toujours se libĂ©rer de l’Espagne. Et puis, bien sĂ»r, le Tambora explose Ă  la mĂȘme minute dans l’histoire et dans mon rĂ©cit, qui connaissent tous deux une annĂ©e sans Ă©tĂ©.

Pour construire ce que j’ai appelĂ© un « rĂ©cit » plutĂŽt qu’un roman, j’ai donc d’abord essayĂ© d’imaginer le moins possible. J'ai voulu partir des faits, des situations, des coĂŻncidences. J’ai moins relu les historiens (qui expliquent ce qui s’est passĂ© tellement finement qu’on en conclut que cela ne pouvait que se passer) que les tĂ©moins : correspondances et mĂ©moires livrent les « petits faits vrais » dont parlait Stendhal, des coĂŻncidences, des traces d’évĂ©nements oubliĂ©s. J’ai aussi passĂ© des heures dans les catalogues de ventes publiques consacrĂ©es aux autographes ou aux reliques napolĂ©oniennes. Mes lecteurs connaissent mon goĂ»t des reliques, ces objets fĂ©tiches.

AprĂšs cela (osons le dire) j'ai, comme Satoshi, moi-mĂȘme agencĂ©. Parce que le problĂšme posĂ© Ă  NapolĂ©on enfermĂ©, appauvri et menacĂ© sur son Ăźle Ă©voque un peu un triangle d’incompatibilitĂ©.

Comme je le dis en introduction de mon livre, tous les faits prĂ©cisĂ©ment datĂ©s et antĂ©rieurs au 26 fĂ©vrier 1815 Ă  dix-huit heures sont exacts et de façon surprenante, bon nombre de faits ultĂ©rieurs le sont Ă©galement. Tous les personnages nommĂ©s ou seulement dĂ©signĂ©s par un nom de lieu ont rĂ©ellement existĂ©, mĂȘme si certains sont demeurĂ©s parfaitement inconnus. Enfin de nombreux propos et Ă©crits, empruntĂ©s Ă  des sources crĂ©dibles, sont littĂ©ralement reproduits mĂȘme si je les ai rĂ©agencĂ©s dans le temps pour les besoins de mon rĂ©cit.

Contrairement Ă  tous les historiens qui accumulent les faits pour montrer que NapolĂ©on Ă©tait pris au piĂšge – ou plutĂŽt aux piĂšges – et que seul demeure encore obscur le point de savoir si ceux qui avaient tendu ces rets ne furent pas eux-mĂȘmes un peu surpris de l’évĂ©nement, j’ai montrĂ© qu’un certain agencement de faits et d’effets lui offrait l’occasion des « soudaines inspirations qui dĂ©concertent par des ressources inespĂ©rĂ©es les plus savantes combinaisons de l’ennemi » comme on l’avait dit une vingtaine d’annĂ©es plus tĂŽt en Italie.

Une fois rĂ©ussies la sortie de l’histoire et l’entrĂ© dans le rĂ©cit, j’ai tenu Ă  ce que celui-ci demeure historiquement crĂ©dible, donc sans odyssĂ©e conquĂ©rante Ă  travers l'Orient, l'Asie et jusqu'Ă  la Chine comme dans ce qui est considĂ©rĂ© comme la premiĂšre uchronie de l’histoire, celle de Geoffroy-ChĂąteau en 1836). J'ai voulu aussi que mon rĂ©cit s’inscrive dans une temporalitĂ© rĂ©aliste, dans une temporalitĂ© du post hoc ergo propter hoc que connaissent bien ceux qui comprennent la blockchain.

Le systĂšme de contraintes a Ă©tĂ© desserrĂ©, mais elles demeurent. Inversement le geste de NapolĂ©on au point de divergence crĂ©e une premiĂšre onde de choc, diffĂ©rente de celle suscitĂ©e par son retour, mais non nĂ©gligeable : il ne fait pas rien, mais autre chose. Il agit sans lutter. L’onde de l’évĂ©nement alternatif se propage dans le temps du rĂ©cit, avec les rĂ©actions des divers acteurs. Elle est suivie d’autres initiatives de NapolĂ©on, anticipant ou rĂ©agissant Ă  d’autres faits historiques : la piraterie des barbaresques, l’insurrection de l’AmĂ©rique latine, la revendication dans de nombreux pays d'un gouvernement constitutionnel, etc.

Ce second temps du rĂ©cit est, pour qui tente d’imaginer l’histoire, aussi difficile que pour qui tente de deviner le futur (chose que l’on demande toujours niaisement Ă  l’historien). Comme je l’avais fait pour Bitcoin, j’ai rĂ©flĂ©chi en termes de mĂ©tamorphoses. NapolĂ©on est un camĂ©lĂ©on, les peintres l’ont bien montrĂ© et de son vivant mĂȘme on a dit qu’il y avait plusieurs hommes, ou qu’un grenadier avait pris sa place aprĂšs sa mort en Russie.

J’ai fait un choix. Saisissant NapolĂ©on au moment oĂč il est dĂ©sarmĂ©, les plus hauts faits que j’aborde sont ceux qui n’auront pas lieu. Parce que dĂ©libĂ©rĂ©ment « mon » NapolĂ©on est un ĂȘtre de raison qui renonce Ă  l’aventure. Il l’avait dit Ă  Caulaincourt en 1812, qu'il n'Ă©tait pas « un Don Quichotte qui a besoin de quĂȘter les aventures ». Il dĂ©cide de revenir Ă  son personnage, le seul qui puisse « dĂ©passer NapolĂ©on » : Bonaparte, le pacificateur et lĂ©gislateur. Mon NapolĂ©on est donc conforme Ă  ce que l’on disait de lui avant le Sacre, le « plus civil des gĂ©nĂ©raux ». Et pour dire les choses crĂ»ment, il penche non seulement pour la paix mais aussi pour les « idĂ©es du siĂšcle » et non vers les fastes et « les prĂ©jugĂ©s gothiques ».

Cette Ă©volution n’est pas totalement un choix arbitraire ou complaisant de ma part. C’est celle que le prisonnier de Sainte-HĂ©lĂšne a rĂ©ussi Ă  suggĂ©rer, posant au Messie de la RĂ©volution. Seulement, au lieu de dire ce qu’il « aurait pu » ou ce qu’il « voulait » faire, il le fait dans la mesure de ses moyens. Au lieu de cĂ©der Ă  ce que l’historien contemporain Emmanuel de Waresquiel dĂ©crit comme « la tentation de l’impossible » en 1815, il tente ce qui est possible de 1815 Ă  sa mort.

Évidemment, il y a la tĂąche du rĂ©tablissement de l’esclavage. S'intĂ©resser Ă  NapolĂ©on est-il dĂšs lors une faute morale ?

À Sainte-HĂ©lĂšne, peut-ĂȘtre du fait de la frĂ©quentation de l'esclave Toby qu'il voulut racheter, comme dans mon rĂ©cit, NapolĂ©on est conscient de la tĂąche, et moi aussi, bien sĂ»r. Insuffisamment Ă©voquĂ©e jadis (on lui a bien plus reprochĂ© l’exĂ©cution du duc d’Enghien) elle obnubile aujourd’hui pratiquement toute l’épopĂ©e et condamne le hĂ©ros au bannissement en 140 signes : on ne peut pas, on ne doit pas s’intĂ©resser Ă  quelqu’un qui a commis cela. L'acte est nul : le personnage doit l'ĂȘtre Ă©galement.

Brisons l'idole... mais cela a déjà été fait, et pas qu'un peu. Et toujours en vain.

L’une de ses plus violentes ennemies, la reine de Sicile (sƓur de Marie-Antoinette) le considĂ©rait pourtant Ă  la fois comme « l’Attila, le flĂ©au de l’Italie » et comme « le plus grand homme que les siĂšcles aient jamais produit ». Nous ne semblons plus capables d’ambivalence : Ridley Scott le prĂ©sente comme un minus, l’Ɠil vide, dominĂ© par sa femme ou par les Ă©vĂ©nements. C'est peu crĂ©dible, mais un autoritaire belliqueux ne mĂ©ritent guĂšre d'Ă©gards posthumes. C’est ainsi l’opinion courante sur X, hors quelques chapelles bonapartistes dont les dĂ©vots caricaturaux ne perçoivent la lumiĂšre qu’au travers de vitraux trop chamarrĂ©s. Il faut Ă©chapper Ă  ces courtes vues.

Je me demande souvent (et on a senti un petit frisson au moment du rĂ©cent teasing de HBO) ce que les bitcoineurs diraient de Satoshi s’ils apprenaient qu’il battait sa femme, sĂ©questrait sa domestique philippine ou avait violĂ© son neveu ? Le Bitcoin fonctionnerait-il moins bien si Satoshi n'Ă©tait pas un smart guy ou seulement s'il n'Ă©tait pas adepte de l'Ă©conomie autrichienne ?

Passant ainsi, par posture morale, Ă  cĂŽtĂ© du « plus grand homme du plus grand peuple » comme l’écrivit plus tard son frĂšre aĂźnĂ©, le risque est grand de passer aussi Ă  cĂŽtĂ© de ces trĂšs grands hommes que furent ceux qui le servirent. Car presque tous le servirent, comme le remarqua tout de suite l’impertinent Rivarol (mort en 1801) : « ils le servent au lieu de s’en dĂ©faire ». Et pas seulement des sabreurs : depuis l’incroyable entreprise scientifique que fut l’expĂ©dition d’Égypte jusqu’aux derniĂšres heures aprĂšs Waterloo, il fut entourĂ© de savants comme Monge, ContĂ©, Laplace, Chaptal, LacĂ©pĂšde, Fourier.


Ce dernier joue un certain rĂŽle dans mon rĂ©cit. Imaginerait-on, aujourd’hui, un prĂ©fet capable d’inventer un outil mathĂ©matique, de travailler sur la thĂ©orie analytique de la chaleur, de formuler, le premier, l’hypothĂšse de l’effet de serre tout en recevant la belle sociĂ©tĂ© et en protĂ©geant le jeune gĂ©nie qui allait dĂ©chiffrer les hiĂ©roglyphes ?

Oublier volontairement NapolĂ©on, c’est oublier les Français durant 15 ans. Et mĂȘme, puisqu’on ne va pas non plus cĂ©lĂ©brer les rois qui le suivirent, on en vient Ă  se rĂ©veiller miraculeusement en 1848 (avec enfin l’abolition de l’esclavage) sans trop s’appesantir sur le destin qui conduit de nouveau la RĂ©publique et la France sous la coupe d’un Bonaparte. DĂ©cidĂ©ment, mieux vaut lire l’histoire dans Marx que sur X. En arrĂȘtant Ă  Brumaire (voire Ă  Thermidor) la marche de l’Histoire telle qu’on rĂȘverait (aujourd’hui) qu’elle ait Ă©tĂ©, on fait passer Ă  la trappe un demi-siĂšcle de la vie des Français et l’aventure de la plus Ă©tonnante gĂ©nĂ©ration de nos ancĂȘtres, ceux qui comme NapolĂ©on Bonaparte avaient 20 ans en 1789.

Quel sens donner à l’aventure que j’imagine ?

La dĂ©faite de 1814 et la Restauration avaient dĂ©barrassĂ© NapolĂ©on de pas mal d’illusions et de la plus grande partie de la vermine d’Ancien RĂ©gime qu’il avait eu le grand tort de croire ralliĂ©e. Je ne pense donc pas avoir cĂ©dĂ© Ă  une passion personnelle en supposant que, dans la nouvelle Ăšre que mon rĂ©cit permet, NapolĂ©on devait de nouveau s’appuyer sur les « bleus » contre la France « blanche » et la « Sainte-Alliance », sur des savants contre les notables, sur des jeunes ardents contre les fatiguĂ©s.

Talleyrand le lui avait (peut-ĂȘtre) dit : on peut tout faire avec des baĂŻonnettes, sauf s’asseoir dessus. PrivĂ© d’armements et donc de l’ultima ratio regum, il ne lui reste que ce que les plus intelligents de ses ennemis lui reconnaissent : sa prodigieuse capacitĂ© de calcul, son instinct stratĂ©gique, son coup d’Ɠil tactique mais aussi ce que ses vrais vainqueurs, le tsar et le pape lui ont appris : reculer, user la force de l’ennemi ou mĂȘme s’en servir, et souvent attendre. Pour me couler dans cela, j’ai aussi dĂ» affronter l’une des grandes questions qui agitent les bitcoineurs, la « temporalitĂ© ».

Bonaparte, tout au long de sa carriÚre, gÚre une « mass adoption »

Il déclare aprÚs Brumaire que « la Révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée : elle est finie ». Ce mot, qui a tant plu et rassuré alors, lui est aujourd'hui reproché par les belles ùmes.

Quels qu’aient Ă©tĂ© ses choix ensuite, y compris la fĂącheuse dĂ©cision d’enlever les mots « RĂ©publique française » des monnaies 5 ans (quand mĂȘme) aprĂšs son sacre, il n’a jamais souhaitĂ© revenir sur la RĂ©volution. Il disait seulement, Ă  sa façon, en avoir clos ce que LĂ©nine aurait peut-ĂȘtre appelĂ© la maladie infantile : « J'ai refermĂ© le gouffre de l'anarchie et dĂ©brouillĂ© le chaos ». Quinze ans de consolidation, essentiellement juridique, des « immortels principes » grĂące aux fameux Codes et puis la France se retrouve, sans lui et sans son despotisme, en monarchie certes constitutionnelle mais Ă  forte tentation rĂ©actionnaire.


Encore faudrait-il mesurer la vitesse de percolation. Il y a une anecdote savoureuse, rapportĂ©e par un tĂ©moin occulaire (le trĂ©sorier Peyrusse) et collationnĂ©e par Thiers dont je colle ici l'extrait. C'est, lors du  vol de l'Aigle  (je n'ai donc Ă©videmment pas pu la reprendre dans mon rĂ©cit) la rencontre avec une gardienne de vaches, dans les Alpes, qui ne sait mĂȘme pas qu'Ă  Paris, le roi a, depuis dix mois, remplacĂ© l'Empereur, qui se tient devant elle dans sa masure... et en sort « tout pensif » !

La « mass adoption » des idées nouvelles semble avoir été bien lente, en mettant le T=0 à la nuit du 4 août.

Qu'en sera-t-il pour celle que l'on ferait courir du 1er novembre 2008 ? J’ai citĂ© l’an passĂ© Ă  Biarritz un texte de Aleksandar Svetski, fondateur du Bitcoin Times dans lequel il notait que les bitcoiners ont une tendance Ă  surestimer la vitesse avec laquelle Bitcoin va envahir le monde et devenir une monnaie largement acceptĂ©e. Notamment parce que, considĂ©rant celui-ci sous l'angle pratique et technologique, ils Ă©tablissent des comparaisons avec l'adoption de techniques disruptives antĂ©rieures. Il rappelait qu'avec Bitcoin, le jeu Ă©tait aussi politique et culturel : on joue ici avec les plus grands enjeux, pour les plus grands gains, contre les plus grands ennemis - Ă  la fois externes et internes; on se bat Ă  la fois contre l'establishment et contre les cultures dans lesquelles nous avons nous-mĂȘmes (encore pour bon nombre) Ă©tĂ© Ă©levĂ©s.

Telle est probablement la situation de la société française en 1815. On verra qu'avec malice, j'ai fait en sorte que la « non-action » accélÚre la marche de l'Idée.

Si la vie m'en laisse le temps et si je trouve des Ă©diteurs, mes prochaines publications ne concerneront toujours pas Bitcoin mais resteront virtuelles puisqu'il pourrait s'agir... de femmes qui, de toute leur vie, n'ont laissĂ© qu'une seule trace, ou d'un homme qui en a laissĂ© une, mais sans avoir jamais existĂ©. Et il ne sera plus question de l'Empereur, c'est promis ! Je resterai tel que j'ai tentĂ© de me dĂ©finir un jour : un  historien local, rĂȘveur et virtuel .

(suite)

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Le 87Ăšme Repas du Coin, Ă  Angers le 11 septembre 2024

By: Jacques Favier —

Cela faisait longtemps qu’il Ă©tait envisagĂ© ce repas angevin, et ce fut un grand succĂšs, saluĂ© tant par les bitcoineurs « de l’étape » que par leurs visiteurs!

38 convives, dont un nombre respectable de parisiens consentant Ă  prendre le TGV, mais aussi des amis de Bordeaux, Lille, Rennes et Luxembourg, et bien sĂ»r un trĂšs gros contingent de Nantes et d’Angers. PrĂšs de deux tiers de convives participaient pour la premiĂšre fois Ă  notre Repas, et l’expĂ©rience a manifestement plu Ă  tous !

Confortablement installĂ©s chez Pont-Pont, face au chĂąteau du bon roi RenĂ© (qui, lui, n’était pas Ă  Angers ce jour-lĂ ) et servis par un jeune homme enthousiaste du Bitcoin (ce n’était pas prĂ©mĂ©ditĂ©) les convives, installĂ©s en terrasse dĂšs midi pour l’apĂ©ritif ont, pour les derniers, quittĂ© les lieux passĂ© quatre heures.

Parmi les sujets abordĂ©s, outre d’assez longs tours de table pour permettre Ă  chacun de se prĂ©senter et de prĂ©senter son parcours et sa rencontre avec Bitcoin :

  • l’impossibilitĂ© d’une vraie discussion en France sur les sujets de mining, en lumiĂšre de l’expĂ©rience concrĂšte du parc du Virunga
  • l’avancĂ©e du Bitcoin au Salvador (oĂč l’un des convives entend s’installer)
  • la privacy et les covenants, ces mĂ©canisme qui imposent des conditions spĂ©cifiques sur le scriptPubKey pour verrouiller un UTXO dans la transaction suivante
  • les besoins d’accompagnement des nouvelles associations Bitcoin, notamment sur la gestion de leur trĂ©sorerie en bitcoin
  • le Bitcoin Economic Forum et Surfin Bitcoin
  • la dĂ©rive alt right  perceptible chez certains cryptos et qui est loin de faire l’unanimitĂ©
  • les perspectives liĂ©es aux Ă©lections amĂ©ricaines, et les espoirs plus ou moins lĂ©gitimes au regard de la situation faite Ă  Bitcoin dans ce pays, mais Ă©galement des consĂ©quences sur la valeur du jeton
  • la rĂšglementation et la rĂ©gulation, que ce soit sur les cryptos ou l’IA
  • le bitcoin  en tant que monnaie frugale mais aussi l’argent, le jeu, les casinos
  • les brokers/exchanges « à la française » et le cartel bancaire
  • l’actualitĂ© politique française, navrante, n’a pas Ă©tĂ© citĂ©e comme une forme particuliĂšrement rĂ©ussie de gouvernance.

Certains des convives se sont retrouvĂ©s le soir dans le cadre de la confĂ©rence organisĂ©e par Emmanuel Harrault avec la Jeune Chambre de Commerce dans le cadre de l’UniversitĂ© Catholique de l’Ouest.

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Le 86 Ăšme Repas du Coin Ă  Granville le 17 juillet 2024

By: Jacques Favier —

TroisiĂšme repas « normand » aprĂšs ceux de Bayeux en 2022 et de Caen au printemps, au sommet de la Ville Haute de Granville, jadis vraie place forte Ă  l’architecture militaire typique de la fin de l’Ancien RĂ©gime. Ce qui donne une leçon : comme les systĂšmes informatiques de sĂ©curitĂ©, les systĂšmes de dĂ©fense doivent eux-mĂȘmes pouvoir se protĂ©ger.

Comme il arrive souvent (mĂȘme hors vacances) plusieurs convives campaient au cafĂ© le plus proche avant le dĂ©but du repas.

Dix-sept convives Ă  la ContreMarche, dont de courageux parisiens ayant pris le train, des amis de Caen, Rouen, Saint-LĂŽ ou Arromanches et Ă©videmment un « inclassable », RĂ©mi, le capitaine du Satoboat Ă  qui l’on a par la mĂȘme occasion souhaitĂ© un heureux anniversaire tout en rappelant les rĂšgles du Repas.

Parmi les sujets abordés:

  • Le sempiternel rĂ©cit des dĂ©couvertes de Bitcoin par les uns ou les autres, avec quelques aveux troublants et comiques
  • Le rĂ©cit par capitaine du Satoboat de ce qui a dĂ©cidĂ© de son aventure : un pari anodin ! Il a exposĂ© ensuite ses projets de professionnalisation de ses talents de navigateur. Il va faire un airbnb dans son prochain catamaran et vendra des sĂ©jour touristiques aux riches bitcoiners.
  • On a parlĂ© des aventure entrepreneuriales de Nicolas Cantu qui depuis 3 Ă  4 ans capture le mĂ©thane des paysans pour crĂ©er une Ă©nergie servant ensuit Ă  miner du bitcoin. ParallĂšlement, il a Ă©tendu ses propositions de services et rachĂšte les dĂ©jections de leurs animaux qu’ils traitent puis mĂ©lange avec du leur sable dont voulaient se dĂ©barrasser les mĂȘme paysans. Lui l’utilise l’ensemble pour crĂ©er des isolants naturel. Pas cher. Inerte. Inodore. Encore un bitcoineur qui ne ressemble pas aux Ă©cocides complaisamment dĂ©crits par certains !
  • On a beaucoup parlé des premiers minages des uns et des autres il y a 10 ans parfois: quand on minait du Litecoin Ă  la carte graphique pour acheter du Bitcoin
  • On a Ă©voquĂ© l’indĂ©cidable question de savoir si la divisibilitĂ© trĂšs grande du Bitcoin rĂ©solvait ou pas les problĂšmes (d’ailleurs pas faciles Ă  lister) que crĂ©e (ou crĂ©erait) son montant fini : aucun consensus n’a pu s’établir
  • On a Ă©voquĂ© les durs combats des cryptogirls
  • On a parlĂ© de dĂ©terminisme social et physique, de mĂ©rite et de libertĂ©.
  • On a admirĂ© les reliures de Bernard Pottier, qui a montrĂ© quelques crĂ©ations, dont des « AcĂ©phales » et aussi un Ă©tonnant Ă©phĂ©mĂ©ride taillĂ© pour servir un siĂšcle!

Le repas achevĂ©, plusieurs convives ont suivi RĂ©mi jusqu’à son ponton pour le regarder hisser le drapeau orange !

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Le 85 Ăšme Repas du Coin , Ă  Paris le 12 juin 2024

By: Jacques Favier —

Retour au Zango et Ă  ses saveurs exotiques pour ce diner faisant suite Ă  une rĂ©union de travail de quelques membres courageux du Cercle du Coin en fin d’aprĂšs-midi.

En dĂ©but de soirĂ©e ce sont 43 convives venus de loin (Barcelone, Oslo) mais aussi de Luxembourg et Bruxelles, de Toulouse, Bordeaux, Lyon, Lille, Beauvais ou Auxerre, sans compter ceux qui n’avaient eu qu’une centaine de pas Ă  faire depuis leurs bistrots prĂ©fĂ©rĂ©s qui se sont retrouvĂ©s, malgrĂ© la tenue le mĂȘme jour de la soirĂ©e d’anniversaire de la vieille Maison du Bitcoin de la rue du Caire.

Jacques Favier, en rappelant, notamment pour la quinzaine de convives qui participaient pour la premiĂšre fois Ă  cet Ă©vĂ©nement, les rĂšgles anciennes qui le rĂ©gissent, a mis en garde contre l’importation dans la communautĂ© crypto « de fĂącheux clivages et de lamentables aigreurs » que les passions qui fleurissent en pĂ©riode de guerres ou d’élections pourraient susciter.

Poisson Yassa et riz jollof, bƓuf larmes du tigre et autre spĂ©cialitĂ©s de la « cuisine du voyage » de l’établissement ont participĂ© Ă  cette convivialitĂ© qui fait le sel de ces rencontres.

Parmi les thÚmes abordés aux 7 tables :

  •  les diffĂ©rents exchanges et le trou laissĂ© par FTX, suivi par une rĂ©gulation qui empĂȘche de pouvoir avoir accĂšs Ă  certaines fonctionnalitĂ©s,
  • la diffĂ©rence entre un broker et un exchange (pas claire pour certains convives) mais abordĂ©s Ă  plusieurs tables du fait de la prĂ©sence parmi les convives de nombreux professionnels  membres de Paymium, d’Aplo, de Delubac, d’équipes de gestionnaires de gestion de fortune,
  • l’évolution du protocole Bitcoin (gouvernance avec les BIP), sa rĂ©silience et sa rĂ©sistance Ă  la  censure,
  • Le schisme qui se profile Ă  l’horizon entre les BTC tout propres sous l’angle du KYC (coinbase, ETFs, etc) et les vilains,
  • la rĂ©gulation, la conformitĂ© et MICA avec l’idĂ©e exprimĂ©e par un professionnel que ça verrouille le marchĂ© et que cela forcera les petits Ă  plier boutique,
  • les coĂ»ts consĂ©quents de tels obligations et la situation au niveau europĂ©en, amenant ces fameux petits Ă  se vendre Ă  des gros venu d’ailleurs,
  • la DeFi et  les NFT (discussion autour d’un projet pour rendre persistant un NFT sur le long terme avec les ordinals),
  • Phoenix, et la sĂ©curitĂ© de son nƓud, sa disparition des app Store US qui a fait beaucoup rĂ©agir et attend un Ă©claircissement pour revenir,
  • le Salvador, sa politique et l’usage de Lightning avec Blink, ou les ATM Chivo avec 0% de change,
  • les affaires Roman Sterlingov (bitcoin fog) et Keonne Rodriguez,
  • le made in France et le repositionnement de Paymium sur le B2B,
  • la place des femmes dans la Crypto (la prĂ©sence fĂ©minine se renforçant sensiblement au fil des repas),
  • les tiers-lieux et le financement de projets alternatifs,
  • la passion crypto qui permet d’ĂȘtre libre et, pour certain, de vivre sa vanlife !

Les sujets politiques ont bien Ă©tĂ© abordĂ©s, mais sans provoquer d’animositĂ© : les bitcoineurs français qui connaissent eux-mĂȘmes  des saisons assez mouvementĂ©es dans l’écosystĂšme ne peuvent s’empĂȘcher de chercher Ă  savoir s’ils n’ont pas pas glissĂ© dans une faille spatio-temporelle tellement la spectacle politique actuel est affligeant. L’ironie des amis belges prĂ©sents Ă©tait prise avec le sourire !

PassĂ© minuit, nombre de convives ont Ă©tĂ© happĂ©s par la nuit du quartier, et les Pisco Sours du Sof’s Bar, toujours QG du Cercle !

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Le 84Ăšme Repas du Coin, Ă  Luxembourg le 15 mai 2024

By: Jacques Favier —

Retour Ă  Luxembourg longtemps diffĂ©rĂ©, souvent rĂ©clamĂ© par les amis bitcoineurs (nombreux) du Grand-DuchĂ©. Craignant soudain de n’offrir Ă  cette belle journĂ©e qu’une piĂštre mĂ©tĂ©o, l’une de celle-ci nous avait envoyĂ© la vue ensoleillĂ©e qui sert de bandeau Ă  ce compte-rendu. Mais il n’était pas  assurĂ©, s’excusait-elle par avance, que la terrasse puisse servir


Certes nul n’a pu bronzer, mais les cryptos en ont vu d’autres et tout s’est fort bien passĂ©, le soleil rĂ©gnant dans les assiettes du restaurant italien (de quoi ajouter une touche de cosmopolitisme typique du pays) au nom et Ă  l’adresse prĂ©destinĂ©s (21 avenue de la LibertĂ©).

Une bonne vingtaine de locaux, pour 36 convives en tout rĂ©unissant comme cela n’était pas arrivĂ© depuis un certain temps Ă  la fois des Français (venus de Metz, Nancy, Paris et Bordeaux) mais aussi des Belges et un membre fondateur du Cercle, venu de NeuchĂątel.

Beau mĂ©lange aussi de bitcoineurs pour certains historiques, de vieux acteurs de l’écosystĂšme, de traders, de juristes et de nouveaux enthousiastes (avec toujours un peu de web3 comme des Ă©toiles dans les yeux)

AprĂšs le mot d’accueil par Adrian Sauzade, et de longs tours de table oĂč chacun se prĂ©sente, les conversations ont roulĂ© sur les sujets les plus divers, quelques uns conservant d’ailleurs un Ɠil sur le cours qui a saluĂ© l’évĂ©nement par une jolie reprise :

  • la traçabilitĂ©, le mixage et les enjeux juridiques actuels, y compris aux États-Unis ou aux Pays-Bas ;
  • les dĂ©rives de la lutte contre le blanchiment et boulimie rĂ©glementaire en matiĂšre de KYC à l’aune du grignotage des libertĂ©s fondamentales que ça reprĂ©sente (autour d’une initiative d’Alexandre Stachtchenko) et notamment le rĂŽle de l’État et le curseur de son intervention aux diffĂ©rents Ă©tages d’expression de la puissance publiquue
  • l’intĂ©rĂȘt pour la dĂ©centralisation monĂ©taire et financiĂšre en corollaire de la dĂ©centralisation politique, idĂ©alement garante d’une meilleure cohĂ©sion sociĂ©tale et d’une meilleure efficience du processus de dĂ©cision au plus prĂšs des populations
  • les opportunitĂ©s de l’IA dans les activitĂ©s cryptos ; et notamment celles qu’ouvrira la description automatisĂ©e d’objets les plus divers ;
  • les blocages divers auxquels rĂȘvent les autoritĂ©s (comme celui du Tik-Tok)
  • l’intĂ©gritĂ© numĂ©rique et sa rĂ©ception de plus en plus favorable par les opinions, notamment en Suisse, autour d’une initiative d’Alexis Roussel)
  • les intentions rĂ©vĂ©lĂ©es par quelques programmes politiques (notamment du cĂŽtĂ© du Parti socialiste ou « Defi » – ça ne s’invente pas – en Belgique) et l’intĂ©rĂȘt que suscite le Parti Pirate du fait de plusieurs prises de positions rĂ©centes.
  • les combats d’un cĂ©lĂšbre ange exterminateur contre les scammeurs


Le repas s’est achevĂ© par une placement de produit imprĂ©vu mais bien agrĂ©able par Philippe Martin et AnrĂ© Stilmant. BrassĂ©e avec soins dans la Silicon la ₿ouliche est une biĂšre blonde, lĂ©gĂšre et rafraĂźchissante, avec des notes subtiles de houblon et de malt qui vise Ă  incarner l’esprit du bitcoineur : audacieuse, innovante et Ă  la fois authentique !

Tous les convives se sont retrouvĂ©s le soir, avec plusieurs dizaines de Luxembourgeois (travailleurs remarquables donc trop occupĂ©s Ă  midi) lors du meet-up organisĂ© par Yves-Laurent Kayan (Asymkey) sur la Place d’Armes.

Un dernier mot : qui a dit que les cryptos étaient paranos ? 

 

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Le 83Ăšme Repas du Coin, Ă  Caen le 10 avril 1924

By: Jacques Favier —

Deux repas presque coup sur coup, pour répondre à la demande et non pour organiser un contre-événement à la PBW !

Dix neuf convives (une seule dĂ©fection) Ă  la Taverne, dĂ©jĂ  connue des services de police comme QG de la bitcoinie caennaise, mais avec un bon lot de gens venus de toute la Normandie (Saint-LĂŽ, Bayeux, Rouen et Paris) et mĂȘme de rennais ayant rĂ©ussi Ă  franchir la frontiĂšre.

Les conversations ont porté sur des sujets  de trois types :

  • bitcoin :  dĂ©couverte par chacun de Bitcoin (deux convives prĂ©sents dans l’embryon de communautĂ© en 2011, avec quelques dĂ©boires savoureux et non publiables), tentative de dĂ©finition du « maximalisme »,  opportunité offerte par le  LN pour les commerces de dĂ©tail, histoire des BIP, politique actuelle et Ă  venir du Cercle du Coin et importance d’y adhĂ©rer pour une dĂ©marche juridiquement ciblĂ©e en cours de dĂ©finition.
  • blockchains et technologies diverses : tentatives de minimisation des traces carbone, token de crĂ©dit carbone, histoire des forks, notamment « le » fork historique de ethereum.
  • science et politique : enjeux et risques autour de l’iris de l’Ɠil comme signature ou comme actif tokenisĂ©, utilisation de la puissance des moteurs de bateau pour le minage de bitcoin, lĂ©gislation, impact de Mica, nĂ©cessite pour l’IA de disposer de donnĂ©es (un sujet qui peut faire froncer les sourcils chez les bitcoineurs).

La salle offrait aussi une belle exposition sur le thÚme « Nos logos »,

 

Séance de signature avant de reprendre le train :

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